Aujourd’hui, la plupart des déchets générés par l’activité industrielle sont éliminés dans des installations internes ou des centres spécialisés collectifs (enfouissement technique, traitement physicochimique, incinération, valorisation énergétique en cimenteries, valorisation de produits...).
Cependant, certains déchets ne trouvent pas actuellement de schémas d’élimination adaptés à leur cas particulier.
Ce sont notamment :
- — les déchets industriels produits en faible quantité unitaire, qui, pour des raisons de coût ou de conditionnement non appropriés, ne peuvent bénéficier d’un traitement en centres collectifs ;
- — les déchets des particuliers et des agriculteurs, piles et accumulateurs, fonds de peinture, rebuts de produits de nettoyage, médicaments et produits phytosanitaires, emballages souillés et produits périmés en général...
Les objectifs
Au regard de la problématique illustrée ci-dessus, la plate-forme de regroupement apporte une solution aux acteurs industriels, en leur permettant :
- — d’avoir accès à la filière d’élimination la plus compatible avec les caractéristiques physico-chimiques de leurs déchets ;
- — de limiter leurs frais de transport dans le cas de faibles quantités de déchets à éliminer ;
- — d’avoir à disposition des spécialistes et un laboratoire performant, proches de leur site de production.
Le présent article expose le rôle de la plate-forme de regroupement dans un schéma global d’élimination des déchets. Il précise son mode de fonctionnement avec, notamment, toutes les procédures de contrôle mises en place et les conditions de sécurité optimales. Enfin, dans un dernier temps, pour assurer la gestion des déchets industriels sur un site de production, le concept de « plate-forme de regroupement interne » est envisagé.
Le cadre réglementaire
La plate-forme pourra remplir trois fonctions principales au sens de la circulaire du 30 août 1985, relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, à savoir : le stockage,
le regroupement et le prétraitement de déchets industriels.
L’activité de stockage consiste en une immobilisation provisoire de déchets, sans mélange entre eux, avec ou sans transvasement. Ces déchets seront stockés sur la plate-forme de réception des fûts, leur localisation étant fonction de leurs risques propres.
L’activité de regroupement correspond à une immobilisation provisoire avec mélange de déchets de provenances différentes mais de nature comparable ou compatible. Le circuit de traitement du mélange reste le même que celui de chacun des déchets pris isolément avant mélange. Le but du regroupement est de faciliter la gestion du transport des déchets : permettre par exemple l'utilisation de gros porteurs pour les transports à longue distance. Il n’est pas de jouer sur les mélanges de déchets pour permettre une nouvelle destination.
L’activité de prétraitement est une opération qui conduit à la modification de la composition chimique ou des caractéristiques physiques du déchet et qui nécessite un traitement complémentaire ou une mise en décharge contrôlée. Elle aboutit à diriger une fraction des déchets vers un circuit de traitement différent de celui qu’aurait suivi chaque déchet initial. Le but principal du prétraitement est de diriger par le jeu de mélanges et de séparations de phases, chaque fraction du déchet vers sa destination économique optimale.
L’une des activités de la plate-forme consiste à effectuer des opérations sur des fûts de déchets nécessitant l’ouverture des couvercles, le dépotage ou le vidage partiel des fûts. Cette activité est soumise aux prescriptions relatives aux activités de prétraitement.
Les produits concernés
Les déchets industriels susceptibles d’être réceptionnés sur une plate-forme peuvent être répertoriés en sept catégories figurant sur le tableau I.
En aucun cas les déchets suivants ne pourront être acceptés sur une plate-forme :
- • les gaz,
- • les produits explosifs,
- • les déchets radioactifs,
- • les déchets hospitaliers,
- • les déchets contenant des polychlorobiphényls (PCB).
Tableau I
Catégories de déchets visés
Catégorie — Nature principale des résidus |
---|
1 Déchets liquides minéraux (acides, bases, solutions chromiques…) |
2 Déchets liquides organiques halogénés (solvants, mélanges eau-solvant, liquides chlorés…) |
3 Déchets liquides organiques non halogénés à haut pouvoir calorifique dont : solvants, huiles entières non régénérables. |
4 Déchets liquides organiques non halogénés à bas pouvoir calorifique dont : mélanges eau-solvants, fluides de coupe. |
5 Boues et solides organiques : peinture, boue de décantation, matériaux souillés. |
6 Autres boues à prédominance minérale : boue d’hydroxyde, boue de neutralisation. |
7 Divers rebuts. |
En fonction de ces sept catégories, les déchets, reconditionnés et/ou stockés de façon spécifique sur la plate-forme, seront expédiés vers des centres autorisés pour leur élimination ou leur enfouissement.
