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Les polychlorures d'aluminium dans le traitement des eaux de la Meuse

30 juillet 1978 Paru dans le N°26 à la page 29 ( mots)
Rédigé par : W.-j. MASSCHELEIN et J. GENOT

L’obtention d'une eau potable à partir d’une eau de rivière nécessite plusieurs processus unitaires de traitement parmi lesquels la coagulation-floculation est de première importance.

La production ces dernières années d'un nouveau type de floculant inorganique à base d’aluminium nous a incités à expérimenter la possibilité de remplacer le sulfate d'alumine utilisé jusqu'à présent par un polychlorure d’aluminium.

Ces produits auraient comme avantages potentiels : une réduction notable de la quantité de réactif à ajouter à l'eau, une coagulation plus rapide et une floculation plus importante, même à basse température, la suppression éventuelle des adjuvants de floculation classiques tels que la silice activée, et une diminution du taux de correction nécessaire à la neutralisation de l'agressivité des eaux floculées.

Cette correction moindre serait rendue possible à la fois par la réduction de la dose de floculant utilisé ainsi que par l’hydrolyse du produit prépolymérisé, consommant moins de bicarbonate.

Les produits prépolymérisés et préhydrolysés nécessitant des procédés de fabrication plus élaborés sont généralement plus purs, notamment en ce qui concerne la teneur en métaux lourds.

1. OBJET DE L’ÉTUDE

Il est essentiel afin de comparer expérimentalement l'efficacité de coagulation-floculation des polychlorures d’aluminium et du sulfate d’alumine de se fixer des critères de comparaison.

1.1. Le premier critère que nous avons retenu, car nous l'utilisons en usine depuis de nombreuses années, est l’obtention d'un potentiel zêta peu élevé ou nul dans les eaux coagulées.

En effet, pour obtenir une neutralisation complète de la charge colloïdale et éviter une turbidité de l'eau filtrée, il est nécessaire de doser le sulfate d’alumine de telle sorte que le potentiel zêta de l'eau coagulée soit aussi proche que possible de zéro.

Le concept le plus classique permettant d’expliquer cette hypothèse de travail est la règle de « Schultze & Hardy » selon laquelle l'introduction de charges opposées à celles du colloïde détermine une neutralisation de cette dernière, entraînant une diminution de la mobilité électrophorétique avec floculation subséquente.

[Photo : La Meuse à YVOIR (Belgique).]

1.2. Les promoteurs des polychlorures d’aluminium prônent, quant à eux, la mesure de la turbidité du surnageant d'un essai de Jar test.

La coagulation optimale est atteinte alors que la déstabilisation des colloïdes pourrait encore être incomplète. Ce concept s’inscrit dans la ligne de la coagulation par pontage.

Dans ce mécanisme, la coagulation est obtenue par incorporation dans la couche de Stern du colloïde, de charges positives d'un produit polymère, intermédiaire d'hydrolyse du coagulant (1). Cette option s’inscrit dans la ligne d'utilisation des polymères cationiques comme coagulants. En fait, les polychlorures d’aluminium reprennent le même concept dans le domaine des produits inorganiques. On peut donc s’attendre à une floculation plus rapide par utilisation d'un réactif prépolymérisé par rapport à celle obtenue par un réactif hydrolysable.

1.3. L'essai en vraie grandeur dans notre usine de Champale à YVOIR (Belgique) a permis de tester dans le traitement l'efficacité d'un des produits de type préhydrolysé et prépolymérisé ou à polymérisation rapide.

