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Les gaz réducteurs au service de la protection de l'environnement

30 janvier 1991 Paru dans le N°142 à la page 40 ( mots)
Rédigé par : Denis CIEUTAT et Jacques LEFEBVRE

Depuis le début des années 60, des procédés et technologies employant les gaz industriels font l’objet de recherches et sont mis en œuvre de façon à participer efficacement à la protection de l’environnement.

L’emploi des gaz industriels permet en effet, selon le cas, de :

  • • supprimer ou de réduire, à la source, la pollution de l’atmosphère ou des eaux,
  • • traiter les effluents polluants ou les déchets ultimes,
  • • contrôler les émissions des polluants et l’efficacité de la dépollution.

Les applications des gaz industriels couvrent tous les secteurs d’activités grâce aux différents pouvoirs de « réactif propre » des gaz et dérivés que nous produisons :

  • • Pouvoir oxydant (oxygène, ozone, peroxyde d’hydrogène)
  • • Pouvoir biocide (ozone, peroxyde d’hydrogène)
  • • Agent de neutralisation en phase aqueuse (dioxyde de carbone)

Le pouvoir oxydant caractérisé par le potentiel d’oxydo-réduction permet de quantifier les caractéristiques oxydantes d’une substance. L’air et l’oxygène sont très utilisés à cet usage bien que leur effet soit limité.

L’ozone est un oxydant très puissant qui présente une grande réactivité sur les composés organiques et inorganiques. En milieu aqueux, il agit par deux voies principales :

  • — action directe, sous forme moléculaire,
  • — action indirecte, résultant de l’attaque des molécules présentes dans le milieu réactionnel par des entités radicalaires formées par sa décomposition.

Le peroxyde d’hydrogène possède des propriétés oxydantes variables selon les conditions de mise en œuvre. En présence de divers systèmes catalytiques il peut être la source d’entités oxydantes très réactives (oxygène singulet — radicaux hydroxyles par exemple).

• Pouvoir biocide (ozone, peroxyde d’hydrogène)

L’ozone est doté d’un pouvoir germicide très important, supérieur à celui du chlore, en particulier pour les virus. En désinfection de l’eau par exemple, l’ozone est un excellent agent bactéricide et virulicide dont l’efficacité est fonction de nombreux facteurs : pH, température, qualité de l’eau à traiter (matières organiques, état physique des micro-organismes).

Le peroxyde d’hydrogène, utilisé en combinaison avec un autre désinfectant, peut améliorer l’effet bactériostatique de celui-ci dans certaines conditions. Il peut être employé également seul, comme bactéricide, pour la désinfection de canalisations sur les circuits de distribution d’eau ultrapure par exemple.

• Agent de neutralisation en phase aqueuse (dioxyde de carbone)

L’anhydride carbonique (CO₂) est un gaz qui, dissous dans l’eau, donne de l’acide carbonique (H₂CO₃), acide faible capable de réagir avec des agents alcalins tels que la soude, la potasse, en les transformant instantanément en bicarbonates neutres.

[Photo : Schéma du système de réduction de la DCO et de la DBO des effluents de blanchiment de pâte à papier]

• Pouvoir réducteur et agent d’hydrogénation (hydrogène)

L'hydrogène, réactif chimique, intervient dans de nombreuses applications en raffinage, en pétrochimie, en chimie fine soit pour des opérations de synthèse, soit pour des opérations intermédiaires, telles que :

— l'hydrodésulfuration, permettant de transformer en hydrogène sulfuré le soufre contenu dans les hydrocarbures (cet hydrogène sulfuré étant lui-même traité dans des unités spécialisées pour être transformé en soufre),

— les hydrotraitements, utilisés en raffinage pour le traitement des produits lourds ou pour la régénération d’huiles usagées.

