Au Maroc, l'oléiculture revêt un intérêt très important, et se place parmi les cultures les plus développées. Sa répartition intéresse une aire importante du territoire national. En relation avec le développement de cette oléiculture et les demandes accrues des marchés interne et externe en matière d'huile d'olive, l'industrie oléicole a connu aussi un développement important dans les dernières décennies, engendrant ainsi un rejet important des résidus liquides nuisibles pour l'environnement. La problématique de ces résidus ou margines pour le Maroc, réside dans le fait que la plupart des unités de trituration d'olives, qu'elles soient traditionnelles ou modernes, se concentrent dans la zone Atlantique : la zone la plus importante en matière des ressources en eau. L?impact jugé négatif des margines sur les ressources en eau de surface, pour le Maroc, nous amène à penser à une étude d'impact des margines sur les ressources en eau de surface de cette zone. L?impact des rejets des margines sur la production d'eau potable en aval de la ville de Fès a été largement discuté. Le coût de production d'eau potable à partir d'Oued Sebou a été multiplié approximativement par dix durant la période oléicole. La nécessité de bien traiter le problème nous a poussés à la partager en bassins hydrauliques selon la loi 10-95. En outre, nous avons évalué l'impact des margines rejetées, moyennant à l'estimation de la quantité et de la charge polluante, dans chaque bassin durant la compagne oléicole 1995-2001. Au cours de ce travail, nous avons identifié les différentes méthodes utilisant des technologies modernes ou classiques (Maâsra) pour la production des huiles, la valorisation des margines, tout en mettant l'accent sur la nécessité de la résolution de la problématique des margines dans une perspective de développement durable.
La problématique de ces résidus ou margines pour le Maroc, réside dans le fait que la plupart des unités de trituration d’olives, qu’elles soient traditionnelles ou modernes, se concentrent dans la zone Atlantique : la zone la plus importante en matière des ressources en eau. L’impact jugé négatif des margines sur les ressources en eau de surface, pour le Maroc, nous amène à penser à une étude d’impact des margines sur les ressources en eau de surface de cette zone. L’impact des rejets des margines sur la production d’eau potable en aval de la ville de Fès a été largement discuté. Le coût de production d’eau potable à partir d’Oued Sebou a été multiplié approximativement par dix durant la période oléicole. La nécessité de bien traiter le problème nous a poussés à le partager en bassins hydrauliques selon la loi 10-95. En outre, nous avons évalué l’impact des margines rejetées, moyennant l’estimation de la quantité et de la charge polluante, dans chaque bassin durant la campagne oléicole 1995-2001. Au cours de ce travail, nous avons identifié les différentes méthodes utilisant des technologies modernes ou classiques (Maasra) pour la production des huiles, la valorisation des margines, tout en mettant l’accent sur la nécessité de la résolution de la problématique des margines dans une perspective de développement durable.
Au Maroc, l'industrie oléicole constitue un problème environnemental. On estime environ 250 000 m³ la production annuelle des rejets de margines de ce secteur (Secrétariat d’État de l’eau et de l'environnement 2003). Ces effluents posent un sérieux problème lors de leur évacuation vers des milieux naturels tels que les cours d'eau. Les pays méditerranéens producteurs d’huile d’olive sont confrontés à la problématique de l’élimination des margines (Benyahia et Zein, 2003), mélange d’huile et d'eau. Les margines sont des eaux très polluées, fortement chargées en matières organiques et affectent particulièrement la
Keywords: black liquor, vegetable water, water resources, Atlantic coast, impacts
Mots clé : Margines, Ressources en eau, Zone Atlantique, impacts
qualité des eaux dans lesquelles elles sont déversées. Ces rejets colorent les eaux et leur forte charge organique exige une forte consommation d’oxygène (Kistner Margine Project site Internet : http://www.wzw.tum.de/gb/people/kistner/Ifg_engl.html). Épandues sur le sol, les margines réduisent la qualité des sols (Elhebil 2001), car elles contiennent des substances souvent toxiques qui se fixent sur le sol.
