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Les mesures de calage des modèles de réseau d'eau potable

30 novembre 1991 Paru dans le N°150 à la page 59 ( mots)
Rédigé par : Catherine B. DE THE et Sara-eléna DELATRE

L’introduction des techniques modernes, telles que l’automatisation de stations et la gestion centralisée des réseaux d’eau potable, nécessite une connaissance à la fois globale et ponctuelle de leur fonctionnement. Le but de la modélisation mathématique est de déterminer pour chaque configuration les paramètres essentiels de pression et de débit, en tout point du réseau.

La schématisation correspondante est réalisée à l’aide d’hypothèses sur la répartition des consommations des abonnés raccordés au réseau et les rugosités des canalisations. Ces hypothèses doivent être ajustées par une campagne de mesure afin de rendre les résultats du calcul conformes aux constatations sur le terrain.

Choix des points de mesure

Les emplacements précis sont déterminés avec l’exploitant direct et tiennent compte des résultats des calculs préliminaires à la campagne.

On en distingue deux types :

  • • les points indispensables : les départs de la distribution (apports), c’est-à-dire le pompage direct sur le réseau, les réservoirs, les sources, les achats et ventes d’eau en gros…
  • • les points de calage : canalisations principales ou à fortes pertes de charge, zones de variations de pressions importantes, régulateurs de pression…

Ils sont enregistrés, soit en continu, soit de façon ponctuelle suivant leur nature (tableau I).

Certains aspects pratiques sont à prendre en compte ; ils concernent :

  • • l’accessibilité des points de mesure et les conditions de pose des appareils ; il faut notamment :
    • — éviter l’installation des prises de pression sur les petites antennes, plus sensibles aux variations locales de débit que représentatives du comportement général du réseau,
    • — s’assurer des cotes altimétriques des prises de pression,
    • — être vigilant quant à la pose des débitmètres, la précision dépendant largement du régime hydraulique (vitesse, turbulence) ;
  • • l’autonomie des appareils et la capacité mémoire des enregistreurs ;
  • • les contraintes de service.
[Photo : Fig. 1 : Place du marché, Aix-les-Bains.]
[Photo : Fig. 2 : Station d’épuration, Aix-les-Bains.]
[Photo : Fig. 3 : Route d’Alès, Nîmes.]

Tableau I

Implantation —Mesure ponctuelle —Enregistrement en continu
Points indispensables
• Station de pompage —Débit, P asp., P réf. (courbe de pompe) —Débit ou P refoulement
• Source —Vérification compteur —Débit
• Réservoir —Nivellement —Débit sortant et niveau
• Vente et achat d’eau —Vérification compteur et P —Débit
Points de calage
• Régulateur pression —P aval, P amont —P amont ou aval
• Points à problèmes ou à forte variation de pression —Pression, débit
• Canalisation maîtresse —Débit
• Canalisation à forte perte de charge —Perte de charge (débit, pression) —Débit
• Gros consommateurs —Débit, pression
• Extrémité ou séparation de réseau —Pression

Tableau II

Point de mesure —Altimétrie (m) / P enregistrée (b) —Cote piézo mesurée (m) —Cote piézo calculée (m) —Précision après calage
P1 : Station d’épuration —238 / 7,3 —312 —311,6 —0,4 m
P2 : Piscine —235 / 8,15 —318 —317,5 —0,5 m
P3 : CES —275 / 4,35 —319,4 —317,1 —2,3 m
P4 : Garage —274 / 4,25 —317,35 —316,6 —0,75 m
Débit mesuré en m³/h —Débit calculé en m³/h
Q1 : Chevaline —375 —375 (pt calage)
Q2 : Marché —135 —150 —15 m³/h
  • • les conditions de sécurité,
  • • la disponibilité du personnel (travail de nuit, manœuvre de vannes…),
  • • les travaux éventuels (tranchées pour la pose de débitmètre ou de manchette de mesure, installations de prise de pression),
  • • la présence d’énergie électrique au point de mesure.

Le nombre de points de mesure dépend de la complexité, de l’étendue du réseau ainsi que de la précision recherchée. On distingue ainsi, par exemple :

  • • à Aix-les-Bains : 4 réservoirs alimentés en été par des sources, en hiver par une station de pompage, 2 points de distribution d’eau en gros, pour 25 000 habitants sédentaires et 25 000 saisonniers :— 11 points de mesure sur 48 heures ;
  • • sur le réseau de l’Association syndicale des maraîchers de la Divatte (Nantes) : 3 réservoirs (dont 1 en construction) alimentés par 2 stations de pompage, 2 configurations possibles du réseau selon la période de l’année, pour une production de pointe de 55 000 m³/j :— 14 points de mesure sur 48 heures ;
  • • à Nîmes (cote 110 m NGF) : 4 réservoirs alimentés par 3 stations de pompage, pour 5 500 000 m³ par an distribués :— 10 points de mesure ;
  • • à Nîmes (cote 160 m NGF) : 2 réservoirs alimentés par 2 stations de pompage, pour 7 100 000 m³ distribués annuellement :— 10 points de mesure…

L’appareillage

La mesure de pression est réalisée grâce à des transmetteurs à affichage numérique et sortie analogique. Les débitmètres sont de type à ultrasons, avec sondes externes, ou électromagnétiques, avec sondes à insertion (posée par collier de prise en charge).

