Your browser does not support JavaScript!

Les polluants émergents font vaciller les certitudes

28 février 2009 Paru dans le N°319 à la page 55 ( mots)
Rédigé par : Cécile FRADIN

La directive-cadre sur l'eau de 2000 exige l'atteinte d'un bon état écologique des eaux pour 2015. Si cette tâche s'avérait à l'origine facile à relever (notamment par l'élimination des pesticides connus et l'épuration des eaux usées), elle s'annonce aujourd'hui plus compliquée avec la découverte récurrente de nouveaux polluants. Quels sont ces polluants émergents et comment les combattre ? Ce sont les nouveaux enjeux du traitement de l'eau.

Le thème est régulièrement repris depuis quelque temps dans les médias grand public : la pollution — et ses conséquences — par de nouvelles molécules présentes dans l’eau des rivières et des nappes phréatiques. Cela fait pourtant plusieurs années que les spécialistes s'inquiètent de la prise en compte de ces polluants émergents dans les techniques de traitements de l’eau. En témoigne le cri d’alarme lancé en juin 2005 par le professeur Lefeuvre (Muséum National d'Histoire Naturelle).

Ce dernier établissait que cette pollution n'était pas considérée à sa juste valeur dans les évaluations (plutôt positives) confiées aux Agences de l’Eau et aux DIREN pour les différents bassins français : « ce bilan est loin de refléter la réalité », écrivait-il.

Mais pour tenir compte de ces fameux polluants, encore faut-il les identifier. L’appellation « polluants émergents » regroupe en fait des milliers de substances que l'on peut classer en trois grandes catégories. En premier lieu, les substances pharmaceutiques ou résidus médicamenteux. Ces médicaments qui sont soit absorbés par la population (soit à l’hôpital, très localisé, soit à domicile de manière beaucoup plus diffuse), formulés pour être solubles dans

[Photo : Les molécules le plus fréquemment retrouvées dans les eaux usées sont les antibiotiques, les analgésiques et anti-inflammatoires (aspirine, paracétamol, ibuprofène), les anti-cholestérol, les antidépresseurs, mais aussi les anti-cancéreux.]

Elles se retrouvent en effet partiellement dans les urines, à l'état natif ou bien déjà métabolisées. Certaines pratiques, où les préparations non utilisées sont tout bonnement jetées dans la cuvette des WC, aggravent l'état des eaux usées avant assainissement. Il existe également deux autres sources de rejet de ces composés : les eaux usées de l'industrie pharmaceutique et les pratiques vétérinaires, avec des élevages qui se voient administrer des facteurs de croissance et des quantités d’antibiotiques de façon préventive. Les molécules le plus fréquemment retrouvées sont ainsi les antibiotiques, les analgésiques et anti-inflammatoires (aspirine, paracétamol, ibuprofène), les anti-cholestérol, les antidépresseurs, mais aussi les anti-cancéreux.

Il est clairement établi que la présence d'antibiotiques dans notre environnement peut induire, à moyen terme, la résistance de certains agents pathogènes. Mais les actions des autres résidus médicamenteux ne sont pas toutes connues. Si des effets sur les écosystèmes aquatiques, voire sur la santé humaine, sont largement suspectés, les connaissances encore réduites sur ces polluants émergents ne permettent pas d’établir un lien direct entre une classe de molécules et une perturbation constatée.

La deuxième catégorie de polluants regroupe les produits chimiques utilisés par les particuliers, tels les nettoyants ménagers ou les produits de soins corporels. Il s’agit d'une grande variété de composés : les agents surfactants des lessives, les différents parfums des gels-douches ou des déodorants, les antioxydants de certains compléments alimentaires... Leur rejet dans l’environnement peut là encore avoir une incidence sur les écosystèmes, en ayant un effet délétère sur la faune ou, au contraire, un effet eutrophique sur la flore aquatique.

