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Les dérives chlorés dans le traitement des eaux de piscine

28 février 1990 Paru dans le N°134 à la page 39 ( mots)
Rédigé par : Jean-michel DEVYNCK

Les dérivés chlorés autorisés par le décret 81324 du 7 avril 1981, paru au Journal Officiel du 10 avril 1981, complété par l'arrêté du 28 septembre 1989 au Journal Officiel du 21 octobre 1989 sont : l'hypochlorite de sodium, le chlore gazeux, l'hypochlorite de calcium et les dérivés chlorés de l'acide cyanurique.

La teneur en acide hypochloreux, encore appelée chlore libre actif, doit être comprise entre 0,4 et 1,4 mg/l, le pH entre 6,9 et 7,7 ; la teneur en chlore total ne doit pas excéder de plus 0,6 mg/l celle en chlore libre (chlore combiné). En outre, dans le cas d’un traitement en présence d’acide isocyanurique, la teneur en chlore disponible doit être au moins égale à 2 mg/l.

Nous examinons ci-après, à l'attention des responsables de l'entretien des piscines publiques, les différents produits et procédés à base de chlore qui leur sont proposés pour la stérilisation de l'eau. Cette réflexion générale peut également s'appliquer aux problèmes de stérilisation en milieu industriel (tour de refroidissement).

La chimie du chlore dans l’eau

Tous les dérivés chlorés autorisés conduisent après hydrolyse à la formation d'acide hypochloreux (chlore libre actif).

En milieu aqueux, l'acide hypochloreux est en équilibre avec sa forme dissociée : l'ion hypochlorite.

HCIO ⇌ ClO⁻ + H⁺

La quantité d’acide hypochloreux (le composé présentant le plus grand pouvoir bactéricide) est fonction de la valeur du pH de la solution. La régulation de ce pH (à une valeur généralement comprise entre 7,4 et 7,5) est essentielle pour maintenir une teneur convenable en acide hypochloreux.

L'introduction de dérivés chlorés dans l'eau conduit à des réactions secondaires de trois sortes :

Formation de chloramines

L'apport constant de matières organo-azotées conduit, en présence de l'acide hypochloreux, à la formation de composés appelés chloramines.

Par exemple, le schéma réactionnel simplifié de l'urée, constituant essentiel des matières organo-azotées, est le suivant :

Enzymes

NH₂  
C = O + H₂O → CO₂ + 2 NH₃  
NH₂

Hydrolyse

urée → ammoniac

NH₃ + HOCl → NH₂Cl + H₂O  
NH₂Cl + HOCl → NHCl₂ + H₂O  
NHCl₂ + HOCl → NCl₃ + H₂O

Les matières organo-azotées plus complexes apportées par les baigneurs conduisent à des réactions similaires, mais pas toujours complètes.

Les chloramines, peu bactéricides mais fortement lacrymogènes, sont responsables de « l'odeur de chlore » dans les piscines.

Formation des haloformes

L'action du chlore sur des composés organiques non azotés conduit à la formation d’haloformes, dont le plus important est le chloroforme. Bien que présents en faible quantité, ces produits sont également gênants, du fait de leur action nocive sur les muqueuses des baigneurs.

Actions des ultraviolets

Les rayons ultraviolets contenus dans la lumière solaire entraînent la destruction photochimique du chlore, suivant la réaction :

UV  
ClO⁻ → Cl⁻ + O

Cette particularité rend difficile le maintien de la teneur en chlore dans les piscines de plein air.

Chimie de la mise en solution des réactifs chlorés

L’eau de Javel

C'est une solution aqueuse d’hypochlorite de sodium, de chlorure de sodium et de soude. L'hydrolyse de l’hypochlorite de sodium conduit à la formation d’acide hypochloreux :

NaOCl + H₂O ⇌ HClO + NaOH

C'est un procédé qui nécessite un investissement très réduit (une pompe doseuse). Le titre de la solution d'eau de Javel évolue dans le temps, et le stockage prolongé est impossible, sous peine de pertes importantes de matière active.

En raison de sa grande alcalinité, son emploi donne lieu à quelques précautions :

— il est conseillé de préparer les solutions qui vont être injectées à l'aide d’eau adoucie à TH = 0° afin de limiter les problèmes de bouchage des cannes d’injection dus à la précipitation du carbonate de calcium ;

— la correction du pH est indispensable : elle s'effectue en général par injection d'acide chlorhydrique (de l'ordre de 1 l pour 3 l d'eau de Javel). L'eau de Javel et l'acide chlorhydrique, par leur apport important en chlorures, favorisent les phénomènes de corrosion.

La réglementation imposant un stockage séparé de l'eau de Javel et de l'acide chlorhydrique, des problèmes de stockage se posent, le mélange des deux corps donnant naissance à un dégagement de chlore gazeux.

La correction du pH par le CO₂ peut être une alternative qui réduit le pro-

Ce procédé simple et peu onéreux nécessite toutefois de fréquentes manipulations de produits plus ou moins dangereux et toxiques.

