Technologie de la floculation
L’addition de floculants dans l’eau à traiter est le premier pas du traitement (et souvent le plus important pour l’efficacité du processus). En vue d’obtenir une bonne floculation, il est essentiel que les produits chimiques soient rapidement et uniformément répartis ; à défaut, ce qui peut être causé par un dosage non uniforme ou par un système de mélange inadapté, les différences de concentration produisent des effets divers : re-stabilisation dans les zones de concentration excessive, déstabilisation insuffisante dans les zones de trop basse concentration (1), (2). Pour obtenir la turbidité nécessaire, on équilibre alors en augmentant le débit de floculant, ce qui augmente les frais d’exploitation. Les constructeurs doivent donc veiller à l’adjonction optimale des floculants.
L’installation de Walsrode
700 à 1 000 m³/h d’eau du fleuve Bomlitz sont traités dans l’usine de la Wolff Walsrode AG pour obtenir de l’eau industrielle. L’eau brute présente, selon les conditions météorologiques, des résultats d’analyse très variables (tableau 1) ; de par sa provenance géographique (Landes de Lüneburg), elle présente, en outre, une teneur en matières humiques qui se situe au-dessus de la moyenne.
La floculation s’effectuait jusqu’ici dans une installation de trois bassins placés en série, d’environ 60 m³ chacun (figure 1), chaque bassin étant équipé d’un agitateur à vitesse constante. Le premier bassin recevait du polychlorure basique d’aluminium, et le troisième un adjuvant de floculation (le deuxième bassin est utilisé pour prolonger le temps de séjour). L’eau ainsi traitée s’écoule vers la zone de décantation.
Pour réduire les frais d’exploitation au moyen d’économies d’énergie et de produits chimiques, l’exploitant a décidé d’optimiser la station, ce qui a été obtenu par l’utilisation de nos mélangeurs statiques SMV, en acier inoxydable (3).
Les mélangeurs
Les mélangeurs statiques SMV sont constitués de courtes sections de tubes d’acier, contenant les dispositifs mélangeurs réalisés en matières synthétiques : PP, PVDF (produit renforcé de fibre de verre et autres matériaux inoxydables). Ceux-ci, décalés de 90° l’un par rapport à l’autre, sont constitués de lamelles striées, empilées pour former des canaux qui se croisent ; montés dans la conduite traversée en continu par l’eau, ils produisent leur effet par séparation et transfert continus des flux partiels (figure 2).
Tableau 1. Résultats des analyses d’eaux effectuées pendant la durée des essais
Prélèvements – Eau brute / Bassin |
Alcalinité : 1,2 – 1,54 / 1,02 – 1,08 |
Dureté totale : 6,9 / (1) |
Dureté carbonatée : 3,4 – 4,3 / (1) |
Dureté non carbonatée : 2,6 – 3,5 / (1) |
Consommation de KMnO₄ : 27 – 29 mg/l / 11 – 13 mg/l |
Fer : 1,4 – 1,9 mg/l / 0,03 – 0,04 mg/l |
Aluminium : (1) / 0,06 – 0,2 mg/l |
(1) non déterminée. |
[Photo : Fig. 2 – Mélangeur DN 500 comportant deux éléments SMV (perte de charge de 0,04 bar à 1 000 m³/h).]
[Photo : Schéma synoptique de l'installation de floculation de Walsrode.
(1) Eau brute ; (2) pompe ; (3) mélangeur Sulzer SMV ; (4) bassins de floculation, chacun de 60 m³ et avec un agitateur ; (5) doseuses ; (6) conduite de floculant ; (7) conduite d’adjuvant de floculation ; (8) vers la décantation.]
TABLEAU 2
Comparaison des consommations de floculant
Périodes |
– Janvier à juin 1983 (avec agitateurs) : 2 404 956 m³ d’eau brute traitée, 195,4 t de floculant, soit 81,2 g/m³. |
– Janvier à juin 1984 (avec mélangeurs statiques) : 2 567 323 m³ d’eau brute traitée, 114,1 t de floculant, soit 44,4 g/m³. |
[Photo : Courbes de turbidité de l’eau traitée à Walsrode, soit avec mélangeurs statiques, soit avec agitateurs mécaniques.
(1) Passage du mélange statique au mélange dynamique du floculant par mise en service des agitateurs.
(2) Les valeurs de turbidité s’altèrent rapidement après passage dans le système d’agitation mécanique.
(3) La quantité de floculant passe de 35 à 50 g/m³ pour réduire la turbidité.
