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Les méthodes de conditionnement de l'eau d'alimentation des chaudières électriques à jets

30 mars 1986 Paru dans le N°99 à la page 61 ( mots)
Rédigé par : J.-y. DERRIEN

Du fait d'une politique incitative d’E.D.F., les exploitants s'équipent depuis deux ans de chaudières électriques, dans le cadre du développement de la biénergie. Si, dans l'application de ce programme, les problèmes spécifiques de conditionnement d'eau ont été quelque peu négligés au début, il résulte de l'examen des premières chaudières que ce point mérite d’être approfondi.

Nous avons limité cet article au conditionnement de l'eau d'alimentation des chaudières à jets, car elles représentent actuellement l'essentiel du marché des chaudières électriques à électrodes ; pour notre part, l’expérience que nous avons acquise depuis de nombreuses années dans ce domaine nous a permis d’aboutir à la mise en place de traitements fiables et performants qui reposent sur les principes énoncés ci-après.

LE CONTRÔLE DU pH ET DE L’ALCALINITÉ

L’acier se corrode en milieu aqueux oxygéné, mais dans les chaudières, on maintient des conditions telles qu'une pellicule protectrice se forme à même le métal, arrêtant ainsi le phénomène de dissolution de l’acier.

La solution permettant d’éviter la corrosion consiste donc à régler le pH à un taux assurant l’oxydation du fer sous forme de magnétite (soit entre 8,7 et 12,7, voir figure 1).

[Photo : Fig. 1 — Corrosion de l’acier en fonction du pH de l'eau de chaudière.]

Lorsque le phénomène de concentration de l'eau dans la chaudière et l'alcalinité naturelle de l'eau ne suffisent pas à élever le pH et l'alcalinité, il est nécessaire d’ajouter un composé basique tel que la soude caustique. Une remarque s'impose néanmoins : un pH trop élevé conduit, comme un pH trop bas, à une corrosion généralisée importante ; un pH trop élevé pose également des problèmes concernant la porcelaine des isolateurs : on constate en effet une fragilisation de ce matériau avec un pH trop important.

Les risques de surconcentration de soude sous dépôt (corrosion caustique classique) n’existent pratiquement pas dans ce type de générateur, du fait de l’absence de zone de transfert thermique (pas de point plus chaud que l'eau).

LE CONTRÔLE DE L'OXYGÈNE DANS L'EAU ALIMENTAIRE

Le problème de la présence d'oxygène se pose, et pour les chaudières électriques plus spécialement dans l'eau des condensats. Outre le fait, nous l'avons vu, que pour obtenir un film de magnétite correct, il est nécessaire d'utiliser une eau totalement désaérée, la corrosion électrochimique en présence d’oxygène dissous se manifeste par l’apparition de piqûres (pitting).

L'addition en excès d'un réducteur d’oxygène à l'eau d'alimentation pour obtenir un résiduel témoin dans la chaudière est la méthode communément utilisée dans l'industrie. Dans le cas où la concentration en solides dissous (ou la conductivité équivalente) n’est pas le facteur principal limitant le taux de concentration, on utilise généralement des sulfites de sodium liquides ou solides catalysés. Aux températures normales d'eau d’alimentation et à pH alcalin (pH > 7,5), la réaction entre le sulfite de sodium et l'oxygène est quasi instantanée suivant le mécanisme :

2 Na₂SO₃ + O₂ → 2 Na₂SO₄  
(Sulfite de sodium + oxygène → sulfate de sodium)

Il faut en théorie 7,8 g de Na₂SO₃ pour neutraliser 1 g d'oxygène. Le résiduel couramment visé est de l’ordre de 20 à 40 ppm (mg/l).

Dans les systèmes où la teneur en solides dissous (ou en conductivité équivalente) est telle qu'il n'est pas possible d’accroître la conductivité de l'eau sans augmenter les purges, on utilise un réducteur d’oxygène volatil.

LE CONTRÔLE DE LA DURETÉ

Afin d'assurer les concentrations en dureté les plus faibles possibles, l'eau d’appoint est généralement adoucie, voire déminéralisée et elle est diluée par les retours de condensats.

Dans la chaudière, les sels de dureté précipitent sous forme cristalline pour devenir en fait des impuretés en suspension qui, comme telles, vont provoquer des problèmes d’érosion et de dépôt.

