Que faire des graisses résiduaires ? Mieux vaut les faire manger par des cochons que par des vers de terre, à la limite par des bactéries. En effet, la biomasse produite par les cochons est bien sûr directement consommable, alors que celle des vers de terre, l'est indirectement (car elle peut servir de farine d'engraissement), mais celle des bactéries même dopées de bio-additifs très performants, ne peut conduire qu'à des boues excédentaires. Cependant un compostage astucieux de ces boues est commercialement rentable, et l'incinération qui récupère l'énergie interne des graisses n'est pas à négliger.
Que faire des graisses résiduaires?
Mieux vaut les faire manger par des cochons que par des vers de terre, à la limite par des bactéries. En effet, la biomasse produite par les cochons est bien sûr directement consommable, alors que celle des vers de terre l’est indirectement (car elle peut servir de farine d’engraissement), mais celle des bactéries, même dopées de bio-additifs très performants, ne peut conduire qu’à des boues excédentaires. Cependant un compostage astucieux de ces boues est commercialement rentable, et l’incinération qui récupère l’énergie interne des graisses n’est pas à négliger.
De l’huile sur le feu
Peut-on jeter de l’huile sur le feu ? Oui, à condition de traiter les déchets graisseux. Les molécules de graisses, riches en éléments carbone et hydrogène dont la combustion est très exothermique, possèdent un pouvoir calorifique appréciable (PCI des graisses animales : 39 700 kJ/kg, d’après “Energirama” IFE, janvier 1991). Mais plus que la constitution chimique des divers composants des graisses résiduaires, l’eau d’émulsion de ces graisses en l’état brut revêt une importance considérable en incinération ; d’une combustion aisée, sans appoint de fioul, peu onéreuse, on passera à une exploitation pénible, coûteuse à cause d’un mauvais rendement thermique, voire négatif. En effet, comme dans le cas de l’incinération des boues urbaines qui nécessite une dessiccation préalable, l’eau joue un double rôle négatif dans l’établissement du bilan thermique :
- • elle absorbe une chaleur de vaporisation due en partie à l’eau native des réactions exothermiques mais surtout à l’eau de composition de l’émulsion, proportionnelle à l’humidité du déchet,
- • elle occupe la place relative aux matières sèches combustibles dans l’unité pondérale ou volumique des déchets graisseux à gérer en incinération (figure 1).
C’est pourquoi la concentration en matières sèches, l’égouttage des déchets limitant leur humidité, sont des traitements bénéfiques avant incinération des graisses résiduaires. En brûlant des graisses résiduaires à 80 % d’humidité au lieu de 60 %, on réduit de 60 % leur pouvoir calorifique, mais en les égouttant préalablement à 40 % d’humidité au lieu de 60 %, on l’accroît de 60 %. Ainsi, les graisses surnageantes de la station d’épuration d’Achères qui sont collectées à 70 % de MS, renferment 50 % de graisses dans les échantillons bruts.
Pour les moyennes stations (de 10 000 hb, soit 200 kg de graisses brutes par jour, à 50 000 hb, soit 1 t de graisses brutes par jour) le four à tambour rotatif, du type Lillers ou Venot-Pic, de préférence au four vertical fixe, du type Picard, Ferbeck-Vincent ou Pillard, s’avère un moyen économique de détruire les graisses, avec les refus de dégrillage et de filtration, hachés, dilacérés, pour une charge inférieure à 1 t/h. Travaillant à contre-courant dans une plage thermique de 850 à 950 °C, avec ou sans récupérateur de chaleur mais pourvu d’un système d’épuration des fumées, le four à tambour rotatif consomme en moyenne 50 kWh/t de MS.
Pour les plus grandes stations, dotées souvent d’un incinérateur à lit fluidisé pour opérer la destruction thermique des boues résiduaires, les déchets graisseux constituent une source calorifique bon marché.
