Depuis plusieurs dizaines d'années les mesures en continu de la qualité des fluides, milieux aqueux en particulier, ont une place essentielle dans le contrôle des procédés. Leur application a été réalisée avec plus ou moins de succès. Pour la qualité des eaux, celles-ci ont leur place dans l'automatisation des unités d'eau potable et les stations d'épuration des eaux usées. Par contre, le contexte réglementaire leur reconnaît que très rarement un rôle effectif dans le contrôle de la qualité de l'eau, contrairement à ce qui se passe pour la qualité de l'air. L?exposé comprend un rappel des principes. Différents exemples d'applications spécifiques pourraient être rapportés, concernant : - la surveillance des ressources d'eau potable, - l'exploitation des systèmes d'assainissement, - le suivi des milieux récepteurs. Mais on se limitera à la gestion en temps réel des réseaux de collecte d'eaux usées.
Depuis plusieurs dizaines d’années les mesures en continu de la qualité des fluides, milieux aqueux en particulier, ont une place essentielle dans le contrôle des procédés. Leur application a été réalisée avec plus ou moins de succès. Pour la qualité des eaux, celles-ci ont leur place dans l’automatisation des unités d’eau potable et les stations d’épuration des eaux usées. Par contre, le contexte réglementaire leur reconnaît que très rarement un rôle effectif dans le contrôle de la qualité de l'eau, contrairement à ce qui se passe pour la qualité de l’air. L’exposé comprend un rappel des principes. Différents exemples d’applications spécifiques pourraient être rapportés, concernant :
- - la surveillance des ressources d’eau potable,
- - l'exploitation des systèmes d’assainissement,
- - le suivi des milieux récepteurs.
Mais on se limitera à la gestion en temps réel des réseaux de collecte d’eaux usées.
Le contexte réglementaire fixe clairement les responsabilités civile et pénale aux maîtres d’ouvrages qui doivent dès lors mettre tout en œuvre pour garantir le bon fonctionnement des systèmes d’assainissement et ceci dans leur intégralité. En effet, le contrôle de ces rejets dans le milieu naturel impose désormais une autosurveillance des systèmes d’assainissement. Une étude de faisabilité de l'utilisation de mesures en continu applicables a été conduite par la Communauté Urbaine du Grand Nancy et le GEMCEA. L’objectif était de développer un concept par une approche “globale” de l'impact des rejets industriels dans les réseaux collectifs pour la gestion en temps réel des systèmes. Ce concept est désormais généralisable à d'autres sites.
Le développement des mesures en continu dans les différents domaines du suivi de la qualité des eaux passe par :
- - l'acceptation, tant par les pouvoirs publics que par les utilisateurs, des avantages de tels moyens,
- - la reconnaissance officielle dans le contexte réglementaire, non pas en substitution des méthodes traditionnelles, mais en complément de celles-ci,
- - la démonstration de la faisabilité de ces méthodes, ce qui impose de développer des normes pour leur évaluation, et leur mise en œuvre.
L’état de l'art
Les mesures en continu ont un rôle essentiel dans la gestion des ressources d'eau et de la distribution de celle-ci. Ainsi, il faut imaginer le futur avec des moyens fiables indiquant la présence de substances indésirables, voire toxiques, dans les eaux prélevées. Ceci éviterait que ce soit le consommateur qui serve de bio-capteur, lorsqu’il constate au robinet une odeur d’hydrocarbures, Voiron, juillet 2000, ou qu’il soit, au minimum, victime de quelques désagréments digestifs. Par ailleurs, il est dangereux de minimiser les risques à moyen et long termes. Des moyens existent pour mettre en évidence très préco-
... les substances polluantes dans les eaux. Ce sont les capteurs et analyseurs des paramètres physico-chimiques, ainsi que des bio-capteurs : bactéries, micro-crustacés, coquillages, poissons et algues qui ont une place à prendre. Le NanC.I.E., Centre International de l’Eau à Nancy, est le coordonnateur d’un important projet européen LIFE, où il est apprécié la pertinence de différents capteurs ou analyseurs basés sur ces principes. On citera :
- - le Fluotox (Amatronic) mettant en œuvre des algues, capteur très sensible aux herbicides ;
- - le Gymnotox (ER Ingénierie) mettant en œuvre un poisson électrique, représentant un capteur à large spectre de polluants.