Depuis toujours, les exploitants, pour résoudre ce problème, effectuent des traitements à base de phosphate, dont le principe est de précipiter le calcium sous une forme moins gênante car moins incrustante.

Le précipité formé est alors éliminé par les purges continues de la chaudière.

On peut également améliorer cette évacuation en incorporant un dispersant spécifique du phosphate tricalcique.

Dans le cas des chaudières électriques, cette technique n’est pas adaptée car elle implique nécessairement une augmentation volontaire de la teneur en matières en suspension de la chaudière, ceci entraînant obligatoirement une augmentation de l’érosion de l’installation.

La solution à retenir est donc l'utilisation d'un agent séquestrant spécifique qui bloque le carbonate de calcium au niveau des germes de nucléation, l’empêchant ainsi de précipiter.

Cette solution fiable est d’ailleurs déjà utilisée depuis de nombreuses années dans les générateurs de vapeur classiques à faible taux de purges ou à transfert thermique élevé.

Les polymères doivent être dosés proportionnellement à la teneur en calcium et doivent être très spécifiques de celui-ci, compte tenu du fait qu’ils doivent s’adsorber sur des sites actifs particuliers.

LE CONTROLE DES SOLIDES EN SUSPENSION

Une fois introduits dans la chaudière par l'eau d'alimentation, ces solides doivent être éliminés par l’intermédiaire des purges. Afin de réduire le phénomène d’érosion et celui de formation des dépôts, on utilise des dispersants synthétiques.

Ces polymères fonctionnent en s’adsorbant sur les particules et le métal pour leur donner une charge électrique négative. Grâce à la répulsion électrique qui en résulte, les particules sont isolées les unes des autres et restent donc plus petites et facilement transportées par l’eau jusqu’à leur évacuation par les purges.

Les dispersants ont également la propriété de modifier la structure cristalline des précipités et de réduire leur taille. Les cristaux formés sont beaucoup moins susceptibles de provoquer l’érosion. Leur mécanisme d’action est figuré sur les deux schémas de la figure 2.

[Photo : Fig 2 - Mécanismes d’action des dispersants sur les précipités.]

LE CONTROLE DE LA MOUSSE

À l'opposé des chaudières à vapeur tubulaire, les chaudières à électrodes ne possèdent pas de ballon où se produirait une accumulation de bulles de vapeur. Les risques d'entraînement d’eau sont donc de ce fait minimisés et dans la plupart des cas, le dosage d’un agent antimousse n’est pas nécessaire; toutefois, certains systèmes présentant des concentrations en solides en suspension élevées ou ayant un problème de mousse pour une raison incontrôlable (matières organiques amenées par les condensats) sont justifiables d’un tel traitement.

Si des problèmes de mousse sont suspectés, il est important de bien les diagnostiquer avant de décider des mesures à prendre. Une étude de pureté de la vapeur pourra seule déterminer les causes exactes du primage et les remèdes correspondants.

Généralement, le maintien de la valeur recommandée en TAC est suffisant pour éviter les problèmes de mousse. En particulier, les industries laitières auront intérêt à fonctionner avec des TAC plus faibles.

LE CONTROLE DE LA CONDUCTIVITE

Pour permettre d’assurer dans des conditions optimales la propagation du courant dans l’eau de la chaudière, il est nécessaire d’ajuster la conductivité de celle-ci en appliquant les normes établies par le constructeur.

Dans le cas où la concentration naturelle de l'eau d’appoint ne permet pas d’obtenir la bonne valeur de marche (ou que la concentration nécessaire ne peut pas être maintenue, compte tenu du dépassement d’autres paramètres), il est souvent nécessaire d’ajouter un produit salin.

Si divers produits peuvent être envisagés, on utilise généralement les suivants : soude, sulfite de sodium, phosphates. Ces produits courants amènent les conductivités suivantes :

phosphate di-sodique : 1 ppm = 0,8 µS/cm  
phosphate tri-sodique : 1 ppm = 0,94 µS/cm  
soude : 1 ppm = 6,2 µS/cm  
sulfite : 1 ppm = 2 µS/cm

Notre expérience nous a montré que, pour les raisons déjà exposées, il faut exclure toute utilisation de phosphate (précipitation de phosphate de calcium et de fer, favorisant l’érosion et le moussage).

