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Les mesures de turbidité et de matières en suspension : éléments de choix

30 novembre 2000 Paru dans le N°236 à la page 41 ( mots)
Rédigé par : Christelle VITTOZ

La turbidité est aujourd'hui considérée comme une mesure efficace pour contrôler les différentes étapes du traitement de l'eau ou de tout autre procédé industriel que ce soit dans l'agroalimentaire ou la pétrochimie. Bien que le principe optique paraisse simple, une mesure précise et de qualité n?est pas chose facile.

La turbidité est un phénomène optique de tous les jours que nous exprimons par des termes comme « la faible transparence », « la diminution des contrastes » ou « la luminosité latérale » d’un liquide. Elle est due à la présence de solides en suspension qui peuvent être des matières organiques ou des matières minérales. L’interférence de la lumière avec ces particules en suspension donne au liquide une apparence trouble ou voilée. La turbidité augmente lorsque la quantité de particules en suspension augmente mais elle dépend également de la nature, de la forme et de la taille des particules présentes dans le liquide. La nécessité de mesurer la turbidité d’un liquide est apparue d’abord dans le domaine de l’eau puis dans de nombreuses industries telles que les brasseries, les papeteries ou les laiteries. Lorsqu’il a été question de réaliser ces mesures, ce sont tout naturellement des systèmes optiques qui ont été choisis. Ainsi, que ce soit le premier turbidimètre à bougie de Jackson ou les turbidimètres actuels les plus perfectionnés, le principe de la mesure consiste à regarder la réponse d’un liquide face à un rayon lumineux. Un turbidimètre est donc constitué de deux éléments principaux, à savoir une source lumineuse et une cellule photoélectrique, qui sont intégrés à un ensemble électronique et optique. On distingue cependant deux géo-

[Photo : Les capteurs CUS 31 et CUS 41 d’Endress + Hauser sont basés sur le principe de la lumière diffusée multifaisceaux à 90° selon la norme néphélométrique ISO 7027/EN 27027.]

La diffusion de la lumière comme principe de mesure

Pour les liquides peu ou moyennement chargés de particules en suspension, la mesure de la turbidité repose sur l’analyse de la lumière diffusée. Ainsi, lorsqu’un faisceau lumineux heurte une particule, il est diffusé dans toutes les directions. Mathématiquement, la turbidité correspond alors au rapport de l’intensité d’un faisceau lumineux diffusé à un certain angle sur l’intensité du faisceau incident. En théorie, il est possible de choisir n’importe quel angle pour mesurer l’intensité du rayon diffusé. En fait, conformément à la norme NF EN 27027*, la turbidité des eaux et des autres liquides est essentiellement mesurée par néphélométrie, une technique qui mesure le niveau de lumière diffusée par les particules dans une direction perpendiculaire à la lumière incidente. Les mesures sont exprimées en unité de Turbidité Néphélométrique (NTU).

Toutefois, il existe également des appareils qui sont conçus avec des angles différents entre la cellule photoélectrique et la source lumineuse. Ainsi, dans le cas du Monitek 210-F de la société Assa, la cellule photoélectrique reçoit le faisceau lumineux diffusé par les particules à un angle de 12° par rapport au faisceau incident. À cet angle, le système est plus sensible aux grosses particules que le système à 90°. Selon l’application, un système peut être préféré à un autre. En effet, par exemple, dans le cas d’un contrôle de filtre, la méthode à 12° permet de diagnostiquer rapidement une rupture de filtre alors que la méthode à 90° détecte plutôt le passage à travers le filtre de particules telles que des protéines.

De plus, la comparaison des intensités diffusées à deux angles différents permet d’indiquer une tendance quant à la taille des particules. Ainsi, grâce à ces deux capteurs, l’un à 90° et l’autre à 12°, le turbidimètre Monitek 210FS de Assa permet de savoir si la moyenne de taille des particules est inférieure ou supérieure à 0,3 micron. Comme le précise M. Coco de la société Siemens Milltronics, au sujet du Dualscat de Sigrist équipé d’un capteur à 90° et d’un capteur à 25°, « les turbidimètres qui mesurent les faisceaux diffusés à deux angles différents sont particulièrement développés pour les applications en brasseries ». Ils peuvent permettre par exemple de différencier la turbidité d’origine protéique et celle due à la présence de levure. Il est également intéressant de noter que les sondes de Mettler Toledo et le capteur HC-300 de Zellweger Analytics mesurent l’intensité du faisceau rétrodiffusé, c’est-à-dire diffusé à 180°.

