Les graisses résiduaires nous gênent : 450 kt/an qui occasionnent des dépôts, des colmatages, une médiocre épuration des eaux, des odeurs de rance. Elles proviennent de partout, corps gras de consommation alimentaire, lipides humains et bactériens, savons et détergents synthétiques, huiles minérales... Leur chimie est complexe mais leur suivi peut se limiter à celui des acides gras. La station d'épuration d'Achères offre à ce titre un large champ d'investigations.
Ces graisses qui nous agressent
Les hygiénistes estiment à un flux de 450 kt/an l'ensemble des graisses résiduaires produites en France, produits gras extraits des dégraisseurs des stations d'épuration urbaines, des bacs à graisses des collectivités, eaux grasses de restauration et des industries agro-alimentaires. De quoi beurrer des collines ! Ces résidus graisseux, ainsi que les boues résiduaires urbaines ou les déchets industriels banals, posent aujourd'hui un problème de dévolution finale, alors que les responsables des CET (Centres d'Enfouissement Technique) refusent de plus en plus fréquemment l'admission de tels résidus ou alors les acceptent à des prix prohibitifs.
Les déchets graisseux ont mauvaise renommée. Les dégâts et nuisances occasionnés par les graisses résiduaires sont redoutés et bien connus :
- - dépôts graisseux dans le réseau d'assainissement : les corps gras, insolubles en milieu aqueux et à bas point de fusion, se déposent et se figent sur les parois des canalisations, jusqu'à complète obstruction du conduit (ces dépôts graisseux sont constitués à 80-95 % d’acides gras à haut PM, supérieur à C 16, et saponifiés à l'état de « savons ») ;
- - dépôts dans les ouvrages de prétraitement des stations d’épuration : chambres de dessableur, siphons et pompes sont fréquemment colmatés par les graisses ;
- - charge polluante à épurer : en tête de station, la fraction de DCO apportée par les graisses dans les eaux brutes représente 35 % de la charge amont (figure 1) ;
- - film lipidique : la permanence de graisses dans l'effluent prétraité provoque une réduction sensible du transfert d’oxygène, d’abord à l'interface air atmosphérique/eau à la surface des ouvrages de traitement biologique, puis à l'interface oxygène dissous/floc bactérien au sein des colonies de micro-organismes aérobies saprophytes, agents de l’épuration (une concentration excessive de graisses au niveau du traitement biologique tendra à diminuer le rendement épuratoire de la station) ;
- - prolifération d’espèces parasites : cette relative déficience en oxygène dissous active le développement d’espèces filamenteuses au détriment des espèces épuratrices désirées, engendrant la maladie du bulking dans les flocs bactériens (mauvaise décantabilité, foisonnement des boues, entraînements dans l’effluent secondaire induits par des espèces microaérobies comme Sphaerotilus, Microthrix, Nocardia) ;
- - nuisances olfactives : les graisses résiduaires, transférées à l'état d’aérosols dans l'atmosphère, lui donnent une odeur de ranci ; elles participent également à la production éventuelle d'hydrogène sulfuré nauséabond (expansion des micro-organismes sulfato-réducteurs en milieu microaérobie).
Tous ces constats nous incitent à mieux connaître les caractéristiques des graisses résiduaires pour tenter de mieux les éliminer.
Petite terminologie des graisses
Au fait, qu’appelle-t-on matières grasses ? Bonne question sur laquelle les chimistes glissent aisément ! Les matières grasses se confondent globalement avec les lipides (comme les sucres avec les glucides). Sous le terme de lipides, on réunit un groupe extrêmement disparate de produits chimiques n’ayant en commun que leur insolubilité notoire dans l'eau et leur bonne solubilité dans certains solvants organiques (hexane, tétrachlorure de carbone, éther). Parmi les six catégories principales, à savoir glycérides (triglycérides), cérides et étholides (cires), phospholipides (lécithines), cérébrosides et stérides (cholestérol), la première, celle des glycérides, est prépondérante dans les eaux résiduaires (bien que l’espèce humaine excrète du cholestérol à raison de 1 g par habitant et par jour).