Le problème de margines ne se posant pas encore il y a un siècle, les quantités d’huile d’olive produites de manière traditionnelle étaient bien moins importantes par rapport à l'état actuel. La nature ne pouvait pas donc absorber et épurer totalement les déchets de la production d’huile d’olive. De nos jours, du fait des vertus supposées bénéfiques pour la santé liées à la consommation d’huile d’olive, la demande ne cesse d'augmenter poussant la production à croître constamment.
Les pays du bassin méditerranéen constituent le milieu le plus favorable pour la culture des oliviers. En effet, plus de 714 millions d’oliviers sont répartis sur une surface avoisinant les 9 millions d’hectares. L’essentiel de la production mondiale (95 %) d’huile d’olive provient de cette région. Les principaux pays exportateurs de l'huile d’olive sont l'Espagne (400 000 tonnes), l'Italie (200 000 tonnes) et la Tunisie (125 000 tonnes pour l’année 1999).
La répartition des zones de production (Document CNUCED, http://r0.unctad.org/infocomm/francais/olive/marche.htm) (figure 1) montre que l'Italie, la Grèce ou le Maroc sont des marchés importants pour le procédé envisagé mais le marché espagnol est à relativiser, car il semble que le procédé à 2 phases (utilisation de l'eau en boucle) est largement utilisé par rapport aux procédés utilisant trois phases.
On peut estimer que dans un cadre réglementaire moins strict que le cadre européen, mais devant les problèmes environnementaux rencontrés, les pays du Maghreb seront sensibles à des réponses technologiques pour le traitement ou la valorisation des margines.
L’industrie oléicole génère, en plus de sa production principale en huile, un sous-produit à l'état solide connu sous le nom de grignon, constitué essentiellement par les débris des noyaux, de pulpe, de l’huile résiduaire et de l’amandon ; en plus, les margines ont une coloration brune noirâtre et une odeur très caractéristique difficile à traiter.
Les grignons constituent également un déchet volumineux et présentant potentiellement la même toxicité que les margines pour le milieu naturel. Il peut être valorisé en particulier par la production de charbon actif (Sebban et al. 2004).
La production d'un litre d’huile engendre entre 1,5 à 4 litres de résidus liquides appelés margines ; celles-ci sont extrêmement polluantes. Elles sont très acides, à forte charge organique, riches en potassium, en phosphore, en azote, en magnésium et en MES.
La margine est un effluent préoccupant pour les pays oléicoles. En effet, la production mondiale dépasse 9 millions de m³ par an. Les effets néfastes des margines vis-à-vis du milieu naturel et les risques sanitaires et de pollution proviennent :
- 1. d'une salinité élevée ;
- 2. d'une charge organique très élevée ;
- 3. d'une composition complexe constituée de sucres, de protéines, de lipides ;
- 4. acidification du milieu ;
- 5. destruction de la microflore bactérienne du sol ;
- 6. pollution des oueds et barrages et disparition de la vie aquatique ;
- 7. pollution de la nappe souterraine ;
- 8. forte agressivité vis-à-vis des installations des matériaux constituant les canalisations ;
- 9. impact négatif sur les stations de traitement par voies biologiques.
La forte charge polluante provoquée par le rejet saisonnier des margines compromettra l’efficacité du fonctionnement de la future station d’épuration de Fès devant être réalisée par la RADEEF pour un investissement estimé à 633 millions de DHS.
Pour remédier à ce problème, de nombreuses études sont aujourd'hui effectuées et dans de nombreux cas un prétraitement est nécessaire afin de réduire la charge ou la toxicité de l’effluent. De plus, les grignons peuvent être utilisés comme précurseur à la fabrication de charbon actif en poudre ou utilisés comme nourritures pour les animaux.
Une dépollution des margines peut être envisagée par plusieurs procédés (adsorption comme technique tertiaire, traitement physico-chimique, traitement biologique…).
Il a été montré par Lachguer et al. (2005), que l’épandage des margines traitées par la chaux sur le sol présente un impact considérable sur le sol.
L'objectif de ce projet est donc de donner un aperçu sur les effets néfastes des effluents de margines rejetés par les unités industrielles au Maroc sur l’environnement :
- » les impacts sur les eaux de surface ;
- » les impacts sur les eaux souterraines ;
- » les impacts sur l’air ;
- » les impacts sur le sol.