Enfin, la troisième catégorie se caractérise plus par ses effets que par la nature des composés. Elle regroupe ce que l'on appelle aujourd'hui

[Encart : ScorePP : quelles stratégies de réduction des émissions de polluants prioritaires ? En amont de la problématique du contrôle des polluants émergents dans les rejets de STEP ou tout autre type de rejet, des stratégies de contrôle à la source sont en cours de développement. Veolia et huit autres partenaires européens (Université Technique de Danemark, Université de Ljubljana, Université de Middlesex, Université de Gand, Ville de Stockholm, ESTUDIS, ENVICAT, modelEAU) ont lancé un programme de recherche pour le développement d'options de contrôle à la source pour la réduction des émissions de polluants prioritaires (ScorePP pour ses sigles en anglais). L’objectif de ces travaux est le développement de stratégies que les autorités (villes, agences de l'eau, industries chimiques...) pourront utiliser pour réduire les émissions de polluants prioritaires en zone urbaine. Le projet ScorePP se concentre sur les 33 substances prioritaires identifiées dans la directive-cadre sur l'eau (DCE) et, plus spécifiquement, sur les 14 substances prioritaires dangereuses. Il s'agit d’un projet européen financé dans le cadre du Sixième PCRD (Programme-cadre de recherche et de développement de la Communauté européenne) doté d'un budget global de 3,5 millions d'euros pour une durée de trois ans.]
[Encart : AMPERES : Évaluation de l'efficacité d’élimination des substances prioritaires et émergentes par les stations d’épuration Pour faire face à un état de connaissances insuffisant, le Cemagref et Suez Environnement ont lancé un programme de recherche commun sur les substances prioritaires et émergentes dans les rejets et les eaux superficielles, le projet Amperes (Analyse de Micropolluants Prioritaires et Émergents dans les Rejets et les Eaux Superficielles). Ce programme vise quatre objectifs : maîtriser les méthodes analytiques pour micropolluants émergents dans des environnements complexes (eaux usées/boues) ; quantifier les flux de micropolluants amenés par les eaux usées ainsi que les performances des procédés de traitement classiques dans les STEP et identifier les traitements avancés les plus prometteurs ; évaluer le risque associé aux usages ultérieurs de l’eau : milieu aquatique récepteur et production d'eau potable... Doté d'un budget global de 2,4 millions d'euros, le programme doit durer trois ans.]

les “perturbateurs endocriniens”. Leurs origines sont multiples. Il faut d’abord considérer les sources naturelles d’hormones, qui sont normalement sécrétées et rejetées en partie dans l'urine, mais aussi les hormones synthétiques (en particulier contenues dans les pilules contraceptives tel l'éthinylestradiol), éliminées de la même façon. Les détergents à usage ménager (alkylphénols entre autres) dilués dans les eaux usées font également partie de ces perturbateurs. Dans cette catégorie, on retrouve également les composants des plastiques (phtalates, bisphénol-A), les nouveaux pesticides, les retardateurs de flamme, les dioxines et les fameux PCB ou organochlorés.

Les effets réels ou supposés des perturbateurs endocriniens sont eux aussi très nombreux. Si leur rôle dans la féminisation des populations de poissons a été scientifiquement établi, on ne peut que suspecter le même type de perturbation sur l’être humain. Ces substances sont notamment soupçonnées de causer des malformations du système reproducteur, de faire baisser la fertilité masculine (par une diminution quantitative et qualitative du sperme), de modifier la différentiation sexuelle in utero (ratio filles/garçons), d’être à l’origine de certains cancers (des testicules, des ovaires, du sein...), ou bien encore d’altérer les fonctions immunitaires et thyroïdiennes.

Une évaluation des risques essentielle

Cependant, les études sont parfois contradictoires, et leurs résultats restent pour le

[Publicité : Trojan Technologies]
[Encart : texte : Des milliers de polluants à prendre en charge Selon différentes études menées sur le sujet, plus d’un millier de substances seraient susceptibles d’être considérées comme micropolluants sur les 100 000 couramment utilisées en industrie, agriculture ou pour des usages domestiques. Une sélection s’avère donc nécessaire. Les micropolluants sont classés en deux catégories. La DCE recense, dans un texte d’application, 33 substances qu’elle qualifie de « prioritaires ». Ce sont des composés appartenant à différentes familles comme les métaux, les dérivés du pétrole, les pesticides, les solvants et les détergents ou encore différentes autres substances provenant de l’industrie. Elles sont présentes à l’état de traces dans l’environnement, dans des proportions infimes, de l’ordre du microgramme ou même du nanogramme par litre. Sur ces 33 substances, 13 doivent être supprimées à l’horizon 2015 et 20 doivent être réduites. Quant aux substances émergentes, elles ne sont pas actuellement incluses dans les réglementations actuelles ni dans les programmes de surveillance des milieux aquatiques. Elles ont été identifiées par la communauté scientifique à partir de l’examen de données toxicologiques et d’occurrence dans l’environnement. Il s’agit notamment des hormones, des perturbateurs endocriniens, des pesticides, des composés pharmaceutiques et d’une manière générale de tout autre nouveau composé dont les connaissances actuelles ne permettent pas d’évaluer les risques de sa présence dans l’environnement.]