Plus précisément, on classe les matières grasses en fonction de leur aptitude à la saponification, qui est une réaction simple d'hydrolyse conduisant à la libération des acides gras constitutifs et d’alcool ou de polyol (réaction initiale de biodégradation). Les produits saponifiables sont les lipides neutres, glycérides, cires, phospholipides ; les produits insaponifiables, stérols, stéroïdes, terpènes, s’apparentant aux hydrocarbures. On admet que la part d'insaponifiables dans les graisses résiduaires reste mineure (soit 3 à 7 %) et bien que de structure polycyclique (noyau complexe à PM élevé, du type cyclopentanophénanthrène des stérides), biodégradable en station. En énonçant ainsi les principes de classification des lipides, on pressent toute l’approximation que peut entourer l’établissement d’un bilan, d'un rendement d’élimination des graisses résiduaires (figure 2).
Heureusement, on peut ici limiter les investigations d’ordre biochimique en se contentant des triglycérides, lipides où 3 molécules d’acides gras, semblables ou différents, sont combinées par estérification.
1. origine des acides gras
hydrolyse des triglycérides
CH₂-O-CO-R₁ CHO-CO-R₂ + 3 H₂O CH₂-O-CO-R₃ lipases R₁-COOH + CH₂OH R₂-COOH + CHOH R₃-COOH + CH₂OH Acides gras Glycérol
saponification des triglycérides
C₃H₅(RCOO)₃ + 3 NaOH → 3 C₃H₅(OH)₃ + 3 NaR glycéride soude ou autre base glycérine savon
2. formulation des acides gras
Acide gras saturé : CH₃(CH₂)ₙ-COOH Acide gras mono-insaturé : CH₃-CH=CH-(CH₂)ₙ-COOH Acide gras poly-insaturé : CH₃-CH=CH-(CH₂)ₙ-(CH=CH)ₙ-COOH
Acide laurique | C12, saturé | CH₃-(CH₂)₁₀-COOH |
Acide myristique | C14, saturé | CH₃-(CH₂)₁₂-COOH |
Acide palmitique | C16, saturé | CH₃-(CH₂)₁₄-COOH |
Acide stéarique | C18, saturé | CH₃-(CH₂)₁₆-COOH |
Acide oléique | C18 | CH₃-(CH₂)₇-CH=CH-(CH₂)₇-COOH (cis) |
Acide ricinoléique | C18 | CH₃-(CH₂)₅-CH=CH-CH₂-CH=CH-(CH₂)₇-COOH (cis) |
Acide linoléique | C18 | CH₃-(CH₂)₄-CH=CH-CH₂-CH=CH-(CH₂)₇-COOH (cis, cis) |
Acide linolénique | C18 | CH₃-CH₂-CH=CH-CH₂-CH=CH-CH₂-CH=CH-(CH₂)₇-COOH (cis, cis, cis) |
Acide éléostéarique | C18 | CH₃-(CH₂)₃-CH=CH-CH=CH-CH=CH-(CH₂)₇-COOH (cis, trans, trans) |
Acide licanique | C18 | CH₃-(CH₂)₃-CH=CH-CH=CH-CH=CH-(CH₂)₄-CO-(CH₂)₂-COOH |
Fig. 3 : Caractéristiques des acides gras.
Effluents | graisses % MS | MS g/l | graisses g/l |
---|---|---|---|
EB | 17 | 1,3 | 0,2 |
FB | 5 | 50 | 2,5 |
BA | 8 | 7 | 0,6 |
BF | 30 | 50 | 15 |
BD | 9 | 80 | 7,2 |
EB : eaux brutes
FB : boue décantée de filtre bactérien
BA : boue décantée de boues activées
BF : boues fraîches
BD : boues digérées avant dessiccation
Fig. 2 : Répartition moyenne des graisses dans les effluents.
Rification à une molécule d’un triol (en l’occurrence le glycérol), ces triglycérides constituant environ 95 % des huiles et graisses de consommation habituelle. Les acides gras, incorporés et libérables, R₁, R₂, R₃, identiques ou non, sont essentiellement des mono-acides aliphatiques linéaires, type R-(CH₂)ₙ-COOH. Ils se différencient entre eux par :
– la longueur de la chaîne carbonée, qui détermine trois groupes : de C4 à C10 les acides butyreux, de C12 à C22 les acides gras proprement dits et de C24 à C32 les acides cireux (l’insolubilité des AG saturés augmentant avec le nombre d’atomes de carbone constituant la molécule, et le caractère « gras » n’apparaissant qu’à partir de C6) ;
– le degré de saturation de la chaîne carbonée, qui désigne la présence de doubles liaisons (AG insaturés : acides oléique, linoléique) ou leur absence (AG saturés : acides palmitique, stéarique). La consistance des corps gras dépend surtout des AG constitutifs des triglycérides, des AG saturés pour les graisses, des AG non saturés pour les huiles (figure 3).