2. PARTIE EXPÉRIMENTALE

2.1. Caractéristiques des produits utilisés

2.1.1. Sulfate d’alumine : solution de sulfate d’alumine à 8,3 % Al₂O₃

pH : 2,6

Poids spécifique : 1,335 kg/l

Teneur en Al₂O₃ : 8,3 % en poids

2.1.2. « WAC » : solution de polyhydroxychlorure d’aluminium 10 % en Al₂O₃

pH : 2,3 à 3

Poids spécifique : 1,2 kg/l

Teneur en Al₂O₃ : 10 % en poids

Teneur en Cl : 9,2 % en poids

2.1.3. « PAC » : solution de polychlorure d’aluminium à 6 % en Al₂O₃

pH : 2,5 Poids spécifique : 1,25 kg/l Teneur en Al₂O₃ : 6 % en poids

2.1.4. « HERLIFLOC » : solution d’hydroxychlorure d’aluminium

pH : 2,6 Poids spécifique : 1,2 kg/l Teneur en Al₂O₃ : 10 à 12 % en poids

2.2. Pureté des réactifs

2.2.1. Les polyhydroxychlorures d’aluminium, sulfatés ou non, correspondent à la formule globale :

n[Al(OH)₃ₙ₋ₓClₓ] · ₙ[SO₄]₀,₂

En règle générale, les réactifs non sulfatés fournissent un floc moins gros que les dérivés sulfatés correspondants. Le poids moléculaire atteint 800 à 900. Selon des procédés brevetés, les floculants peuvent être obtenus en outre par mélange à chaud d’une solution aqueuse de chlorure d’aluminium avec de l’hydroxyde d’aluminium, éventuellement obtenu lui-même par précipitation d’une solution de chlorure d’aluminium à l’aide d’une solution de carbonate de sodium.

En variante, on précipite les ions sulfate sous forme de sulfate de calcium dans une solution aqueuse obtenue par mélange d’une solution de chlorure d’aluminium et d’une solution de sulfate d’aluminium.

On peut encore utiliser un mélange d’alumine et d’acide sulfurique concentré en lieu et place du sulfate d’aluminium. Dans ce cas, les alumines naturelles peuvent convenir directement.

L’ensemble de ces procédés, au sujet desquels une discrétion demeure gardée, conduit à des produits plus ou moins élaborés, susceptibles de contenir à des degrés variables des éléments-traces indésirables dans le traitement de l’eau et en particulier celui de l’eau potable.

Tableau I. — Teneur en éléments-traces des floculants polymères à base d’aluminium et des sulfates d’alumine

Facteur (mg/kg Al₂O₃) I II III IV V VI
Ag0,7
As0,2-1,31001-3,714
Ba7
Cd0,35-100,5
Cr1320-5020065
Hg0,311365
Ni30100010-403365
Pb10100020-601501010
Sb15
Se15100,015
Cu3,31000103065
Li10
Fe230100-300
Mn3,36-22270078
Zn17200040-2503,3

I = polyhydroxychlorure d’aluminium alcalin II = polyhydroxychlorure d’aluminium (produit européen) III = polyhydroxychloro(sulfate) d’aluminium (WAC) IV = polyhydroxychlorure d’aluminium (procédé japonais) V = sulfate d’aluminium par dissolution directe de la bauxite VI = sulfate d’aluminium par dissolution d’alumine

2.3. Caractéristiques de l’eau à traiter

L’eau de Meuse prélevée à notre usine de Tailfer pour l’étude en laboratoire présentait les caractéristiques suivantes :

Température : 18,5 °C TH : 22,5 °F Conductivité : 1488 µS/cm

[Photo : Fig. 2 — Détermination du potentiel zêta en fonction des méq Al³⁺/l ajoutés – pH initial 6]
[Photo : Fig. 3 — Détermination du potentiel zêta en fonction des méq Al³⁺/l ajoutés – pH initial 7]
Oxydabilité : 8 mg O₂/l (déterminée au bichromate)
pH 8,26
TAC 18,5 °F
Matières en suspension : 8 mg/l

2.4. Recherche en laboratoire du potentiel zêta nul

Comme l’ont démontré MM. Buydens, Masschelein & Fransolet (2) dans le cas de la coagulation au moyen de sulfate d’aluminium, il est important, d’une part, de déterminer la dose de floculant pour obtenir un PZ pratiquement nul et, d’autre part, de contrôler la variation de celui-ci en fonction du pH initial de l’eau à traiter. Les implications de cette technique se rapportent à la fois à la coagulation optimale ainsi qu’au rendement économique de l’opération. Nous avons donc recherché la dose de réactif à ajouter pour obtenir un PZ nul, et ce, dans la plage de pH variant de 5 à 9.

2.4.1. Conditions expérimentales

L’influence du pH initial de l’eau est analysée dans la plage de 5 à 9, en introduisant soit de l’HCl 0,1 N, soit du Na₂CO₃ 0,1 N. La mesure du potentiel zêta a été effectuée au moyen d’un zêta-mètre à laser modèle 400 de Pen-Kem-Inc/Croton-on-Hudson NY.