Moins difficiles à interpréter. Pour Zdravka Do-Quang, responsable du pôle Analyse et Santé, Centre International de Recherche sur l’Eau et l’Environnement – Suez Environnement (CIRSEE), le risque sanitaire pour l’homme est aujourd’hui évité lorsque l’on considère la consommation d’eau potable : « les concentrations que l’on retrouve dans les effluents sont déjà très faibles. Si l’on ajoute à cela le traitement effectué par les stations d’épuration, puis la capacité épuratoire du milieu dans lequel l’effluent est rejeté et le traitement apporté par les filières de potabilisation, on arrive à une quantité non mesurable de ces polluants dans l’eau destinée à la consommation ». Le risque qui subsiste, par contre, est écologique. Bien que la menace soit assez imprécise, il est clair que ce qui ne touche qu’un seul maillon peut provoquer la perturbation de l’ensemble du milieu aquatique. Voilà pourquoi « il faut rester dans une logique de maîtrise du risque écologique » précise Zdravka Do-Quang.

Selon cette dernière, le vrai risque pour la santé humaine réside plus dans les micro-organismes qui se développent dans la ressource avant potabilisation. « Il s’agit plus de paramètres émergents que de polluants émergents, indique-t-elle. Les niveaux de risque définis par les autorités sanitaires ont évolué, et les techniques d’analyses se sont perfectionnées. Voilà pourquoi ces pathogènes sont de plus en plus pris en considération ». Pour Zdravka Do-Quang, ces pathogènes émergents peuvent être liés à des changements climatiques ou à l’utilisation de plus en plus fréquente d’appareils censés améliorer le confort (par exemple les climatiseurs, les espaces piscines, spa, thalasso) ce qui nécessite une surveillance accrue par rapport à des micro-organismes tels que légionelles, amibes… De plus, des épidémies comme celle de Milwaukee (USA) en 1993, où plus de 400 000 personnes ont été contaminées par cryptosporidium, alertent régulièrement les autorités et incitent les chercheurs à approfondir leurs connaissances afin de perfectionner les méthodes d’analyse et de traitement de ces différents agents pathogènes.

À nouveaux polluants, nouveaux traitements

Jusqu’à une période récente, les processus traditionnels de traitement des eaux usées en station d’épuration s’attaquaient à l’élimination de produits tels que la DCO, l’azote, le phosphore. L’apparition des polluants émergents a changé la donne, en particulier à cause de leurs faibles taux de concentration qui les rendent résistants aux traitements classiques. Des polluants dits récalcitrants peuvent être supprimés par le traitement en station d’épuration tout en restant présents à des taux de l’ordre du nanogramme dans les effluents.

La filtration sur charbon actif en grain est un procédé connu, simple et efficace de traitement des matières organiques dissoutes. Jusqu’à présent, seuls des critères globaux tels que la DCO ou la COT permettaient de suivre l’efficacité d’un traitement d’épuration d’eaux résiduaires industrielles ou hospitalières. Or, nombre des contaminants présents à l’état de traces sont noyés dans ces paramètres. Il était alors important d’étudier le comportement du charbon actif vis-à-vis de ces polluants tant pour le traitement des eaux résiduaires industrielles, à l’origine de la contamination des milieux aquifères, que des filières de potabilisation d’eau et d’eau de surface en particulier. Les articles récemment publiés montrent que le charbon actif en grain a une grande efficacité sur les trois familles de produits ciblés : perturbateurs endocriniens, produits d’hygiène personnelle et principes actifs pharmaceutiques. Même si les conclusions montrent que le charbon actif est la méthode la plus efficace et la moins sélective, il est illusoire de vouloir traiter la totalité des flux de stations de traitement d’eaux résiduaires urbaines. L’association de procédés membranaires et de charbon actif est sûrement la voie à explorer dans ce domaine.

