La chaleur interne du globe se dissipe de façon régulière vers la surface de la Terre à raison de 0,45 kW/m²/an, en moyenne ; ce flux géothermique est toutefois modifié en fonction de la nature lithologique des terrains et en particulier de leur conductivité, mais on admet que le gradient thermique croît en profondeur de 3 °C par 100 m, en moyenne.
Dans certaines zones correspondant à des anomalies localisées, comportant notamment des volcans, des intrusions ou des structures de fossés d’effondrement, on assiste à une concentration du flux à des niveaux de température tels que l’échauffement produit génère de la vapeur ; c’est ce qu’on appelle la géothermie haute enthalpie telle qu’on la trouve par exemple dans le champ de Narderelo en Italie, et qui permet en général de fabriquer de l’électricité.
En dehors de ces zones privilégiées, la géothermie exploite dans les bassins sédimentaires la chaleur emmagasinée dans le sous-sol au cours des périodes géologiques pour des fins de chauffage. Il est toutefois nécessaire que les formations soient poreuses ou fissurées et contiennent des eaux en quantité suffisante qui se trouvent alors portées à la température des roches réservoirs.
Dans les bassins sédimentaires, comme celui de la région parisienne, les réservoirs présentent de grandes extensions sub-horizontales, mais moins étendues que celles que l’on trouve dans les socles anciens des Ardennes et du Massif central ou dans les zones plissées ou faillées, comme les Alpes et les Pyrénées.
Les installations géothermiques consistent donc essentiellement à capter ces eaux chaudes à l’aide de forages, puis à les réinjecter après refroidissement et passage dans un échangeur branché sur un réseau de chauffage. Cette énergie ne peut toutefois être exploitée de façon rentable que lorsque des besoins importants existent à proximité d’une ressource, ce qui est manifestement le cas en région parisienne, où le gisement, exploité de façon industrielle depuis quelques années, se situe dans les calcaires du Dogger à environ 1 800 à 2 000 m de profondeur. L’exploitation y est réalisée au moyen de doublets forés d’une même plate-forme, inclinés parfois jusqu’à 50° de façon à obtenir une distance suffisante, de l’ordre du kilomètre, entre le point de production et le point de réinjection, au niveau du gisement.
Compte tenu de la profondeur, il est nécessaire d’une part d’utiliser un matériel dérivé des techniques pétrolières, donc par principe relativement lourd, et d’autre part de forer en continu, c’est-à-dire 24 heures par jour et 7 jours par semaine. La réalisation de tels travaux en zone urbaine, à proximité des habitations, impose évidemment des servitudes particulières auxquelles les pétroliers ne sont pas habitués, et dont les principales sont les suivantes :
- – les plates-formes disponibles sont en général de dimensions modestes et de forme irrégulière ;
- – la proximité des zones d’habitations impose une insonorisation bien étudiée du chantier ;
- – l’évacuation des boues nécessite le choix parfois difficile d’un itinéraire approprié ;
- – les eaux chaudes provenant des essais doivent être conduites vers un égout « eaux pluviales ».
Le choix de l’appareil, monté en diesel-électrique, permet de s’affranchir de l’alignement rigide de la chaîne cinématique qui est le propre des appareils mécaniques, et aussi d’autoriser une plus grande souplesse d’implantation sur des plates-formes de forme irrégulière.
De plus, cette disposition permet de réduire efficacement le niveau sonore au niveau des groupes électrogènes des pompes et du treuil, bien que les puissances mises en jeu soient très importantes. On limite en outre la propagation des bruits de chantier en entourant les plates-formes de travail d’un bardage ad hoc, et en plaçant, du côté des habitations les plus proches, un écran constitué de containers empilés sur trois niveaux.
Le traitement de la boue fait l’objet de mesures particulières :
- — au niveau du « quartier boue », en utilisant des mud-cleaners bien plus efficaces que les desilteurs couramment employés dans le pétrole ;
- — en installant une station de traitements chimique et physique permettant, soit à l'aide d’une centrifugeuse, soit d'un filtre-presse adapté, de transformer les effluents en matériaux pelletables qu’il est alors possible d’évacuer dans des conditions tout à fait convenables en site urbain.
Enfin, il y a lieu de rappeler qu’au niveau des essais (qui se poursuivent au moins pendant 24 heures), un volume d’eau supérieur à 2 000 m³ et à une température atteignant 70 ° C est extrait du forage ; il est donc nécessaire de prévoir de grandes fosses dans lesquelles cette eau chaude est stockée provisoirement jusqu’à ce que sa température descende à 30 ° C et qu’elle puisse ainsi être évacuée, sans dommages, vers l’égout.
QUELQUES RÉALISATIONS RÉCENTES EN RÉGION PARISIENNE
Voici quelques exemples de forages exécutés en région parisienne, à proximité des habitations et qui, en raison des précautions prises, ont été bien supportés par le voisinage :
Site de Blanc-Mesnil Nord
L’opération comportait la réalisation d’un doublet comprenant deux forages inclinés à 35 ° en directions opposées, d'une profondeur verticale de 1 800 m, destiné à chauffer un ensemble d’habitations existantes dont les plus proches se situent à 100 m environ.
Site de Châtenay-Malabry
Là aussi, il s’agissait d’exécuter un doublet comprenant deux forages dirigés l’un à 30 °, l'autre à 45 °, en directions opposées, d’une profondeur verticale de l'ordre de 1 600 m, destiné à chauffer un ensemble de logements dont les plus proches se trouvent à 150 m environ.
[Photo : Châtenay-Malabry.]
[Photo : Fontainebleau.]
Site d’Aulnay-sous-Bois
Les travaux consistaient également à forer deux puits inclinés, l’un à 26 °, l’autre à 47 °, d'une profondeur verticale de 1 830 m, destinés à chauffer un quartier dont les plus proches habitations se trouvaient à 200 mètres du chantier.
[Photo : Aulnay-sous-Bois.]
Malgré la mise en œuvre de matériels lourds et d'une puissance inhabituelle dans les travaux publics, ces chantiers constituent de bons exemples de forages géothermiques réalisés en site urbain, en bonne intelligence avec les riverains.
Outre le fait que la géothermie permet de chauffer les locaux de façon économique et compétitive avec les autres sources d’énergie, il est certain que le fait de réaliser les travaux sans nuire à l'environnement urbain, avec des procédures et des moyens appropriés, contribuera au succès de son exploitation, en particulier dans la région parisienne où elle est partout disponible.