Conditions opératoires

Prélever 1 litre d’eau et procéder aux opérations suivantes :

  1. 1) Ajustement du pH.
  2. 2) Ajout de quantités croissantes de floculant dans les tests consécutifs.
  3. 3) Agitation rapide (100 tours par minute) dans les vases Jar-test de 1 l.
  4. 4) Mise en route de la pompe de transfert du zêta-mètre.
  5. 5) Mesure après 45 secondes.

En augmentant progressivement la dose de floculant, on obtient finalement la neutralisation des colloïdes se traduisant par un potentiel zêta nul, en tenant compte de la précision de mesure.

La température, le pH, le TAC et la conductivité finale ont été mesurés lors de chaque essai.

2.4.2. Résultats

Les figures 1 à 5 indiquent le potentiel zêta obtenu en fonction de l’ajout de quantités croissantes de floculant exprimé en méq Al³⁺/l, pour un pH donné. La figure 6 donne les doses de floculant exprimées en méq Al³⁺/l en fonction du pH initial de l’eau pour obtenir un potentiel zêta approximativement nul.

2.4.3. Observations préliminaires

La rapidité de la formation du floc, même à très faible dose de polymères d’alumine, comparativement à la formation du floc obtenu au moyen de sulfate d’alumine, mérite d’être signalée.

Si, en milieu neutre ou alcalin (fig. 6), le PAC se révèle, de stœchiométrie supérieure à celle des autres floculants pour l’obtention du PZ nul, son floc reste petit contrairement à celui du WAC qui prend, lui, des proportions importantes.

L’Herlifloc, quant à lui, est moins efficace dans la neutralisation des charges colloïdales, car les doses à ajouter à l’eau pour obtenir un PZ nul sont restées supérieures aux autres quelle que soit la valeur du pH initial. Les gains en réactifs, par rapport au sulfate d’alumine et aux pH compris entre 6,5 et 8,1, s’établiraient aux environs de 60 % pour le PAC et de 30 % pour le WAC.

2.5. Recherche de l’optimum de floculation par la méthode du Jar-test

Nos essais ont porté sur les eaux de Meuse prélevées à l’usine de Tailfer à deux périodes de l’année. La première au mois d’octobre 1977 (voir caractéristiques de l’eau 3.3). La seconde en janvier 1978. Pour la seconde série d’essais, les caractéristiques de l’eau étaient les suivantes :

Température 5,4 °C
Conductivité 2398 µS/cm
pH 7,96
TH 21,68 °F
Oxydabilité : 5,6 mg O₂/l
Matières en suspension : 19,2 mg/l

La première série de tests a été menée conjointement avec nos essais à l’usine de Champale et a porté uniquement sur la comparaison WAC/sulfate d’alumine.

La deuxième série a porté sur la comparaison des différents floculants en notre possession : WAC-PAC-Herlifloc-sulfate d’alumine. Les tests ont été effectués aux pH 7 et 8 ; le potentiel zêta nul a été recherché pour chaque essai.

2.5.1. Conditions opératoires

Des quantités croissantes de floculants sont ajoutées à 1 litre d’eau de Meuse mise en agitation rapide : 100 tours/minute au Jar-test, G = 120 s⁻¹.

[Photo : Fig. 7. — Turbidité relative du surnageant d'un essai de Jar-test en fonction des méq Al**/l de sulfate d'alumine ajouté.]

Après trois minutes, la vitesse de rotation de l'agitateur est ramenée à 10 tours/minute. La phase de coalescence dure 15 minutes, après quoi l'agitateur est arrêté. Le floc décante et, après 5 minutes, une aliquote de surnageant est prélevée au moyen d'une pipette à large bec à environ 2 cm de profondeur.

La même opération est répétée après 10 minutes de décantation. La turbidité est alors mesurée sur chaque échantillon prélevé. Celle-ci l’a été au moyen d'un spectromètre Zeiss à la longueur d’onde de 320 mµ, dans des cuvettes de 5 cm. L’étalonnage a été réalisé par dilution d'un étalon de silice soluble (Hellige standard stock solution, Hellige Inc., Garden City, NY, USA).

2.5.2. Résultats

2.5.2.1. Première série d'expériences

Les figures 7 et 8 indiquent la turbidité relative en fonction des méq Al**/l pour le sulfate d’alumine et pour le WAC.

On constate que, par cette méthode, la zone optimale de floculation situe la quantité de WAC à 0,25 méq Al**/l et à 0,65 méq Al**/l pour le sulfate d’alumine, soit un gain de 61 %.