La nature de la source de lumière n’est pas toujours la même d’un appareil à l’autre. Il existe ainsi des appareils équipés de fils de tungstène émettant dans le visible ou de diodes émettant dans l’infrarouge. Sur le marché français, cette dernière reste la plus courante vraisemblablement car elle est préconisée par la norme NF EN 27027. On notera par ailleurs que la norme américaine USEPA 180.1*** préfère une lampe émettant

[Photo : TurbiTech 2000 de Mobrey]
[Photo : Un nouveau système ultrasonique pour la mesure en continu des niveaux de boues (Milltronics)]

* Norme NF EN 27027 : qualité de l’eau – Détermination de la turbidité (février 1995).

** USEPA : US Environmental Protection Agency

dans le visible. En outre, une émission lumineuse dans l'infrarouge permet au système d’être moins sensible à la couleur du liquide analysé et limite les interférences avec la lumière naturelle.

Des mesures plus précises et plus stables

La connaissance précise de l’intensité incidente lors d'une mesure, et cela quel que soit le domaine d'émission de la source, est un paramètre important pour obtenir des mesures de qualité. On rappelle, en effet, que la turbidité correspond au rapport de l'intensité du faisceau diffusé sur l'intensité du faisceau incident. Or, cette dernière dépend de l'intensité de la source lumineuse qui varie généralement en fonction du temps d'utilisation, de l'état de la surface optique (encrassement, rayure) et du liquide qui peut absorber une partie plus ou moins grande de cette intensité en fonction de sa couleur. Pour prendre en compte ces phénomènes, certains constructeurs ont donc ajouté au schéma simple « une source lumineuse, une cellule photoélectrique », un second détecteur situé en face de la source lumineuse afin de déterminer l'intensité incidente à l'instant de la mesure. Ce système existe pour les sondes plongeantes de Ponselle et de Endress + Hauser et également pour le Turbilight avec chambre de passage de Seres.

[Photo : Turbidimètre pour très faibles charges Turbilight de Seres]
[Photo : Analyseur de turbidité 4670 d’ABB Instrumentation]

La seconde modification répertoriée chez plusieurs fabricants consiste à utiliser deux sources lumineuses indépendantes et excitées alternativement. Avec chacune des sources, on mesure l'intensité incidente et l'intensité diffusée à 90°. Le traitement mathématique de ces quatre mesures permet d’améliorer la stabilité et la fiabilité des résultats tout en compensant les phénomènes parasites décrits précédemment. Dans le cas des turbidimètres à quatre faisceaux, le décalage de 90° entre les deux sources lumineuses fait que seulement deux cellules photoélectriques sont nécessaires, chacune mesurant alternativement le faisceau incident d'une source et le faisceau diffusé de l'autre. Ce système existe pour les versions avec cuve de mesure telles que le Servo 5M d’Aqualyse et pour les sondes plongeantes telles que la sonde RD240 de Zellwegers Analytics. La sonde Cosmos de Zuellig présente quant à elle une géométrie différente. En effet, les deux systèmes néphélométriques sont disposés sur le même plan et les capteurs de référence mesurent l'intensité incidente avant sa traversée du liquide, ils sont donc situés au niveau de chacune des sources lumineuses.

Un turbidimètre bien étalonné reste la condition « sine qua non » d’une mesure de qualité. D'une manière générale, les appareils sont étalonnés en usine avec des solutions de formazine conformément aux normes européenne et américaine. Mais l’évolution dans le temps des différents composants provoque parfois des dérives qui rendent nécessaires des réétalonnages et cela même si la prise en compte lors des mesures des phénomènes de vieillissement de la source lumineuse et des surfaces optiques de turbidité a fortement contribué à l’espacement de ces opérations. Avec le souci constant de faciliter les modes opératoires, de nombreux constructeurs ont cherché à remplacer l'utilisation de solutions de formazine diluées peu stables dans le temps et toxiques en proposant une vérification ou une recalibration à partir d’étalons appelés secondaires. On trouve ainsi des solutions liquides, des gels ou des solides tels que l’étalon sec de ABB Instrumentation ou les cubes en verre spéciaux de Sigrist et d’Aqualyse.