Effluents choisis pour l’étude et leur composition
La dégradation progressive de la qualité des eaux des oueds est liée aux rejets industriels et en particulier les rejets de margines. Cette détérioration des eaux des oueds a atteint des niveaux très critiques lors des campagnes oléicoles à cause de l'importance de la charge polluante générée par les huileries. Ces effluents sont directement rejetés dans les oueds sans aucun traitement préalable puisque les normes de rejets ne sont pas encore sorties et appliquées.
L’opération de raffinage des huiles engendre des eaux de lavage et des boues dont on peut extraire plusieurs produits valorisables : la lécithine, la céphaline et des produits utilisés dans l’industrie alimentaire humaine et animale…
En général, les rejets industriels des margines sont chargés en :
- » chlorure : détergents ;
- » composés azotés : glucides ;
- » matières organiques : les vitamines ;
- » composés phénoliques : les acides organiques ;
- » acides aminés : traces des éléments métalliques.
Choix de la zone d’étude
La zone Atlantique constitue une zone type pour une telle étude, dans la mesure où elle mobilise 73,71 % du potentiel hydraulique total (Asmlal 2002) et concentre une oléiculture.
Le souci de disposer d’un bon diagnostic de cette zone nous a amené à la partager en bassins hydrauliques suivant le partage adopté par la loi 10-95, et à diagnostiquer chaque bassin, tout en exploitant les données des annuaires statistiques et les monographies des régions.
Résultats et discussion
Superficie plantée et production d’olives et d’huile d’olives
L’olivier constitue la principale espèce fruitière plantée au Maroc, soit plus de 57 % de la superficie arboricole totale, et s’étend sur une superficie de 5 000 000 ha (Achkari et Begdouri 1997). Les plantations oléicoles sont représentées par plus de 47 millions d’oliviers. La moyenne des productions annuelles d’olives enregistrées entre 1998/99 et 2002/03 est de l’ordre de 505 000 t. Le Maroc occupe ainsi le sixième rang mondial parmi les producteurs d’olives après l’Espagne, l’Italie, la Tunisie, la Turquie et la Grèce.
Pour l’année 2003-2004, jugée exceptionnelle, les estimations des productions d’olives et d’huiles d’olives sont illustrées sur le tableau 1.
Tableau 1 : Production d’olives au Maroc entre l’année 2003-2004
Superficie plantée (ha) | Production totale d’olives (t) | Production d’olives de table (t) | Production d’huile d’olives (t) |
---|---|---|---|
580 000 | 1 000 000 | 120 000 | 100 000 |
Les maâsras traditionnelles ont généralement une capacité de trituration qui ne dépasse pas 10 t/j ; leur nombre dépasse actuellement 16 000 unités. La capacité moyenne de trituration d’une maâsra est de l’ordre de 259 kg/j (Hachimi 2002). Les capacités les plus élevées se localisent dans les provinces de Fès-Taounate, Taza, Marrakech, Chefchaouen et Agadir. Ces unités traitent en moyenne 150 000 à 200 000 t/an.
Les unités de trituration modernes sont au nombre de 287. Leur capacité de trituration dépasse 10 t/j. En outre, la capacité de trituration moyenne par le procédé à trois phases est de l’ordre de 35 t/j. Son rendement d’extraction est généralement voisin de 90 %. La région de Fès constitue le premier pôle de concentration des unités industrielles avec 42 %. Ceci provoque une forte pollution rejetée dans l’Oued Sebou.
Caractérisation des effluents de margines
Les analyses effectuées par l’Office National de l’Eau Potable (ONEP) (1995) sur des rejets de margines montrent les résultats du tableau 2.
Tableau 2 : Analyse physico-chimique réalisée par l’ONEP
Paramètres | Gamme de variation |
---|---|
pH | 4,5 – 5 |
DCO g/l | 60 – 200 |
DBO₅ g/l | 30 – 100 |
Matières grasses g/l | 0,2 – 0,6 |
NTK g/l | 0,3 – 0,4 |
En outre, l’étude que nous avons effectuée sur des rejets de margines prélevées dans une unité industrielle de la ville de Meknès se révèle plus chargée en DCO, DBO… (tableau 3). Par ailleurs, la quantité d’huile rejetée par litre de margines varie entre 20 et 40 ml.