La conductivité est généralement contrôlée par l'addition de soude ; ce produit offre l’avantage d’une augmentation rapide de la conductivité pour un dosage faible, en raison de la très grande mobilité des ions OH–. Ceci a pour autre avantage un impact assez réduit sur la salinité totale dissoute de l'eau de chaudière. Autre avantage de la soude : elle participe à l’établissement d’un pH correct. Par contre, si le TAC ou le TOH limitent le taux de concentration, nous proposons l’emploi complémentaire du sulfite de sodium qui agit aussi comme réducteur d’oxygène (tout en n’ayant que peu d’influence sur le TOH).

TRAITEMENT DES CONDENSATS

Comme dans les chaudières classiques, la transformation des bicarbonates et des carbonates en ions OH– provoque l'apparition de CO₂ en phase vapeur. Ce dioxyde de carbone, entraîné dans la vapeur, se redissout dans l’eau condensée en abaissant le pH et provoque une corrosion généralisée du type acide. Ce problème classique est généralement maîtrisé par l'introduction en chaudière d’amines neutralisantes volatiles.

Le pH généralement fixé dans les condensats est de l’ordre de 8,3.

Problème de l’oxygène

Les chaudières électriques produisent une vapeur contenant de l’oxygène, en quantité bien supérieure à celle qui est introduite par l'eau d’alimentation ; cette situation implique que tout traitement réducteur d’oxygène mis en place, soit dans le système d’alimentation, soit dans la chaudière, n’influence que très peu la production d’oxygène en phase vapeur.

La quantité d’oxygène émise est très variable d'une installation à l'autre, mais on peut retenir certains principes généraux :

- plus la tension est élevée, plus la concentration existant dans la vapeur est importante ;

- même constatation lorsque la conductivité de l’eau augmente pendant le fonctionnement de la chaudière ;

- pour une tension donnée, la concentration en oxygène décroît avec la quantité de vapeur produite.

Les quantités produites sont généralement très importantes. Cependant, bien que dans un réseau de condensats la présence simultanée d’oxygène et de CO₂ accroisse grandement la tendance à la corrosion, il est très difficile de prévoir, avec certitude, les risques encourus par l'installation. Ainsi, le doublement de la quantité d’oxygène ne représente pas obligatoirement un doublement de la corrosion du réseau. En effet, la configuration de celui-ci, les mises à l’air possibles, les pressions de condensation, etc., vont déterminer la redissolution possible de l’oxygène dans l’eau condensée. Toutes les mesures (teneurs en oxygène, témoin de corrosion, etc.) seraient donc à réaliser point par point, directement sur le réseau de condensation. On cherche en définitive à combattre l'action de l'oxygène (et du CO₂) redissous dans l'eau.

Nous avons deux possibilités théoriques :

— soit réduire totalement l’oxygène présent,

— soit réaliser une passivation des surfaces.

La première technique est plus difficile à mettre en œuvre, car les quantités d’oxygène à réduire sont variables d'une installation à l’autre et d'un point du réseau à l’autre (pour une même installation). De plus, il est nécessaire d’utiliser un produit non salin, car tout corps amenant de la salinité dans les condensats pénalise d’autant la concentration et la marche de la chaudière, s'il y a retour des eaux ainsi traitées. Dans ce cas, l'utilisation d’hydrazine comme réducteur d’oxygène peut être classiquement envisagée. Cette technique possède toutefois des limitations très importantes :

— il s’agit d'un produit à caractère toxique,

— il y a risque de décomposition partielle en ammoniaque, ce qui provoque des problèmes sur le cuivre ou le laiton contenus dans le réseau,

— la vitesse de réaction à froid est faible (ce point étant très important dans ce cas puisque c'est dans les parties de condensation les plus froides que l’oxygène sera présent en plus grande quantité).

Il existe maintenant sur le marché des produits non toxiques qui se substituent avantageusement à l'hydrazine. Leur différence réside surtout dans leur réactivité à froid, comme le montre la figure 3.

[Photo : Réduction de l’oxygène par le Magniform 304]

En règle générale, ces produits sont injectés directement en phase vapeur (pour ne pas être consommés inutilement en chaudière), à une dose sous-stœchiométrique et, compte tenu de leur coefficient de partage, permettent soit une réduction complète de l’oxygène, soit une passivation des surfaces par fabrication de magnétite. Leur efficacité est suivie par des moyens habituels : coupons de corrosion, sondes électriques ou, mieux, inspection des appareils.

