Revenons à l’ANC. Le futur acquéreur a en tête des messages fort différents que j’ose résumer : « C’est obligatoire (parce que je construis ma maison) ; ce n’est pas de chance (parce que je ne suis pas raccordé à l’égout collectif) ; c’est cher (parce que l’on a présent à l’esprit l’investissement de 10 000 € à réaliser) ». Il est très rare que l’acquéreur de l’ANC mette en avant la protection environnementale de l’équipement d’assainissement qu’il a choisi.
Ce parallèle ANC/automobile doit nourrir notre réflexion pour nous aider à comprendre. Pourquoi l’ANC n’a-t-il pas le développement que sa qualité, sa fiabilité, ses performances et sa pérennité autorisent en 2016 ? Inutile de chercher des responsables. Tous les acteurs doivent tout simplement travailler plus en profondeur les points essentiels de l’ANC.
Le sujet des coûts de l’ANC est majeur. Il doit être traité avec méthode, pragmatisme et souci du détail, parce qu’il est lié à une science où l’approximation n’est pas la règle. Les coûts ne peuvent admettre le flou, les amalgames, les croyances, les certitudes non fondées. Tout doit être précisé, étayé, démontré. Les coûts de chacun des produits de l’ANC doivent être un outil de leurs développements.
Cet article se propose de montrer comment faire du coût de l’ANC un paramètre recevant l’unanimité des acteurs, leur permettant d’assurer le bien-vivre de nos enfants.
Les coûts de l’ANC, pourquoi en parler ?
Ma fréquentation des acteurs du milieu de l’assainissement non collectif me permet de souligner deux points récurrents à l’ensemble des professions concernées :
- • une expertise technique, présentant une très forte marge de progression,
- • une transparence économique, qu’il est possible de grandement améliorer.
Je suis convaincu que ces deux points sont étroitement liés.
En effet, l’ANC continue à être considéré comme un « piètre » assainissement, n’égalant absolument pas son grand frère, l’assainissement collectif.
Travailler dans le domaine de l’ANC est
Ainsi sûrement peu attractif. Cela laisse le champ libre à des acteurs plus attirés par la potentialité d’un marché « juteux » et plus soucieux de rentabilité immédiate que par la confortation technique de leur produit, bien loin de la dynamique de son développement pour la satisfaction du client.
De fait, mon constat est que l’objectif de l’ensemble des acteurs est plus la marge financière que la réalité des coûts. Parfois même, la technique est minimale, le prix est celui du marché et la marge est maximale. Tout ceci ne doit rien au hasard.
Point n’est question pour moi de juger les stratégies choisies par les acteurs du domaine de l’ANC. Toute stratégie est en principe respectable. Je souhaite seulement que chacun ait bien pris conscience de l’incohérence du concept « en donner moins pour gagner plus ».
Il faut remercier l’État, qui a intégré une approche des coûts dans sa procédure d'agrément national. C’est un tout premier pas sur le sujet, soyons positifs mais nous ne pouvons en rester là.
Gagner la confiance de l'utilisateur quant aux coûts doit être, pour chacun des passionnés de l’ANC, notre objectif prioritaire. Comme le font très bien les industriels de l’automobile, nous devons afficher les qualités différenciantes des produits offerts, exprimer la maîtrise de l'environnement et afficher clairement, selon un référentiel accessible, la réalité des coûts. Si j’osais, j’irais jusqu’à dire que les futures publicités des produits ANC devraient afficher ouvertement les possibilités de paiement par mensualités.
En matière d’ANC, les coûts doivent être « transparents » et compris par tous, du concepteur à l'utilisateur de façon unique. Ainsi, que signifie le terme « coût » pour l’ANC si on l'emploie au singulier ?
- ¢ Pour l'utilisateur, le coût de l'ANC sera d'abord ce qu'il va débourser, étant dans l’obligation légale de traiter ses eaux usées domestiques.
- ¢ Pour l'agrément français, c’est le coût total, réparti sur 15 ans et prenant en compte investissement et fonctionnement de l'ANC.
- ¢ Pour la vérité du terrain, c’est l'ensemble des dépenses à réaliser par son propriétaire jusqu’au renouvellement de son installation.
Voici donc trois approches du coût de l’ANC. La seule dont on ne parle jamais est pourtant la seule qui permet d’accéder à la vérité du coût annuel moyen, soit le coût réel de l'assainissement non collectif installé sur sa durée de vie.