Les effets de la co-incinération des graisses avec les boues résiduaires en lit fluidisé, additionnées dans des proportions de 1,5 à 6 % de la charge humide globale équivalente, ont été testés par OTVD (filiale de la Compagnie Générale des Eaux) dans plusieurs de leurs installations. Cette co-incinération se traduit dans les fumées brutes par une augmentation des gaz CO₂, HCl, NOx, augmentation due à une oxydation plus poussée du carbone des boues et à une élévation de la température de combustion, favorable à la dissociation des chlorures et à la formation de gaz nitreux (J. Pasanau, N. Simonsen, D. Cretenot, JIE 94 Grutte, septembre 1994).
L’alimentation porcine
Quoi de plus attrayant pour un éleveur que de « faire du porc » avec des eaux grasses ? Dans le prix de revient du kilo de porc, le coût de la ration alimentaire intervenant pour 60 à 70 %, l’intérêt de l’incorporation d’eaux grasses, de graisses résiduaires dans l’alimentation du porc se justifie pleinement, du point de vue économique, il s’entend. Au début des années 80, l’ANRED (rattaché depuis à l’Ademe) et l’ITP (Institut
Variations du PCi final du déchet graisseux
Eau (% graisses) | 80 | 60 | 40 |
---|---|---|---|
MS (% graisses) | 20 | 40 | 60 |
Ac. oléique (% MS) | 80 | 80 | 80 |
Ac. oléique (%) des graisses | 16 | 32 | 48 |
Eau de combustion (kg/kg ac. oléique) | 1,14 | 1,14 | 1,14 |
Eau de composition (kg/kg ac. oléique) | 5,00 | 1,87 | 0,83 |
Eau totale (kg/kg ac. oléique) | 6,14 | 3,01 | 1,97 |
Chaleur latente de vaporisation (kg/kg d’ac. oléique) | 3 300 | 1 620 | 1 060 |
PCi de l’ac. oléique (kcal/kg) | 6 570 | 8 250 | 8 810 |
PCi du déchet graisseux (kcal/kg brut) | 1 050 | 2 640 | 4 230 |
PCi « » (kJ/kg brut) | 4 390 | 11 030 | 17 680 |
PCs de l’acide oléique pris à 9 870 kcal/kg d’acide
Combustibilité des déchets en fonction de leur PCi
Types de déchet (en kJ/kg) | Combustion facile sans appoint | Combustion facile avec appoint | Combustion difficile |
---|---|---|---|
Déchets solides | > 16 700 | entre 8 400 et 16 700 | < 8 400 |
Déchets liquides | > 25 000 | entre 8 400 et 25 000 | < 8 400 |
Déchets gazeux | > 21 000 | entre 4 200 et 21 000 | < 4 200 |
Déchets | Productivité (l/kg) | Teneur du biogaz en méthane (%) |
---|---|---|
lipides des IAA | 1 000 – 1 200 | 70 – 75 |
graisses des EU | 1 000 – 1 500 | 62 – 72 |
écumes des EU | 840 – 960 | 70 – 75 |
glucides | 400 – 800 | 45 – 50 |
protides | 500 – 900 | 50 – 70 |
Caractéristiques | du 1er au 30e jour | du 30e au 90e jour | du 90e au 120e jour |
---|---|---|---|
Alimentation du digesteur : | |||
– kg SV/m³ digesteur/jour | 0,2 | 0,5 | 1,0 |
– m³ boues/m³ digesteur/jour (1) | 0,7 | 1,8 | 3,6 |
Trop-plein évacué : | |||
– aspect des eaux | sale | sale | clair |
– acides volatils mg/l (2) | 2 000 | 300 | 200 |
– TAC mg/l (3) | 500 | 2 000 | 3 000 |
Boues en digestion : | |||
– aspect des boues | jaune | gris | noir |
– odeur des boues | putride | putride | agréable (goudron) |
– pH | 5 – 5,5 | 5,5 – 6,5 | 6,8 – 7,3 |
– chaulage (4) kg chaux/m³ digesteur/semaine | 2 | 1 | 0 |
Gaz produits (5) | CO₂ + H₂ + SH₂ | CO₂ + N₂ | CO₂ + N₂ + NH₃ + CH₄ |