Tableau 3 : Paramètres physico-chimiques analysés dans les rejets des margines de la ville de Meknès
Paramètres | Gamme de variation |
---|---|
pH | 4,3 – 5,2 |
DCO g/l | 100 – 300 |
DBO₅ g/l | 60 – 120 |
Conductivité mS/cm | 10 – 18 |
Il a été montré que la teneur en DCO des rejets de margines varie entre 100 et 600 g/l (Drly 1993), ce qui reste supérieur à la concentration détectée dans les rejets de margines dans une unité industrielle à Meknès.
Par ailleurs, d’après un rapport sur les propositions d’actions de lutte contre la pollution générée par les huileries d’olives, la teneur en DCO des margines rejetées par la province de Taounate peut atteindre 150 g/l, tandis que la concentration en composés phénoliques varie entre 4 et 12 g/l de margine. La forte charge organique générée par les effluents de margines rejetés par les unités des huileries de la ville de Fès dépasse largement le pouvoir auto-épurateur du fleuve (ONEP 1998, Foutlane et al. 1996). Le pH varie entre 4,5 et 5,2. Ceci montre que ces rejets ne peuvent pas être traités par voie biologique seule. En outre, il a été remarqué qu’une partie importante d’huile se trouve souvent dans les flux rejetés. Ceci montre une fois de plus que les techniques classiques souvent utilisées pour la trituration ne sont pas efficaces pour un rendement élevé des huiles produites, ce qui provoque de nombreux impacts sur les eaux de surface.
À titre d’exemple, la concentration en ammonium détectée dans l’Oued Sebou dépasse 5 mg N/l (Foutlane et al. 2002).
Pour minimiser la quantité d’huile rejetée dans les margines, plusieurs techniques peuvent être utilisées. On peut citer à titre
- ultrafiltration à basse pression ;
- centrifugation ;
- flottation ;
- extraction des huiles par des solvants.
En outre, la technologie propre, en utilisant un procédé nouveau, peut générer moins de rejets polluants (procédés à deux phases), consommant moins d’eau et produisant moins de margines. On peut citer à ce niveau les technologies propres qui permettent d’aboutir à :
- l’économie en eau ;
- l’extraction du maximum d’huile par tonne d’olives, ce qui peut générer moins de rejets non chargés en matières polluantes.
On distingue classiquement trois niveaux possibles d’intervention en matière de technologies propres :
- optimisation des procédés ;
- modifications des procédés ;
- changement des procédés.
Ces trois méthodes d’intervention permettent une utilisation rationnelle de l’eau et de l’énergie tout en réduisant la quantité des effluents polluant l’environnement ainsi que la quantité de déchets produits.
Importance de la technologie propre sur la production des huiles et minimisation des rejets
Le traitement d’une tonne d’olives par des méthodes classiques fait augmenter le prix de production et la quantité d’huile rejetée avec les margines, par rapport aux technologies modernes utilisées. Le tableau 4 montre l’étude comparative de la quantité des huiles produites par les techniques modernes et les techniques classiques.
Tableau 4 : Étude comparative de production des huiles d’olive par les techniques classiques et modernes (1994)
Ces résultats montrent que la technologie moderne permet de produire 30 % de plus que les techniques classiques. De plus, les techniques modernes produisent un effluent moins chargé en huile, ce qui peut avoir moins d’impacts sur l’environnement. En outre, le coût de traitement sera moindre par rapport aux rejets produits en utilisant les techniques classiques (Maassra).
Les unités traditionnelles traitent en moyenne 150 000 à 200 000 tonnes d’olives par an, avec des rendements en huile qui, dans le meilleur des cas, ne dépassent pas 15 litres par 100 kg d’olives triturées (Rapport sur l’industrie au Maroc, cas de la province de Taounate, 2004).
Il est à noter que les techniques de trituration à deux et à trois phases sont de plus en plus utilisées (annexe). En effet, la technique à deux phases produit de moins en moins de margines tout en consommant très peu d’eau par rapport à la technique à trois phases.
Estimation de la quantité et de la charge polluante des margines rejetées dans la zone Atlantique
L’estimation de la quantité et de la charge polluante (Sahil, 1996) en tant qu’indices indicateurs de l’impact a été faite pour la période oléicole 2000-2001, en se basant sur l’inventaire des unités de trituration d’olive réalisé par le ministère de l’Agriculture, de la Pêche et du Développement rural durant la même période (Annuaire statistique du Maroc, 2002).