En application de cette terminologie, l’analyse de plusieurs déchets graisseux en huit sites différents (prélèvement dans les bacs à graisses de restauration, les réseaux d’assainissement, les stations d’épuration) aboutit aux caractéristiques moyennes suivantes :
– MS (matières sèches) : 36 % (humidité : 64 %), – MVS (solides volatils des MS) : 93 % (MM : 7 %), – NTK : 1,2 % N de MS – P : 0,4 % P de MS, – MG (matières grasses) : 51,5 % (de 43 à 68 %), – acidité : 27 % en acide oléique, – AG saturés : 43 %, dont les acides palmitique (25 %), stéarique (9 %), myristique (5 %) et laurique (4 %), – AG non saturés : 57 %, dont les acides oléique (majoritaire avec 39 %), linoléique (16 %), palmitoléique (2 %).
Les températures de fusion des différents AG saturés, apparents dans l’analyse, variant de 44 à 70 °C, on s’explique pourquoi les graisses figent à la température de l’égout ou des ouvrages de pré-traitement (C. Salom, J.-F. Bonvallot, DASEA, revue TSM, septembre 1990).
Sources grasses
Les lipides collectés avec les eaux résiduaires ont pour principale origine :
- les graisses animales et les huiles végétales des eaux de cuisine,
- les excreta humains des eaux-vannes (figure 4),
- les savons des eaux de toilette,
- les détergents synthétiques des eaux de nettoyage,
- les huiles minérales des activités industrielles de la métallurgie et de nettoyage des véhicules,
- les lipides bactériens libérés par autolyse.
La consommation domestique de corps gras est en constante progression dans nos contrées où chaque habitant consommerait, bon an, mal an, 16 kg par an d’huiles, de beurre et de margarines, soit le double de la consommation industrielle. Mais il s’agit seulement des lipides apparents, « visibles », alors que l’apport alimentaire total inclut des lipides incorporés « cachés », parce qu’ils font partie intégrante des aliments (viandes, poissons, œufs, laits) et des plats cuisinés (sauces, pâtisseries). Si bien que la consommation alimentaire de l'homme s'établit entre 20 et 25 kg/hb/an dans nos régions, une partie de ces lipides étant métabolisée ou stockée dans l’organisme, l'autre partie étant rejetée et excrétée. En effet, la métabolisation y est incomplète et les excreta humains contiennent environ 6 % du poids humide en lipides, soit 20 % du poids sec, soit 5 g de lipides excrétés/hb/j, constitués pour 40 % d’acides gras libres, à part sensiblement égale pour les acides oléique, stéarique et palmitique, et pour 30 % de stérides insaponifiables, soit 1,3 g/hb/j de stéroïdes (cholestérol, hormones) et d’acides biliaires (J. Trémolières « Nutrition » – Ed. Dunod, 1973).
Les eaux de cuisine apportent des restes d'huiles végétales et de graisses animales riches en ces mêmes AG, à savoir acides palmitique, oléique et stéarique, parce que la plupart des AG saturés de C 12 à C 18 proviennent de la préparation des produits animaux (45 % de C 18 dans le suif de bœuf, 12 % de C 14 dans le beurre). Et si certaines huiles végétales riches aussi en AG saturés (47 % de C 16 dans l’huile de palme) sont d'un usage culinaire encore limité, d'autres comme l’huile de tournesol, renfermant des AG polyinsaturés (65 % de C 18 de l’acide linoléique) sont en consommation croissante, ces huiles restant bien pourvues dans les deux cas en acide oléique.
