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Les bruits d'origine hydraulique dans les installations de pompage

29 mai 1987 Paru dans le N°110 à la page 47 ( mots)
Rédigé par : R. CANAVELIS

L’apparition de nouvelles règles d’hygiène imposées par la législation du travail en vue de la protection du personnel ainsi que les contraintes d’environnement accrues tendant à minimiser les nuisances dans le voisinage immédiat des installations ont conduit à l’introduction récente, dans les cahiers des charges relatifs aux équipements hydrauliques, de clauses spécifiques imposant un niveau limite de bruit.

Face à ce problème, trois questions essentielles se sont posées que nous examinerons ci-après :

  • — comment fixer un niveau limite de bruit,
  • — comment prévoir et garantir le niveau de bruit d’un matériel,
  • — comment vérifier le respect des garanties in situ.

DÉTERMINATION D’UN NIVEAU LIMITE DE BRUIT

Pression acoustique aérienne

L’oreille humaine est physiologiquement sensible à la pression acoustique p.

Le niveau de pression acoustique « vrai » est donné par l’expression :

Lp = 10 log (p/p₀) exprimé en dB où p₀ = 2 × 10⁻⁵ Pascal.

Le niveau de pression acoustique « usuel » est donné par l’expression :

Lp = 20 log (p/p₀).

Les cahiers des charges fixent l’une et/ou l’autre des grandeurs suivantes :

  • — Lp : niveau de pression acoustique en divers points autour d’une machine,
  • — Lp : niveau de pression acoustique moyen obtenu en faisant la moyenne des valeurs ponctuelles,
  • — Lp ou Lp exprimés en bruit global pondéré,
  • — Lp ou Lp exprimés en bruit par bandes de fréquence.

Intensité et puissance acoustiques aériennes

L’intensité acoustique « vraie » est définie par la relation :

I = p V, où V : vitesse particulaire acoustique.

Le niveau d’intensité acoustique « vrai » est défini par :

Li = 10 log (I/I₀) avec I₀ = 10⁻¹² W/m².

Dans le cas particulier d’une onde progressive en champ lointain, on peut écrire :

I = p² / C, C étant l’impédance acoustique du milieu.

De façon générale, on définit le niveau d’intensité « apparente » par la relation :

Li = 10 log (Iₐ/I₀) = Lp.

La puissance acoustique moyenne W rayonnée à travers une surface S entourant une machine est donnée par la relation :

W = Σ Iᵢ ΔSᵢ

et le niveau de puissance acoustique est défini par :

Lw = 10 log (W/W₀) dans laquelle W₀ = 10⁻¹² W.

Dans les cas pratiques courants, on assimile Iₐ à I et l’on obtient le niveau de puissance acoustique « apparente » à l’aide de la relation :

Lw = Lp + 10 log S.

Les cahiers des charges fixent l’une et/ou l’autre des grandeurs suivantes :

  • — Lw exprimé en puissance acoustique globale pondérée,
  • — Lw exprimé en puissance acoustique par bandes de fréquences.

Bruit hydraulique

On appelle bruit hydraulique l’ensemble des ondes propagatives émises dans le liquide et provenant de fluctuations de pression quasi instantanées qui se propagent à vitesse sonique. Comme pour le bruit aérien, on peut définir un niveau de pression acoustique donné par la relation :

Lpₕ = 20 log (p/p₀) où p₀ = 0,1 Pascal.

Des niveaux de fluctuation de pression sont parfois imposés dans les cahiers des charges relatifs aux pompes de grande puissance (pompes alimentaires de poste d’eau, pompes d’accumulation).

BRUIT ENGENDRÉ PAR LES MATÉRIELS HYDRAULIQUES

Dans une installation de pompage, les sources de bruit les plus gênantes sont souvent étrangères à l’équipement hydraulique proprement dit (pompes, robinetterie, singularités de circuits, conduites) et davantage liées au matériel d’entraînement (moteurs, turbines, réducteurs, etc.). Ceci explique que l’intérêt porté aux bruits d’origine hydraulique soit relativement récent…

Mécanisme de génération du bruit aérien d’origine hydraulique

La puissance acoustique rayonnée par un élément de structure mécanique est directement liée aux vibrations de cet élément qui met en mouvement les molécules d’air voisines, par la relation :

W = σ e C S v²

où l’on a : S = surface rayonnante, v = vitesse moyenne vibratoire de la surface, σ = coefficient de rayonnement dépendant de la géométrie et du domaine de fréquences.