Le chlore gazeux

Il est produit à partir du chlore liquéfié sous pression, livré en bouteilles de 50 kg.

Son hydrolyse donne lieu à une dismutation avec formation d’acide hypochloreux et d’acide chlorhydrique ; c’est donc un produit qui va faire baisser le pH :

Cl₂ + H₂O → HClO + HCl
Degré d’oxydation : 0   +1   −1

Cependant la correction du pH par addition de bicarbonate de sodium reste faible en comparaison de celle nécessitée par l’usage de l’eau de Javel. Pour certaines qualités d’eau, et bien que faisant appel à un gaz très toxique et corrosif, ce procédé, grâce à l’utilisation de chloromètres de sécurité s’avère très sûr.

Toute l’installation est en dépression, et toute rupture de cette dépression provoque la fermeture des régulateurs : le chlore ne reste sous pression qu’entre la bouteille et le régulateur.

Pour un stockage n’excédant pas 150 kg, un local ventilé, placé à l’extérieur est suffisant. Une bouteille de 50 kg suffit en général pour assurer une autonomie de 10 à 15 jours d’une piscine moyenne. Un système d’inversion automatique permet la permutation d’une bouteille vide par une bouteille pleine.

L’hypochlorite de calcium

Produit solide non stabilisé, il titre en général 60 % en équivalent-chlore gazeux.

C’est un produit analogue à l’eau de Javel, mais sous forme solide, ne se détitrant pas dans le temps. Il se décompose comme suit en présence d’eau :

Ca(OCl)₂ → 2 HClO + Ca(OH)₂

Après dissolution, il est injecté par pompe doseuse. Sa réaction d’hydrolyse alcaline et son apport important en calcium le rendent difficile à dissoudre et peuvent provoquer d’importantes précipitations de carbonate de calcium.

Son utilisation est à proscrire dans les bassins contenant des eaux de dureté élevée.

Une correction importante du pH par injection d’acide chlorhydrique ou de CO₂ est nécessaire (comme dans le cas précédent).

Les dérivés chlorés de l’acide cyanurique

Encore appelés « chlores solides » stabilisés, ils sont de deux sortes :

— le dichloroisocyanurate de sodium (chlore solide à dissolution rapide) (figure 1). Après dissolution, il est injecté par pompe doseuse ; il n’a pratiquement aucune influence sur le pH. Le produit déshydraté titre entre 60 et 63 % en équivalent chlore gazeux ;

— l’acide trichloroisocyanurique (chlore solide à dissolution lente) (figure 2). Il se présente en général sous forme de galets titrant 90 % en équivalent chlore gazeux.

[Photo : Figure 1 – Cyanurate de sodium]
[Photo : Figure 2 – Acide isocyanurique]
[Photo : Figure 3 – Stabilisation du chlore]

Le système d’injection le plus répandu est celui du pot à percolation ; l’eau, par passage dans un pot à percolation rempli de galets d’acide trichloroisocyanurique, se charge en chlore et est injectée dans la canalisation.

Le phénomène de stabilisation et ses conséquences

Lors de l’utilisation des dérivés chlorés de l’acide cyanurique, il y a libération d’acide cyanurique qui provoque, par son action sur les équilibres mis en jeu, la réaction dite de stabilisation du chlore. Une série d’équilibres complexes conduit à une très forte diminution de la teneur en HClO, qui est remplacé par l’espèce monochlorocyanurate. Celle-ci, bien que moins stérilisante que l’acide hypochloreux, convient parfaitement à la désinfection si l’on maintient un résiduel en chlore libre et potentiel compris entre 2 et 3 mg/l (mesure effectuée avec le diéthyl-paraphénylènediamine (DPD)).

Cette espèce présente plusieurs avantages :

— moindre réactivité vis-à-vis des matières azotées et organiques, diminuant notablement les effets indésirables dus à la formation de chloramines et d’haloformes ;

— bonne stabilité sous l’action des rayons ultraviolets, limitant les phénomènes de destruction de chlore par photolyse des ions ClO⁻. La stabilisation peut également être obtenue par addition d’acide isocyanurique à une eau de piscine traitée avec des dérivés classiques (Javel, chlore gazeux, hypochlorite de calcium) (figure 3).

L’utilisation de cette famille de produits, dérivée de l’acide isocyanurique, est actuellement indispensable pour résoudre les problèmes posés par le maintien d’une teneur correcte en stérilisant dans les bassins de plein air. Elle est également très utile pour diminuer les nuisances liées à l’installation de systèmes visant à économiser l’énergie (pompe à chaleur, déshumidification), souvent accompagnés d’une augmentation des problèmes d’irritation des muqueuses dans l’eau et dans l’air.

Cet exposé donne un aperçu du matériel et des produits chlorés disponibles pour la stérilisation des eaux de piscine. Tous présentent des avantages et des inconvénients, mais les résultats bactériologiques obtenus se révèlent comparables si leur mise en œuvre est conforme aux règles de l’art et de la réglementation.

Le choix de tel ou tel procédé reste donc soumis à l’analyse du contexte et des contraintes propres à chaque site.

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