Une attention particulière est accordée au choix des échelles par rapport à la plage de mesure attendue. Chaque capteur et chaque chaîne de mesure sont dûment étalonnés ; en particulier, la vérification du zéro, avant et après la période de mesure est indispensable.

Des loggers (enregistreurs numériques) sont utilisés avec leurs logiciels et interfaces correspondants pour l’acquisition des données. Pour les phénomènes rapides, on utilisera de préférence des enregistreurs analogiques.

Périodicité d’échantillonnage

Sur chaque niveau de distribution ou chaque zone bien différenciée quant aux apports, on procède à la programmation des enregistrements simultanés, en continu sur 48 heures minimum. La périodicité d’échantillonnage est choisie, dans un premier temps, assez courte : 2 à 5 minutes. Après un premier dépouillement, il est possible de l’allonger (15 minutes sont suffisantes dans la plupart des cas).

Certaines vérifications ponctuelles (déterminations des courbes de pompe,

fonctionnement des organes de régulation...) sont effectuées au début des opérations.

Dépouillement

L'analyse se rapporte aux points suivants :

  • Pompe : confrontation des courbes mesurées avec celles du constructeur ; obtention des courbes de variation horaire de débit et de pression.
  • Réservoir : calcul des débits entrants/sortants et des cotes de niveau d'eau — tracé des courbes de marnage.
  • Points de calage : tracé des courbes de pression et de débit.

La superposition des courbes permet d'appréhender au mieux le comportement général du réseau. Elle aide en outre à distinguer les incidents (défaut d'un capteur, batterie déchargée, perte d'écho pour les débitmètres, mauvaise manipulation...), et à mettre en évidence les variations dues par exemple à une ouverture intempestive d'une vanne ou la mise en route d'une pompe.

Les courbes des figures 1, 2 et 3 montrent des enregistrements types :

Réseau gravitaire d'Aix-les-Bains : Sur cet enregistrement effectué sur une conduite maîtresse (25 % du débit distribué), on remarque (figure 1) :

  • • un incident d'enregistrement (1),
  • • un soutirage ponctuel important à 7 h 30 (2), correspondant à une consommation de la piscine de 120 m³/h, répartie sur deux conduites maîtresses. Cette pointe de débit correspond à une baisse de pression sur une partie du réseau, notamment à la station d'épuration éloignée de 900 m environ (figure 2).

Réseau en refoulement-distribution de Nîmes : Sur l'une des canalisations principales, il a été mesuré une pression en un point de distribution (figure 3).

Ajustement du modèle

Habituellement, le calage est réalisé pour les régimes de forte consommation pour lesquels on possède un plus grand nombre d'enregistrements simultanés. Les mesures de débit de nuit et les campagnes de recherche de fuites donnent une bonne appréciation des pertes. Le soutirage des gros consommateurs ainsi que leur localisation doivent être connus.

Pour ajuster le modèle, on procède à une répartition plus fine des consommations et à des modifications des paramètres essentiels :

  • • rugosité des canalisations,
  • • pertes de charge singulières, parfois regroupées en certains nœuds particuliers.

Ce calage nécessite le concours de l'exploitant, voire même d'autres vérifications sur le terrain, notamment la mesure de perte de charge sur les tronçons suspects.

Des analyses pour des régimes différents de consommation et de fonctionnement doivent être effectuées pour confirmation.

Tolérance

Plusieurs simulations sont requises, dont le nombre dépend de la tolérance (écart mesure-calcul) acceptée.

Compte tenu des imprécisions sur les cotes altimétriques, l'estimation des pertes de charge singulières et, en fonction de l'erreur intrinsèque de chaque appareil, une bonne tolérance serait de l'ordre de ± 10 à 12 % sur les débits et ± 3 m sur les pressions. Elle peut être augmentée en fonction des critères de convergence.

Le tableau II résume les résultats obtenus sur le réseau d'Aix-les-Bains. Il prend en compte les débits mesurés sur deux conduites issues d'un même réservoir, maillées par la distribution. Des vérifications pour les débits de nuit et de pointe ont été effectuées. La tolérance quant aux pressions reste en dessous de 3 mètres.

Après calage, le modèle devient outil de simulation, souvent désigné comme modèle de référence.

Conclusion

Les campagnes de mesure associées à la simulation de réseaux doivent être soigneusement préparées en liaison étroite avec l'exploitant direct.

Les points de mesure seront déterminés en fonction des possibilités sur les terrains et des résultats des calculs préliminaires.

Un certain nombre de précautions quant à l'adéquation de l'appareillage, au choix des échelles et des contraintes de service doivent être prises.

L'étendue et la durée des essais sont à adapter à chaque réseau, en tenant compte de la tolérance admise dans la corrélation mesure-calcul. En dehors d'une meilleure répartition des consommations, il est souvent nécessaire d'ajuster les paramètres « rugosité des canalisations » ou les pertes de charge singulières, afin d'obtenir un modèle prédictif fiable.

Le modèle étant un outil de meilleure compréhension du comportement du réseau, servant aussi bien à l'établissement des programmes d'exploitation qu'à l'échéancier des travaux, doit en conséquence produire des résultats conformes aux constatations du terrain.

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