[Photo : Fig. 8. — Turbidité relative du surnageant d'un essai de Jar-test en fonction des méq Al**/l de WAC ajoutés.]

Il faut cependant préciser qu'un essai réalisé en usine à la dose de 0,65 méq Al**/l en sulfate d'alumine s'est révélé catastrophique. L'eau filtrée a accusé une augmentation notable de la turbidité indiquant en suffisance que les filtres étaient traversés, phénomène accompagné de post-floculation.

Il a fallu remettre le dosage à 0,85 méq Al**/l, valeur trouvée par la méthode du PZ nul, pour obtenir à nouveau une turbidité normale après les filtres.

Le gain pour le WAC se situerait donc à 70 % par rapport au sulfate d’alumine.

2.5.2.2. Deuxième série d'expériences

Les figures 9, 10, 11 et 12 donnent les courbes de turbidité à pH 8 en fonction des méq Al**/l ajoutés et ce, après trois, cinq et dix minutes de décantation.

Il faut 0,4 méq Al**/l pour obtenir le minimum de turbidité avec le sulfate d'alumine. Le PZ nul se situe à 0,58 méq Al**/l.

L'Herlifloc, le PAC et le WAC donnent respectivement 0,25 – 0,32 – 0,20 méq Al**/l. Comme pour le sulfate d’alumine, il faut …

[Photo : Fig. 9. — Turbidité en ppm SiO₂ du surnageant d'un essai de Jar-test en fonction des méq Al**/l de sulfate d'alumine ajoutés – pH initial 8.]
[Photo : Fig. 10. — Turbidité en ppm SiO₂ du surnageant d'un essai de Jar-test en fonction des méq Al**/l de PAC – pH initial 8.]
[Photo : Fig. 11. — Turbidité en ppm SiO₂ du surnageant d’un essai de Jar-test en fonction des méq Al**/l d'Herlifloc ajoutés – pH initial 8.]
[Photo : Fig. 12. — Turbidité en ppm SiO₂ du supernatant d'un essai de Jar-test en fonction des méq Al³⁺/L de WAC ajoutés — pH initial 8.]

Se situer au PZ + nul pour atteindre le maximum de floculation, le gain de WAC par rapport au sulfate d’alumine serait de 64 %, exprimé en méq Al³⁺/L d’aluminium.

Il est encore à remarquer que la turbidité résiduelle se situe à 4,5 ppm SiO₂ pour le sulfate d’alumine, à 5 ppm SiO₂ pour le PAC et le WAC, et à 6,25 ppm SiO₂ pour l'Herlifloc.

[Photo : Fig. 13. — Turbidité en ppm SiO₂ du supernatant d'un essai de Jar-test en fonction des méq Al³⁺/L de sulfate d'alumine ajoutés — pH initial 7.]
[Photo : Fig. 14. — Turbidité en ppm SiO₂ du supernatant d'un essai de Jar-test en fonction des méq Al³⁺/L de WAC ajoutés — pH initial 7.]

Les résultats sont très différents de ceux relevés à pH 8.

Le minimum de turbidité pour le sulfate d’alumine se situe à 0,25 méq Al³⁺/L et son PZ + nul à 0,32 méq Al³⁺/L.

L'Herlifloc, le PAC et le WAC donnent respectivement 0,4-0,45-0,35 méq Al³⁺/L. Le gain du WAC par rapport au sulfate d’alumine est nul. La turbidité résiduelle du WAC est la plus faible, 4 ppm SiO₂ ;

Les essais réalisés à pH 7 sont représentés aux graphiques 13-14-15-16.

[Photo : Fig. 15. — Turbidité en ppm SiO₂ du supernatant d'un essai de Jar-test en fonction des méq Al³⁺/L d'Herlifloc ajoutés — pH initial 7.]
[Photo : Fig. 16. — Turbidité en ppm SiO₂ du supernatant d'un essai de Jar-test en fonction des méq Al³⁺/L de PAC ajoutés — pH initial 7.]
[Photo : Fig. 17. — Détermination du potentiel zêta nul en fonction des méq Al³⁺/L ajoutés pour le sulfate d'alumine et le WAC.]

2.5.2.3. Interprétation

Comme dans la première série d’essais au laboratoire (3.4.), on retrouve bien à pH 8 le classement PAC-WAC Al₂(SO₄)₃ et Hertifloc pour l’obtention du PZ + nul.

