A. DEGUIN,S.A.U.R.*
Depuis quelque temps, l'opinion publique est sensibilisée aux problèmes posés par la présence de nitrates dans l'eau du robinet.
Une campagne de presse s'est, en effet, fait l'écho des spécialistes sur la question et nous ne reviendrons donc pas sur l'origine et les conséquences sur la santé de la présence des nitrates dans l'eau.
Parallèlement, les revues spécialisées dans le traitement d'eau rapportent les expérimentations des procédés capables d'éliminer les nitrates de l'eau. Parmi ceux-ci, deux ont plus spécialement retenu l'attention pour un débouché éventuel :
- — la voie biologique,
- — l'échange d’ions.
Le premier procédé a fait l'objet de très nombreux articles précisant ses performances et a obtenu récemment une autorisation de mise en œuvre industrielle au dire des auteurs.
Le propos de ce qui va suivre ne sera donc pas de revenir sur ce mode de traitement, mais plutôt de redonner au procédé d’échange d’ions toute la place qu'il mérite parmi les outils futurs mis à la disposition des traiteurs d’eaux pour éliminer les nitrates.
1. RAPPEL DU PRINCIPE DE L'ÉCHANGE D'IONS
La rétention des nitrates par échange d'ions se fait selon le même principe que la rétention du calcium et du magnésium dans un adoucisseur.
La différence essentielle réside dans la nature de l'échangeur ionique qui est de type anionique fort pour les nitrates et de type cationique fort pour la dureté de l'eau.
Le traitement des nitrates par échange d’ions consiste donc à fixer ceux-ci sur une résine anionique qui restitue en échange une quantité équivalente de sels chlorurés (l'ion chlorure étant utilisé comme régénérant à l'état de sel de sodium pour redonner à la résine son pouvoir de fixation des nitrates).
R Cl⁻ + NO₃⁻ ⇄ R NO₃⁻ + Cl⁻
(1) réaction d'élimination des nitrates.
(2) réaction de régénération.
R = résine.
* Société d'Aménagement Urbain et Rural.
2. PERFORMANCES DU PROCÉDÉ
Les récentes directives de la Communauté Européenne, publiées en août 1980, précisent que l'eau distribuée aux consommateurs ne devra, en aucun cas, dépasser une teneur maximale de 50 mg de nitrates au litre, avec la fixation d'un niveau guide de 25 mg/l à atteindre si possible.
Un recensement en cours de l'état de pollution des nappes françaises laisse déjà présager que la teneur limite de 50 mg/l sera dépassée dans un grand nombre de régions.
Un respect des normes européennes devant s'établir d'ici à 1985, il conviendra de disposer de moyens de traitement efficaces, fiables et d'usage simple.
Mieux que tout autre procédé, l’échange d’ions répond parfaitement à ces qualificatifs.
En effet, le principe de l’échange d'ions assure une efficacité d’élimination d’autant plus grande que la teneur en nitrates sera élevée.
En outre, quelle que soit la teneur en nitrates de l'eau brute, quelle que soit la saison (été comme hiver), la qualité d'eau traitée restera constante puisque l’échangeur d’ions élimine la quasi-totalité des nitrates de l'eau et ne laisse passer que quelques milligrammes par litre (moins de 5 mg/l).
Ainsi dispose-t-on d'un procédé qui permet d’éliminer les nitrates en toutes circonstances sans se soucier des fluctuations de qualité de l'eau brute (concentration en nitrates, température, pH, alcalinité, teneur en oxygène dissous, etc.).
De plus, cette performance est atteinte avec un maximum de fiabilité puisque la technologie des échangeurs d’ions est absolument bien maîtrisée et facile à automatiser d’où une surveillance très réduite.
3. OBSTACLES À SON UTILISATION
Le principal obstacle à la mise en œuvre de ce procédé demeure l'interdiction par le Conseil Supérieur de l'Hygiène Publique d'utiliser les résines anioniques en eau potable.
La raison de cette interdiction provient des risques de relargage de produits aminés par ce type de résine.
Des études récentes (1) et (2) ont montré que ces risques étaient quantifiables et que les quantités rejetées diminuaient considérablement au cours de la mise en condition préalable à l'utilisation des résines.
Des paliers s'établissaient en effet très rapidement lorsque l'on corrélait les quantités d'amines dosées dans l'eau traitée en fonction des cycles d'utilisation. Ce qui atteste d'une tendance des résines à rejeter la majeure partie de ces produits lors de leur conditionnement.
L'étude n’a pu être poursuivie en raison de l'atteinte des seuils de détection des méthodes analytiques retenues. Toutefois, un abaissement de ces seuils est possible par le choix de nouvelles méthodes et une prochaine étude est sur le point de s'engager pour prolonger ce travail.
L'obstacle des risques éventuels de rejets d'amines dans l’eau traitée par les résines étant levé, le procédé pourrait alors être avantageusement mis en œuvre sur de nombreux sites actuellement menacés de dépassement des teneurs autorisées en nitrates.
4. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
La technologie du procédé d’élimination des nitrates par échange d'ions est parfaitement maîtrisée. Reste à s'affranchir du problème des relargages éventuels par les résines. Ces produits sont bien identifiés, il s'agit d’amines pour lesquelles une étude est en vue, d'une part pour mettre au point des méthodes d’analyse assurant une détection très basse et, d’autre part, pour examiner un moyen de leur destruction par traitement complémentaire de l'eau traitée.
Les résultats prochains de cette étude permettront de trancher la question tant attendue d'un agrément du procédé.
RÉFÉRENCES :
(1) A. DEGUIN, P. ROUAS, A. NEVEU, M. GASPARD. Journal Français d’Hydrologie - 1978, 9, fasc. 2, n° 26, pages 91-104.
(2) A. DEGUIN. Thèse de novembre 1980 - n° d'ordre 48 - Université de Poitiers.
(3) A. DEGUIN. Article à paraître au premier semestre 1982 dans la Tribune du Cebedeau.
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