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Les bioaérosols en plateforme de compostage : quels risques pour le personnel ?

30 juillet 2007 Paru dans le N°303 à la page 87 ( mots)
Rédigé par : Olivier SCHLOSSER

Les bioaérosols en plate-forme de compostage sont un mélange complexe d'agents biologiques, en des concentrations dans l'air variables mais pouvant atteindre des niveaux très élevés. L?évaluation des risques de leur inhalation par le personnel est limitée par le peu d'informations disponibles sur l'exposition réelle des employés, c'est-à-dire de mesures d'exposition individuelle. Il est fort probable que cette exposition soit responsable d'un excès de risque de symptômes temporaires d'irritation des muqueuses respiratoires et des conjonctives, mais les données disponibles sont insuffisantes concernant le risque de maladies allergiques et celui d'une altération de la fonction respiratoire à long terme. Souvent évoqué, le risque d'infection grave à moisissures, et notamment d'aspergillose pulmonaire, est quasi nul dans cette population. Les études à venir devraient s'attacher à mieux caractériser les expositions et surveiller la fonction respiratoire à long terme.

Les bioaérosols sont des particules aéroportées d'origine biologique, microbienne, animale ou végétale. Depuis une trentaine d’années, l'intérêt des scientifiques et pouvoirs publics vis-à-vis de l’exposition aux bioaérosols a été grandissant. Cet intérêt est dû en particulier à la mise en évidence de relations entre l’exposition aux bioaérosols dans certains environnements professionnels ou résidentiels et une large gamme d’effets sanitaires, avec parfois un impact majeur en santé publique. Les effets sanitaires des bioaérosols sont ainsi apparus comme un risque émergent, associé notamment au développement de secteurs industriels dans lesquels l’exposition du personnel aux bioaérosols peut être importante. Parmi ces secteurs industriels, les filières de gestion des déchets, et particulièrement celles du compostage et des sta-

[Photo : Broyage de déchets verts.]

Les stations d’épuration, ont attiré l’attention des scientifiques, d’associations de riverains, des pouvoirs publics et des médias. L’évaluation des expositions professionnelles et environnementales et des risques sanitaires associés à la gestion des déchets et des eaux usées a fait l'objet de nombreuses publications scientifiques, et celle relative au compostage en particulier a justifié la demande de plus d'une douzaine de rapports, notes techniques, ou programmes d’étude par les institutions ou administrations de pays européens ou nord-américains depuis le début des années 90. En France, dans le souci de faciliter la pérennité de la filière, l'ADEME a lancé en 2006 un appel d'offres à projets de recherche sur le thème des risques sanitaires et environnementaux des émissions du compostage. Plusieurs projets concernant l’émission et la dispersion des bioaérosols ont été retenus, confirmant l'attention des pouvoirs publics sur cette question.

Plusieurs arguments incitent les entreprises du compostage à mettre en œuvre une évaluation et une gestion des risques sanitaires liés aux bioaérosols. Tout d’abord, l’employeur se soucie des conditions de travail de ses salariés et de leur santé. Au-delà de sa responsabilité morale, il n'ignore pas les conséquences négatives sur la production et sur l'image de la société qu’entraîneraient des risques sanitaires non maîtrisés chez le personnel. Un bon état de santé apparent des salariés du site a de plus un impact psychologique positif sur les populations environnantes. Ensuite, ces démarches sont encadrées par des dispositions réglementaires précises : l'employeur a l’obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé de ses salariés (directive cadre n° 89/391/CEE) ; et, concernant les risques pour les riverains, il s’agit en France de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement qui s’applique aux installations de compostage soumises à autorisation et qui prévoit la réalisation d'une étude d’impact sanitaire. Enfin, certaines pathologies chez les salariés du compostage sont prises en charge par les régimes de sécurité sociale au titre de maladie professionnelle, et donc imputées à l’employeur. C'est le cas de certaines maladies respiratoires allergiques (les pneumopathies d’hypersensibilité, tableau 66 bis du Régime Général).

L'objectif de cet article est de faire le point sur les connaissances acquises à ce jour en abordant les questions suivantes : quels sont les agents biologiques d’intérêt sanitaire dans l'environnement des plates-formes de compostage ? Quelles sont les données d’observation publiées concernant les effets sanitaires des bioaérosols chez le personnel du compostage ? Quelle est l'importance des niveaux d’exposition mesurés en plate-forme de compostage ? Les données publiées suggèrent-elles un excès de risques chez le personnel exposé aux bioaérosols en plate-forme de compostage ? La conclusion dégagera les lacunes persistantes et les perspectives à développer.

Les agents biologiques dans les aérosols du compostage et leurs effets sanitaires

D’un point de vue qualitatif, le contenu microbien des aérosols issus du compostage est le reflet de celui des matériaux en compostage, auquel s’ajoute celui, naturel, de l'environnement ambiant. Le contenu microbiologique des matières premières dépend de la nature de ces dernières et est résumé dans l'encadré ci-dessous.

De façon très simplifiée, le procédé de compostage se traduit d'une part par le développement des flores bactériennes et fongiques thermophiles (actinomycètes thermophiles, Bacillus, Thermus, Aspergillus et Penicillium sont les genres qui prédominent) lors de la phase de fermentation active, et d’autre part par l’inactivation partielle des pathogènes fécaux lors de cette phase et de celle de stabilisation qui lui succède (CAREPS 2002, Swan 2003). La réduction de la température lors de la phase de maturation entraîne une prédominance des moisissures et actinomycètes mésophiles. Les agents biologiques aéroportés présents dans les aérosols émis par les installations de compostage regroupent des micro-organismes vivants et morts, des fragments de ces micro-organismes et les allergènes, toxines, constituants et métabolites qui leur sont associés (Rylander 1994). Ces micro-organismes et constituants

[Encart : Contenu microbien des matières premières (Dutkiewicz 1988, Jager 1997, Lacey 1997) Les boues de stations d’épuration contiennent en particulier des micro-organismes d'origine fécale, bactéries, virus, parasites et champignons. Certains de ces micro-organismes sont des germes pathogènes pour l'homme et/ou l’animal (entéropathogènes). Les coproduits structurants (déchets verts, écorces, sciures, palettes, résidus agricoles) contiennent en particulier des bactéries Gram négatif, et Gram positif non sporulées ou sporulées, des bactéries filamenteuses actinomycètes mésophiles et thermophiles (ces bactéries Gram positif ont un mycélium qui donne naissance à des spores qui se détachent facilement et sont dispersés par l’air) et des moisissures se développant sur l'herbe et les plantes vivantes ou dans les matières végétales stockées et en décomposition. Les déchets ménagers et biodéchets sont riches en bacilles Gram négatif et en moisissures de décomposition. Des bactéries Gram positifs peuvent également être identifiées. La présence d’excréments (couches-culottes, déchets d’animaux de compagnie) explique la présence possible de pathogènes fécaux dans les déchets ménagers (bactéries, virus, parasites). Les résidus des installations agricoles d’élevage contiennent en particulier une flore d'origine fécale et donc potentiellement des entéropathogènes. Des bactéries Gram positif peuvent être présentes dans ces matières premières d'origine animale. Les sous-produits agricoles et agroalimentaires sont riches en bactéries (bacilles Gram négatif en particulier) et en moisissures de décomposition.]

sont parfois à l’état libre, mais souvent agrégés entre eux et/ou fixés sur une particule. Aucun de ces agents biologiques n’est spécifique du compostage, et tous peuvent être identifiés dans l’air extérieur « normal ». La principale différence concerne le niveau de leur concentration dans l’air.

L’identification des dangers pour la santé du personnel de compostage exposé aux bioaérosols repose sur une sélection des agents biologiques fondée sur des considérations médicales. Les agents biologiques peuvent être transmis au travers de trois voies principales :

  • l’inhalation, qui expose les muqueuses des voies aériennes et les poumons en fonction du diamètre aérodynamique des particules. L’inhalation peut également entraîner une contamination digestive : les particules les plus grosses (diamètre aérodynamique supérieur à 10 µm) s’impactent au niveau des voies aériennes supérieures et peuvent être dégluties secondairement ;
  • l’ingestion, essentiellement par l’intermédiaire des mains sales portées à la bouche ou par projection sur le visage, et également à partir des particules inhalées comme décrit ci-dessus ;
  • le contact avec la peau et les muqueuses, notamment les conjonctives.

L’inhalation est de loin la voie de transmission principale des agents biologiques présents dans l’air. Le dépôt des particules aéroportées sur la peau et les muqueuses peut également représenter une voie de transmission cutanée, conjonctivale, voire digestive, mais certainement accessoire face à un contact direct avec les matières ou par l’intermédiaire des mains sales.

Les effets sanitaires de l’inhalation de bioaérosols sont de deux types : infectieux, et non infectieux, c’est-à-dire allergiques et inflammatoires (Rylander 1994, Douwes 2003). Les infections respiratoires sont essentiellement dues aux moisissures, et l’espèce la plus fréquente en médecine humaine est Aspergillus fumigatus. Il est important de souligner le caractère opportuniste des moisissures : le risque d’infection est étroitement associé à la présence de facteurs de risque individuels, qu’il s’agisse de dépression immunitaire concernant le risque d’aspergillose pulmonaire ou invasive, ou d’une cavité pulmonaire séquellaire de tuberculose ou de sarcoïdose concernant le risque d’aspergillome, boule mycélienne liée à la germination des spores. Des infections digestives peuvent survenir à la suite de la contamination par des germes pathogènes fécaux présents dans les boues, surtout transmis par les mains sales. Des infections cutanées sont possibles suite à des blessures ou à la surinfection de dermatoses pré-existantes comme un eczéma.

En réalité, le risque sanitaire qui doit en particulier retenir notre attention concernant l’inhalation de bioaérosols est celui des effets inflammatoires et allergiques sur l’appareil respiratoire. Cet aspect a fait l’objet de nombreuses publications dans d’autres secteurs professionnels comme ceux de l’agriculture et de l’élevage, de l’industrie du bois, de celle du coton et du textile. Les résultats des enquêtes épidémiologiques soutiennent l’hypothèse d’effets inflammatoires des bioaérosols sur les muqueuses respiratoires et oculaires. Les manifestations respiratoires inflammatoires, cliniques et fonctionnelles, sont habituellement modérées et transitoires (irritation du nez, de la gorge, toux, sifflements, diminution du débit expiratoire). Pour des niveaux d’exposition plus importants, on peut observer des manifestations générales (fièvre, fatigue excessive, douleurs musculaires et articulaires) et pseudo-grippales avec toux disparaissant spontanément dans les 24 à 48 heures, appelées syndrome toxique des poussières organiques (STPO). Il s’agit de manifestations aiguës, dont la nature et l’importance sont dose-dépendantes. Néanmoins, les résultats de plusieurs études épidémiologiques chez des fermiers et des ouvriers de l’industrie du bois suggèrent qu’une exposition prolongée pourrait entraîner des manifestations respiratoires chroniques de type bronchite chronique et une altération de la fonction respiratoire (Rylander 2006). Les agents biologiques responsables de ces manifestations inflammatoires seraient essentiellement les composants de la paroi microbienne : endotoxines bactériennes en particulier, peptidoglycanes, (1-3)-β-D-glucanes, et les moisissures.

Les manifestations allergiques observées lors de l’inhalation de bioaérosols relèvent de plusieurs mécanismes immunitaires. Il s’agit essentiellement d’une part d’asthme, de rhinites et conjonctivites allergiques.

Tableau 1 : Relations entre micro-organismes, constituants et métabolites, et effets sanitaires non infectieux

Micro-organismes Constituants Inflammation Allergie Autres
Bactéries Gram négatif, Bactéries Gram positif, Actinomycètes Endotoxines + + +
Antigènes + +
Peptidoglycanes +
Moisissures Antigènes ? modulateur +
(1→3)-β-D-glucanes + +
Mycotoxines +
[Photo : Moisissures dans un compost en début de maturation.]
[Photo : Fosse de réception des boues de station d’épuration.]

(Seedorf 2004), dont la survenue est favorisée par l'atopie, prédisposition génétique, et d’autre part de pneumopathie d’hypersensibilité ou alvéolite allergique extrinsèque, maladie caractérisée par une infiltration inflammatoire des cloisons entre les alvéoles pulmonaires (Dalphin 2005), souvent de nature professionnelle car nécessitant des niveaux d’exposition très élevés. Les micro-organismes liés à ces manifestations allergiques sont les actinomycètes thermophiles et les moisissures.

Les autres agents biologiques non infectieux présents dans l'air des plate-formes de compostage sont les composés organiques volatiles microbiens (COVM) et les mycotoxines. Le problème principal des COVM est celui des odeurs associées, et les quelques données d’exposition publiées suggèrent que le risque sanitaire pour le personnel est faible (Swan 2003). Concernant les mycotoxines, sécrétées par certaines souches de moisissures et dans certaines conditions, les données concernant leur présence dans les aérosols du compostage et leurs effets par inhalation restent peu nombreuses.

Les relations entre les micro-organismes, leurs constituants, et les effets sanitaires associés sont résumés dans le tableau 1.