Par contre, à pH 7, les mesures se sont révélées plus difficiles et on ne retrouve plus qu'une ébauche des séquences antérieures. Ainsi : équivalence WAC-Al₂(SO₄)₃ et Hertifloc supérieur au WAC et Al₂(SO₄)₃. Le PAC, quant à lui, n’a pu être mesuré car les colloïdes observables donnaient des mesures de potentiel zêta contradictoires.

En ce qui concerne le gain du WAC par rapport au sulfate d’alumine, il se situerait aux environs de 65 % à pH 8 et serait quasi nul à pH 7 (résultats exprimés sur une base comparative en méq Al³⁺/ℓ).

3. ESSAIS EN USINE

3.1. Conditions générales

La Compagnie Intercommunale Bruxelloise des Eaux possède sur la rive droite de la Meuse, à la hauteur de la commune d’Yvoir, une station d'une capacité de traitement de 12 000 m³/jour.

La station se compose d’une pompe d'eau brute de 800 m³/heure, avec injection de floculant (sulfate d’alumine liquide) dans un clarifloculateur circulaire du type Dorr-Oliver

⌀ 28 m  
⌀ compartiment floculation 12 m  
Vitesse ascensionnelle : 1 m/heure – Débit de 500 m³/heure  
Profondeur max : 5,85 m  
Contenance totale : 2 000 m³  

Vitesse de rotation du pont racleur : 3 tours par heure  
Vitesse de rotation de l'agitateur du compartiment de floculation : 0,6 tour par minute.

Le clarifloculateur est situé à 250 m du point d’injection du sulfate d’alumine, soit 8,5 mn de temps de trajet.

L'injection du chlore, du bioxyde de chlore et de la silice activée se situe au déversoir d’entrée de l'eau dans le clarifloculateur.

Les eaux décantées sont envoyées sur une batterie de trois filtres à sable ; surface 20 m² par filtre — vitesse de filtration 8,3 m/heure.

Les eaux ainsi préfiltrées sur sable sont alors refoulées sur trois batteries de filtres Stellar à diatomées recevant 150 m³/heure chacune.

3.2. Réactif : le WAC possédant les caractéristiques décrites en 3.1 et 3.2.

3.3. Injection du WAC au droit de la pompe d’eau brute

Durant les essais, le débit de la pompe d’eau brute a été de 500 m³/h.

3.3.1. Dosage du WAC calculé par la méthode du PZ nul

La figure 17 donne les quantités de WAC et de sulfate d’alumine pour obtenir un PZ nul. On s'aperçoit qu'il faut 0,9 méq Al³⁺/ℓ. À ce dosage du WAC, les résultats sur l'eau décantée se sont révélés catastrophiques. On obtient de très gros flocons peu denses produisant un engorgement rapide du décanteur et provoquant, par intermittence, un passage important de floc vers les filtres. Une turbidité supérieure à 5 ppm SiO₂ et une concentration en matières en suspension pouvant atteindre 26 mg/l ont été observées.

3.3.2. Les dosages de WAC ont ensuite été ajustés par la méthode de Jar-test et la mesure de la turbidité résiduelle. La figure 8 donne la quantité de WAC à mettre en œuvre pour obtenir la meilleure floculation.

Pour un dosage de 0,21 méq Al³⁺/ℓ, les résultats ont été les suivants :

Turbidité
eau brute > 5 ppm SiO₂
eau décantée 2 ppm SiO₂
eau préfiltrée 0,25 ppm SiO₂
eau filtrée 0,2 ppm SiO₂
Matières en suspension
eau brute 3,5 mg/l
eau décantée 5,9 mg/l
eau préfiltrée 0,3 mg/l
eau filtrée 0,02 mg/l

Le cycle des filtres à diatomées est de ± 12 heures.

3.4. Injection de WAC à l'entrée du clarifloculateur

Étant donné la vitesse d'apparition du floc obtenu au moyen de polychlorures d’aluminium, la possibilité existait que le floc formé au moment de l'injection se fragmente dans le compartiment de floculation.

Nous avons donc déplacé le point d'injection de telle sorte que la formation du floc commence dans le compartiment central du floculateur même et que la floculation se poursuive dans le compartiment de décantation.