• Pouvoir décapant (dioxyde de carbone solide)

Stocké à –20 °C sous 20 bars, le CO₂ liquide est transformé en neige carbonique par détente adiabatique. Cette neige est transformée par compression-extrusion en particules de glace carbonique de dimension prédéterminée. Celles-ci sont propulsées par un jet d’air sur la surface à traiter et produisent un effet décapant par choc mécanique.

• Pouvoir cryogénique (azote, dioxyde de carbone)

L'azote liquide est stocké à une température proche de –196 °C ; son principal intérêt réside dans la puissance frigorifique instantanément disponible (un litre d'azote liquide fournit environ 80 frigories, dont la moitié à –196 °C).

Le dioxyde de carbone est stocké à –20 °C et 20 bars. Il se détend à la pression atmosphérique en se transformant pour partie en gaz, pour partie en neige, et ce à une température de –78 °C (1 kg de CO₂ liquide fournit 80 frigories environ, dont 80 % à –78 °C).

Quelques exemples d’applications commerciales ou en développement pour améliorer la qualité des eaux, de l'air et traiter les déchets liquides et solides, sont présentés ci-après.

Épuration des eaux

Les pouvoirs oxydants, biocides et neutralisants sont particulièrement recherchés pour épurer les eaux industrielles ou urbaines et traiter les eaux de surface.

[Photo : Dopage à l’oxygène des effluents d’une station d’épuration, à l'aide d’un Ventoxal.]
[Photo : Dopage à l’oxygène des effluents d’une station d’épuration.]
[Photo : Suroxygénation des incinérateurs industriels de produits toxiques liquides.]
[Photo : Schéma du système de réduction des purges polluantes par substitution d’oxygène à l'air dans les procédés catalytiques d’oxydation en pétrochimie.]

Applications de l’oxygène

On peut citer :

- la suppression des odeurs dans les égouts (ville de Dallas — USA, par exemple) ;

- en papeterie, la réduction de la DCO et la DBO de 40 à 50 % des effluents de blanchiment de pâte, en rendant plus propre le procédé de délignification et d’extraction alcaline par l’oxygène. L’utilisation du chlore est ainsi réduite d'un facteur de deux à trois, en diminuant proportionnellement la quantité d’organochlorés difficilement dégradables. Nous fournissons pratiquement la moitié de l'oxygène consommé dans le monde par les papeteries et nous participons activement à la mise au point d’un procédé propre (sans chlore) ;

- traitement des eaux industrielles par dopage à l‘oxygène des stations d’épuration : procédé Airoxal (utilisant différents types d’oxygénateurs bicônes, Ventoxal, Turboxal).

Applications de l’ozone et du peroxyde d’hydrogène

Ces oxydants plus puissants sont utilisés en remplacement ou complément de l’oxygène dans les domaines industriels (telle la décyanuration des eaux au peroxyde chez Norsolor France) ou de loisirs comme les piscines (nettoyage et assainissement à O₃ ou H₂O₂ et dérivés, procédé Revatop).

Applications du gaz carbonique

L'utilisation du CO₂ pour neutraliser des effluents aqueux alcalins est de plus en plus souvent pratiquée (surtout aux USA où nous avons de nombreuses références), car elle présente plusieurs avantages par rapport aux acides forts : sécurité, précision de régulation du pH, pas de formation de sels, absence de corrosion, simplicité de mise en œuvre… Le CO₂ permet également de potabiliser l'eau (reminéralisation, adoucissement) et de réguler le pH des eaux de piscines. Nous disposons de technologies permettant d’améliorer le contact gaz-liquide dans ces applications.