Pourquoi alors parler de ces coûts de l’ANC ? Parce que celui qui paie a le droit de connaître la nature de ses dépenses, tout simplement. Il a le droit de choisir librement son ANC sans que le calcul des coûts ne soit faussé par une durée de fonctionnement de X années pour tous les produits en compétition sur le marché, la même durée de vie qui plus est. Les produits proposés ont de fait des durées de vie garanties comprises entre 10 et 30 ans. Comme vous l’avez déjà compris, il ne s'agit pas, pour les coûts, de différences à la marge mais bien d’écarts significatifs qui, en 2016, portent atteinte à la crédibilité des professionnels du domaine.
[Photo : Les vestiges romains nous rappellent qu'une civilisation développée s'est toujours dotée d’un assainissement performant avec un service public associé efficace.]
Le point sur les paramètres des coûts
Les paramètres agissant sur les coûts de l’ANC sont d’une part l’investissement lors de l'installation de l’ouvrage et d’autre part l'exploitation de l’équipement (laquelle inclut la surveillance, l’entretien et la maintenance).
Les paramètres des coûts d'investissement
Ils incluent les paramètres suivants :
- ¢ L’acte de conception,
- ¢ Le produit choisi,
- ¢ L'installation du produit.
Pour l’acte de conception, on peut considérer qu'il varie peu, dès lors qu'il s’agit d'une maison individuelle. En effet, le dimensionnement obéit à l’application d'une formule reliant les pièces principales et la taille en EH de l’équipement à installer. Le point de conception le plus délicat est de satisfaire à l’obligation d’infiltrer les eaux traitées, en tant que solution réglementaire prioritaire d’évacuation. Ce point reste courant à toutes les installations et est indépendant des familles de process de traitement. Le choix d’un process plutôt qu'un autre n’entraîne aucune variation de coût pour la filière. Mais le système d'infiltration représente un surcoût notable, par rapport à un rejet direct dans un milieu aquatique superficiel, de l’ordre de 1000 à 3000 € HT selon les sites. L’ordre de grandeur moyen d’une action de conception est d’environ 500 € HT.
On notera à ce propos qu’en 2016, près de 4 installations sur 5 ne font pas appel à un professionnel de la conception.
Concernant le produit choisi, il est régi par « un prix de marché » : l’essentiel des produits installés se situe dans la fourchette « 3000/4500 € HT » avec de forts écarts entre le prix catalogue et le prix négocié lors de la vente et des écarts significatifs d'un lieu à un autre dans l’hexagone.
Pour le coût d’installation, l’ordre de grandeur est la fourchette « 4000/4500 € HT », auquel sur le terrain il faut rajouter le coût du système d’infiltration des eaux traitées à l'aval de l’ouvrage, délicat à chiffrer car très lié au site d’installation.
Ce coût d'installation est plutôt de nature « forfaitaire », mon expérience d’expert judiciaire montrant un déficit notoire d’appréciation du chantier préalablement à sa réalisation. La qualification réelle des entreprises est un point majeur pour la qualité.
La qualité de réalisation des ouvrages d’ANC. Tout ceci conduit à des chantiers pour les propriétaires se situant autour de 10 000 € TTC soit 8 333 € HT à plus ou moins 15 %.
La garantie de durée de vie
Dans cette démarche d’investissement, il n’est pratiquement jamais introduit le paramètre de garantie de durée de vie du produit. Or, cette durée de vie que devrait systématiquement donner le fabricant, sous réserve par exemple d’installation par un professionnel « agréé » par lui et d’une réception de travaux par un tiers indépendant, est un paramètre économique essentiel.
Le tableau ci-dessous donne quelques exemples de durées de vie réelles garanties (en fait la garantie est issue du matériau qui constitue la structure du produit) ou susceptibles de l’être par les fabricants ou les experts pour les filières traditionnelles. Clairement, cette garantie de durée de vie fait que l’amortissement annuel d’un filtre à sable drainé est de 556 € HT, lorsqu’un jokhasou japonais a un amortissement annuel de 278 € HT ; la majorité des produits du marché pouvant être considérés pour un amortissement annuel de 417 € HT, la variation est simplement « du simple au double » !
Process
- – Filtre à sable drainé : 15 ans**
- – Filtre compact (hors matériau filtrant et pièces d’usure) : 20 ans**
- – Jokhasou japonais : 30 ans***
- – SBR et autres stations compactes : 20 ans**
** Garantie à la clôture des travaux sous réserve de prescription.
*** Garantie annoncée par le fabricant mais en général inapplicable par défaut de réception à l’origine et d’engagement écrit contractuel.