3.4.1. Dosage du WAC à 0,21 méq Al³⁺/ℓ

Les résultats dans le traitement ont été les suivants :

Turbidité
eau brute > 5 ppm SiO₂
eau décantée 1,5 ppm SiO₂
eau préfiltrée 0,25 ppm SiO₂
eau filtrée 0,1 ppm SiO₂
Matières en suspension
eau brute 3,2 mg/l
eau décantée 3,3 mg/l
eau préfiltrée 0,02 mg/l
eau filtrée 0,01 mg/l

Le cycle des filtres à diatomées est passé à 16 heures.

3.4.2. Dosage de WAC à 0,17 méq Al³⁺/ℓ

Les résultats sont encore plus satisfaisants :

Turbidité
eau brute > 5 ppm SiO₂
eau décantée 1,25 ppm SiO₂
eau préfiltrée 0,1 ppm SiO₂
eau filtrée 0,1 ppm SiO₂
Matières en suspension
eau brute 5,1 mg/l
eau décantée 1,9 mg/l
eau préfiltrée 0,01 mg/l
eau filtrée 0,01 mg/l

Le cycle du filtre à diatomées est passé à 20 heures.

3.5. Dosage du WAC à la station nourricière, mais avec arrêt de l'agitateur central du compartiment de floculation au clarifloculateur

Comme nous avions pu mettre en évidence (voir résultats 4.3.2. et 4.4.2.) que le floc se formait trop vite et qu'il avait tendance à se fragmenter dans le compartiment central lors de l'injection du réactif

À la station nourricière, nous avons pensé qu'il serait intéressant d'arrêter l'agitation du compartiment central.

Les résultats obtenus ont été spectaculaires. En effet, le lit de boue qui se maintenait dans la couronne de décantation à 1,5 à 2 m de la surface est tombé au fond.

L’eau décantée présentait une limpidité parfaite pour ce stade de traitement. Il s’avérait donc que l'agitateur central non seulement fragmentait le floc, mais induisait dans le compartiment de décantation des remous qui tendaient à soulever le lit de boues.

Turbidité

eau décantée1 ppm SiO₂
eau préfiltrée0,1 ppm SiO₂
eau filtrée0,1 ppm SiO₂

Matières en suspension

eau décantée1 mg/l
eau préfiltrée0,05 mg/l
eau filtrée0,04 mg/l

Le cycle de filtration est passé à 26 heures. La faible augmentation des matières en suspension sur l'eau préfiltrée est peu significative.

4. L’AGRESSIVITÉ DE L'EAU

4.1. Hydrolyse

Ainsi qu’on le sait, les floculants hydrolysables neutralisent en partie la réserve alcaline de l'eau. La réaction est accompagnée de formation de CO₂. L’ensemble des réactions est schématisé par le résultat final s’exprimant comme suit dans le cas du sulfate d’aluminium :

Al₂(SO₄)₃ + 3 Ca(HCO₃)₂ + 6 H₂O
→ 3 CaSO₄ + 2 Al(OH)₃ + 6 H₂CO₃

Classiquement il y a donc lieu de considérer toute eau traitée par coagulation–floculation comme potentiellement agressive. De par l’utilisation d’une quantité moindre de coagulant et sa propriété d'être préhydrolysé, le risque d’agressivité des eaux traitées diminue par rapport à celui engendré par le sulfate d’alumine.

4.2. Bilan ionique

Les eaux traitées en usine d'Yvoir-Champale au moment de l’utilisation du WAC présentaient le bilan ionique suivant pour un pH de 7,50.

méq/lméq/l
Ca²⁺4,32Cl⁻1,04
Mg²⁺0,08SO₄²⁻0,50
Na⁺0,73HCO₃⁻3,50
K⁺0,11NO₃⁻0,17
5,225,21

4.3. Calcul du bilan d’agressivité

Le calcul complet du bilan d’agressivité compte tenu de la correction pour la force ionique s’établit comme suit :

Somme des concentrations molaires :
ions monovalents
0,73 · 10⁻³ (Na⁺)
0,11 · 10⁻³ (K⁺)

ions bivalents
2,15 · 10⁻³ (Ca²⁺)
0,04 · 10⁻³ (Mg²⁺)
0,25 · 10⁻³ (SO₄²⁻)

Force ionique :
I = ½ (ΣCᵢZᵢ² + ΣCᵢVᵢ²) = ½ (5,55 + 9,76) · 10⁻³
  = 7,655 · 10⁻³

Constantes d’équilibre corrigées :
pK' (acide carbonique) = 10,4 – 2 √I = 10,4 – 0,17 = 10,23
pK° (carbonate de calcium) = 8,2 – 4 √I = 8,2 – 0,35 = 7,85

Le pHₛ devient (selon Langelier) :

pK'₃ – pK°₄ + pCa (en moles) + pAlk (en équivalent)

10,23 – 7,85 – log (2,15 · 10⁻³) – log (3,51 · 10⁻³)

= 3,38 + 2,67 + 2,46 = 7,51.