Des systèmes autonettoyants

Si la calibration concerne toutes les gammes de turbidimètres (portables, de laboratoire et en continu), le problème du nettoyage des surfaces optiques concerne plus spécifiquement les postes fixes pour les mesures de turbidité en continu. Actuellement, une grande diversité de solutions est proposée par les fabricants pour limiter l’encrassement des surfaces optiques qui peut fausser ou rendre impossible une mesure de turbidité. Une des solutions proposées consiste à effectuer un nettoyage mécanique en ajou-

[Photo : WTM 500 de Sigrist : un turbidimètre anticipe les normes]

Turbidité ou MES

Comme le précise M. François Danel, PDG de Ponselle Mesure, “pour l'eau potable ou l'eau très pure on utilise les mesures en NTU ou en FTU mais par exemple pour les bassins d’épuration ou pour les laiteries on préfère les traduire en quantité de matières en suspension”.

Si le lien entre la turbidité et la quantité de matières en suspension (MES) est évident, il n’en reste pas moins que la conversion de la mesure par diffusion ou par absorption de lumière de la turbidité en quantité de matières en suspension reste une opération délicate et ne peut en aucun cas s'effectuer systématiquement. Comme le précise Jean-Luc Cécile, directeur de la société Aquametis, “il faut être très prudent lorsqu’on réalise une corrélation entre la turbidité et la quantité de matières en suspension. Il ne faut pas oublier que la turbidité dépend de la quantité de particules en suspension mais également de leur taille, de leur forme et de leur nature”. Ainsi, une solution avec la même quantité de particules en suspension mais de nature différente n’aura pas la même valeur de turbidité. “Dans le cas d'un suivi d'écoulement d'eaux pluviales, ajoute M. Jean-Luc Cécile, il est très difficile de traduire la turbidité du liquide en quantité de matières en suspension car au début, la turbidité est due surtout aux matières organiques et par la suite elle est causée par les matières minérales telles que le sable”. Mais, lorsque la nature du liquide varie peu, il est tout à fait possible de réaliser une estimation de la quantité de matières en suspension à partir de la mesure de turbidité. Mais pour cela, il est impératif de réaliser un étalonnage à partir de prélèvements sur site. “La calibration en MES se fait rétroactivement : après avoir fait une mesure de turbidité, on détermine au laboratoire la quantité de matières en suspension de l’échantillon selon la norme en vigueur” explique M. François Danel. Deux types de corrélation sont proposés, soit une relation linéaire ou logarithmique qui nécessite un seul prélèvement, soit une courbe de travail généralement polynomiale définie à partir de plusieurs prélèvements.

tant un essuie-glace ou un balai dont les mouvements programmés permettent le nettoyage régulier des surfaces optiques. Ce principe a été choisi par de nombreux fabricants tels que Ponselle Mesure, Züllig, Docteur Lange ou Zellweger Analytics pour le nettoyage de leurs sondes. Endress + Hauser conseille d’ajouter ce système à sa sonde biseautée pour les milieux colmatants mais préconise plutôt une projection de liquide à l'aide d'une buse de nettoyage pour les milieux gras. La sonde de B&C Electronics est quant à elle nettoyée par jet d’air comprimé alors que celle de Seres l’est par ultrasons.

Le principe de l’essuie-glace existe également pour nettoyer les fenêtres optiques des chambres de mesures. Le Turbilight de Seres en est d’ailleurs équipé. Hach a résolu le problème de l’encrassement en supprimant la fenêtre entre le liquide et les éléments optiques pour son turbidimètre Surface Scatter 6. Le principe consiste à utiliser la surface du liquide comme surface optique. Pour cela, on remplit une chambre de passage inclinée jusqu’au sommet et l’eau qui déborde dans un drain assure la planéité optique de la surface. De même, l'appareil WTM 500 de Sigrist est équipé d'un système de mesure sur jet libre sans fenêtre. On notera que pour cet appareil, le faisceau lumineux se situe au centre du liquide.