Les paramètres des coûts de fonctionnement
L’exploitation d’une unité d’ANC se synthétise simplement avec des paramètres liés à des tâches répétitives donc programmées et des paramètres associés à des tâches exceptionnelles appelées encore aléatoires.
Pour le paramètre « tâches répétitives programmées » sont incluses :
- • Les visites programmées de surveillance,
- • Les changements programmés de pièces d’usure,
- • Les vidanges des ouvrages.
Pour le paramètre « tâches aléatoires » sont incluses :
- • Les pannes des équipements,
- • Les plaintes des riverains,
- • Les conséquences d’événements climatiques.
En fait, la différence essentielle entre ces deux types de paramètres est que la tâche répétitive est optimisée (de l’ordre d’une heure pour un technicien, matériel d’investigation inclus), tandis que la tâche exceptionnelle est consommatrice de temps (en moyenne de l’ordre de deux heures pour un technicien, matériel d’investigation inclus).
Le paramètre « vidange »
La vidange des ouvrages est un poste important, dont on peut apprécier le coût unitaire moyen autour de 250 € HT. L’intervention de vidange intègre le traitement aval des matières extraites.
Le paramètre « pièces et matériaux d’usure »
Pour les pièces d’usure, il est prudent par expérience de prendre en compte une centaine d’euros HT annuelle pour faire face aux remplacements divers. Pour les filtres, se pose le sujet du remplacement du matériau filtrant mais il n’est pas absurde de considérer un budget du même ordre que celui des pièces d’usure pour une microstation.
Le paramètre « énergie »
Pour l’électricité nécessaire au process, l’ordre de grandeur est d’une centaine d’euros HT par an. Lorsqu’un pompage supplémentaire le long de la ligne d’eau de l’ouvrage est indispensable, ce poste se rajoute aux coûts. C’est de plus en plus le cas avec la généralisation réglementaire de zones d’infiltration des eaux usées traitées en tant que mode de remise au milieu naturel.
Le coût d’exploitation type
L’ensemble de ces paramètres liés au fonctionnement des ouvrages va permettre d’accéder à un coût d’exploitation type pour chacun des process que l’on souhaite étudier. Ce coût d’exploitation type prend en compte un fonctionnement à charge nominale des ouvrages. Cette situation est rarement le cas puisque le parc français de l’ANC est dimensionné au double de la pollution qu’il a en fait à traiter.
Le coût d’exploitation lié à la pollution réelle des habitants présents
Ainsi, il semblerait judicieux de considérer, pour une installation donnée dimensionnée pour une taille de maison, un coût d’exploitation lié à la pollution réelle des habitants présents, l’écart moyen sur le paramètre des coûts des vidanges étant réduit.
[Photo : Dans le monde en 2016, la qualité des eaux est une richesse à protéger, l’ANC y participe et sa valeur touristique ajoutée est immense, sans commune mesure avec son faible coût.]
Tableaux des données annuelles des coûts d’exploitation
(étude in situ Tarn AEAG/Veolia 2008/2014)
Tâches répétitives programmées (n1 unités par an) | Tâches aléatoires (n2 unités par an) | Nombre de vidanges (n3 unités par an) |
Ouvrage moyen sur l’étude : 1,20 | 0,55 | 0,36 |
Filtre compact moyen : 1,38 | 0,13 | 0,16 |
Process compact boues activées moyen : 1,03 | 0,92 | 0,58 |
Filtre compact le moins performant : 1,91 | 0,16 | 0,27 |
Process compact boues activées le moins performant : 1,53 | 0,90 | 0,85 |
Meilleur filtre compact : 1,00 | 0,00 | 0,14 |
Meilleur process compact boues activées fixées : 1,05 | 0,00 | 0,14 |
de deux à un par rapport au coût d’exploitation type.
Approche de coûts annuels dans l’étude in situ Tarn
Le tableau ci-dessus contient les valeurs issues de l’étude in situ Tarn ayant concerné de 2008 à 2014 plus de 60 équipements permettant d’accéder aux divers coûts d’exploitation exposés par la suite.
Le coût annuel d’exploitation type se calcule ensuite selon la formule suivante :
C (en € H.T.) = (n1 × 150 €) + (n2 × 300 €) + (n3 × 250 €) + n4 + n5 + n6
avec n4 le forfait d’énergie électrique pris ici égal à 100 € H.T. annuel, n5 le forfait de remplacement des pièces et des matériaux et n6 un coefficient pour frais divers laissé ici à zéro.
Le tableau ci-dessous donne des ordres de grandeur de coûts d’exploitation type pour des familles importantes de process.
