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Les phénomènes transitoires dans les stations de pompage

29 mai 1987 Paru dans le N°110 à la page 28 ( mots)
Rédigé par : P. AUCLAIR

Le but de cet article est de permettre au lecteur, par voie de similitude, de mieux comprendre ce que sont les phénomènes de coups de bélier. Un exemple qualitatif du choix d’un dispositif antibélier est suivi par l’analyse d’autres phénomènes dus aux régimes transitoires dans les stations de pompage, notamment les coups de clapet.

Dans la vie de tous les jours, chacun cherche à éviter l’accident : l’automobiliste ne prend pas la route avec une voiture sans freins, et il reste vigilant tout au long du trajet ; en hydraulique, et plus spécialement dans les stations de pompage, on cherche à éviter l’accident irréversible provoqué par un coup de bélier qui se traduit principalement par une rupture de tuyauterie due à des pressions excédant les limites admissibles.

Aspects qualitatifs

On appelle « régime transitoire » le passage entre deux régimes permanents ; ce phénomène hydraulique peut être plus ou moins doux. Le coup de bélier, qui en est une des conséquences, correspond au choc brutal d’une colonne d’eau contre une tuyauterie fermée.

On peut comparer une colonne d’eau poussée par une pompe avec un train poussé par une locomotive. Le coup de bélier est un phénomène ondulatoire rendu possible par l’élasticité du système, à comparer avec l’élasticité des tampons des wagons : si les butoirs étaient rigides, il n’y aurait pas de « va-et-vient » des wagons lors de l’arrêt du train, mais uniquement un mouvement « en masse » ; lors de l’arrêt du train, il se produit une extension puis une compression des tampons. Par similitude, en pompage, lors de l’arrêt soudain des pompes, on constate d’abord une phase de dépression suivie d’une phase de surpression.

L’eau dans une tuyauterie fermée suit les équations de conservation :

∂V/∂T + g ∂H/∂x = 0

∂V/∂x + g ∂H/(a² ∂T) = 0

dans lesquelles a est la célérité des ondes de pression, fonction de la compressibilité de l’eau et de l’élasticité de la tuyauterie.

ΔH_max = a V₀ / g

En pompage, la variation de pression maximale ΔH_max est de l’ordre de 200 m.

Aspects énergétiques

Les phénomènes transitoires correspondent à une modification de l’équilibre énergétique.

Tout système en mouvement possède sa propre énergie cinétique. C’est ainsi qu’un train de 500 tonnes lancé à 90 km/h et une colonne d’eau de 5 km de long débitant 2,5 m³/s accumulent des énergies comparables, qui devront être dissipées lors de l’arrêt du train, ou de même après la coupure du courant d’eau.

Dans une tuyauterie fermée, en régime transitoire, la pression est variable dans le temps tout au long de la tuyauterie suivant une relation : énergie de pression ↔ énergie cinétique.

Les dispositifs antibélier constituent une alternative à cette relation ; ils font intervenir une transformation réversible, plus ou moins totale, en énergie potentielle ou en énergie élastique, ce qui peut s’exprimer schématiquement de la façon suivante :

Énergie de pression ↔ énergie cinétique
Énergie potentielle
Énergie élastique

Ce transfert d’énergie permet alors de limiter la valeur des pressions extrêmes. Ce sont les dissipations d’énergie par pertes de charge (dues aux frottements ou aux singularités) qui permettent au système de retrouver un nouvel état d’équilibre.

Similitudes

Observons des situations de la vie courante qui mettent en jeu la modification d’un équilibre énergétique : un train qui s’arrête, un « trampoline », un plongeur dans une piscine, une balle qui rebondit sur le sol, un parachutiste.

Aucun de ces exemples n’illustre fidèlement les systèmes hydrauliques. Cependant ils permettent de faire les constatations suivantes :

  • — sans dissipation d’énergie, un système ne peut retrouver un nouvel état d’équilibre (trampoline) ;
  • — les transitoires restent des phénomènes doux quand les transferts d’énergie sont nombreux (plongeur, balle de tennis, parachutiste) ;
  • — l’image du train poussé par une locomotive est cependant une excellente illustration d’une colonne d’eau en mouvement et elle permet une bonne compréhension des phénomènes ondulatoires en hydraulique.

Cas des stations de pompage

Dans le cas des stations de pompage, les problèmes de coups de bélier apparaissent dans plusieurs situations :

Opérations sur les pompes :

— arrêt d’une (ou de plusieurs) pompe(s), — démarrage d’une (ou de plusieurs) pompe(s), — modification des vitesses de rotation.

Opérations sur les vannes :

— ouverture d’une (ou de plusieurs) vanne(s), — fermeture d’une (ou de plusieurs) vanne(s).

Autres phases de fonctionnement :

— évacuation d’air de la tuyauterie, — fermeture d’un (ou de plusieurs) clapet(s).