Le mouvement vibratoire de la structure est lui-même déterminé à partir de la connaissance des forces hydrauliques appliquées et de l’admittance A de la structure. A dépend de la distribution des masses, des raideurs et des amortissements :

V = A F

[Photo : Fig. 1 — Variation du bruit d'une pompe en fonction du régime de fonctionnement — d’après [1] —.] [Photo : Fig. 2 — Evolution du niveau de bruit d'une pompe en fonction de son NPSH — d’après [2] —.]

Enfin, les forces hydrauliques excitatrices sont la conséquence directe des fluctuations de pression dans le liquide ; de là, la nécessité de bien connaître les comportements hydrauliques internes des matériels concernés.

Génération du bruit dans les pompes

Bruit lié au comportement mécanique

Un certain nombre de sources de bruit sont d'origine essentiellement mécanique mais le liquide intervient malgré tout en tant qu’élément passif : inertie, élasticité, amortissement. On peut citer notamment : les vibrations de lignes d’arbres en flexion ou torsion (vitesses critiques), celles qui sont dues aux balourds résiduels, aux désalignements, ou à des instabilités de paliers.

Bruit lié aux macroturbulences

Les macroturbulences des écoulements internes apparaissent plus particulièrement dans les régimes de fonctionnement hors adaptation (c’est notamment le cas du fonctionnement des pompes à débit partiel comme l'indique la figure 1) ou dans le cas de conditions d’alimentation non uniformes. Les fluctuations de pression aléatoires qui en résultent excitent les structures de la pompe sur une large plage de fréquences. Ces structures répondent alors en fonction de leurs modes propres et, parfois, de façon très intense.

Bruit de cavitation

Le bruit hydraulique interne engendré par l'implosion des poches de vapeur donne naissance à une énergie acoustique rayonnée sur une très large plage de fréquences jusqu'à plusieurs centaines de kHz. Le bruit hydraulique ou aérien émis dans de telles conditions est étudié systématiquement en plateforme d’essai en fonction des paramètres de fonctionnement de la pompe : débit, N.P.S.H., vitesse de rotation (figure 2).

Bruits de caractère périodique associés à la vitesse de rotation

Le mouvement relatif des aubes mobiles de la roue par rapport aux parties fixes du corps de pompe engendre des fluctuations périodiques de pression dont les fréquences fondamentales sont des multiples de la vitesse de rotation par des nombres d’aubes mobiles ou d’ailettes fixes. Le niveau de bruit hydraulique engendré dans les bandes étroites de fréquence correspondantes peut être estimé à l’aide de formules théoriques ou semi-empiriques inspirées de la formule de Simpson et Clark :

L_{pH} = K1 + 20 \log (Q H / N S w R² b)

dans laquelle :

  • K1 : constante dépendant des unités,
  • Q, H : débit et hauteur de la pompe,
  • N S : vitesse spécifique et vitesse de rotation,
  • R, b : rayon et largeur de sortie d’une roue centrifuge.

Chaque constructeur possède en outre un certain nombre de recettes faisant intervenir les paramètres géométriques de conception des pompes.

— Résultats statistiques.

La littérature technique fait état de nombreuses formules statistiques globales (figures 3 et 4) de la forme :

L_p = A + B \log N W

L_w = C + D \log W − E \log N

dans lesquelles N = vitesse de rotation et W = puissance hydraulique.

[Photo : Fig. 3 — Loi statistique du niveau de pression acoustique aérienne L_p des pompes — d’après [3] —.]

Génération du bruit dans la robinetterie et singularités de circuits

Bruit lié aux macroturbulences

Les fluctuations de la pression engendrées par les macroturbulences (sillages, décollements, tourbillons) peuvent être aléatoires ou présenter des composantes périodiques.

[Photo : Fig. 4 — Lois statistiques du niveau de puissance acoustique aérienne des pompes — d'après (3) —.]

Les fluctuations aléatoires excitent les structures sur une large bande de fréquence et peuvent créer avec ces dernières des couplages hydroélastiques entraînant des résonances dangereuses.

Dans d’autres cas, les décollements en aval d’une singularité présentent un caractère périodique qui peut entrer en résonance soit avec les structures avoisinantes, soit avec des structures plus lointaines s’il y a émission d’une onde hydro-acoustique propagative. C’est un cas fréquent de vibrations et d’émission importante de bruit.