En France, environ 10 % de l’eau potable est traitée par des membranes et aux USA ce chiffre atteint 40 %. L’activité membranes représente plus de 40 % du marché.

[Photo : L’ozone, couplée ou non aux UV, est un oxydant puissant qui s’attaque directement aux polluants organiques résistants à une action biologique.]
[Publicité : BIO-UV]
[Photo : légende : Degrémont Technologies-Ozonia vient de mettre sur le marché en 2008 un réacteur UV : « Aquaray® H2036 » équipé de 10 lampes à moyenne pression. Cette solution peut traiter jusqu'à 7 000 m³/h en permettant d'inactiver les bactéries, virus et parasites présents dans l'eau et en particulier les microorganismes résistants aux composants chlorés comme les Cryptosporidium parvum et les Giardia lamblia.]

de la construction pour Degrémont selon Zdravka Do Quang. Les membranes restent cependant vulnérables au colmatage et d'un coût encore relativement élevé.

À l'occasion d'une réflexion sur la toxicité d'un de ses retardateurs de flamme, un industriel a confié à la société Chemviron Carbon une étude sur l'adsorption spécifique d'une de ses molécules présente à des concentrations de l'ordre du ppb dans un flux contenant plus de 100 mg/L de DCO. Cette étude faite sur un test de colonne accéléré (ACT : accelerated column test) a permis de conclure à l'efficacité du traitement et à un dimensionnement d'une installation de traitement dont le but est d'éliminer le risque de contamination du milieu naturel en supprimant tout rejet de ce retardateur de flamme.

Les procédés membranaires mis en œuvre par Degrémont Technologies-Aquasource ou Pall constituent l'un des procédés d'élimination des polluants par la production de boues sur le principe de micro ou ultrafiltration pour rétention des microorganismes. Un traitement biologique et un traitement physique se déroulent simultanément dans le bioréacteur à membrane. D'un côté les boues activées par des bactéries spécifiées puis dégradées par voie aérobie. De l'autre, la rétention des microorganismes dont le diamètre est supérieur aux pores de la membrane. Ceci a l'avantage de prolonger le temps de contact entre les polluants et les bactéries du bioréacteur dans le cas de nano-membranes.

[Encart : texte : Détecter et quantifier la présence de perturbateurs endocriniens L'Union européenne souhaite contribuer à identifier et évaluer les perturbateurs endocriniens, développer des produits de substitution et des tests capables d'identifier les PE, notamment via le cinquième programme-cadre de recherche et développement et les initiatives privées. Car une surveillance peut également être exercée via les tests immunologiques sur le principe de l'ELISA sous format tubes ou en plaques de micropuits à l'instar de la gamme proposée par Novakits qui donne la possibilité de disposer dans les 3 heures, sans investissement important, d'une quantification de certains perturbateurs tels que le Bisphénol A, les alkylphénols, des œstrogènes comme le 17 Beta Estradiol ou l'Estrone. En surveillance de rejet, en audit environnemental, l'application de cette technologie à ces composés ouvre de nouvelles possibilités analytiques contribuant ainsi à la meilleure connaissance de la présence de ces composés dans les eaux.]

D'autres solutions se sont mises progressivement en place telles que les oxydants et les rayons. Basés sur le principe de dégradation de substances par oxydation chimique et irradiation, les procédés Fenton et Photo-Fenton se déroulent en quatre étapes de traitement. D'abord l'injection de fer II, puis de peroxyde d'hydrogène avant exposition solaire puis rejet des eaux traitées. Les radicaux hydroxyles liés à cette technique qui peut être utilisée seule ou comme prétraitement s'attaquent à pratiquement toutes matières organiques. Facile à mettre en œuvre et utilisant l'énergie solaire, cette technique est efficace sur les pesticides (alachlore, atrazine, diuron) mais fait appel à l'utilisation d'acides et de bases susceptibles de nuire à la qualité de l'eau potable.