Ces opérations se présentent normalement dans le cadre de l’exploitation des stations de pompage. Afin d’éviter toute pression inadmissible, elles peuvent être contrôlées par divers moyens : — ouverture ou fermeture des vannes au refoulement des pompes, — contrôle des temps d’ouverture ou de fermeture des vannes, — variation des vitesses de rotation des pompes.

Lors d’une coupure de courant, toutes les pompes se déclenchent simultanément sans possibilité préalable de contrôle par les vannes ou par la vitesse des pompes : c’est dans ce cas que l’on rencontre les conditions les plus extrêmes de pression qui permettent de déterminer les caractéristiques des dispositifs antibéliers. Lors du déclenchement des pompes, il faut veiller à ce que tout au long du système, les dépressions et surpressions restent dans des limites admissibles. On peut noter que, lors des phases de dépression, les tuyauteries métalliques peuvent supporter une mise en dépression de quelques mètres. D’autre part, si les pressions passent en dessous de la tension de vapeur saturante, il y a création de vide et d’un décrochage de la colonne de liquide, dangereux pour la suite de l’exploitation du système si des opérations adéquates ne sont pas prévues.

[Photo : Fig. 1 — Influence des protections antibélier.]

Les dispositifs antibélier

On distingue :

Les dispositifs majeurs, avec transfert d’énergie :

— ballon hydropneumatique (figures 2 et 3) — cheminée d’équilibre (figure 4) — volant d’inertie (figure 5)

Les dispositifs secondaires, sans transfert d’énergie :

— soupape de décharge, — by-pass à l’aspiration, — ventouse d’entrée d’air, — réservoir d’eau à clapet.

Leurs effets peuvent être déterminés en fonction des données du tableau 1.

[Photo : Fig. 2 — Ballons hydropneumatiques de 30 m³ — Station de Joumine (Tunisie).]
[Photo : Fig. 4 — Cheminée d’équilibre de 28 m de hauteur au Venezuela.]
[Photo : Fig. 5 — Installation équipée d’un volant d’inertie AEP Bizerte (Tunisie).]
[Photo : Fig. 3 — Installation équipée avec ballons hydropneumatiques — Station SP1 au Loukkos (Maroc).]

Tableau 1 : Comparaison des dispositifs antibélier

Dispositifs Principe Protection dépression Protection surpression Remarques
Ballon Capacitif +++ +++ Plus courant
Cheminée Capacitif +++ +++ Protection points hauts
Volant Pompes ++ ++ Pour conduites < 500 m
Soupape Écrêtage surpressions 0 + Sécurité
By-pass Alimentation par aval lors dépression + 0 Installation basse pression
Ventouse Limite dépression + 0 Attention à l'air dans les conduites
Réservoir Alimentation conduite lors dépression ++ 0 Protection points hauts
[Photo : Fig. 6 — Profil en long favorable.]

Définition d'un dispositif antibélier

La définition d'un dispositif antibélier consiste :

  • à vérifier si le système a besoin d’une protection antibélier,
  • à choisir le type de protection,
  • à dimensionner le dispositif choisi.

Chaque système, selon ses caractéristiques, est plus ou moins protégé contre les coups de bélier par diverses circonstances :

  • profil en long favorable (figure 6),
  • tuyauterie alimentée par réservoir aval (figure 7),
  • compressibilité du fluide véhiculé et déformation de la tuyauterie (figure 8),
  • pertes de charge (figure 9).
[Photo : Fig. 7 — Système protégé par réservoir aval.]
[Photo : Fig. 8 — Protection par l’élasticité du système.]
[Photo : Fig. 9 — Influence des pertes de charges.]

Il faut donc à chaque fois, évaluer la nécessité d’une protection. Dans l’affirmative, il faut choisir le dispositif en fonction de la configuration du système, puis le dimensionner.

Les protections possibles correspondant aux trois profils en long que l’on rencontre le plus souvent dans la pratique sont données sur les figures 10, 11 et 12 résumées schématiquement ci-dessous.

Dans chaque cas, des dispositifs secondaires peuvent être aussi utilisés, par exemple :

  • cas de la figure 10 : ventouse, réservoir d’eau ;
  • cas de la figure 11 : soupape de décharge ;
  • cas de la figure 12 : by-pass à l’aspiration.

Le dispositif choisi, il faut ensuite le dimensionner.

[Photo : Fig. 10 — Protection par cheminée d’équilibre.]
[Photo : Fig. 11 — Protection avec ballon hydropneumatique.]
[Photo : Fig. 12 — Protection par by-pass à l’aspiration.]

Comme exemple, considérons un système donné comportant une pompe (débit 1 m³/s), une tuyauterie (diamètre 500 mm) établie suivant un profil isométrique du type 2, et faisons varier la hauteur de refoulement ainsi que la longueur de la tuyauterie. Les caractéristiques des protections à prévoir figurent au tableau 2.