Nature des filières d’élimination
Les destinations des déchets peuvent être classées en cinq catégories principales :
- • physico-chimique (PC)
- • incinération (centre collectif) (I)
- • valorisation énergétique (cimenterie) (CIM)
- • valorisation de produits (ex. : régénération de solvants) (RE)
- • centres d’enfouissement technique (ENF)
Destination des déchets selon leur nature
Compte tenu de la nature initiale des déchets reçus sur la plate-forme, leur destination finale peut être estimée de la façon suivante (tableau II).
Le fonctionnement de la plate-forme
En fonction de leur aspect physique, de leur nature chimique et de leur condi…
Tableau II
Catégorie | Nature des résidus | Destinations possibles (PC, I, Cl-, RE, E-M, NF) |
---|---|---|
1 | Liquides minéraux | X – X |
2 | Liquides organiques halogénés | X – X – a – a |
3 | Liquides organiques non halogénés (haut pouvoir calorifique) | X – X – X |
4 | Liquides organiques non halogénés (bas pouvoir calorifique) | X – X |
5 | Boues/solides organiques | X – X – X |
6 | Autres boues et solides minéraux | X – X |
7 | Divers | X – X – X – X – X |
Tableau III
Paramètres | Destinations possibles (Incinération / Physico-Chimie – acides et bases / Huiles / Mise en décharge) |
---|---|
pH | X – X |
Teneur en chlore | X |
Point d’éclair | X |
PCI | X |
Teneur en cendres | X |
Teneur en eau | X – X |
Cr6+ | X – X |
CN- | X – X – X |
Métaux lourds | X – X |
Phénols | X – X |
Hydrocarbures | X |
DCO après cassage | X |
Les déchets reçus sont orientés selon les trois modes suivants :
Déchets en fûts et emballages divers
Les déchets monophasiques ou multiphasiques reçus en fûts sont entreposés au niveau de l’aire de stockage couverte dont le sol est rendu étanche. Ils font l’objet d’un tri (schéma 1) :
- – les phases liquides sont pompées dans des citernes ;
- – les phases solides sont transférées avec le fût jusqu’à l’aire de stockage des produits pâteux pour y être déversées ;
- – les fûts vides sont, en fonction de leur état :
- — soit destinés au recyclage chez un régénérateur de fûts ;
- — soit écrasés par une presse, stockés dans une benne et expédiés en site d’enfouissement de classe 1.
Il est à souligner que certains fûts peuvent être stockés pour être envoyés en centre d’élimination sans manipulation intermédiaire.
Résidus liquides reçus en vrac
Les déchets liquides reçus en vrac sont directement transférés vers les citernes de stockage adéquates (figure 1).
Résidus solides et pâteux reçus en vrac
Les déchets solides et pâteux sont directement acheminés et déversés dans les fosses de stockage appropriées.
Certains déchets pâteux au niveau de ces fosses peuvent faire l’objet d’un épaississement en vue de les rendre manipulables (adjonction de produits absorbants tels que chaux, sciure…). Cette opération est assurée de façon mécanique au moyen d’une pelle hydraulique.
Procédure d’acceptation : l’assurance qualité
« Seuls les déchets préalablement caractérisés et conformes aux critères d’acceptation de la plate-forme peuvent être réceptionnés ». À ce titre, le laboratoire du site, qui fait appel à une équipe compétente en chimie, constitue l’élément clef du fonctionnement de la plate-forme.
Les étapes essentielles en matière de contrôle sont les suivantes :
- – identification préalable des déchets de l’industriel, pour valider l’acceptation par la plate-forme ;
- – réception et contrôle de conformité par rapport à l’étape précédente ;
- – contrôle de compatibilité précédant le prétraitement ;
- – contrôle en sortie des produits expédiés vers les différentes filières d’élimination.