Des interactions ou des effets contradictoires néfastes

L'ozone, couplée ou non aux UV, est un oxydant puissant qui s'attaque directement aux polluants organiques résistants à une action biologique. D'un coût plus élevé que les autres, ce procédé qui peut venir s'ajouter à une step traditionnelle et peut être mis en fonction avant et/ou après traitement biologique, est une solution de plus en plus utilisée. « L'ozone employé seul dégrade certes les molécules, mais peut donner des sous-produits eux-mêmes toxiques, explique Emmanuel Trouvé, Directeur du département Assainissement à la Direction de la Recherche de Veolia Environnement. Idem pour l'utilisation d'UV seuls. L'élimination de tous les sous-produits demanderait une concentration en ozone ou une irradiation par UV très importantes, ce qui est impensable économiquement. Nous avons par contre découvert que l'utilisation combinée ozone+UV, à des concentrations moindres, donne finalement de meilleurs résultats en terme de dépollution ». Elle est proposée par Wedeco-Trailigaz (Groupe ITT Water & Wastewater), Degrémont Technologies-Ozonia ou Permo. Les substances sont ici dégradées par oxydation et irradiation via une lampe UV. Dans ce domaine, les chiffres annoncés dans la littérature sont parlants. Pour une sortie de station d'épuration conventionnelle, une concentration de 3,4 ng/L en œstrogènes est réduite à < 0,2 ng/L par le biais d'un traitement à l'ozone couplé aux UV.

Depuis le début des années 2000, ITT Water & Wastewater travaille sur l'élimination des nouveaux contaminants émergents et plus spécifiquement sur les perturbateurs endocriniens. L'expérience acquise sur de nom-

[Encart : texte : Tester la contamination œstrogénique du milieu Les effluents de station sont considérés comme une source importante de pollution œstrogénique pouvant jouer un rôle significatif dans la contamination du milieu récepteur. Des molécules telles que le 17 β Estradiol, hormone œstrogène naturelle humaine, peuvent être actives dès quelques nanogrammes par litre. Le test en tube proposé par Novakits utilise le principe d'anticorps spécifiques fixés sur des billes magnétiques pour détecter dès 4,5 ng/L et quantifier au seuil de 2,5 ng/L cette molécule dans les eaux de surface. L’Estrone, hormone naturelle ovarienne, est également détectée dans une moindre mesure. L’impact d’un système épuratoire pourra être évalué et suivi sur site en comparant les valeurs amont et aval du milieu récepteur.]
[Encart : Comment obtenir une vue complète de la qualité de l’eau ? Les méthodes d'analyses chimiques traditionnelles permettent-elles d’obtenir une vue complète de la qualité de l’eau ? De nombreux composés ne sont pas détectés par ces analyses. Et même avec les instruments de laboratoire les plus sophistiqués, les analyses traditionnelles ne concernent qu'un nombre restreint de substances chimiques dangereuses présentes dans l'eau. De plus, bien souvent, les concentrations de nombreux produits sont inférieures aux limites de détection de ces instruments. Enfin, les résultats des analyses chimiques traditionnelles ne donnent aucune information quant à la toxicité induite par l'effet combiné de mélanges de substances. D’où l'intérêt des systèmes de biosurveillance en ligne qui détectent un large spectre de produits affectant le métabolisme de l'organisme concerné (algues, daphnies, bactéries luminescentes…). Bionef, fournisseur de systèmes de mesure pour la qualité de l'eau, l'écotoxicologie et l’environnement, propose par exemple une gamme complète de toximètres en ligne pour la surveillance de la qualité des eaux en continu. Ils couvrent, par la diversité des organismes biologiques utilisés, un large spectre de détection d’agents toxiques : depuis les herbicides jusqu’aux neurotoxines. Sont également proposés un ensemble d’appareils utilisés couramment pour la surveillance du contenu phytoplanctonique des ressources en eaux (rivières, barrages, lacs), des plans d'eaux récréatifs, et plus particulièrement la détection des cyanobactéries (risques hépatotoxiques et neurotoxiques). Complémentaires aux techniques analytiques, les biomoniteurs peuvent être couplés avec un système d'extraction en phase solide pour atteindre un seuil ppb assuré par une concentration ×100, ×1000.]
[Photo : Pour l'eau potable, BIO-UV propose une nouvelle gamme de réacteurs UV équipés de lampes UV moyenne pression, développée avec des outils de modélisation CFD (computer fluid dynamic), et certification biodosimétrique par Norm.]