Répartition des unités traditionnelles et modernes dans la zone Atlantique
Le nombre des unités traditionnelles (Maassra) et modernes peut être représenté par la figure 3.
D’après les résultats de la figure 3, le nombre des unités traditionnelles prédomine largement à l’échelle nationale. Les techniques modernes restent très limitées. Cela entraîne, d’une part, un rendement d’extraction plus bas dans les unités traditionnelles et, d’autre part, la production d’effluents très chargés en polluants (graisses, phénols, …). Ces effluents sont directement rejetés dans le milieu naturel sans aucun traitement préalable, ce qui affecte les eaux de surface, les eaux souterraines et les sols.
Répartition des unités traditionnelles et modernes dans différents bassins de la zone Atlantique
Les figures 4 et 5 montrent la répartition des unités traditionnelles et modernes dans différents bassins de la zone Atlantique.
D’après ces répartitions, le bassin de Sebou concentre plus d’unités traditionnelles et modernes que les autres bassins.
Estimation de la charge polluante par les unités traditionnelles et modernes
La contribution de chaque type d’unité peut être représentée par la figure 6.
D’après ces résultats, aucune différence significative n’a été observée concernant la pollution produite par les unités traditionnelles ou modernes. En revanche, la production d’huile par tonne d’olives utilisant les techniques modernes dépasse 10 litres, ce qui reste supérieur au volume produit par les techniques classiques.
Estimation de la pollution des margines rejetée par bassin
Les résultats d’une telle estimation sont rassemblés dans le tableau 5.
Tableau 5 : Quantité et charge polluante de margines rejetées dans la zone Atlantique
Un volume estimé à 350 082 m³, représentant une charge polluante estimée à 1 288 869 Eq-hab a été rejeté dans la zone Atlantique pendant la période oléicole 2000-2001. Le bassin de Sebou représente 57 % du rejet total dans la zone atlantique. Ceci justifie la forte pollution détectée dans Oued Sebou durant plusieurs années. La contribution de chaque bassin dans ce rejet total peut être représentée par la figure 7.
D’après la figure 7, le bassin de Sebou se classe en premier rang des bassins en termes de production des margines (plus de 57 %), suivi par le bassin de Tensift. Les contributions des autres bassins restent relativement modestes : 9,2 % pour le bassin d’Oum Rabii et 5,6 % pour le bassin de Loukkos.
Il est à noter que le bassin-versant de Sebou offre d'importantes ressources hydrauliques dont l’exploitation a permis de développer une multitude d’activités économiques. En effet, durant ces dernières années, une nette dégradation de la qualité des eaux a été observée en amont des prises d’alimentation en eau potable de Karia Ba Mohamed de M’Kansa due principalement aux rejets industriels, en particulier les margines de la ville de Fès (Foutlane et al. 2002).
Problématique de la pollution des bassins
L’impact sur les eaux potables produites à partir d’Oued Sebou reste l’exemple type pour illustrer l'impact des margines sur les ressources en eau de surface au Maroc (57 % du rejet total).
La dégradation progressive de la qualité des eaux des oueds est liée globalement aux rejets de margines. Cette détérioration des eaux des oueds a atteint des niveaux très critiques lors des campagnes oléicoles à cause de l’importance de la charge polluante générée par les huileries. Le tableau 6 illustre les charges polluantes en DCO et DBO rejetées par jour dans Oued Sebou durant la période oléicole.
Tableau 6 : Charges organiques des margines rejetées dans les eaux d’Oued Sebou (ONEP 1995)
En effet, l’impact de la pollution générée par les rejets des margines des huileries s'est traduit par des arrêts prolongés de production d’eau potable (250 jours) entre janvier 1989 et mars 1995 à la station de Karia Ba Mohamed. D’après l'ONEP, en janvier 1995 le coût de production de l'eau potable à Karia Ba Mohamed en utilisant les eaux d’Oued Sebou a augmenté à 19,25 DH/m³. Le coût moyen des réactifs pour l’année 1993 en période oléicole était très élevé (tableau 4) par rapport à la période normale (ONEP 1995).