Technique du Porc) incitaient les éleveurs à utiliser les résidus de restauration (0,2 kg de déchets organiques par repas en Île-de-France). La gestion de ces déchets graisseux coûte cher aux collectivités locales. En Île-de-France, qui rejette 1 kt par jour d’eaux grasses, 70 % de celles-ci sont évacuées avec les OM (coût : 10 MF par an), 15 % partent à l’égout (coût : 10 MF par an), et seulement 15 % sont collectés par les éleveurs (ANRED – octobre 1984). À cette époque, l’ANRED estimait que ce sous-produit, dans la seule région francilienne, nourrirait un cheptel supplémentaire de 200 000 porcs par an (soit 10 % du déficit français en viande porcine). Ce sous-produit gras présentait les caractéristiques suivantes :
MS : 15,7 % MG : 22,3 % humidité : 92,7 % Mat. Org. : 92,7 % protéines : 21,0 %
valeur nutritive en unités fourragères : 0,20 – 0,25 UF/kg matières protéiques digestibles : 29,1 g/kg
Cette valorisation s’apparente à une technologie propre préventive qui réduirait la pollution des graisses arrivant à la station d’épuration. Mais « déchet » ne signifie pas gratuité (B. Deman, GAEC Flamanderie, revue ANRED n° 4, juin 1990). Un contrat-type d’échange a été rédigé en concertation avec les éleveurs, les restaurateurs et les services vétérinaires en Île-de-France, où l’autorisation préfectorale conditionne l’emploi de ce sous-produit à une cuisson préalable à 120 °C pendant une heure afin de répondre à des exigences sanitaires de plus en plus strictes. Au coût de traitement s’ajoutent les coûts de collecte, de transport et de tri qui déterminent un prix de revient total des eaux grasses « rendues à l’auge » de 1 100 F par tonne en 1990 (300 F par tonne en 1984).
Dès 1985, le GAEC Franquet à Roissy-en-France nourrissait 2 000 porcs à l’aide de déchets de restauration de l’Aéroport de Paris et traitait le lisier par méthanisation. La rentabilité de la valorisation n’apparaissait alors concevable qu’avec le regroupement des rejets gras repris auprès des restaurants collectifs. Une association de professionnels de la vidange, rassemblant SARP, Les Curages de Gonesse, les Vidanges Dideron de Gonesse, réalisait alors une plate-forme de pré-traitement pour les résidus de bacs à graisses et les boues de curage (coût : 5 MF en 1990). En 1990 également, l’usine du GAEC de la Flamanderie de Templemars (59) disposait d’une porcherie de 3 000 têtes et traitait 15 kt par an de déchets graisseux de la CUDL (Communauté Urbaine de Lille) avec l’aide de TRU (Traitement des Résidus Urbains), dont les véhicules assurent la collecte. L’usine de traitement (coût : 2,5 MF en 1990) délivre une « soupe » à laquelle le GIE rajoute des déchets des IAA et des compléments minéraux, le mélange étant finement géré par un logiciel. La Communauté Urbaine paie une redevance de 400 F par tonne collectée et traitée, soit sensiblement le même prix que celui déboursé pour la collecte des ordures ménagères en poubelle hermétique. En transformant ainsi les déchets de restauration de toute l’agglomération lilloise, l’éleveur de porcs est devenu progressivement un prestataire de services dans le domaine du déchet !
Les stations qui « baignent dans l’huile »
Les micro-organismes lipolytiques sont extrêmement répandus. Ils forment une microflore ubiquiste très polyphage qui scinde, grâce aux lipases actives, les esters glycérides en glycérol et acides gras. Parmi les espèces aérobies et anaérobies facultatives les plus fréquentes et véhiculées par les eaux-vannes, on trouve les Entérobactéries et les Pseudomonas. Cependant, ce sont les bactéries anaérobies du type Clostridies qui sont les plus efficaces en lipolyse.
