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Les graisses des stations d'épuration et leur traitement

30 avril 1995 Paru dans le N°181 à la page 40 ( mots)
Rédigé par : Christian TSCHOCKE

En vogue depuis quelques années, le traitement enzymatique des matières grasses véhiculées par les effluents urbains et industriels est aujourd'hui largement diffusé parmi les utilisateurs. Les présent article a pour objet de donner le résultat de nos études en matière de recherche et de compréhension des mécanismes reliant les graisses aux flocs des boues activées.

Comme champ expérimental nous avons utilisé durant une année 11 stations d’épuration situées en dessous d’une ligne Bordeaux-Lyon, et dont les capacités de traitement s’échelonnent de 3 500 EqH à 120 000 EqH. Leurs caractéristiques sont portées aux tableaux I et II.

Compte tenu de la représentativité de cet échantillonnage, notre Laboratoire a effectué chaque mois un prélèvement de boues activées et en a mesuré les MES et MVS par différence de pesées après filtration sur filtre GFC de 1,2 µm et séchage à 105 °C, puis calcination à 525 °C. Nous avons ensuite mesuré les matières grasses en utilisant un extracteur de Kumagawa et comme solvant un mélange de chloroforme et de 1,1,1-Trichloroéthane. Le but de nos recherches étant de comprendre le comportement du floc face aux graisses, aucun typage ni mesure de poids moléculaire n’ont été effectués, mais grâce à l’obtention de plus de 130 bilans, nous avons pu formuler quelques axiomes décrivant les relations entre matières grasses et boues activées.

[Photo : Variation de la teneur du floc en MG suivant les saisons.]

Incidence de la température sur la teneur du floc en graisses

La teneur du floc en matières grasses est soumise à une forte saisonnalité. Pour le démontrer nous avons fait la moyenne des résultats obtenus mois par mois sur les dix premières stations, la onzième ayant une saisonnalité particulière, car ne recevant que des effluents d’industries agro-alimentaires. Le constat effectué tout au long d’une année civile nous a permis de modéliser les variations de la teneur du floc en graisses grâce à l’équation suivante :

Y = 1,87·10-6 x³ - 1,088·10-3 x² + 0,15 x + 17,13

y = mg de MG/g de MVS  
x = nb de jours de 1 à 365  
coef. de corrélation = 0,961  
coef. de détermination = 0,92  
erreur standard < 1 mg de MG/g de MVS

En tenant compte d’un léger décalage représentant l’inertie du système, nous remarquons que la courbe de variation des teneurs en graisse est inversement proportionnelle aux températures normales des mois. Ce phénomène est expliqué par le fait que les graisses se figent dès lors que la température ambiante devient suffisamment basse. En contrepartie, lorsque la température remonte, les graisses qui se sont déposées sur les parois des canalisations ou des puits de relevage se remettent en suspension et viennent massivement s’adsorber sur le floc, d’autant plus que cette période de réchauffement est propice au lessivage des réseaux puisque concomitante avec la fonte des neiges, les pluies de printemps, etc. Puis, au fur et à mesure que le temps passe, les concentrations diminuent jusqu’au retour de conditions climatiques défavorables.

Relation entre coefficient de charge massique et teneur du floc en matières grasses

Nos travaux ont montré que la teneur du floc en matières grasses dépend du coefficient de charge massique appliqué au réacteur de la station d’épuration, comme le tableau III, récapitulant les moyennes des teneurs en matières grasses, l’indique.

Plus le coefficient de charge massique est petit et plus l’âge des boues est élevé ; il semble donc logique qu’il faille approcher la notion de temps de contact et la teneur plus ou moins importante de matières grasses dans le floc. Cette hypothèse n’est toutefois pas plausible car la graisse non adsorbée doit logiquement se retrouver dans le liquide interfloc ; or le liquide interfloc d’une boue en forte charge ne contient pas plus de graisses que celui

Tableau I

Taille des stations d’épuration (STEP).

Capacité < 10 000 EqH de 10 000 EqH à 50 000 EqH > 50 000 EqH
nb de STEP 4 5 2

Tableau II

Fonctionnement des STEP.

Coef. de charge massique (Cm) < 0,1 de 0,1 à 0,2 > 0,21
nb de STEP 6 4 1

Tableau III

Teneurs en MG du floc et Cm correspondant.

Cm (taille de l’échantillon) mg de MG/g de MES
0,06 (1) 12,16
0,07 (1) 11,68
0,08 (2) 9,92
0,09 (2) 8,67
0,10 (1) 7,85
0,12 (1) 7,21
0,14 (1) 6,67
0,19 (1) 6,12
0,24 (1) 5,53
[Figure : Fig. 2 Relation entre Cm et teneur en MG] [Figure : Fig. 3 Variation annuelle des teneurs en MG d’un floc traité par rapport à un floc témoin]

d’une boue en aération prolongée. Par contre, en travaillant sur les mécanismes intervenant lors des moussages biologiques, fléau rencontré sur de nombreuses stations, notre laboratoire s’est aperçu que certains micro-organismes, n’ayant rien à voir avec Microthrix parvicella, étaient à la fois impliqués dans la variation de la teneur en graisse des flocs et dans la formation des mousses.

Incidence des apportsde bactéries utiliséespour le traitementenzymatique des graisses

Le traitement enzymatique des graisses augmente la teneur du floc en matières grasses : nous avons effectivement remarqué qu’entre les stations témoins et les stations recevant un traitement (trois produits de marque différente ont été testés) nous observions une nette différence, et cela tout au long de l’année comme le montre la figure 3.

En fait le traitement enzymatique des graisses a pour premier but la réduction du volume des refus de dégraisseur, qu’il est nécessaire d’évacuer vers des sites spécialisés. Toutefois, ce genre de traitement ne consiste qu’en une hydrolyse s’arrêtant souvent à une simple désestérification et non à la transformation en métabolites finaux et un peu de biomasse. Ainsi les refus traités non évacués sont transférés vers le réacteur et augmentent naturellement les concentrations en graisses mesurées dans les boues. Néanmoins une hydrolyse bien menée peut transformer la charge carbonée difficilement assimilable représentée par les graisses en DBO5, c’est-à-dire en molécules biodégradables sans difficulté aucune par la biomasse du réacteur.

Graisseset moussage biologique

Dans le précédent chapitre nous avons évoqué nos travaux sur le moussage biologique si souvent rencontré sur les ouvrages d’épuration. En cherchant une solution pouvant traiter ces mousses particulièrement grasses, nous nous sommes orientés, à la suite de l’obtention de plusieurs bilans massiques, vers l’étude d’une famille de micro-organismes dont nous avons montré le rôle nécessaire et évident dans le mécanisme de formation des mousses. Ces travaux feront l’objet d’une future publication.

Conclusion

Les recherches menées par notre laboratoire sur les graisses véhiculées par les effluents permettent de mieux comprendre le comportement du floc face aux matières grasses. Ainsi le traitement des refus de dégraisseur par voie enzymatique peut représenter une solution intéressante qui néanmoins ne se révélera intéressante qu’au sein d’une approche rigoureuse du site à traiter. L’entreprise commercialisant des bactéries et des enzymes aura toutes les chances de réussir, pour autant qu’elle diffusera un bon produit, avec un mode d’emploi sérieux et qu’elle effectuera un suivi rigoureux de l’état écologique des boues tout au long de l’année.

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