Nous proposons l’utilisation du Betz Magniform 304. Grâce à son excellente réactivité à basse température, il reste efficace dans les parties du réseau où la température est faible ; c’est dans celles-ci, en effet, que l'on a le plus de chances de constater une teneur élevée en oxygène (loi de Henry).

Des études théoriques ont été menées pour déterminer l'influence sur les titres (TA, TAC) des divers constituants :

— soude : 1 ppm amène 6,2 µS/cm, 0,125° TAC, 0,125° TA,

— sulfite : 1 ppm amène 2 µS/cm, 0,04° TAC, 0,003° TA.

On constate que si le sulfite fait augmenter le TAC de la même valeur que la soude, il ne fait pratiquement pas évoluer la teneur en OH⁻ (pour une même conductivité).

Dans d’autres cas, la concentration de la chaudière est limitée par le TAC de l'appoint (cas des eaux adoucies non décarbonatées). Toute injection de soude et de sulfite est alors impossible. Dans ce cas, un composé acide, tel que le bisulfite de sodium, constitue la solution.

Programme de calcul

Compte tenu de la difficulté des calculs et des nombreux paramètres entrant en jeu, nous disposons d'un programme informatique qui nous permet de bien approcher la marche

optimale de la chaudière. Ce programme concerne principalement les caractéristiques suivantes de l'eau d'alimentation : la conductivité, le TH, les concentrations des métaux fer et cuivre, le TA et le TAC, puis il détermine par comparaison avec les limites fixées et en accord avec le constructeur de la chaudière, le facteur limitant.

Le calcul intègre également la décomposition totale des bicarbonates (qui provoque la génération de CO₂ en vapeur) et celle partielle des carbonates (fonction de la pression) qui provoquent l'apparition d’ions OH⁻ (de conductivité équivalente plus élevée) :

2 HCO₃⁻ → CO₃²⁻ + CO₂ + H₂O  
CO₃²⁻ + H₂O → CO₂ + 2 OH⁻

Nous donnons en annexe un exemple de calcul.

CONCLUSION

Nous l’avons vu, le traitement des chaudières électriques à jets fait appel à une technologie légèrement différente de celle utilisée dans les chaudières conventionnelles. Cependant, des solutions fiables mises au point depuis de nombreuses années permettent de les exploiter sans problèmes.

Il faut observer cependant que leur étude doit être entreprise en collaboration avec les spécialistes le plus tôt possible, pour obtenir une protection maximale, qui permettra en outre d'améliorer le rendement des installations.

Dans cet esprit, notre société peut utilement faire profiter les exploitants de sa longue expérience.

ANNEXE

Traitement de l'eau d’alimentation d'une chaudière électrique à jets. Exemple de calcul :

Les données sont les suivantes :

a) caractéristiques de la chaudière :

  • — puissance 25 MW,
  • — capacité de production de vapeur = 35 t/h,
  • — pression = 20 bars.
[Photo : Fig. 4 – Comparaison des analyses avec les normes.]
[Photo : Fig. 5 – Ajustement de la conductivité en chaudière électrique.]
[Photo : Fig. 6 – Exemple de présentation d'un traitement interne de chaudière.]

b) eau alimentaire

Éléments Caractéristiques de l'eau d'appoint Caractéristiques souhaitables de l'eau de chaudière
TA (°français) 0,1 30
TAC (°d) 3 35
SO₄ (ppm) 25 1 000
Cl (ppm) 25 1 000
SiO₂ (ppm) 5 150
Conductivité (µS/cm) 120 3 400
Cu (ppm) 0,01 0,5
Fe (ppm) 0,3 2

Le taux de concentration limite est de 6,6 ; le fer est le facteur dont la concentration est critique (figure 4).

La conductivité doit être augmentée ; à cette fin, on ajoutera (figure 5) :

  • — de la soude jusqu'à l'obtention du TAC maximal recommandé,
  • — du sulfite de sodium (sous notre dénomination Corrogen).

Une étude complète donne lieu à la présentation d'une fiche du modèle représenté sur la figure 6.

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