Quand il est écrit (L’Eau, l’Industrie, les Nuisances n° 244, p. 57) qu’un risque existe par le lessivage des terres agricoles entraînant des pesticides lors de pluies, en particulier d’orage, la question est : comment l’approche traditionnelle peut-elle permettre de mettre en évidence de tels événements ? Il est très pénalisant pour l’écosystème de continuer à ignorer ces moyens de mesure, qui apportent de plus une information sur la dynamique des systèmes pour en assurer une gestion en temps réel. Il ne s’agit aucunement d’opposer cette approche à celle usuellement pratiquée : prélèvement, échantillon, analyse au laboratoire, mais de profiter de leur complémentarité. Les moyens existent, déjà commercialisés ou en cours de développement. Les entreprises sont pleines d’imagination et désireuses d’apporter des solutions adaptées et innovantes. Le tissu de celles-ci en France est important, au moins autant qu’en Allemagne. Mais est-ce l’appréhension des difficultés de mise en œuvre de ces mesures, ou bien la crainte de la surveillance continue des installations qui freine leur développement ? La composante culturelle en la matière est primordiale ; elle ne peut évoluer que par l’association de compétences et par une meilleure compréhension entre les acteurs. Les opérations d’information, de sensibilisation et de formation doivent être amplifiées. Le grand public a besoin d’être rassuré au quotidien. Les maîtres d’ouvrage doivent avoir les moyens de prévenir les risques à court terme, mais aussi à moyen, et pourquoi pas à long terme. Leurs responsabilités civiles et pénales sont directement engagées.
La mise en œuvre des mesures traditionnelles ou en continu pour le suivi de la qualité de l’eau passe par une démarche qui exige des réponses précises à quatre questions. La première, essentielle, est :
- • Pourquoi mesurer ?
et, les trois autres, de base :
- • Quoi mesurer ?
- • Où mesurer ?
- • Comment mesurer ?
Il faut réaliser la meilleure adéquation possible entre le besoin de l’utilisateur et le moyen du fournisseur.
Pourquoi mesurer ?
- • Pour répondre aux obligations réglementaires : suivi de la qualité des eaux – potables, usées, rejets dans le milieu naturel, zones de pêche, ostréiculture, conchyliculture, zones de loisirs, baignades …
- • Pour gérer les systèmes et les procédés : optimiser les rendements et la qualité des produits, économiser l’énergie et les matières premières, améliorer la sécurité des installations.
Quoi mesurer ?
- • Paramètres physiques : hauteur, niveau, débit, pression …
- • Paramètres physico-chimiques de base : pH, potentiel Redox, température, conductivité, turbidité, oxygène dissous …
- • Paramètres organoleptiques : odeur, goût …
- • Microbiologie : bactéries, virus, protozoaires …
- • Paramètres chimiques : métaux – aluminium, fer, manganèse, et métaux lourds (Pb, Cu, Zn, Cd, Co, Ni …), substances indésirables (nitrate, ammonium, phosphate), substances dangereuses (pesticides, solvants, hydrocarbures), substances toxiques (cyanures …)
- • Paramètres globaux : DBO5, DCO, MES, Toxicité, NGL, PT …
Beaucoup de ces paramètres n’ont pas de réponse satisfaisante par des mesures en continu, mais il est possible d’utiliser des paramètres de substitution ou indicateurs.
Où mesurer ?
- • Ponctuellement par une procédure usuelle : prélèvement-échantillon-analyse au laboratoire (y compris laboratoire de terrain) ;
- • En ligne : directement dans le milieu, sur une boucle d’échantillonnage …
Comment mesurer ?