Dès lors l'index de saturation devient :
I = 7,5 – 7,51 = –0,01 ≃ 0

En conclusion, les eaux traitées sont à l’équilibre calcocarbonique alors qu’elles auraient été agressives dans le cas de l’emploi de sulfate d’alumine aux doses habituelles de traitement.

CONCLUSIONS

Des essais en laboratoire de même que les résultats pratiques obtenus dans notre usine de Champale à Yvoir permettent de dégager plusieurs conclusions :

  • • La floculation des colloïdes au moyen des polychlorures d’aluminium apparaît bien avant leur déstabilisation complète à un potentiel zêta nul.

Le mécanisme s’avère dès lors, pour le cas envisagé, essentiellement celui de la coagulation-floculation par pontage.

  • • Pour ce qui est de l’élimination des colloïdes les plus gros, correspondant au problème posé à savoir la correction de la turbidité et l’élimination des matières en suspension, la méthode du Jar-test avec mesure de la turbidité après décantation expérimentale constitue un critère d’appréciation adéquat.

Une analyse future s’attachera à la recherche des colloïdes plus petits, parfois responsables de colorations.

  • • L’apparition très rapide du floc permet une injection quasi immédiate dans le compartiment de floculation.

La coagulation peut être dès lors simplifiée. La fragilité du floc formé exige que l’intensité de l’agitation soit conduite avec la prudence requise pour ne pas provoquer la rupture du floc. À première vue, le coagulant WAC et similaires paraît moins adapté aux clarifloculateurs avec recirculation des boues qu’aux équipements à décantation statique. Des essais complémentaires confirmeront ou infirmeront cette hypothèse.

Le gain exprimé en méq/l Al³⁺ du WAC peut être estimé à 60-75 % par rapport à l’utilisation du sulfate d’alumine.

Toutefois le coût de l’équivalent d’aluminium du WAC s’élève à environ trois fois celui de l’équivalent d’aluminium du sulfate d’alumine. Une partie de la dépense pourra sans doute être équilibrée par une diminution du réactif de correction de l’agressivité des eaux traitées.

Etude des boues résiduaires

Les essais de décantation statique en éprouvette de 1 litre montrent une allure de décantation identique à celle obtenue avec les boues de sulfate d’alumine (figures 18 et 19).

Du point de vue de la filtration sous pression, les résistances spécifiques mesurées à 0,5 bar donnent une résistance légèrement supérieure à celle des boues de sulfate d’alumine : 3,73 · 10⁸ pour 1,8 · 10⁸ ; l’addition de chaux vive améliore les résultats, mais pas dans le même rapport qu’avec les boues de sulfate d’alumine (inférieur de 50 % environ) par ex. :

boue WAC :                                1,14 · 10⁸ g/cm²
50 % de CaO :                         3,6 · 10⁸ g/cm²

Références

(1) W. STUMM & Ch. R. O’MELIA, Journal « AWWA », 60.514 (1968).

(2) R. BUYDENS, W. MASSCHELEIN & G. FRANSOLET : Sur l’importance du pH des eaux dans la coagulation aluminique. « La Technique de l’Eau » (vol. 250, p. 2, 1966).

(3) P. COACKELEY and B. R. S. JONES, Vacuum Sludge Filtration dans Sewage and Industrial Wastes (August, 1956).

Remerciements

Nos remerciements vont au personnel de l'usine de Tailfer et de Champale et plus précisément à Messieurs Ph. Laforge, S. Pirson et M. Bodart qui nous ont aidés pour la partie analytique ainsi qu'à MM. B. Vermer et L. Romnée qui ont assuré le secrétariat et la rédaction de l'article.

M. Ph. Libertiaux a assuré la partie analytique concernant la recherche de l'optimum de floculation par la méthode du Jartest, lors de son stage d'études.

W. J. Masschelein - J. Genot

[Photo : Fig. 18. — La courbe de décantation du WAC en fonction du temps.]
[Photo : Fig. 19. — La courbe de décantation du sulfate d'alumine en fonction du temps.]
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