Tableau 7 : Impacts des margines sur la production d’eau potable à partir d’Oued Sebou
Le coût des réactifs chimiques consommés durant la coagulation-floculation pour la production d’eau potable à partir d’Oued Sebou en aval de la ville de Fès est 14 fois plus cher par rapport à la période normale. Ceci reflète l'impact direct de la pollution rejetée par les unités industrielles des huileries sur la qualité des eaux d’Oued Sebou.
Impacts des margines sur la station d’épuration
Les rejets industriels chargés en huiles, graisses et détergents difficilement biodégradables rejetés dans le réseau d’assainissement provoquent la perturbation de l'épuration biologique car les bactéries qui dégradent les polluants organiques se trouvent inhibées.
Il est intéressant de remarquer que les détergents ne sont pas toujours facilement éliminés par les étapes de traitement. En arrivant dans le bassin aérobie dans le cas des stations d’épuration par boues activées, les détergents provoquent des mousses. Ceci perturbe complètement le bon fonctionnement des techniques de traitement.
La nécessité d’augmenter l’aération du bassin biologique ou l’ajout d’antimousses ne sont pas des solutions efficaces pour résoudre le problème des huiles, des graisses et des détergents.
Bassin de Tensift : c'est un bassin où la problématique des margines est aussi bien exprimée, surtout du fait du patrimoine en eaux souterraines qui pourrait être touché.
Bassin d’Oum Rabii : dans ce bassin, la problématique n’a pas encore atteint le degré critique, mais les potentialités dont dispose le bassin en matière d’oléiculture
développée et les tendances vers l'investissement dans le secteur d’huile d’olive dans ce bassin, pourraient contribuer à un développement de l'industrie oléicole, et par voie de conséquence, à l'augmentation du volume des margines rejetées.
Bassin de Loukkos : l'activité de l'extraction d’huile d’olive se fait généralement d'une manière traditionnelle, générant ainsi un volume relativement faible des margines.
Bassin de Bouregreg : en dépit de l'importance de l'industrialisation dans ce bassin, les investissements dans le secteur d’huile d’olive sont limités à l'import et l’export.
Élimination des rejets de margines
Dans les pays en voie de développement, en particulier au Maroc, les margines sont collectées dans de grands bassins où elles séjournent pendant plusieurs mois pour évaporation naturelle puis les boues décantées sont évacuées pour être épandues. On peut citer à titre d’exemple le cas des margines accumulées dans la ville de Fès.
Épandage agricole des margines
Pour les oléifacteurs d'un centre donné, la technique peut se pratiquer par un épandage collectif, alterné du rejet total des margines relatif à ce centre, autrement dit, ces oléifacteurs vont se mettre d’accord pour faire un tour de rôle pour l’épandage du rejet total du centre.
Pour ce faire, les oléifacteurs peuvent se partager en groupes de telle sorte que chaque groupe se préoccupe de l’épandage du rejet total d'une période oléicole donnée, et que chaque membre d’un groupe consacre une parcelle de son terrain ; ces parcelles doivent être rapprochées de préférence pour former une seule unité (réduction du coût du transport), et leur nombre doit constituer dans leur ensemble la superficie nécessaire pour l’épandage du volume total des margines préalablement estimé pour ce centre.
Séchage des margines dans des bassins collectifs avant épandage
Pour chaque ville, centre ou village il est fait une utilisation des résidus séchés comme fertilisants ou combustibles dans des fours ou des bains traditionnels.
Techniques de traitement des rejets de margines
Avant de proposer des solutions pour le problème de la pollution par les margines, il faut tout d’abord mettre l’accent sur un point très important, qui est l’importance et la nécessité de l’adoption d'une approche participative des oléiculteurs. Pour la résolution d'un tel problème, il faut faire participer les oléifacteurs à la gestion de leurs déchets et les sensibiliser à la nécessité de préserver leur environnement.
Cette sensibilisation peut être assurée par l’organisation de sessions de sensibilisation et de formation, surtout en matière d’application des traitements proposés. Plusieurs techniques sont actuellement utilisées pour minimiser les impacts des rejets des margines sur l’environnement. On peut citer à titre d’exemple : l’oxydation, la coagulation, floculation et flottation, la filtration, le traitement biologique, l’évaporation...