La première étape acidogène accomplie, la seconde étape de décaboxylation des acides gras peut être moins aisément franchie, l’acide dioxystéarique saturé, très
Compostage sur support carboné (d'après J.-M. Petillot, ANRED, JIE 1990)
Caractéristiques Déchets d'espaces verts Fientes humides Déchets graisseux
Prétraitements
Broyage-humidification
Mélange avec support carboné
Criblage d'affinage et recyclage du refus de criblage
Criblage grossier
Recyclage éventuel
Fonction des impératifs de production (qualité du compost)
Fonction des impératifs de traitement (coût du support)
Evolution du volume brut initial
Très forte réduction, rendement de 0,1 à 0,2
Réduction de la masse brute
Modérée, rendement 0,6 – 0,7 environ
Evolution du rapport C/N
Fort abaissement (perte en azote)
Evolution de la teneur en eau
Augmentation (de 75 % à 30 %)
Coût de traitement
30 – 40 F/m³ soit 300 à 400 F/t
Coût de production
400 à 500 F/t soit 200 à 250 F/m³ (suivant recyclage)
Vermiculture (d'après C. Vignoles – Toulouse – JIE 86)
Résultats / MS | Déchets graisseux bruts | Mélange graisses et boues | Après vermiculture |
---|---|---|---|
% MS/MB | 47,5 | 30,7 | 20,5 |
MM | 11,7 | 25,6 | 33,9 |
pH | 5,2 | 6,2 | 7,5 |
Résistivité (CM) | 1 005 | 829 | 1 420 |
M.O. (%) | 74 | 74,5 | 66,1 |
NT | 0,91 | 2,5 | 2,0 |
C/N | 41 | 14,7 | 25 |
% MS | |||
P2O5 T | 0,48 | 1,93 | 1,75 |
CaO T | 2,86 | 3,84 | 5,12 |
MgO T | 0,09 | 0,36 | 0,41 |
K2O T | 0,04 | 0,135 | 0,16 |
Na2O T | 0,021 | 0,077 | 0,045 |
% M.SS | |||
Cu T | 65 | 210 | 171 |
Fe T | 2 108 | 5 307 | 6 885 |
Mn T | 35 | 116 | 187 |
Zn T | 164 | 541 | 529 |
Cd T | 3 | 4,15 | 4,5 |
Cr T | – | 61,5 | 9,4 |
Ni T | 19 | 36,5 | 12,6 |
Pb T | 65 | 103 | 48,2 |
Matières grasses | |||
C.E.E. « Bv » (%) | 96,7 | 48,4 | – |
Ces valeurs restent strictement indicatives, l'hétérogénéité des matériaux ne permettant pas quantitativement une bonne reproductivité des résultats.
Fig. 3 : Compostage sur support carboné (d'après J.-M. Petillot, ANRED, JIE 1990).
résistant, par exemple, issu de l’acide oléique, risquant de s'accumuler :
CH₃(CH₂)₇CH=CH(CH₂)₇COOH + H₂O + 1/2 O₂ → CH₃(CH₂)₇CHOH-C[OH](CH₂)₇COOH
(A. Pochon, H. de Barjac « Traité de microbiologie des sols », Ed. Dunod, 1957).
Il n'empêche que les petites stations dépourvues de dégraisseur, à rejet uniquement ménager, ne semblent pas souffrir de la présence de graisses (en faibles teneurs s’entend) dans les eaux brutes. On connaissait l'expérimentation d'Arnas (bourgade de 500 hb, située au nord de Lyon, à proximité de Villefranche-sur-Saône) où les graisses, en partie piégées avec les boues sédimentées au décanteur primaire, lui-même jamais écumé, ne posaient aucun problème de gestion (indice CH amont : 33,1 mg/l ; aval : 0,9 mg/l ; rendement : 97,3 %) (J. Vial, IPL, revue Cebedeau, janvier 1977).