Nombreux pilotes installés dans différents pays européens ont permis à ITT Water & Wastewater de proposer des solutions innovantes utilisant l’ozone seul ou en combinaison avec d’autres oxydants. Selon Jean-Yves Perrot, responsable des applications industrielles chez la filiale française de ITT Water & Wastewater, les résultats obtenus (plus de 90 % d’élimination des produits recherchés, réduction totale de l’estrogénéicité, oxydation sélective des contaminants identifiés) ont permis au groupe de construire deux installations industrielles en Suisse (à Regensdorf et à Lausanne) et de répondre à des appels d’offres spécifiant l'utilisation de l’ozone seul ou en combinaison avec d'autres oxydants pour éliminer les risques apportés par les nouveaux contaminants émergents contenus dans les eaux résiduaires urbaines.

Pour Frédérick Cousin, chef de marché gamme UV, ozone, membranes chez Degrémont Technologies, l’ozone seule ou bien couplée aux UV ou encore l’ozone peroxyde peut être considérée comme un AOP (Advanced Oxydation Process) suivant certains critères de pH, de température et de présence de certains polluants. « C’est un oxydant très puissant qui permet d’attaquer des polluants que l'on ne peut pas toucher avec des procédés conventionnels, même avec les procédés membranaires », souligne-t-il.

[Publicité : OTT France]

Évaluer le risque des polluants émergents

La difficulté pour évaluer le risque des polluants émergents réside dans leur diversité, la complexité de leurs modes d’actions sur un organisme entier, la traçabilité de leur devenir (mélanges, métabolisation), et la capacité de certains polluants à agir à de très faibles concentrations sur la santé (perturbateurs hormonaux). Il est presque impossible de définir des listes exhaustives ou de déterminer des seuils.

La solution pour évaluer le risque des polluants émergents consiste à établir un lien entre les phénomènes d’expositions et les effets physiologiques.

[Photo : petits organismes modèles]
[Photo : modèle répondant aux perturbateurs endocriniens]
[Encart : texte : Les petits organismes modèles (photo de gauche) sont très prédictifs des effets des polluants émergents sur la santé. Leur utilisation avec des biomarqueurs fluorescents permet d’observer par transparence l’impact réel des produits chimiques sur les signaux physiologiques (photo de droite, modèle répondant aux perturbateurs endocriniens).]

Son principe consiste à mettre en contact avec le produit à tester des petits organismes vertébrés translucides, physiologiquement très proches de l’être humain, qui émettent une fluorescence lorsqu’une fonction biologique est activée. L’utilisation de petits organismes modèles vertébrés translucides permet d’accéder à l’information in vivo avec des outils de lecture automatisés in vitro. Mesurant quelques millimètres, ces petits organismes modèles sont compatibles avec des outils semi-robotisés de lecture qui permettent de :

  • cribler un grand nombre de substances thérapeutiques ou chimiques ;
  • détecter des effets toxiques à faibles doses de produits capables de perturber les équilibres hormonaux ;
  • suivre et mesurer l’effet de polluants dans l’environnement dans l’eau de boisson, les eaux de surface, les rejets industriels, les boues...

Grâce à des pilotes de lecture en flux, Watchfrog offre aux industriels, soit spécialistes de l’eau, soit ayant à gérer des effluents sur leurs sites industriels, des outils de suivi et d’analyse de la qualité des eaux qu’ils traitent. Cette société dispose actuellement de tests d’analyse concernant la toxicité, la bioaccumulation, le potentiel cancérinogène, la perturbation endocrinienne, la reprotoxicité. Sont en cours d’élaboration la génotoxicité ou les effets des nanoparticules.

Watchfrog apporte une réponse technologique pour résoudre des questions liées à l’évaluation rapide du risque environnemental. La grande originalité de la technologie consiste à combiner les avantages d’un modèle in vivo – prise en compte du métabolisme, pertinence des tests par rapport à l’humain – avec la facilité, la sensibilité, l’automatisation et le faible coût de in vitro.

Degrémont Technologies-Ozonia met en place des pilotes AOP qui permettent de confronter le traitement envisagé à la qualité de l’eau en entrée et de voir quels sont les résultats après traitement à la sortie. « Le principe est bien souvent de travailler sur deux lignes en parallèle pour déterminer plus facilement le meilleur compromis et la meilleure combinaison AOP pour traiter une eau définie » explique Frédérick Cousin. Sur le marché municipal, on peut retrouver cette phase AOP en traitement d’eau potable, lorsque l’on détecte des traces sur l’eau brute ou encore en traitement final des eaux résiduaires, avant de réinjecter l’eau en nappes. L’essentiel des références en matière d’AOP se situent aujourd’hui dans le domaine des eaux résiduaires.