Identification préalable
Compte tenu de la diversité des origines d’approvisionnement et, par conséquent, de la variété dans la qualité et dans la nature des résidus susceptibles d’être reçus, il convient, en tout premier lieu, d’assurer une bonne identification chez le producteur des lots proposés, avant d’en accepter l’expédition et la réception sur la plate-forme.
Les analyses préalables tiennent compte de l’origine du déchet, des renseignements fournis par l’industriel (nature physique et chimique), du type d’élimination (incinération, mise en décharge…) ou du prétraitement prévu.
Les paramètres retenus pour les analyses d’identification sont au minimum ceux indiqués dans le tableau III.
Il est à noter que l’identification préalable permet la prévision de la répartition des différentes phases composantes, ou, simplement, des différents lots de nature comparable, composant le chargement, assurant ainsi une meilleure gestion de la plate-forme. Bien entendu, cette prévision ne présente pas de caractère définitif. Les contrôles effectués lors des livraisons et, ultérieurement, au niveau de la gestion des stocks permettent de la vérifier, voire même de la modifier (figures 2 et 3).
Contrôle de conformité
(ou d’entrée)
Les contrôles de conformité effectués à la livraison des résidus sont constitués de tests simples et rapides, qui reprennent une ou deux caractéristiques des déchets. Ces contrôles sont effectués sur les échantillons prélevés de façon aussi représentative que possible. Ainsi, sur les conteneurs sont pratiqués des carottages à l’aide de cannes de prélèvement spécialement conçues. Des cannes de prélèvement sont également utilisées pour les citernes routières.
Les contrôles de conformité mentionnés ci-dessus permettent d’accepter le ou les lots de déchets concernés sur la plate-forme et d’en désigner le lieu de stockage, mais ils ne peuvent en aucun cas permettre de définir les opérations de prétraitement.
Contrôle de compatibilité
(ou intermédiaire)
Le prétraitement, c’est-à-dire la mise en œuvre des résidus sur la plate-forme, ne peut être engagé qu’à l’issue de contrôles complémentaires dits de compatibilité qui, seuls, permettent de fonctionner dans des conditions satisfaisantes de sécurité, à la fois pour les personnes et pour l’environnement, mais également de fabriquer des charges liquides ou solides dont les caractéristiques satisferont aux contraintes des arrêtés préfectoraux dont bénéficient les établissements éliminateurs.
Les contrôles complémentaires sont réalisés au laboratoire à partir d’un échantillonnage complet effectué sur les lots stockés. Ils consistent à effectuer, à l’échelle de petits pilotes, des essais de séparation de phases, puis des mélanges, avec contrôle des réactions telles que : élévation de température, dégagement gazeux, non-miscibilité, floculation, polymérisation, et tout changement d’aspect physique en général.
Contrôle de sortie
De nouveaux contrôles analytiques, spécifiques aux destinations d’élimination prévues, sont alors réalisés, portant sur les mêmes éléments que ceux effectués lors de l’analyse d’identification préalable. La procédure de suivi des déchets peut être résumée suivant le schéma 2.
Pour mener à bien les différentes étapes de contrôle, la plate-forme est conçue :
avec des installations de stockage réparties en aires de stockage spécialisées :
— pour les fûts, l’aire de stockage est gérée par lot, donc par client, de la réception jusqu’au déclenchement des opérations de prétraitement. Les fûts stockés sont contrôlés par le laboratoire, qui utilise à cet effet un étiquetage codé fût par fût, et qui décide ainsi du lieu et de la nature du travail à effectuer ;
— pour les liquides livrés en vrac sur le site, les cuves sont aussi utilisées de façon spécifique.
avec un laboratoire doté d’un équipement permettant de caractériser les paramètres retenus ci-dessus (tableau III) et un personnel qualifié.
La sécurité : une garantie de la plate-forme
Que ce soit au niveau de sa création ou de son exploitation, la plate-forme de regroupement fait appel à de nombreux paramètres de sécurité.
Choix du site
Le site est sélectionné d’une part, en fonction de critères hydrogéologiques, hydrologiques garantissant la compatibilité du terrain avec l’exploitation de la plate-forme, d’autre part en fonction de critères d’accès et environnementaux, pour limiter toute forme d’impact sur le milieu environnant.