- • En définissant une chaîne de mesure : enchaînement de composants (capteur, transmetteur ou transducteur, interface de transfert des signaux, visualisation et/ou gestion des signaux) ;
- • En définissant les qualités métrologiques de la mesure : gamme de mesure, justesse et fidélité, temps de réponse, linéarité du signal par rapport au paramètre … ;
- • En appliquant des principes de mesure :
- – optiques ou spectroscopiques : spectroscopie directe, colorimétrie, fluorimétrie ;
- – électrochimiques : électrodes spécifiques, voltampérométrie, mesure d’impédance ;
- – utilisant des bio-capteurs :
- * matière du vivant : enzyme, anticorps, …
- récepteurs membranaires,
- • Espèces vivantes : bactéries, algues, daphnies, moules, poissons, …
Exemple d’application :
gestion en temps réel d’un système d’assainissement d’eaux usées urbaines recevant des rejets industriels
La Directive Européenne 91/271 sur l’assainissement des agglomérations met un point fort sur le contrôle des installations, point fort transposé dans la réglementation française au travers des dispositions relatives à l’autocontrôle. Cette transposition utilise bien sûr les paramètres classiques normalisés (DBO₅, DCO, MES, …), mais ceux-ci ne peuvent pas être obtenus par des mesures en continu. Les quelques méthodes de substitution proposées ne sont supportées par aucune méthode normalisée, seul le COT fait exception (NF T90-551). Des travaux sont en cours pour apprécier l’équivalence des méthodes alternatives, NF T90-210.
Par méthodes alternatives, on entend les méthodes rapides et les méthodes en continu, réalisées soit par des capteurs spécifiques, soit par des analyseurs. Les méthodes en continu représentent une alternative judicieuse d’un point de vue coût global (investissement, personnel, fonctionnement), mais elles doivent être considérées avec leurs limites propres et celles du contexte d’application. Elles apportent une information sur la dynamique des systèmes, permettant de les gérer en temps réel.
Cette façon de faire doit aussi apporter une réponse aux contraintes contractuelles auxquelles se trouvent confrontés maîtres d’ouvrage et exploitants, maîtres d’ouvrage et industriels raccordés. En effet, l’exploitant peut avoir seulement la responsabilité du traitement (STEP), alors que le maître d’ouvrage a la responsabilité du réseau de collecte. Finalement, en cas de problème (rejet notoirement non conforme), c’est le maître d’ouvrage qui sera dans un premier temps considéré comme responsable. Il lui faudra alors démontrer que l’origine de la cause est chez l’exploitant ou chez un industriel raccordé.
Les substances polluantes sont véhiculées dans les collecteurs d’eaux usées. Elles doivent être identifiées le plus près possible de la source d’émission, sinon elles seront diluées dans le volume collecté et les moyens analytiques conventionnels ne les appréhenderont pas. La Communauté Urbaine du Grand Nancy a réalisé, dans le cadre d’un projet européen LIFE, la mise en place de stations de mesure et d’alerte du réseau de collecteurs des eaux usées pour appréhender le plus précocement possible les déversements d’eaux usées industrielles non conformes. Cette approche dite « globale » se distingue de l’approche dite « ciblée » par le fait qu’il ne s’agit pas de placer des instruments de mesure au droit du raccordement de chaque industriel, mais à des nœuds stratégiques du réseau, pour saisir la ou les pollutions primaires de celui-ci. Les changements de la qualité du flux collecté sont observés, passage d’une situation « normale » à une situation « anormale », par des indicateurs de non-conformité. Ceci permet de procéder à la rétention du flux collecté dans des ouvrages appropriés et d’effectuer simultanément des prélèvements dans la station de mesures. Les échantillons prélevés doivent être analysés dans des délais courts (quelques heures) afin de confirmer ou d’infirmer cette pollution, et d’en préciser la nature.
Le principal objectif était le développement d’un moyen de gestion en temps réel des systèmes d’assainissement :
- > En prévenant le plus précocement possible des dysfonctionnements du système de traitement : rejet final, rejets des déversoirs d’orage et boues non conformes,
- > En prévenant les risques lors de l’exploitation des ouvrages en termes d’hygiène et de sécurité pour le personnel.
Dans cette approche dite « globale », il s’agit de localiser des stations d’alerte en aval d’une zone d’activités (ZAC) ou d’une zone industrielle (ZI) et de suivre la variation des paramètres de base et/ou spécifiques par rapport à un point de référence placé en amont.