En Ille-et-Vilaine, 11 stations d'épuration à boues activées, d’une capacité nominale inférieure à 20 000 EH à dominante domestique ont pu être suivies dans leur évolution des refus de dégraissage (fosses de stockage de 6 à 12 m³ avec une fréquence de vidange de 1 à 6 fois par an, produit brut à moins de 5 % MS et 54 DCO/l). Le souci de s’affranchir en petite station des sujétions d’un ouvrage de dégraissage a conduit les expérimentateurs du Satese d'Ille-et-Vilaine à étudier le comportement d'une de ces stations dont le dégraisseur aéré serait mis en by-pass. La station de Mézière de 20 000 EH choisie reçoit une charge polluante égale à 37 % de sa capacité nominale et est sujette aux intrusions d’eaux parasites.
Le stockage des graisses permet une maturation des déchets, qui passent de 3,5 % MS et 90 % MV de MS à 18 % MS et 74 % MV de MS. Sur une telle station surdimensionnée, l’effet de by-pass du dégraisseur semble avoir été sans répercussions sur la qualité du traitement de l'effluent (niveau e, NK 1), et le transfert d’oxygène ne paraît pas avoir été réduit. L’effet devient même bénéfique avec une amélioration de la décantabilité des boues et un travail d’exploitation simplifié, sans aucun problème de colmatage ou de dégradation des organes électromécaniques ! (M. Legeas, L. Saout, E. Gallacier « Les refus de dégraissage des petites et moyennes stations à dominante domestiques » – JIE Grutte 94, septembre 1994).
Bioadditifs
Le rôle que l'on voudrait attribuer aux bioadditifs serait d'accélérer la biodégradation en station d’épuration par un ajout de poudres lyophilisées de bactéries lytiques, ou de suspensions liquides directement utilisables, sans réactivation préalable des germes actifs. Ces additifs sont diversement riches en C, N, P et oligo-éléments appropriés à leur développement. Le but est double :
– poursuivre l’hydrolyse des liaisons esters en vue de libérer les différentes chaînes d’acides gras dans les plus brefs délais ; – tronçonner les longues chaînes des AG en C 16, C 18 qui représentent 90 % des AG dosés, en des chaînons plus courts, du moins en C 6, scission difficile quand on sait que 40 % de ces longues chaînes sont des AG saturés.
On pourrait schématiser ces bioconversions en supposant que l'activité lipasique de lyse des liaisons esters est principalement provoquée par des bactéries anaérobies tandis que des bactéries aérobies strictes ou aérobies facultatives synthétisent des enzymes responsables de la bêta-oxydation des AG. Parmi l'inventaire de 40 produits bioadditifs utilisés à cet effet et distribués par 11 fournisseurs différents, on peut citer :
– le procédé Fixaflor de Lobial (filiale Sogeval-Sanders du holding EMC) qui a été testé en 1989 sur le site de Luc-la-Primaube (aux environs de Rodez) avec introduction d'un médium de bactéries fixées dans le dégraisseur de la station, avec recyclage en tête (fréquence de vidange du silo récepteur...).