(4) La quantité de floculant est réduite à 45 g/m³ pour s’adapter au débit qui a été réduit de 10 %.]
Ils se caractérisent par une excellente homogénéisation, réalisée sur de courtes longueurs (de 2 à 5 D) et avec une très faible perte de charge (dans le cas examiné, inférieure à 0,1 bar). Contrairement aux systèmes dynamiques conventionnels, ils ne nécessitent aucune maintenance et leurs frais d’investissement sont faibles.
Les essais
Pour maintenir au mieux l’exploitation pendant la phase des essais, un mélangeur statique a été monté dans la conduite d’eau brute à environ 5 m en amont du premier bassin de floculation. La conduite d’amenée du floculant a été agrandie de façon qu’il puisse être introduit soit en amont du mélangeur statique, soit directement dans le premier bassin de floculation. Cette disposition a permis de comparer les performances des deux systèmes avec des paramètres d’exploitation différents. Le dosage du polyélectrolyte a été conservé et on continue de l’additionner dans le troisième bassin.
Il est intéressant de comparer les gradients Gt (4) dans les deux systèmes, donnés par la formule :
W / (V η t)
W = énergie (Nm/s)
V = volume en réaction (m³)
η = viscosité (Ns/m²)
t = temps (s)
On a constaté que le système conventionnel fonctionnait avec des gradients de vitesse Gt d’environ 100 000 à 150 000 par bassin (ce qui était considéré comme habituel pour la décantation-floculation) ; par contre, le gradient Gt obtenu avec le mélangeur statique tombait à 1 000.
L’installation modifiée a été testée en 1984 durant un semestre avec des paramètres d’exploitation extrêmement variables (débit, qualité de l’eau brute). Le floculant a été additionné pendant une courte période selon la méthode ancienne et les résultats ont été comparés à ceux du nouveau système.
Le dispositif a fonctionné dès le début parfaitement et sans problème de démarrage. Comme le montre la courbe enregistrée, l’exploitation se règle sans à-coups (allure stable de la courbe) et ce, pour une consommation notablement réduite de floculant.
Le tableau 2 montre qu’au premier semestre de 1984 on a employé, en chiffres ronds, 45 % de floculant en moins, par comparaison avec la même période de 1983, et cela bien que la qualité de l’eau brute ait été nettement plus mauvaise.
D’autre part, la suppression des deux agitateurs a fait économiser 50 000 kWh et la consommation de polyélectrolyte a pu être légèrement réduite grâce à une floculation plus optimale.
Enseignements tirés des essais
On a constaté, lors des essais, que les agitateurs montés dans les bassins de floculation n’étaient pas en mesure d’assurer une turbidité uniforme dans l’ensemble du bassin ; par contre, le mélange opéré dans le mélangeur statique de Sulzer, qui s’effectue selon un modèle strictement géométrique, fait que dans sa tota
[Photo : Fig. 4. – Mélangeur SMV, DN 100 en PVDF avec enveloppe en acier-C plastifié PTFE.]
L'eau y est soumise à des turbulences régulières. Il s'ensuit que l'énergie nécessaire diminue (de même que le gradient de vitesse Gt) de un à deux ordres de grandeur.
La floculation plus efficace obtenue grâce au mélangeur statique conduit, par les économies de produits chimiques et d'énergie qu'il permet, à réaliser une réduction sensible des frais d'exploitation ; c'est ainsi que le capital investi à Walsrode s'est amorti en moins de six mois...
Les mélangeurs statiques peuvent recevoir d'autres applications dans le traitement des eaux, notamment dans les suivantes :
- — mélange d'eaux de provenances différentes ;
- — neutralisation avec ajustage du pH par addition d'acides ou de lessives alcalines ;
- — augmentation de la teneur en oxygène par aération (3) ;
- — désacidification de l'eau par l'air ;
- — enrichissement en gaz carbonique.
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BIBLIOGRAPHIE
(1) Weber W.J. : Physicochemical processes for water quality control. Wiley-Interscience (1982).
(2) Kittner, Starke, Wiessel : Wasserversorgung. VEB Verlag für Bauwesen, Berlin (1965).
(3) Ginocchio, J.C. : Statische Mischer in der Trinkwasseraufbereitung, Chemische Rundschau, n° 41, Soleure (1980).
(4) Ginocchio, Gros, Bischofberger, Gmünder : Abwasser-flockungsfiltration, Swiss Chem 5, n° 6, Zurich (1983).
(5) Ginocchio J.C. : Corrosion in the Swiss drinking water distribution systems, European Water and Sewag... (septembre 1984).
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