L’étude technique réalisée a montré la fiabilité des résultats obtenus avec des mesures en continu de paramètres de base : pH, potentiel Redox, conductivité, température. La mesure des hydrocarbures est possible avec une sonde fluorimétrique qui nécessite très peu d’entretien. Pour d’autres paramètres spécifiques, une corrélation est possible, dans certaines conditions, avec les méthodes normalisées. Mais certaines techniques nécessitent une maintenance importante. C’est l’une des limites de leur développement. Cette étude a contribué à l’amélioration du savoir-faire dans la mise en œuvre des procédures d’évaluation et de qualification des moyens de mesures en continu (capteurs, analyseurs, chaîne de mesure, …). L’objectif final était de développer un concept qui puisse être généralisé à d’autres sites dans un délai le plus court possible. D’ores et déjà, quelques agglomérations profitent à leur tour de cette expérience.
L’application des mesures en continu reste marginale et se limite actuellement aux mesures des débits et de certains paramètres physico-chimiques. Il n’y a que quelques installations qui comprennent le suivi de paramètres caractérisant la pollution. Il faut procéder successivement :
- * au choix des paramètres à mesurer,
- * au choix des équipements et des méthodes
de mesure,
- à la définition de leur mise en œuvre,
- aux recommandations de leur utilisation et de leur maintenance,
- à la transmission et la gestion des données,
- à la restitution d'informations en corrélation avec les paramètres réglementaires,
- à l'utilisation des données pour l'optimisation de la gestion des procédés.
Conclusion
Le développement des mesures en continu dans les différents domaines du suivi de la qualité des eaux passe par :
- l'acceptation de celles-ci, tant par les pouvoirs publics que les utilisateurs, au regard de leurs avantages,
- leur reconnaissance officielle dans le contexte réglementaire, non pas en substitution des méthodes traditionnelles, mais en complément de celles-ci,
- la démonstration de la faisabilité de ces méthodes, ce qui impose de développer des normes pour leur évaluation.
Les perspectives de développement s'expriment en termes :
- des nouveaux capteurs. Les principaux paramètres sont les métaux lourds, les HPA, les pesticides et les bactéries,
- des chaînes de mesure simples dans leur mise en œuvre, aux coûts d’exploitation faibles,
- des qualités métrologiques : la sensibilité et la reproductibilité des mesures sont à favoriser, au défaut de la justesse, il faut des indicateurs précoces de pollution et non précis,
- des méthodes de traitement du signal.
Les actions à entreprendre sont :
- un programme de normalisation de l’évaluation des appareils de mesure en continu dont l’objectif est d’élaborer les protocoles, les référentiels et les méthodes de traitements des données. Ces évaluations doivent situer ainsi les performances intrinsèques des appareils en termes de qualités métrologiques, mais aussi fixer les conditions de mise en œuvre et de maintenance y compris de vérification. Les normes ainsi établies pourront servir de base aux relations contractuelles entre les partenaires (maîtres d'ouvrages, exploitants, maîtres d’œuvre, industriels) et pourront permettre de compléter la réglementation en vigueur (spécifications minimales requises des appareils pour notamment être recommandés au titre de la police des eaux ou par les Agences de l'eau ou les DRIRE),
- un programme de recherche pré-normative pour des appareils qui ne font pas référence à des méthodes normalisées (par exemple les appareils basés sur l'analyse spectrale UV-Visible ou des bio-capteurs y compris la respirométrie),
- un programme de recherche concernant les méthodes de corrélation entre mesures en continu et mesures normalisées de laboratoire, en fixant les limites de validation et les conditions d'application.
Voilà un vaste chantier qui s’offre à nous. Un groupe de travail à l’AGHTM “mesures en continu” a réuni pendant trois ans différents acteurs intéressés par le sujet, un rapport de synthèse sera bientôt disponible. Une étude a été conduite au niveau européen sur ce même thème, qui a conduit à la proposition d'une norme ISO, projet ISO 15839 : “Water quality – On line sensors/analysing equipment for water — Specifications and performances tests”. Il était urgent que les acteurs français se positionnent, ainsi une commission de normalisation à l'AFNOR vient de voir le jour, NF T90 L : “mesures en continu pour l'eau”. Cet événement constitue la première étape vers la normalisation des mesures en continu, qui devront être appliquées :
- au suivi de la production de l'eau potable : du captage à la distribution,
- à la gestion en temps réel des systèmes d’assainissement, en particulier vis-à-vis des déversements industriels, mais aussi pour contrôler l'impact sur les milieux récepteurs des rejets finals des STEP et des déversoirs d'orage,
- et pourquoi pas un jour, au suivi en continu de la qualité des boues issues de l'assainissement.