Le fait d’ajouter une barrière UV permet d’abaisser la dose d’ozone et donc de diminuer les bromates. « Tout ceci s’inscrit pleinement dans le concept multibarrières dans lequel on utilise chaque technologie sur sa plage d’efficacité la plus importante, ce qui permet d’abattre un spectre plus large de polluants et de bactéries » souligne Frédérick Cousin.

Degrémont Technologies-Ozonia vient de mettre sur le marché en 2008 un réacteur UV : Aquaray® H2O36 équipé de 10 lampes à moyenne pression. Cette solution peut traiter jusqu’à 7 000 m³/h en permettant d’inactiver les bactéries, virus et parasites présents dans l’eau et en particulier les micro-organismes résistants aux composés chlorés comme les Cryptosporidium parvum et les Giardia lamblia. Ce traitement par UV développé par Dégremont-Technologies-Ozonia présente un autre atout en respectant le nouveau seuil établi par le Code de la santé qui porte, depuis le 25 décembre 2008, la teneur en bromates à 10 µg/l au lieu de 25 µg/l précédemment. Les bromates résultant de l’action de l’ozone sur le brome contenu dans l’eau en tant que résidus, notamment, de la fabrication de carburants et des industries du pétrole, chimique et pharmaceutique.

Des process comparables basés sur les UV sont proposés par Abiotec, Trojan, Bio-UV ou encore Bordas. Trojan Technologies Inc propose des solutions UV moyenne et basse pression adaptées aux marchés de la désinfection des eaux potables et des eaux usées depuis plus de trente ans. Sur le marché des eaux potables, Trojan a été choisi par le New York City Department of Environmental Protection pour fournir les équipements UV de la station de Catskill/Delaware. La taille de ce projet amène Trojan à fournir 56 appareils pouvant traiter au total 8,3 millions de m³ par jour, ce qui est le plus gros projet eau potable remporté par Trojan à ce jour, mais aussi la plus grande réalisation UV en eau potable au monde. Les matériels UV proposés inactivent les micro-organismes présents dans l’eau distribuée à une population de près de 9 millions d’habitants. Trojan a été sélectionné après une validation rigoureuse qui a nécessité la fabrication d’une unité UV taille réelle et la validation de ses performances par un organisme indépendant sur un site de validation indépendant.

Sur le marché des eaux usées, Trojan Technologies est leader des solutions en canaux ouverts, avec plus de 5 800 installations en fonctionnement dans le monde. Le très flexible Trojan 3000 Plus s’adapte à tous les débits, aux qualités d’eau les plus difficiles et aux contraintes de désinfection les plus élevées. Sa conception en fait un système à la maintenance simplifiée et aux performances élevées. Le nettoyage chimique et mécanique des gaines de quartz proposé en solution standard facilite la gestion des matériels et fiabilise la désinfection de l’effluent.

Cette possibilité de production de substances plus dangereuses résultant d’un procédé reste l’une des ombres au tableau du traitement de l’eau. À nouveaux polluants, nouveaux traitements mais aussi nouvelles interactions et nouveaux risques qui demandent un suivi des impacts à long terme et une réponse à la question posée par la présence de substances toxiques dans les boues.

« Le classement des polluants émergents est déjà très délicat en soi, alors qu’ils ne sont pas encore pris en compte dans la réglementation, précise Emmanuel Trouvé. La position de Veolia Environnement est de se diriger vers des filières qui font disparaître plus les effets que les molécules, impossibles à analyser de façon exhaustive. Le choix doit se porter sur des successions, des combinaisons de traitements, que l’on sait efficaces après études sur des modèles biologiques » (cf. article page xx : Perturbateurs endocriniens et résidus de substances pharmaceutiques).

Si la liste des polluants ne cesse de s’accroître, il n’en va pas de même de la législation qui doit encore s’adapter à cette réévaluation quasi permanente.

À nouveaux polluants, nouveaux seuils de concentration. Mais lesquels ?

Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements