La technique de localisation des câbles souterrains est connue depuis au moins soixante-dix ans, mais c’est seulement depuis une dizaine d’années que l’utilisation d'appareils professionnels gagne progressivement la faveur des entreprises. Aujourd’hui encore il existe des confusions et incertitudes sur ce que peut être cet outil quotidien du terrassier qui ouvre des tranchées dans les rues ou au pied des immeubles.
Avant d'analyser les différentes sortes d’appareils, il convient de considérer les raisons qui doivent conduire à utiliser les détecteurs de canalisations.
Pourquoi localiser les canalisations ?
De très loin, le besoin le plus courant de connaître l’emplacement des canalisations enterrées résulte de la nécessité de ne pas les endommager lors des travaux : une blessure infligée à un câble représente un danger d’accident pour le personnel ; les dégâts sont coûteux et difficiles à réparer, et entraînent des interruptions de service très dommageables pour les utilisateurs.
Lorsque la position de la ligne est connue avant les travaux, on peut éviter les accidents en creusant à côté de cette ligne ou, lorsque ce n’est pas possible, en terrassant précautionneusement à la main autour de la canalisation précédemment localisée en surface. La nature de celle-ci est d'importance secondaire : il suffit le plus souvent de connaître sa présence : c’est la « localisation pour éviter ».
Les compagnies ou administrations de distribution qui sont propriétaires de câbles et de tuyaux ont besoin de les localiser et de les identifier avant tous travaux de modification, réparation, extension ou modernisation de leurs réseaux. Cette intervention est appelée « localisation pour trouver ».
D’ordinaire, lorsqu’on doit trouver un réseau donné avec l’intention de terrasser pour le mettre à jour, il faut aussi « localiser pour éviter », afin de s'assurer qu'on ne risque pas d’endommager des canalisations voisines durant les travaux.
En plus de la connaissance topographique des lieux, au stade de l'étude même d'un projet de construction, il est indispensable de connaître le tracé de tous les réseaux enterrés. L'exécution d'un plan général fait partie de la « localisation pour trouver ». Un autre cas semblable est celui qui consiste à repérer certains défauts de câbles électriques ou défauts d'isolement des enrobages des canalisations d'acier (pipe-lines).
Il n’existe pas seulement différentes raisons de localiser, mais aussi différentes sortes de personnes qui devront effectuer l’opération. Qui va manier le détecteur ? Le conducteur d'engin, l'utilisateur du marteau pneumatique (avant l'enlèvement du revêtement), le conducteur de travaux, ou bien encore le technicien spécialisé ou même le géomètre ? À chacun une responsabilité et une approche différente dans l'utilisation des appareils. À chacun des objectifs différents dans l'importance et les détails des informations qu’ils se proposent d’obtenir pour marquer en surface ou reporter le tracé sur le plan.
Types de détecteurs
On peut en distinguer deux : le premier est un « détecteur passif » qui ne fait que recevoir le ou les signaux existants dans de nombreux conducteurs enterrés ; le second comprend, en plus du récepteur, un générateur de fréquence musicale ou émetteur avec lequel on applique un signal sur un conducteur donné ou, si nécessaire, sur toutes les canalisations présentes dans une zone, et qui peuvent ainsi être repérées par le récepteur une fois celui-ci accordé sur la même fréquence que celle du générateur. Cette association générateur-récepteur est qualifiée de « détecteur actif ». Chacune de ces méthodes de localisation présente ses avantages et ses inconvénients.
Les détecteurs passifs ne peuvent être utilisés qu’en « localisation pour éviter ». À l’oreille du profane, les signaux des différents réseaux souterrains se ressemblent et ne peuvent être distingués que par des opérateurs très expérimentés. Il est donc hasardeux d’identifier avec certitude une canalisation : on ne recueille que la certitude de la présence d'un conducteur, sans plus. En général les détecteurs passifs sont limités à la réception du signal à 50 Hz que rayonnent les câbles en charge et à celle des harmoniques de cette fréquence fondamentale. En pratique, ces signaux issus des canalisations électriques à charges déséquilibrées sont également émis sur la plupart des câbles de télécommunications et des tuyauteries métalliques voisins de lignes électriques. Le détecteur passif est efficace pour localiser la plupart des tuyaux conducteurs enterrés sous les trottoirs et la chaussée d'une rue où des câbles électriques sont également présents.
L'énergie radioélectrique provenant d’émetteurs éloignés pénètre dans le sol et utilise les conducteurs souterrains comme cheminement préférentiel. De récents progrès techniques ont amené à étendre les méthodes de localisation par la détection de cette énergie radio réémise par de nombreux réseaux souterrains. Cette méthode nouvelle augmente considérablement la marge d’application des détecteurs passifs. C’est la simplicité d'utilisation qui reste l’avantage essentiel de ceux-ci. Sans autre qualification que celle de savoir utiliser convenablement la commande de sensibilité, on peut obtenir de bons résultats avec le détecteur passif qui sera mis dans les mains de l’ouvrier terrassier aussi bien que dans celles du technicien.
La détection active est une méthode plus efficace que la détection passive pour éviter les réseaux, puisqu’elle met aussi en évidence les canalisations qui n’émettent pas naturellement de signal. Elle présente l’avantage considérable de la « localisation pour trouver ». Toutefois un entraînement plus poussé est nécessaire pour l'utilisation de l'ensemble générateur-récepteur et le temps nécessaire pour mener à bien une exploration complète est souvent plus long.
Il existe des détecteurs qui combinent les deux méthodes passive et active dans un seul jeu d’appareils. Ils présentent ainsi tous les avantages puisqu’ils peuvent être utilisés pour le balayage passif en premier lieu lorsqu’on veut un résultat rapide, puis utilisés en méthode active si nécessaire soit en complément de l’exploration, soit pour identifier avec précision une canalisation particulière.
On dispose donc de deux sortes d'utilisation :
— le balayage passif qui permet d’obtenir un résultat rapide et efficace pour éviter les réseaux,
— la localisation active pour une étude complète, dépistage et identification de chaque canalisation.
Détecteurs pour terrassiers, détecteurs pour techniciens
Qui va utiliser ces appareils sur le chantier ?
Les détecteurs passifs sont généralement conçus pour l’ouvrier terrassier, puisqu’il est le plus exposé aux risques : il a besoin d‘un outil simple pour se protéger contre les dangereuses conséquences qui résultent des dommages infligés accidentellement aux câbles électriques sous tension. Cependant la sensibilité des appareils modernes les rend capables de répondre aux besoins des techniciens et des ingénieurs. L'appareillage est très simple à utiliser et l'on peut en tirer des résultats appréciables en une dizaine de minutes après avoir lu le manuel d'utilisation.
Les détecteurs actifs peuvent être plus ou moins sophistiqués et efficaces. Le détecteur de haut de gamme offre un choix de fréquences de travail avec possibilité d'adaptation d'impédance ; il permet de résoudre les problèmes de localisation et d'identification les plus ardus, mais il n’est utilisable que par un technicien.
Il existe des détecteurs actifs beaucoup plus simples pour les travaux quotidiens courants. Un modèle récent combine détection active avec détection passive sur les modes de réception 50 Hz et radio.
Il n'est pas nécessaire de connaître l'électronique pour utiliser convenablement un détecteur de canalisations souterraines mais il est plus important de posséder l'expérience des réseaux souterrains. Les informations obtenues par l'utilisation d'un détecteur auront beaucoup plus de valeur si elles sont associées à une connaissance générale et une habitude des réseaux souterrains.
Les limites des détecteurs de canalisations
La première et la plus évidente de ces limites est qu'un détecteur — actif ou passif — ne peut que localiser des conducteurs, tuyaux ou câbles, capables d’être parcourus par un courant électrique. Il ne peut détecter les tubes en matière plastique (sauf ceux qui ont été enterrés avec un conducteur traceur).
On peut rencontrer des difficultés avec les tuyaux à emboîtement sur joints de caoutchouc, particulièrement s’il s’agit de canalisations neuves. Ces réseaux peuvent d’ordinaire être localisés quand ils sont dans le sol depuis un certain temps.
Les drains et conduites d'eaux usées non métalliques peuvent être repérés à l'aide d’un dérivé du détecteur actif. Le signal, au lieu d’être appliqué à l’extrémité du tuyau, est alors produit par un petit émetteur appelé sonde (la plus petite mesure 60 x 20 mm) qu’on introduit à l'aide d'un jonc ou d'un furet dans la conduite qui peut alors être détectée, puis dépistée de la surface du sol à l'aide du récepteur. Cette méthode est particulièrement appréciée pour localiser les engorgements ou les effondrements dans les réseaux d’assainissement.
Une autre limite se présente pour les détecteurs lorsque les canalisations sont disposées l’une au-dessus de l’autre, ou bien accolées l’une à l’autre. Dans le cas de câbles multiples, le champ magnétique subit des distorsions et seul un utilisateur très expérimenté pourra interpréter les anomalies de réponse du détecteur.
Cependant même un opérateur novice reconnaîtra une réponse trop large qui lui indiquera la présence de conducteurs multiples. Si un doute apparaît quant au nombre de câbles, ou en face de toute autre anomalie, on
utilisera périodiquement le détecteur en cours de travaux au fur et à mesure du creusement de la tranchée.
Progrès récents dans la conception des détecteurs
Le plus important enregistré récemment est dû à l’idée de combiner plusieurs modes de détection dans le même appareil. La nouvelle méthode de repérage des ondes radioélectriques rend la détection passive plus efficace et la combinaison des méthodes active et passive procure à l’opérateur souplesse d'utilisation et variété des investigations possibles avec le même jeu d’appareils.