Techniques d’évaporation
Deux techniques d’évaporation sont actuellement utilisées :
- • évaporation forcée ;
- • évaporation naturelle.
Évaporation forcée (artificielle)
C'est un procédé qui consiste à concentrer au maximum l’effluent par évaporation de son eau. Il met en œuvre une étape principale de traitement de type évaporation forcée en utilisant de l’air à la température ambiante. Cette technique présente plusieurs avantages :
- * construction simple ;
- * suivi et entretien ne nécessitent pas une main-d’œuvre très qualifiée ;
- * élimination totale de la pollution ;
- * élimination d’odeur ;
- * fiabilité des installations ;
- * surface réduite ;
- * coût de fonctionnement modéré.
Des essais avec cette technologie avaient été prévus pour une unité pilote d’évaporation de 2000 m³/an, mais depuis dix ans ce projet n’a pas encore dépassé le stade de planification.
L’importance de cette technique impose son extrapolation à grande échelle au Maroc, une partie de son coût peut être recouvrée par la vente des grignons, aux débouchés intéressés, fours ou bains traditionnels.
L’évaporation forcée par séchage est une technique d’élimination partielle ou totale de l'humidité non combinée, imprégnant les corps humides par évaporation d’un liquide dans un mélange liquide-solide sans changer ou modifier la structure moléculaire primitive du corps traité. Le séchage implique le transfert du liquide d'un corps humide à l'air gaz insaturé.
L’expérience a montré que cette technique est coûteuse et ne permet qu'une élimination partielle de la pollution des margines.
Évaporation naturelle
La solution qui est utilisée consiste à collecter et transporter les margines dans des bassins peu profonds (0,7-1,5 m) afin d’évaporer au maximum l’eau des margines sous l’effet des rayons solaires.
Cette technique est actuellement utilisée par la ville de Fès pour réduire la pollution des margines dans des bassins de collecte de capacité dépassant 200 000 m³.
Cette technique d’évaporation naturelle rencontre les contraintes suivantes :
- » l’organisation du transport qui est souvent difficile par manque de matériel adapté ;
- » la présence d'une couche de graisse à la surface des bassins d’évaporation, ce qui minimise le taux d’évaporation ;
- » le temps de séjour est plus important, ce qui demande plus d’espace ;
- » grandes superficies : 2 m²/m³ de margines ;
- » coût élevé pour le pilote de Fès, on estime :
- – les frais de fonctionnement : 450 DH/m³ ;
- – les frais de fonctionnement + amortissement : 200 DH/m³.
Autres techniques de traitement
L’oxydation chimique des effluents de margines par des oxydants forts (H₂O₂, O₃, UV, chlore, ...) peut facilement dégrader la plupart des polyphénols toxiques pour les bactéries épuratrices des eaux. Cette étape est souvent pratiquée avant que les effluents ne soient rejetés dans le réseau d’assainissement. Ainsi, ces eaux seront moins chargées en matières organiques toxiques et, par la suite, la dégradation biologique dans une filière d’épuration à boues activées,
par exemple, peut compléter la digestion. Toutefois, l'oxydation reste coûteuse pour les pays développés et pour ceux en voie de développement. Cette technique ne permet qu'une élimination partielle de la pollution des margines.
L'étude que nous avons effectuée sur les effluents des huileries moins chargés en matière organique provenant d'une unité industrielle de la ville de Meknès pour préciser l'effet des rayons solaires a permis de tirer les conclusions suivantes :
» dégradation lente des phénols au cours du temps ;
» variation du pH ;
» changement de couleurs dû peut-être à la disparition de certains composés par dégradation.
Il est à noter que la coagulation-floculation-flottation permet aussi une réduction importante de la pollution des margines. Cette technique permet de produire énormément de boues riches en huiles qui peuvent être traitées en mélanges avec les ordures ménagères.
Par ailleurs, le traitement biologique aérobie combiné avec un traitement physico-chimique peut être utilisé pour réduire efficacement la pollution.
Ceci consiste d’abord à :
» un traitement physico-chimique est nécessaire car ceci protège la partie biologique des toxiques. La coagulation floculation et flottation reste la technique la plus utilisée dans cette partie ;
» mettre en contact les margines avec une souche bactérienne sélectionnée qui pourrait se conserver jusqu’à la période oléicole pour être utilisée ;
» l'aération en continu est très nécessaire car ceci permet d’activer le développement de la biomasse ;
» forte toxicité due aux produits difficilement biodégradables ou à des métaux lourds.