Les eaux de lavage participent aussi du fait que les détergents anioniques type alkyl-aryl-sulfonate linéaire CH₃-(CH₂)ₙ-SO₃H-R, et les détergents non ioniques d’oxyéthylation RCH₂O(CH₂-CH₂O)ₙH, perdent par hydrolyse des groupements amont et aval de chaîne carbonée et se comportent ensuite, au cours de l'épuration, comme des acides gras R-COOH. Détergents aliphatiques et aromatiques sont utilisés pour les activités domestiques à raison d'environ 4 g/hb/j.
Compte tenu des consommations spécifiques et des métabolisations variables des populations humaines, il est plausible de retenir une valeur évoluant entre 11 et 23 g de graisses/hb/j et d’adopter un ratio moyen de 20 g de graisses rejetées par habitant et par jour (G. Bridoux, CIRSEE-SLE-Dumez, JIE 92, septembre 1992). Cela recoupe l’estimation du flux national de matières grasses dans les eaux résiduaires soit 450 kt/an, pour la France de 1992, gisement problématique.
Les aléas de l’épuration des lipides
Le dispositif d’arrêt des graisses résiduaires en station d’épuration se limite à des ouvrages adaptés, déshuileurs-dégraisseurs placés en tête de station, qui ont pour but de retenir par des moyens mécaniques les huiles libres, non émulsionnées et les graisses surnageantes des eaux brutes :
- flottation naturelle, pour laquelle une cloison siphoïde fait barrage dans le canal d’amenée, les matières grasses étant piégées en surface et reprises par déversoir dans un compartiment de stockage, en petites stations rurales,
- flottation provoquée, aéroflottation ou émulgation, par insufflation d’air et raclage mécanique en surface des huiles concentrées, en ouvrages séparés ou en combinaison dessablage-dégraissage à l'aide de canaux aérés par fines bulles (avec ouvrage annexe d’égouttage et de lavage des sables en grandes stations urbaines).
Dans la distribution des matières grasses au sein des différentes phases des matières sèches des eaux brutes, à savoir phases dissoute, colloïdale et figurée selon Heukélékian, on constate qu’elles affecteraient plutôt la phase dissoute des MS (51 %).
Effluents de la station d'Achères
Rapport d'acides gras : C 18 insaturés/C 18 totaux
Sables | 0,83 |
Flottants (avant activation) | 0,63 |
Boues activées (aérobies) | 0,10 |
Boues primaires (avant digestion) | 0,80 |
Boues digérées (anaérobies) | 0,71 |
phase d’ailleurs prépondérante, et la phase colloïdale (30 %), plutôt que la phase décantable (19 %). Cela tient à la prédominance d’acides gras libres, constatée à l'entrée de la station, par rapport aux acides gras estérifiés, alors que l'inverse eut été plus attendu (P. Chambon, J. Vial – revue Cebedeau, janvier 1977). C’est pourquoi, dans les petites et moyennes stations du moins, la rétention des graisses résiduaires est incomplète, voire insatisfaisante, par le seul prétraitement : une partie importante de ces graisses se trouve alors condensée à la surface du décanteur primaire, avec les « flottants », et du décanteur secondaire avec les écumes (que l'on évalue à 2,5 t/1000 m³ d’eaux usées contenant un minimum de 25 % de graisses). Une autre partie entretient une mince couche surnageante et imperméable dans le bassin d’aération, puis développe un « chapeau de digesteur » au sommet du fermenteur anaérobie, qu'il faut casser par un brassage énergique.
Globalement, la biodégradation des lipides débute par une hydrolyse bactérienne des esters, des triglycérides. Puis les AG libérés insaturés sont bioconvertis en AG saturés. L’étape essentielle est la bêta-oxydation de ces AG, dont le mode de scission, de tronçonnement, par oxydation du carbone placé en position bêta sur la fonction acide, aboutit finalement au gaz carbonique (figure 5) :
ester ─── lipase ───> acide gras R-O-CO-R’ CH₃(CH₂)ᵧCOOH O₂ saturé ──────> CO₂ + H₂O
La station d’épuration ne suit donc pas intégralement cette voie idéale de destruction des matières grasses.
