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Les capteurs intelligents au service de la mesure de niveau par bulle à bulle

30 novembre 1991 Paru dans le N°150 à la page 64 ( mots)
Rédigé par : Jean NEYROUD et Christian SAMé

La notion de capteur intelligent a été développée en France par un groupe de travail du CIAME (1) dont les conclusions ont été publiées en 1987 sous la forme d’un livre blanc. Des travaux analogues ont lieu dans la plupart des pays industrialisés et vont faire l'objet de propositions de normalisation internationale.

Le concept de capteur intelligent (« smart sensor ») repose sur l’association directe de l’élément sensible de mesure et des moyens micro-électroniques de traitement numérique des informations. Il s’agit là d’une retombée évidente des possibilités offertes par la technologie du silicium et la micro-informatique. Ce concept permet le développement du traitement numérique du signal et de la convivialité par le dialogue opérateur local, et la communication à distance par une interface numérique de type liaison série.

Il en résulte des avantages décisifs pour les performances du capteur :

  • * amélioration de la crédibilité des mesures, grâce à leur validation technologique et fonctionnelle ;  
  • * amélioration de la précision et/ou de l’élargissement de l’étendue de mesure, grâce à la numérisation locale et à la correction des imperfections de l’élément sensible et de l’effet des grandeurs d’influence ;  
  • * interactivité totale, grâce à l'interface numérique de série et au dialogue opérateur local ;  
  • * disponibilité renforcée, grâce à la validation technologique et aux fonctions d’auto-diagnostic.

Nous avons appliqué ce concept à la mesure de niveau par bulle à bulle et mis au point à cet effet une gamme de capteurs numériques interactifs multiparamètres.

[Photo : Limnimètre de type bulle à bulle utilisé dans une installation de mesure de niveau de nappe phréatique.]

(1) CIAME : Comité Interprofessionnel pour l'Automatisme et la Mesure.

Description et fonctionnement

Principe de base

La technique de mesure par la méthode « bulle à bulle » est basée sur l’interposition d’un matelas d’air entre le niveau du liquide à mesurer et l’élément sensible constitué par un capteur de pression (figure 1).

La pression de l’air (Pm) mesurée sur la membrane est équivalente à celle qui correspond à la hauteur du liquide (Ph). La mesure de cette pression permet de déterminer la hauteur du liquide, compte tenu de sa densité.

[Photo : Figure 1.]

Historique

Cette technique de base a été développée par nos soins depuis les années 50, à travers les sociétés Neyrpic et Neyrtec avec les appareils LAH2 et Telemnip diffusés dans le monde entier.

L’expérience acquise pendant plus de 40 ans permet aujourd’hui de fournir des capteurs modernes et performants dans lesquels les inconvénients d’origine ont disparu, comme on le voit ci-après.

Constitution d’un capteur bulle à bulle

Un capteur bulle à bulle est constitué de quatre éléments (figure 2) :

• prise de pression réalisant l’interface air/liquide, • capteur de pression mesurant la pression d’air, • régulateur de débit d’air, • réservoir d’air avec compresseur.

La mesure n’est pas affectée par la présence de sable ou de gravier tant que le fluide reste newtonien, c’est-à-dire avec deux phases liquides et solides séparées. Cette méthode de mesure échappe donc complètement aux problèmes liés à la présence de matières en suspension ou déposées, aux sels dissous, à l’existence de corps flottants ou de mousses.

La présence de l’air assure une séparation physique parfaite entre l’élément sensible du capteur et le milieu de mesure, ce qui autorise un fonctionnement permanent dans des eaux chargées et/ou chimiquement agressives.

[Photo : Un limnimètre (avec son compresseur et sa réserve d’air).]

Ce système supporte sans dommage la mise hors d’eau de la prise de pression.

La perte de charge dans le tube de liaison pneumatique, qui peut atteindre 100 m de longueur sans problèmes, est d’autant plus négligeable que le débit est faible. Un tel dispositif est parfaitement insensible aux perturbations électromagnétiques dues à la foudre.

Principaux inconvénients

Les principaux inconvénients des appareils fonctionnant sur ce principe sont liés au circuit pneumatique :

• lourdeur, en poids et en énergie, du générateur d’air (compresseur + réservoir) ; • erreurs de mesurage dues au débit d’air variable en fonction du niveau mesuré. En effet, ce débit est défini par une restriction fixe pour une hauteur d’eau moyenne ; pour les valeurs supérieures, le débit d’air décroît proportionnellement à la pression hydrostatique, ainsi que la perte de charge de la tuyauterie ce qui entraîne une erreur importante ; • tendance au colmatage en raison de l’absence de purge automatique du circuit pneumatique.

Il faut également signaler les inconvénients propres aux capteurs de pression habituellement utilisés (manomètres à colonne de mercure ou balance de pression) : réalisation délicate, encombrement important, dérives en température nécessitant un local climatisé.

