Il y a presque vingt ans, les Canadiens prenaient soudainement conscience des dangers que font peser sur l'environnement des eaux côtières, la production et le transport des hydrocarbures. C'est en effet en 1970 que l’Arrow, un pétrolier chargé à ras bord, s'échouait dans la baie Chédabucto, sur la côte nord-est de la Nouvelle-Écosse. Au cours des jours suivants, des millions de litres de pétrole brut se répandaient sur les plages, tuant la faune et menaçant la pêche côtière vitale pour cette région. Il a fallu des mois d'efforts et des millions de dollars pour réparer les dégâts.
C'est à la suite de ce déversement que le Canada décidait d'acquérir le savoir-faire nécessaire pour lutter contre les déversements en mer. Comme on songeait déjà, à cette époque, à l'exploration en mer et au transport du pétrole dans l'Arctique, on décida de mettre également l'accent sur les problèmes spéciaux que présente la récupération des hydrocarbures sous les climats froids.
C'est ainsi que naissait le Programme de lutte contre les déversements d'hydrocarbures en mer et dans l'Arctique (AMOP), qui allait rapidement être reconnu et respecté partout dans le monde.
[Photo : L'ÉCRÉMEUR D'HYDROCARBURES MORRIS MI-30]
Exploration
Dès le début des années 1970, des chercheurs appartenant à plusieurs disciplines différentes ont commencé à étudier sérieusement les répercussions possibles de la prospection du pétrole et du gaz sur l'écologie des milieux marins et arctiques du Canada.
L'organisme chargé d’orienter les efforts déployés pour améliorer les techniques d'intervention en cas de déversement d'hydrocarbures est la Division
des techniques d’intervention d’urgence (DTIU) d’Environnement Canada. Cette division, qui fait partie du Centre environnemental de River Road (CERR), joue un rôle de premier plan dans l’élaboration et la mise à l’essai de techniques nouvelles ou déjà commercialisées pour lutter contre les effets des déversements d’hydrocarbures en milieux marins et arctiques.
Pour s’acquitter de son mandat, la Division s’est perfectionnée dans des domaines aussi disparates que la télédétection, les techniques de récupération et la détermination du devenir et des répercussions des hydrocarbures déversés dans l’Arctique.
Le défi posé
par les milieux fragiles
Selon la saison au cours de laquelle survient un déversement, on peut se trouver en présence de bouillie de glace, de glace nouvelle ou de glace pluriannuelle, chacune de ces conditions présentant des problèmes techniques particuliers. Par ailleurs, la géographie variée de la côte est du Canada et les conditions météorologiques parfois très difficiles qui y sévissent sont autant de variables qui peuvent influer sur les problèmes causés par les déversements.
En outre, comme beaucoup des régions en question sont éloignées et sous-développées, il peut devenir nécessaire de transporter personnel et équipement sur de très grandes distances. Compte tenu de tous ces facteurs, c’est la souplesse des méthodes utilisées et la résistance, la fiabilité et la facilité de transport de l’équipement qui comptent avant tout.
Au nombre des techniques mises au point dans le cadre du Programme, mentionnons :
- • des dispositifs de poursuite uniques en leur genre tels que la bouée Orion, conçue pour la surveillance de la migration des nappes d’hydrocarbures ;
- • l’utilisation de jets d’eau sous pression pour « contenir » les hydrocarbures déversés ;
- • la retenue des nappes d’hydrocarbures à l’aide d’estacades portatives ;
- • l’écrémage des hydrocarbures en surface par temps froid ;
- • l’allumage des hydrocarbures accumulés dans les mares de fonte sur la glace de mer ou retenus par des estacades ignifuges, avec ou sans l’aide d’atomiseurs à jet d’air ou à ultrasons ;
- • la dispersion chimique des nappes d’hydrocarbures ;
- • la récupération et l’incinération sur place.
Parmi les systèmes spécialement conçus pour la mise en œuvre de ces techniques, on peut mentionner :
- • les allumeurs aérolargables ;
- • les systèmes d’allumage au laser ;
- • les appareils portatifs à jet d’eau ;
- • plusieurs types d’écrémeurs pour climats froids ;
- • des récipients pour pétrole visqueux ;
- • des incinérateurs aérotransportables ;
- • un brûleur qui utilise des ondes ultrasoniques et des jets d’air pour atomiser des nappes d’hydrocarbures.
Modification
de la consistance
du pétrole
La formation d’une émulsion épaisse appelée « mousse », qui résiste au pompage, est l’un des problèmes particulièrement difficiles posés par un déversement en climat froid. La Division des techniques d’intervention d’urgence l’a résolu en mettant au point un agent tensio-actif pour éliminer l’émulsion et permettre ainsi le pompage des hydrocarbures.
Dans certaines conditions, les hydrocarbures peuvent s’étendre à la surface de l’eau, au point où il n’est plus possible de les récupérer au moyen des systèmes classiques. En 1987, la Division a franchi une étape importante dans la résolution du problème lorsqu’elle a procédé aux essais d’une substance appelée Elastol. Ce nouveau produit favorise la cohésion et l’adhésion lorsqu’il est répandu sur une nappe d’hydrocarbures. Les résultats des essais menés sur la côte de l’Atlantique portent à conclure que l’Elastol peut décupler la récupération des hydrocarbures déversés.
Le projet DPIB
Le Projet de déversements de pétrole à l’île Baffin (DPIB), mené dans la lointaine région côtière du nord de l’île Baffin au début des années 1980, était une étude multidisciplinaire conçue pour évaluer le devenir du pétrole brut déversé et du pétrole dispersé par des agents chimiques, et pour déterminer l’efficacité des méthodes de nettoyage des côtes. Ce projet nous a permis de mieux évaluer les effets des déversements d’hydrocarbures dans les eaux de l’Arctique et les mesures prises en cas de déversement. En outre, il nous a aidés à mieux comprendre les processus physiques, chimiques et biologiques particuliers à ce milieu. Les résultats de ce projet, publiés dans une édition spéciale du journal Arctic, seront d’une grande utilité pour décider de l’utilisation des agents dispersants chimiques sur une nappe d’hydrocarbures menaçant les côtes de l’Arctique et du nettoyage des côtes polluées par les hydrocarbures.
L’emplacement du projet a été désigné « réserve scientifique » afin de permettre la poursuite des études sur le devenir à long terme des hydrocarbures déversés dans l’Arctique.
Transfert
de la technologie
La diffusion à d’autres organismes et au secteur privé de son savoir et de son expérience en matière de lutte contre les déversements d’hydrocarbures constitue une part extrêmement importante des activités de la DTIU.
À cette fin, la Division offre des ateliers de formation et des démonstrations de techniques, elle organise des colloques et des conférences et elle produit des guides, des documents et d’autres ouvrages de référence.
C’est également elle qui organise chaque année, habituellement au début de juin, le Colloque technique de l’AMOP. Ce colloque international, dont on soulignait le dixième anniversaire en 1987, sert de point de rencontre pour les professionnels de l’industrie, les chercheurs, les scientifiques, les étudiants et les experts-conseils qui s’intéressent à l’élaboration et à la mise en application de techniques d’intervention en cas de déversement d’hydrocarbures en mer et dans l’Arctique.
Publié avec l’aimable autorisation du Centre environnemental de River Road, Environnement Canada, 3439, River Road, Ottawa (Ontario), K1A 0H3.