Le coût global annuel de l’équipement ANC, incluant investissement (avec garantie de durée de vie) et exploitation pour trois process particuliers parmi les meilleurs du marché est repris dans le tableau ci-dessous :
[Photo : Merveilleuses chutes d’Iguaçu, le débit moyen de la rivière Iguaçu au moment de sa confluence avec le Paraná dépasse les 1 400 m³/s et pourtant le complexe hôtelier visible sur cette photo s’est doté d’une unité d’ANC efficace. L’assainissement est une mission primordiale assumée partout dans le monde.]
Coût annuel d’exploitation type (en €) | Valeur la moins performante | Valeur moyenne | Valeur la plus performante |
Process « moyen » étude Tarn : 912 €/an | 585 €/an | 185 €/an |
Filtre compact : 502 €/an | 386 €/an | 285 €/an |
Process compact boues activées : 912 €/an | 775 €/an | 392 €/an |
Filtre à sable drainé : 185 €/an* |
* L’interprétation porte sur ce type de filtre qui reste très limité dans l’étude in situ Tarn pour en faire une conclusion définitive même si voisine d’une certitude par expérience générale dans d’autres régions françaises.
Cette réalité est loin des perceptions exprimées de bonne foi que l’on entend dans nos régions françaises dans la bouche de spécialistes locaux.
L’ANC est-il donc plus coûteux pour les particuliers qu’une solution d’assainissement collective ?
Certes, il n’existe pas en France un prix unique pour la redevance d’assainissement applicable au collectif mais de façon moyenne on constate que la redevance se situe autour de 3 €/m³ d’eau consommée avec un montant de redevance lors du branchement au réseau.
Ne considérons que la partie redevance ; pour une famille de 6 personnes la consommation oscille autour de 0,6 m³ par jour, soit 219 m³ par an, et une dépense annuelle de 657 €.
Ce coût de l’assainissement collectif pour les citoyens est tout à fait dans le même ordre de grandeur que celui de l’assainissement non collectif avec toutefois des conditions qu’il faut avoir le courage d’exprimer :
• choisir des produits d’ANC très développés au plan technique qui remplissent la mission de traitement performant, fiable et pérenne des eaux usées domestiques,
• assurer des réceptions d’installations qui éliminent les entrepreneurs non spécialistes qui ne voient l’ANC que comme « une poire pour la soif »,
• exploiter par des professionnels les installations d’ANC (visite annuelle systématique, lien avec un central d’alarmes, …).
Durée de vie | Coût annuel investissement | Coût annuel exploitation | Coût annuel total |
Filtre compact à copeaux de coco : 20 ans | 417 € H.T. | 285 € H.T. | 702 € H.T. |
Process à boues activées fixées : 30 ans | 278 € H.T. | 392 € H.T. | 670 € H.T. |
Filtre à sable drainé : 15 ans | 556 € H.T. | 185 € H.T. | 741 € H.T. |
réalisation de la maintenance programmée, faire les vidanges seulement lorsque c'est utile pour le fonctionnement de l’ouvrage),
• gérer l'ANC dans un seul service public d’assainissement avec une égalité de redevance pour tous les citoyens et un suivi strict des produits, des installations et de leur exploitation.
Satisfaire tous les industriels fabricants en leur attribuant des agréments pour des produits médiocres revient pour les professionnels à « se tirer une balle dans le pied ». Les succès commerciaux des produits médiocres (car souvent dans les prix les plus bas du marché), même éphémères, portent un immense tort à l’ANC dans son ensemble en lui conférant une image de service assainissement insuffisant.
Bien sûr, la responsable, me dira-t-on, est la norme NF EN 12566 que les États européens ne peuvent enfreindre ; mais qui donc a construit cette norme dans le consensus européen et qui, en 2016, agit avec force pour faire évoluer cette situation ?
L'ensemble des acteurs de l'ANC a une part de responsabilité dans les difficultés rencontrées ; ce n'est pas à cause de l’autre mais bien grâce à tous que nous en sommes là et c'est aussi grâce à tous que nous pourrons sortir par le haut de cette situation. La situation reste positive puisque, si les acteurs le décident, cet ANC peut en 2016 faire parler de lui seulement en bien ; nous avons tous les outils opérationnels pour concevoir, choisir, installer, réceptionner, exploiter et gérer l’ANC comme un service d’excellente qualité.
Il est urgent de chasser les croyances colportées par voie orale ; l'ANC est une science maîtrisée, à chacun de nous de l’assumer. N’attendons pas un miracle, retroussons-nous les manches et affichons les qualités de nos produits et services !!
Demain sera beau, demain sera grand.
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