…6 fois moindre), puis à Luchon (SATESE de la Haute-Garonne) en 1990, test amélioré par l’insertion d’un émulsionneur mécanique après hydrolyse des triglycérides (fréquence de vidange du silo divisée par 10) (C. Tschocke, Lobial, revue Environnement et Technique, n° 110, octobre 1991) ;
« le procédé Biolen, de Gamlen Industries SA, qui préconise un traitement des graisses collectées en réacteur pendant une durée de 4 à 6 jours et qui obtient un abattement de la DCO mesurée de 80 à 85 %, l’émulsion dégradée alimentant ensuite le système biologique de la station en amont ; le coût moyen pour un silo recueillant 5 m³ par semaine de déchets graisseux correspond à 33 kF par an de produits biologiques et de 48 kF par an d’amortissement, soit un prix de revient équivalent à 310 F par m³ de déchets graisseux (J.-Y. Bias, Gamlen, E. Richard, Europe Environnement, L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES n° 175, septembre 1994) ;
le procédé Biomaster G du CIRSEE (Centre International de Recherche sur l’Eau et l’Environnement) qui, comme précédemment, prévoit l’injection du substrat graisseux dans un réacteur biologique annexe, avec contrôle permanent du pH et du rapport C/N/P. Mais cette fois le temps de séjour est de vingt jours, moyennant une charge volumique de 2,5 kg DCO/m³/j, l’aération étant assurée par un système de diffusion d’air en fond de réacteur. Plusieurs installations en service (stations de Cholet, Vercel, Poulley-les-Vignes) confirment une élimination à plus de 80 % des graisses brutes et à 60 % environ de la DCO (P. Grulois, G. Alric, J. Manem, CIRSEE, L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES n° 158, octobre 1992) ;
« le procédé biologique développé par CISE, qui se trouve en application à la station d’épuration de Carnac-La Trinité-sur-Mer (40 000 EH). Le suivi analytique très attentif de son fonctionnement durant une année a démontré que, pour des charges volumiques appliquées de 0,95 MG/m³/j et de 2,6 kg de DCO/m³/j, les rendements d’élimination des matières grasses totales se situaient entre 40 % (sans bioadditifs) et 75 % (avec bioadditifs) pour un temps de séjour de sept et treize jours. Le rejet de la biomasse excédentaire et des métabolites de biodégradation des graisses dans le bassin d’aération de la station ne nuit pas à la qualité de l’effluent rejeté (H. Jaquemet, V. Vidard, CISE, A.-L. Le Gourrierec, Université de Limoges, JIE – Grutte 1994, septembre 1994).
L’emploi de bioadditifs en matière de dégradation des graisses améliore incontestablement leur gestion. Si l’hydrolyse des triglycérides paraît accélérée par l’usage de ces mélanges bactériens, le fractionnement des AG à longues chaînes de carbone se révèle comme étant la phase délicate pour la majorité des produits testés (C. Salomé, J.-F. Bonvallot, DASEA, revue TSM, septembre 1990). Les « poudres de perlimpinpin » modernes ont du bon ! Il ne s’agit plus de ces mélanges énigmatiques que des profiteurs brandissaient pour les vendre comme panacée.
Dégradation anaérobie
L’aptitude particulière des clostridies anaérobies à accomplir la lipolyse a pu faire rêver les hygiénistes, ce qui expliquerait l’habitude de placer une fosse anaérobie en tête de lagunage quand les eaux brutes sont chargées en matières grasses. Ainsi les eaux résiduaires de l’abattoir de volailles Sérandour (DBO G : 100 kg/j), à Lanfrains, dans les Côtes-du-Nord, alimentent une station composée d’un dégraisseur statique (V : 12 m³), d’une lagune anaérobie (V : 800 m³, Ts : 5,5 j), suivie d’une lagune aérée (V : 1 500 m³, Ts : 10 j) et de deux bassins de décantation (V : 2 × 750 m³). Le fonctionnement de la lagune anaérobie s’avère très sensible aux variations des conditions climatiques, mais produit un abattement de 42 % sur les matières grasses (amont : 380 mg/l, aval : 220 mg/l) que la lagune aérée complète avec un rendement de 77 % (amont : 220 mg/l, aval : 50 mg/l), soit une réduction globale de 87 % des MG (F. Petillot, Y. Senelier, Agence Loire-Bretagne, 1982).
Malgré la crainte de former un « chapeau incassable » au sommet du digesteur, la tentation était grande d’expédier les graisses en méthanisation. En effet, on sait que le terme de la bêta-oxydation des acides gras est l’acide acétique et que la digestion anaérobie scinde justement cet acide, grâce aux bactéries méthanogènes, ce qui s’exprime de façon très schématique comme suit :
CH₃COOH ⟶ CH₄ + CO₂.
Par ailleurs, une autre source d’acide acétique provient de la sulfato-réduction anaérobie effectuée par une flore associée, celle des sulfato-réducteurs du type Desulphovibrio (ou Sporovibrio desulfuricans), selon la réaction globale :
4 CH₃CH₂OH + SO₄²- ⟶ 4 CH₃COOH + 4 CO₂ + S²-.
De tels micro-organismes sulfato-réducteurs sont capables de pousser la réduction des acides gras en C 6 (acide caproïque) jusqu’au stade d’hydrocarbures lourds, de C 10 à C 36 :
CH₃(CH₂)₄COOH + 3 H₂ ⟶ CH₃(CH₂)₄CH₃ + 2 H₂O.