Protection de l’atmosphère

La pollution de l’air résulte principale­ment d’une mauvaise combustion et de la présence d’atomes de soufre ou d’azote dans le carburant et les combustibles. On y remédie par divers moyens qui donnent les résultats suivants :

Applications d’O₂, O₃, H₂O₂

  • • Suppression des polluants atmosphériques issus d’une combustion incomplète par postcombustion à l’oxygène du CO dans les convertisseurs d’aciérie et les fours à arc, en prenant l’exemple de la sidérurgie (L’Air Liquide fournit, en exclusivité, Usinor/Sacilor et les autres grands, tels Nippon Steel, Atlas Steel, Italsider, Arbed…).
  • • Réduction des émissions de poussières, en utilisant de nouvelles technologies : par exemple en fonderie, le remplacement du cubilot à l’air par le four rotatif à oxygène.
  • • Réduction des purges polluantes par substitution d’oxygène à l’air dans les procédés catalytiques d’oxydation en pétrochimie (oxyde d’éthylène, chlorure de vinyle monomère, acide adipique, caprolactame…).
  • • Traitement des fumées par le peroxyde pour la désulfuration ou par l’ozone pour les NOₓ.

En outre, la vaste gamme d’oxybrûleurs basse-haute puissance et notre expérience en matière de combustion permettent, pour chaque application, d’adapter la géométrie des flammes afin d’optimiser le transfert thermique en réduisant l’impact sur l’environnement par des émissions réduites.

Applications de N₂

  • • Suppression des émissions de solvants et de vapeurs d’hydrocarbures par piégeage cryogénique à l’azote (CPS, Thermax, raffineries de Californie — USA).
  • • Suppression des émissions de CFC en utilisant un procédé propre de montage des composants électroniques en surface.
  • • Réduction de la pollution atmosphérique lors du cryodécapage à l’azote des peintures.

Applications de CO₂

  • • Nettoyage des surfaces par un jet de microsolides de CO₂ (procédé Cleanblast : références aux USA et en Europe principalement).
  • • Réduction des rejets de CFC en utilisant des gaz industriels (CO₂, N₂O/CO₂, N₂…) comme agents propulseurs de substitution (références alimentaires, pharmacie, cosmétiques, produits d’entretien).

Traitement des déchets liquides

L’oxygène est principalement utilisé, pur ou pour enrichir l’air, dans les oxydations ou les combustions selon les taux de destruction à atteindre, avec les résultats ci-après :

  • • Suppression de déchets par combustion à l’oxygène pur permettant la destruction totale d’effluents chimiques et le recyclage des réactifs régénérés (traitement d’effluents sulfuriques de MMA — Méthacrylates de méthyle).
  • • Suroxygénation de l’air de combustion des incinérateurs industriels de produits toxiques (ex. incinérateur Tredi — 25 000 t/an — France).
  • • Oxydation en phase liquide d’effluents industriels aqueux contenant des sulfures, sulfites, mercaptans, phénols, chlorophénols, thiosulfates…, à l’aide de différentes technologies (colonnes à bulles, réacteurs agités, pistons…).
  • • Technologies en développement permettant une destruction quasi totale des déchets très réfractaires :
    • — oxydation en conditions supercritiques,
    • — incinération en bain de métal fondu.

L’hydrogène permet aussi de recycler certains déchets après hydrogénation (huiles usées, déchets chlorés…).

Élimination des déchets solides

L’oxygène est principalement utilisé pour éliminer les déchets solides :

  • • incinération d’ordures ménagères à l’oxygène (procédé Decoval, Toulon, France) ;
  • • incinération de déchets de pneumatiques (procédé Pyralox) obtenus par cryobroyage à l’azote liquide de pneus usagés ;
  • • dopage d’incinérateurs de déchets solides hospitaliers (procédé Dopoxal, références France) ;
  • • vitrification à l’oxygène pur des cendres d’incinérateurs.

L’avenir

Nos efforts de recherche et développement sont concentrés aujourd’hui sur la mise au point de procédés « propres » de substitution et de technologies de traitement des déchets utilisant les gaz industriels, domaine où l’Air Liquide est leader mondial, dans le cadre de l’« engagement de progrès » des sociétés chimiques européennes.

[Photo : Fig. 6. Courbe de neutralisation d’une solution alcaline de soude]
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