Bruit de cavitation

L’implosion de poches de cavitation émet une énergie hydro-acoustique sur une très large bande de fréquence et accroche très souvent un mode propre de vibration des organes avoisinants. C’est souvent le mécanisme générateur de bruit essentiel dans les singularités.

Génération du bruit dans les conduites

Superposition d’ondes propagatives

La combinaison des ondes incidentes ou réfléchies issues des multiples sources peuvent se combiner pour donner lieu à des ondes quasi stationnaires. Les fluctuations de pression périodiques ainsi créées peuvent donner lieu à des phénomènes de résonance importants dans les conduites en accroissant très fortement le rayonnement acoustique des installations.

Résonance des colonnes liquides

Les fluctuations de pression périodiques dans les conduites peuvent également mettre en résonance les colonnes liquides elles-mêmes pour lesquelles il peut s’avérer utile d’effectuer un calcul prévisionnel des modes propres de vibrations.

MESURE DU BRUIT

VERIFICATION DES GARANTIES

Pression acoustique aérienne (Lp)

Les mesures sont effectuées à l’aide d’un sonomètre sur une surface entourant la source de bruit. En milieu industriel, on est obligé de corriger les mesures ainsi réalisées pour tenir compte du bruit de fond et des réverbérations. La mesure devient impossible en présence d’une source parasite de haut niveau sonore.

Puissance acoustique aérienne apparente (LW)

Les mesures existantes permettent de définir LW à partir de Lp mais les hypothèses de validité sont rarement toutes vérifiées : champ lointain, champ libre, surface de mesure normale à T, pas de sources perturbatrices.

Puissance acoustique aérienne vraie

Sa détermination nécessite la mesure de l’intensité vraie en tout point et la mise en œuvre d’un matériel relativement sophistiqué, mais on peut ainsi évaluer une puissance acoustique même en ambiance bruyante. La méthode intensimétrique permet en outre de mieux localiser l’origine physique des bruits.

Bruit hydraulique

Le bruit hydraulique émis par un matériel dans le liquide peut être mesuré de deux manières. Une première méthode consiste à isoler l’appareil concerné du reste du circuit à l’aide de terminaisons anéchoïques ; ce procédé n’est en principe utilisable qu’en laboratoire. La seconde méthode consiste à disposer deux ou trois capteurs de pression instationnaires en série de manière à effectuer une mesure intensimétrique comme dans le cas de l’intensimétrie aérienne.

CONCLUSION

Les exploitants d’installations de pompage tendent de plus en plus souvent à imposer un niveau de bruit limite lié au fonctionnement des équipements hydrauliques.

Les constructeurs se sont progressivement dotés de moyens d’études et d’outils prévisionnels pour mieux maîtriser le niveau de bruit aérien émis par leur propre matériel. Malheureusement, les normes actuellement en vigueur permettent rarement de mesurer de façon satisfaisante le bruit intrinsèque d’une machine dans son environnement industriel. Les développements récents de la méthode intensimétrique devraient permettre néanmoins dans la plupart des cas de caractériser la puissance acoustique aérienne vraie d’une machine, même en ambiance industrielle perturbatrice ; cette méthode ne fait cependant pas encore l’objet de normes.

Cependant, l’utilisateur est bien obligé de constater que la puissance ainsi déterminée n’est qu’une faible partie de la puissance acoustique totale émise par l’ensemble de l’installation vers un point d’écoute. La prévision complète du niveau de bruit en un point nécessite, en effet, de prendre en compte le rayonnement acoustique de toute l’installation, lequel est engendré en grande partie par les flux énergétiques acoustiques émis par les différents matériels hydrauliques à travers le liquide ou les structures solides.

On peut donc dire que dans les années à venir, un énorme effort reste à faire, d’une part par les constructeurs pour mieux caractériser les bruits aériens, hydrauliques et de structure émis par leurs matériels et, d’autre part, par les ensembliers pour mieux prévoir le champ sonore aérien résultant issu de ces diverses composantes.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

(1) J. TOURRET : Quelques problèmes associés à l’étude du rayonnement acoustique d’un circuit de pompes centrifuges — Congrès F.A.S.E. 75 — Paris.

(2) J. TOURRET : Le bruit des installations hydrauliques industrielles C.E.T.I.M. — Informations n° 48 — 1976.

(3) P. PEMPIE, M. METAIL : Prédiction du bruit des pompes centrifuges — La Houille Blanche n° 8 — 1985.

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