Les exploitants sont unanimes à reconnaître la forte productivité de biogaz à haute teneur en méthane des lipides en digestion, vis-à-vis des autres principes immédiats (figure 2).
Compostage et lombriculture
Le centre de compostage d’Ensuès-Châteauneuf, près de Marseille, confié à Biotechna, pratique le compostage aérobie des boues urbaines de la SEM (Société des Eaux de Marseille), soit 3,5 kt par an, mélangées à divers substrats carbonés de structuration, tels que copeaux de bois, pailles et écorces de pin broyés, et commercialise un compost (250 F/m³) dont les propriétés sont comparables ou supérieures aux amendements organiques couramment utilisés. Le compostage des graisses résiduaires de l’épuration de Marseille entraîne :
- – un apport carboné, pour atteindre un rapport C/N voisin de 40, alors que celui des graisses brutes n’est que de 20 au maximum, le rapport de 40 permettant une rapide montée thermique au stade de la fermentation thermophile dès la première semaine ;
- – un compostage en casiers aérés, de façon à éviter les départs spontanés de feux qui prenaient dans les andains du fait de la siccité importante des graisses (62 % de MS) ;
- – une maturation malodorante, même après deux à trois mois de stockage, qui oblige à recourir à une filtration sur panneaux (compost mar et écorce de pin) de l’air de refoulement des ventilateurs (P. Boudouresque, Y. Garro, SEM, M. Cuchet, Biotechna, JIE 1990, septembre 1990).
Suivant la technique de la SAUR, d’élimination des graisses résiduaires, la station d’épuration de Locminé, dans le Morbihan (90 000 EH dont 90 % de charge des IAA), mélange des sciures aux graisses collantes piégées en prétraitement (débit : 4 m³ par semaine, MS : 25 %), pour obtenir après brassage, andainage et maturation, un compost sans nuisances (8 m³ par semaine).
Lombriculture ou les prouesses d’un ver de terre !
Après un engouement excessif, le lombricompostage se limite à présent à des objectifs d’élimination des boues urbaines et des graisses résiduaires plus restreints (charge en vers : 2 à 6 kg de poids frais par m², ver : 14 % de MS dont 15 % de lipides). Ver à croissance rapide et à reproduction active, Eisenia fetida, bien cultivé, pourrait servir de nourriture à maints prédateurs (volailles, porcs, poissons) avec un rendement minimum de 6 kg de farine de lombricien par tonne de déchet graisseux. Il peut constituer un aliment pour le bétail, équilibré en acides aminés et riche en acides gras, qui peut être substitué aux farines de poisson importées par la France. Assimilant quotidiennement 10 à 100 % de son poids en matières organiques, Eisenia fetida est un auxiliaire intéressant dans la bioconversion des graisses. Aussi, depuis 1985, les litières d’élevage des vers (2 500 m²) de la station d’épuration de Toulouse sont-elles alimentées par un mélange de déchets graisseux (120 t de graisses à 37 % MS par mois) et de boues excédentaires aérobies (120 t de boues à 14 % MS par mois). Il est patent que les services techniques de la ville de Toulouse ont ainsi mis au point une technique de valorisation des déchets graisseux par lombriculture qui allie efficacité (stabilisation des matières organiques, minéralisation traduite par l’augmentation de la résistivité de 800 à 1 500 ohm/cm), simplicité (lits de séchage 300 kg MS/m² par an) et faible coût (90 F/m³, recettes déduites) (C. Vignoles, ville de Toulouse, colloque JIE, 1986) (figure 3).
Faut-il incinérer, biodégrader, composter, complémenter les graisses ou en faire une soupe de porcherie ? Nous avons le choix des armes…