La présence de bulles d'air dans un liquide lors d’une mesure de turbidité est également une source d’erreur. La norme ISO 7027 attire d’ailleurs l’attention sur ce problème. En effet, de la même façon que pour les particules, un faisceau lumineux est diffusé dans toutes les directions lorsqu’il percute une bulle d’air. Le rayon ainsi diffusé contribue alors à la mesure de la turbidité et une valeur surestimée est ainsi obtenue. Ce phénomène est plus particulièrement courant pour les mesures effectuées sur des liquides en circulation. Lorsque le risque de bullage est occasionnel, l'influence de ces bulles sur la mesure peut être éliminée grâce à la présence de logiciels de compensation. Mais en présence d'un flux continu de bulles d’air, le traitement statistique des données n’est plus suffisant et il est nécessaire de supprimer ces bulles. Pour cela, il existe chez de nombreux fabricants tels qu’Endress + Hauser ou Sigrist, soit des chambres où le liquide est sous pression, soit des chambres avec piège à bulles intégré.

L’absorption lumineuse ou les mesures acoustiques pour les milieux très chargés

Pour les liquides à haut taux de particules en suspension, les diffractions multiples limitent la quantité de lumière reçue par la cellule photoélectrique. Il en résulte une lecture de turbidité inférieure à la turbidité réelle. C'est pourquoi, dans ce cas, il est préférable d’utiliser des appareils basés sur le principe de l’absorption de la lumière qui est due à la présence de solides en suspension mais également de particules dissoutes. Tous les capteurs travaillent sur le même principe : la source de lumière et le détecteur sont sur le même axe, de part et d'autre du liquide à analyser et le changement de l’intensité lumineuse causée par le liquide est détecté.

[Photo : Turbidimètre 7160 TriF de Vega Technique]
[Photo : Turbidimètre Monilig E à 4 faisceaux alternatifs de Asaa]
[Photo : Le turbidimètre portatif de terrain et de laboratoire d’Hanna Instruments aussi bien pour les mesures en eau potable qu’en eau de rejets.]

Ce principe est applicable aussi bien pour les turbidimètres avec sondes telles que la turbisonde 180 de Seres ou la TU-NA-C de Ponselle Mesure que pour les appareils avec chambre de mesure. On notera par ailleurs l’existence d’appareils mixtes mesurant au choix l’absorption de la lumière ou la diffusion néphélométriques tels que le Turbitech 2000 de Mobrey.

[Photo : Contrôleur en continu du voile de boue capteur/absorption FR de Ponselle]

Actuellement, deux appareils existent sur le marché, chacun conçu sur deux principes différents. Le capteur du Monitek type AS3 de Assa fonctionne comme un sonar, c’est-à-dire qu’il transmet les ondes acoustiques et qu’il reçoit les ondes réfléchies par les particules. Le nombre d’ondes réfléchies est lié à la quantité de particules et leurs intensités à leur grandeur. Une courbe de corrélation polynomiale est établie à partir de prélèvements issus du bassin et caractérisés selon les normes en vigueur à savoir filtration, étuvage et mesure du poids. Cette méthode particulièrement adaptée aux milieux très chargés permet cependant de réaliser des mesures de l’ordre de quelques ppm. Elle est couramment utilisée pour le contrôle des rejets de l’industrie.

Le second principe de mesure consiste à mesurer l’atténuation d’un signal ultrasonique par un milieu. Ainsi, le MSM 400 de Mobrey est constitué de deux capteurs à ultrasons qui sont montés de part en part d’une manchette de mesure. La concentration des particules est calculée en mesurant l’atténuation du signal ultrason envoyé au travers du liquide d’un capteur vers l’autre.

Comme le présente Jean-Luc Cécile de la société Aquametris, “l’encrassement reste la faiblesse principale des systèmes optiques dans les milieux très chargés, car la présence de systèmes de nettoyages automatique ne permet pas encore de supprimer les opérations régulières de vérification et d’entretien manuel”. Or, sur le marché est apparue depuis quelques années une méthode acoustique qui est considérée comme une alternative intéressante dans les mesures de forte quantité de matières en suspension. Cette méthode est également adaptée pour caractériser les liquides sombres où les méthodes optiques sont très difficiles à utiliser à cause de la forte absorption ou les liquides photosensibles que la lumière dégrade. En effet, cette mesure est

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