Suivi analytique
Quels sont les moyens analytiques dont on dispose pour aller « voir plus loin » ? La mesure de l'indice –CH₂– selon Rodier, par spectrophotométrie infrarouge après extraction au tétrachlorure de carbone, prend en compte non seulement tous les acides gras jusqu’aux premiers termes en C₂, C₄, C₆, mais aussi leurs métabolites méthylénés. Cette technique a été utilisée pour tester l'efficacité d'une petite station à disques biologiques (90 m³/j, 500 hb) à l'aide du rendement d’élimination des lipides (concentration amont de l'indice –CH₂– : 33,1 mg/l, concentration aval : 0,9 mg/l). Cette approche est complétée par un dosage des acides gras libres et estérifiés, après méthylation au diazométhane, par la technique de la chromatographie : en sortie de station, les termes inférieurs des acides gras, en C₈–C₁₀, ne sont pas retrouvés et ceux qui résistent ne possédant pas de double liaison, donc saturés, on en déduit que la biodégradation aéro-anaérobie n’intéresse pratiquement que les AG insaturés et consomme en priorité les courts chaînons carbonés.
Le suivi analytique des graisses prélevées tout au long de la filière d’épuration de la grande station d’Achères (2,1 Mm³/j, 380 t de DBO₅/j, 3 à 10 m³/j de graisses collectées mais 110 m³/j pour l'ensemble épuratoire de la région parisienne, soit 40 000 m³/an) est particulièrement instructif pour l’amélioration des procédés de collecte et de traitement. Chromatographie sur couche mince (ou sur plaque) et chromatographie en phase gazeuse sont nécessaires. Il s'agit de techniques basées sur la migration différentielle des constituants qui en permet non seulement la séparation, conduisant à une cartographie analytique établissant la position de chaque tache de constituants, mais aussi, et immédiatement, l’identification et l’estimation, grâce à l’entraînement des produits volatilisables réalisé par un gaz inerte ou gaz vecteur (entre 130 et 210 °C pour les acides gras), après étalonnage.
L'application de la chromatographie sur couche mince d’un extrait à l'hexane permet l’isolement des métabolites et la matérialisation de l'hydrolyse des liaisons esters : on rencontre dans les sables de prétraitement des concentrations importantes en triglycérides, alors que les résidus graisseux de bassin d’aération ne renferment uniquement que des monoglycérides, les boues primaires et digérées contenant les quatre composés graisseux (mono-, di-, triglycéride et AG libres), les surnageants hébergeant principalement des AG libres.
L’application de la chromatographie en phase gazeuse précise que les graisses des sables recèlent essentiellement des AG insaturés (acide oléique), à l'opposé des surnageants plutôt pourvus de AG saturés (acide palmitique).
Les hygiénistes considérant que le rapport C 18 insaturés/C 18 totaux est un critère d'activité biologique, il est intéressant de l'appliquer à la station d’Achères (figure 6). On trouve que :
- • l'état de dégradation des graisses surnageantes est plus avancé que celui des boues primaires et des graisses incluses dans les sables de prétraitement ;
- • l'activité de biolipolyse paraît plus affirmée au cours du traitement biologique aérobie qu’au cours du traitement biologique anaérobie, les AG à chaîne carbonée longue pouvant constituer une étape limitante dans le fermenteur anaérobie quand l’élimination de la DCO ou la production de gaz est maximale ;
- • d'une façon générale, la métabolisation des AG à courte chaîne est plus rapide que celle des AG à longue chaîne, celle des AG insaturés, du type acide oléique, est nettement plus aisée que celle des AG saturés, de type acide stéarique pratiquement inaltérable en digestion anaérobie ;
- • la dégradation biologique des déchets graisseux en station d’épuration semble bien limitée, à l’hydrolyse des triglycérides, en particulier, d'où la nécessité d’affiner les procédés de dégraissage en tête de station par une hydrolyse contrôlée (A. Saliot, R. Letolle, B. Vedry, M. Kallel – revue TSM, mars 1990).
Le discrédit porté sur la digestion des graisses mérite d’être plus nuancé. Puisqu’il s'agit d'une épuration sérielle, le traitement aérobie faisant suite au prétraitement et le traitement anaérobie à l’aérobie, on peut aussi imaginer que les résidus rémanents ou xéniobiotiques s’accumulent en fin de chaîne et que les lipides les plus friables ont été lysés et détruits les premiers.
C'est dans cette approche sans a priori que la seconde partie de l'article exposera les réalisations en service.