» le mélange des margines avec les boues d'une station d’épuration pourrait réduire la pollution.
En effet, le mélange des eaux usées urbaines et margines peut être utilisé pour réduire la pollution liée aux margines, mais il est beaucoup plus difficile de tirer des conclusions quant à la dégradation de la matière organique des effluents de margines. Cette dégradation est fonction des caractéristiques physico-chimiques des margines d'une part et des pourcentages des mélanges “eau usée urbaine + margines” d’autre part.
Par ailleurs, il existe des souches bactériennes capables de dégrader d'une façon efficace la pollution organique des margines. Cette souche peut être sélectionnée et stockée durant une période assez longue pour être utilisée durant la période oléicole.
Valorisation des margines
Pour la valorisation des margines, on peut citer :
¢ l'utilisation dans l'agriculture pour l'amélioration des sols ;
¢ l'utilisation industrielle (extraction des détergents...) ;
¢ la combustion (chauffage des chaudières) ;
¢ concentration thermique ;
¢ la mise en décharge et traitement par compostage (oxydation contrôlée) ;
¢ nutriment pour organisme unicellulaire ;
¢ alimentation du bétail ;
- - production d’enzyme ;
- - la production des protéines d’organismes unicellulaires ;
- - après séchage, les margines peuvent être utilisées pour le traitement des usages industrielles (exemple élimination des colorants).
Conclusion
Afin d’éviter des investissements coûteux pour la traitabilité des eaux usées, il est préférable de revoir les procédés industriels permettant de minimiser la quantité d’huiles rejetée et des margines produites et de trouver des solutions convenables dans le but de réduire la pollution à la source. L’application d’une technologie propre pourrait d’une part diminuer la consommation d’eau et d’autre part optimiser les procédés de production des huiles afin de limiter le déversement des rejets riches en matières huileuses.
L’utilisation des procédés à deux phases a permis de montrer son efficacité. La technique consomme moins d’eau en produisant moins de margines.
Ainsi, et dans les perspectives de sauvegarder la qualité des eaux des Oueds, il est impératif de traiter les rejets industriels des margines avant leur déversement dans les eaux de surface.
En outre, l’eau et l’olivier sont deux biens sacrés, sociaux et économiques. Leur coexistence, dans le passé, n’avait aucune incidence sur l’intégrité de l’écosystème dans lequel ils se trouvaient, même après l’intervention traditionnelle de l’homme en matière d’extraction d’huile d’olive, et ce n’est qu’avec l’arrivée de l’industrialisation que les rapports ont changé.
La nécessité de l’eau l’emporte sur celle de l’huile d’olive, certes, mais les intérêts alimentaires, médicaux et économiques que présente ce dernier imposent l’amélioration de sa production et par conséquent la résolution des problématiques des margines dans une perspective de développement durable.
Recommandations
- - encourager le travail des associations d’industriels ;
- - instaurer des primes encourageantes pour les oléiculteurs qui traitent leurs déchets ;
- - adopter une approche participative des oléiculteurs, dans le traitement de la problématique des margines ;
- - renforcer les efforts en matière de coordination entre toutes les parties concernées pour que la problématique soit résolue sous un angle de développement durable.
Perspectives
- » continuer les efforts en matière d’inventaire des huileries d’olive à l’échelle de tous les bassins et s’outiller d’un SIG pour avoir un document illustratif des zones menacées par les margines ;
- » ce document combiné aux données relatives à la qualité de l’eau, aux caractéristiques hydrologiques et hydrogéologiques des cours d’eau, constituerait un document de base pour :
- • cibler les ressources en eau les plus vulnérables et par conséquent définir les ordres de priorité dans les plans d’action en matière de gestion et de préservation des ressources en eau ;
- • choisir un cours d’eau qui pourrait être sujet à une modélisation de l’impact des margines sur la qualité des eaux ;
- • orienter l’implantation de tout autre projet susceptible d’interagir avec les unités de trituration d’olive ;
- • orienter l’implantation des aménagements hydrauliques.
Références bibliographiques
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