Progrès réalisés grâce au concept de capteur intelligent

L’application du concept de capteur intelligent a permis de réaliser des progrès importants, qui valorisent la méthode de mesure de niveau par injection d’air.

Circuit pneumatique

Nous avons réalisé un bloc pneumatique autonome de très faible encombrement, d’un volume inférieur à 500 cm³ incluant une réserve d’air et le compresseur.

Un microprocesseur contrôle et pilote les fonctions essentielles :

• débit d’air constant supprimant l’erreur due à la perte de charge, celle-ci restant constante en valeur absolue et pouvant être corrigée par le calculateur. Le débit d’air très faible (1 bulle par seconde) est assuré par un microprocesseur, associé à une réserve de 500 cm³, ce qui conduit à un bloc pneumatique miniature et fiable consommant peu d’énergie (6 mA en moyenne) ;

• asservissement de la pression d’injection d’air Pinj permettant de réagir rapidement aux variations de hauteur d’eau et autorisant des longueurs

[Photo : Figure 2]
[Photo : Figure 3]
  • importantes du tube de prise de pression (de l’ordre de 100 m) ;
  • • purge automatique du circuit pneumatique par injection forcée d’air comprimé.

À cet effet, le compresseur fonctionne à la pression maximum et une électrovanne permet de shunter le régulateur de débit. Un très fort débit d’air est ainsi envoyé dans la prise de pression (pendant cette opération, la mesure de la pression d’injection est interrompue).

Traitement des mesures

On utilise, pour la mesure des pressions P et Pi, des capteurs silicium micro-usinés présentant une très bonne stabilité dans le temps.

Afin de maîtriser complètement les paramètres de qualité de la mesure, sont prises en compte les grandeurs d’influence mesurables :

  • • tension d’alimentation,
  • • température des capteurs,
  • • tension de référence,
  • • offset des capteurs.

Cela permet de compenser, lors de chaque opération, les erreurs pouvant provenir des éléments de la chaîne de mesure.

Les compensations numériques sont obtenues en définissant les paramètres d’un modèle mathématique du 1ᵉʳ degré (figure 3) qui tient compte des écarts de pente et de décalage d’origine du capteur de pression et des effets de la température sur ce capteur de pression et la chaîne de conversion. Les valeurs correspondantes sont définies, pour chaque appareil, par un étalonnage dans la gamme utile de pression et dans les plages de températures (−20 °C, +20 °C, +60 °C), à l’aide d’un générateur étalon de pression (de précision 10⁻⁴) et d’une étuve « chaud-froid ».

La séquence d’étalonnage est automatisée et permet d’obtenir des appareils dont la précision garantie est de 10⁻³ de la pleine échelle, avec une dérive à long terme pratiquement non décelable après plusieurs années.

Validation technologique et auto-diagnostic

Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, les grandeurs d’influence sensibles sont mesurées afin de calculer les coefficients de correction, mais également pour vérifier la validité des conditions de mesure.

Pour cela, les valeurs des mesures principales et secondaires sont surveillées par rapport à des valeurs limites, soit :

  • • pression d’injection d’air inférieure à 110 % de la pleine échelle du capteur,
  • • pression dans la réserve Pr > ΔP ou Pr < 110 % PE + ΔP,
  • • taux de fonctionnement du compresseur inférieur à 10 %,
  • • température dans la gamme (−20 °C, +60 °C),
  • • tension d’alimentation comprise entre 10,8 V et 14,4 V, etc.

Il est ainsi possible de valider les résultats et donc de s’assurer de la crédibilité des mesures. D’autre part, en cas d’incident, la cause du défaut peut être détectée avec une quasi-certitude, et l’utilisateur en est informé : c’est la fonction d’auto-diagnostic. Les mesures validées peuvent être surveillées par rapport à des seuils fonctionnels classiques (avec ou non sortie sur relais).

Convivialité

Les appareils disposent tous de moyens de communication :

  • • sur le plan local, par un affichage alphanumérique à 16 caractères, associé à un clavier à touches. Par ce moyen, l’opérateur peut visualiser et, éventuellement, modifier la valeur des mesures et des paramètres d’exploitation. Cette opération est protégée par un code d’accès ;
  • • à distance, par une interface numérique série, qui permet le couplage par modem au réseau téléphonique commuté. Le protocole d’échange permet un accès simple au moyen d’un terminal Minitel, ou avec un micro-ordinateur compatible IBM ou Apple et un logiciel de gestion de base de données.

Un limnimètre pneumatique présentant des performances métrologiques remarquables a été réalisé sur ces bases. Dans un encombrement très réduit (DIN 144), avec une très faible consommation d’énergie et pour un coût comparable aux autres moyens de mesure, il permet d’obtenir une meilleure précision, avec une disponibilité constante. Plusieurs centaines d’appareils de ce type sont en service actuellement.

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