La conception
Les installations de stockage ou de prétraitement spécifique par nature de déchets sont regroupées en aires distinctes comprenant notamment :
— une aire de vidage dans des fosses couvertes pour les déchets solides ou pâteux,
— une aire de stockage couverte pour les déchets en fûts,
— deux aires de stockage en citerne pour les déchets liquides en vrac :
- la 1ʳᵉ pour les hydrocarbures,
- la 2ᵉ pour les autres liquides.
Toutes ces aires sont indépendantes.
Fonctionnement de la plate-forme
La sécurité est assurée tout au long du transit du déchet sur le site.
Dans un premier temps, toutes les procédures de contrôle visées auparavant garantissent la sécurité sur la nature du produit reçu, les procédés utilisés sur la plate-forme ainsi que la destination finale prévue.
Au niveau des installations, toutes les garanties sont prises :
— étanchéité des aires de roulement et des aires de stockage,
— nature des citernes compatible avec les produits stockés,
— application de la réglementation relative aux hydrocarbures,
— réseau incendie armé, protection incendie,
— cuvettes de rétention pour les cuves,
— fosses étanches pour les déchets solides,
— bassin de rétention des eaux de ruissellement et de lavage,
— matériel anti-déflagrant,
— système électrique anti-flash...
Le regroupement des déchets : un concept transférable
Le concept de « plate-forme de regroupement de déchets industriels » peut parfaitement s’inscrire dans le cadre de la gestion interne des déchets sur un site de production. Dénommé alors « Parc à Déchets », il apporte notamment les avantages suivants :
Meilleure gestion interne
Le parc, réalisé également en conformité avec la circulaire ministérielle du 30 août 1985, offre une possibilité de stockage unique des déchets et un respect de l’environnement à la fois au niveau de l’impact visuel et au niveau de la maîtrise des nuisances. Dès leur production et leur conditionnement, les déchets sont transférés sur le parc, où, après analyse, ils sont stockés en fonction de leurs caractéristiques physico-chimiques dans l’attente de leur filière d’élimination finale.
Sécurité du personnel
La centralisation des déchets sur le parc réduit les risques d’incidents ou d’accidents vis-à-vis du personnel dans les ateliers de fabrication, de production et sur tout le site en général. Les moyens de conditionnement des déchets et l’enlèvement dans les plus brefs délais dès la production permettent d’offrir une sécurité optimale.
Centralisation de la production
Ce parc placé sous surveillance d’un chimiste permet de centraliser les différentes qualités de déchets générés. Cette surveillance, sur un site de stockage unique, est beaucoup plus efficace puisque nous disposons, en un lieu, des moyens de manutention, de contrôle, de sécurité et de réponse à tout problème.
Optimisation du transport des déchets
Les moyens de transport vers les lieux d’élimination finale sont mis en place à partir du moment où la quantité de déchet gérée sur le parc justifie l’utilisation d’un gros porteur. Les prestations au coup par coup sont ainsi totalement évitées.
Optimisation de l’élimination des déchets
La nature physico-chimique de chaque déchet entrant sur le parc est parfaitement connue. Les déchets sont stockés en fonction de leurs caractéristiques. Sur les aires de stockage, les fûts sont gérés par lot et sont étiquetés. En fonction de ces contrôles, la qualité de tout chargement destiné à subir une élimination finale est maîtrisée, ainsi les risques de refus d’acceptation chez l’éliminateur sont annulés. De même, la mise en évidence de filières de valorisation est facilitée.
Avec déjà trois plates-formes à l’effectif de ses filiales régionales, à Valenciennes (Sovaleg) (figure 4), à Tarbes (Surca) et à Givors (Labo-Services), le groupe SITA a confirmé son expérience en inaugurant le 19 octobre 1990 la dernière de ses réalisations à Saint-Brice-Courcelles, près de Reims, exploitée par sa filiale Dectra présente sur la région Champagnes-Ardennes (figure 5).
D’autres projets de plates-formes à échelle régionale sont à l’étude ce qui devrait permettre dans un avenir proche de pallier le problème de la gestion des déchets industriels en petites quantités.
On peut souligner que les déchets toxiques générés en petites quantités par les particuliers (DTQD) font l’objet d’une attention particulière dans le schéma de fonctionnement de ces plates-formes, donnant ainsi à ces dernières une dimension supplémentaire.