Tableau 2 : Caractéristiques des protections à prévoir dans l’exemple choisi (V = volant d’inertie, B = ballon hydropneumatique)

Longueur de canalisation : L = 500 m
Haute pression (H = 50 m) non requis
Moyenne pression (H = 10 m) V = 30 kg·m² ou B = 2 m³
Basse pression (H = 1 m) V = 3 kg·m² ou B = 20 m³
Longueur de canalisation : L = 1000 m
Haute pression (H = 50 m) non requis
Moyenne pression (H = 10 m) V = 60 kg·m² ou B = 4 m³
Basse pression (H = 1 m) V = 6 kg·m² ou B = 40 m³
Longueur de canalisation : L = 5000 m
Haute pression (H = 50 m) Ballon 4 m³
Moyenne pression (H = 10 m) Ballon 20 m³
Basse pression (H = 1 m) Ballon ou volant trop grands

Les systèmes à haute pression peuvent ne pas nécessiter de dispositif antibélier. Les systèmes à moyenne pression ont à leur disposition la totalité des dispositifs antibélier.

Paradoxalement, ce sont les systèmes à basse pression qui présentent le plus de problèmes. L’expérience et les calculs montrent qu’il est toujours difficile de trouver une protection satisfaisante. Les dispositifs majeurs sont toujours de dimensions importantes. Les dispositifs secondaires sont les plus couramment utilisés.

Les coups de clapet

Le coup de bélier n’est pas le seul phénomène résultant des régimes transitoires : ceux-ci génèrent également des effets locaux comme par exemple le coup de clapet, provoqué par la fermeture brutale de l’obturateur contre son siège, ce qui caractérise une inversion du débit avant fermeture. Il apparaît lors de l’arrêt des pompes, ou de l’arrêt d’une pompe dans le cas d’un fonctionnement en parallèle.

Le coup de clapet provoque d’une part un choc mécanique pouvant détériorer le clapet et son environnement et d’autre part l’apparition d’ondes de surpression parasites dues à l’inversion de débit. L’installation d’un ballon hydropneumatique peut ag-

aggraver la situation en générant, lors du déclenchement des pompes, une inversion de débit locale sur le tronçon ballon-clapet.

Les clapets courants (simples ou double-battants) ont des temps de fermeture généralement trop longs vis-à-vis des conditions hydrauliques des systèmes : le clapet idéal serait celui qui se ferme avec l’annulation du débit…

On évite le coup de clapet par diverses actions :

  • — en choisissant un clapet à fermeture rapide (par exemple à déplacement axial),
  • — en réduisant son temps de fermeture (par exemple en raidissant son ressort de rappel),
  • — en agissant sur le système hydraulique, soit en éloignant le ballon de la station, soit en augmentant l’inertie de la ligne d’arbre.

Autres phénomènes

Outre les coups de bélier ou de clapet, on peut également constater les phénomènes suivants, intervenant pendant les régimes transitoires :

  • — décrochage de la colonne de liquide,
  • — mise en rotation inverse des pompes.

Il convient d’être prudent dans les stations de pompage en cas de présence d’air dans la tuyauterie, notamment lors du premier remplissage, ou après l’admission d’air dans la tuyauterie par des ventouses.

Dans le cas de stations sans robinetterie (notamment cas des grosses installations) il est nécessaire de bien prévoir la possibilité de rotation inverse dans la conception de la ligne d’arbre.

Dans le cas de grande longueur de canalisations à l’aspiration (à partir de 100 m) il convient de bien étudier le problème. Les dispositifs de protection peuvent être choisis parmi les suivants : ballon hydropneumatique, cheminée d’équilibre, réservoir d’eau, volant d’inertie, soupape ou ventouse.

Les moyens de calcul

Autrefois, les calculs s’effectuaient graphiquement par épures ou à l’aide d’abaques donnant les courbes de dépressions et de surpression le long des conduites ; les calculs ont également été réalisés par similitude électrique.

Actuellement, les calculs antibélier se font par ordinateur. L’apport de l’informatique permet une plus grande précision dans les calculs, notamment pour les cas complexes (réseau maillé ou système complexe) ; cependant l’informatique n’est pas le remède miracle qui peut remplacer entièrement l’ingénieur, lequel reste nécessaire pour étudier les cas délicats.

Conclusion

Les phénomènes transitoires en hydraulique et les dispositifs antibélier sont connus et maîtrisés ; cependant si le coup de bélier est mal analysé, il peut provoquer des dégâts matériels graves et irréversibles.

L’étude antibélier relève à chaque fois du cas par cas. Elle requiert le concours du pompiste, de l’installateur et de l’exploitant dont le savoir-faire et l’expérience permettront la bonne définition du dispositif antibélier. Cette collaboration, alliée à une bonne conception de la station, assurera la fiabilité de l’installation de pompage.

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