L'introduction du principe des bobines jumelées associées à la disponibilité de nouveaux composants a rendu les détecteurs beaucoup plus sensibles, sélectifs et capables de discrimination. Avec la bobine unique traditionnelle, un détecteur était soit sensible soit sélectif. Présenter les deux qualités était contradictoire. Désormais un détecteur doit présenter une sensibilité meilleure que 10 µA à 1 m pour la détection du 50 Hz, ou de l'ordre de 5 µA en fréquence moyenne en mode actif (c’est-à-dire qu'il devra percevoir un signal de 5 millionièmes d'ampère à une distance de 1 m).
En plus des améliorations de performances, tous les constructeurs ont introduit de grands progrès ergonomiques. Il n’est plus désormais nécessaire de se pencher pour faire évoluer les récepteurs tout près du sol ou de les protéger des intempéries. Les appareils sont maintenant assez robustes pour être mis dans les mains de l’ouvrier de chantier et ils sont utilisables par tous les temps.
Il faut tenir en mains un appareil récent pour se faire une idée des progrès réalisés depuis une demi-douzaine d’années...
Comment choisir l'appareil qui correspond aux besoins de l'utilisateur ?
La première chose à faire est de décider si l’on doit acquérir un détecteur passif ou actif et aussi de savoir qui va l’utiliser et ceci fait, voir ce que proposent les constructeurs.
Après avoir trouvé un constructeur, il faut obtenir une démonstration sur une zone qui présente les problèmes typiques de localisation à résoudre. Lors de cet essai il est souhaitable que le futur utilisateur de l'appareil soit présent et que ce soit lui plutôt que le vendeur qui teste l'appareil.
Cependant il faut toujours garder à l’esprit qu’un détecteur de réseaux enterrés n’est pas une baguette magique qui révélera tout : dans l’état actuel de la technique nous n’en sommes pas encore là. La connaissance des lignes souterraines à l'aide d'un détecteur sera toujours une affaire de nuances sujettes à interprétations qu'un bon appareil mis dans des mains expérimentées tendra à rapprocher de la réalité.
Rentabilité du détecteur
Il est certain que l'on doit obtenir une bonne rentabilité de l’investissement dans les semaines ou même les jours qui suivent l’acquisition d’un détecteur de canalisations mis au service d’une équipe de travail sur la voie publique. Par définition, l’essentiel du travail de ces équipes est de creuser des trous en vue de trouver ou d’éviter des réseaux et l’utilisation d’un bon détecteur est une nécessité grandissante.
L’amortissement d’un détecteur n’est pas aussi rapide pour les entreprises de construction lesquelles ne rencontrent des réseaux enterrés qu’au stade des travaux de terrassement, ce qui ne représente qu’une faible part de l’ensemble du projet. Bien que plus lent, l'amortissement reste cependant très positif : en effet, une tuyauterie endommagée peut être la cause d'une inondation du chantier ou d'une désastreuse fuite de gaz, tandis que la rupture d'un câble entraîne la coupure du courant ou des télécommunications au détriment des usagers voisins. Chacun de ces accidents est la cause de retards et d’importantes dépenses supplémentaires.
L’argument communément opposé à l’utilisation du détecteur est qu’il suffit généralement d’un appel téléphonique aux responsables des réseaux pour en connaître le tracé ; bien sûr cette précaution doit être prise chaque fois que c'est possible, un surcroît de prudence n’étant jamais superflu. Mais les informations arrivent toujours partiellement et les plans ou croquis ne montrent parfois que la position approximative des réseaux. On doit, par prudence, observer une certaine tolérance de part et d’autre des tracés. D’autre part, le document topographique n’a souvent pas été mis à jour après les travaux et l'information obtenue est imprécise, incomplète, voire résolument fausse. D’ordinaire le terrassier se trouve ainsi en présence de quatre ou cinq sortes de réseaux et du même nombre de sources différentes d’informations.
Dans le meilleur des cas on obtiendra donc le maximum de renseignements de la part des différentes administrations, puis on utilisera le détecteur pour confirmer et étendre la connaissance de la zone de travaux. Cette prudence n'est jamais superflue : deux précautions valent mieux qu’une si l'on considère le coût et les dangers des dommages accidentels causés aux canalisations. Peut-être la prise de risques était-elle acceptable il y a une vingtaine d’années ; la nécessité grandissante d’efficacité et de rentabilité ne permet plus de laisser une part aux aléas.
En conclusion, on peut dire que la localisation ne constitue pas une fin en soi, mais seulement un moyen d'information. Toute entreprise, petite ou grande, se déroule plus efficacement et économiquement si les détails sont prévus au stade de la planification avant même le début, puis aussi au cours des travaux de terrassement.