Il est intéressant de souligner que, à côté de ces effets délétères, des effets bénéfiques de l’exposition aux bioaérosols, et en particulier aux endotoxines, sont suggérés par certains auteurs (Lange 2003, Rylander 1990). Il s'agirait d’une part d’une protection contre le développement de l'allergie et d’autre part d'un effet protecteur contre le risque de cancer du poumon. Des études supplémentaires sont toutefois nécessaires pour valider ces hypothèses.

Quelles sont les données d’observation publiées concernant la santé du personnel de compostage ?

Les données d’observation de symptômes et maladies survenus chez le personnel de compostage proviennent de la description de cas cliniques et de la réalisation d’études épidémiologiques. Un intérêt essentiel de la description de cas cliniques dans une population est de soulever ou soutenir l’hypothèse de la possibilité de survenue de ces maladies dans ce groupe de population. Néanmoins, il faut rappeler qu’elle n’a pas valeur de preuve ni d'intérêt statistique. Une quinzaine d’observations de pathologies survenues chez des employés de plate-forme de compostage, utilisateurs de compost et plus accessoirement chez un résident, ont été publiées depuis le début des années 1980 (CAREPS 2002, Swan 2003). Parmi ces observations, six sont des cas de maladies allergiques à moisissures (A. fumigatus) ou à actinomycètes, une observation est un cas de STPO, un cas est mal caractérisé (pneumopathie d’hypersensibilité ou STPO), et une observation est un cas d'otite à A. niger. Quatre cas d’aspergillose pulmonaire ont été décrits, mais il est intéressant de noter que trois sont atypiques en ce sens qu’ils sont survenus sans immunodépression connue chez le patient. Cette particularité a probablement contribué à faciliter leur publication, et en aucun cas ces trois observations ne constituent la preuve d’un risque professionnel spécifique chez des employés du compostage immunocompétents. Un enseignement majeur de ces cas cliniques publiés est la confirmation de la présence des facteurs de risque connus pour ces maladies allergiques : un niveau d’exposition très élevé (plus de 10⁶ unités formant colonies/m³, ufc/m³) en moisissures ou actinomycètes dans le cas des pneumopathies d’hypersensibilité (Bünger 2007), et l’existence d’un terrain asthmatique dans les cas d'aspergillose broncho-pulmonaire allergique (Kramer 1989).

L’épidémiologie décrit la fréquence et la distribution des maladies dans des groupes de population et étudie la relation avec des déterminants. Dans le domaine du compostage, une vingtaine d'études épidémiologiques ont été publiées (CAREPS 2002, Swan 2003), de qualité inégale, souvent sur la base de questionnaires. La principale conclusion de ces études est la mise en évidence dans plusieurs d'entre elles d’une augmentation du risque de signes d'irritation des muqueuses des voies aériennes supérieures (nez, gorge) et des yeux. Ces données soutiennent l'hypothèse d’effets inflammatoires liés à l'exposition aux bioaérosols, confirmée par les résultats d’examens biologiques réalisés dans quelques-unes de ces études. En revanche, les données de ces études ne permettent pas d’établir un excès de risque de maladies allergiques (asthme, pneumopathie d’hypersensibilité) chez le personnel de compostage, même s'il existe chez les employés des stigmates biologiques (immunoglobulines) témoignant de fortes expositions stimulant le système immunitaire. Il est également intéressant de noter que plusieurs auteurs ont observé dans leur étude un nombre significativement plus faible de sujets avec des antécédents d'asthme ou d’allergie parmi les employés du compostage que dans le groupe témoin. Ceci suggère un “effet du travailleur en bonne santé”, biais de sélection bien connu en épidémiologie professionnelle, lié au fait que certains sujets ont changé de travail en raison d'une mauvaise tolérance du poste et n’ont ainsi pas été inclus dans l’étude. Les quelques résultats concernant la mesure de la fonction respiratoire sont divergents. Une augmentation du risque de diarrhée et de troubles cutanés est indiquée dans plusieurs études.

en faveur d'un excès de risque de maladies infectieuses graves chez le personnel de compostage. Peu d'études associent niveaux d’exposition du personnel et données de santé, et l’analyse de la relation dose-réponse est limitée.

Les niveaux d’exposition aux bioaérosols en plate-forme de compostage

L’évaluation des expositions est une étape essentielle de la démarche d’évaluation des risques sanitaires, et dans un premier temps, permet une comparaison avec les niveaux de base à l’extérieur et ceux mesurés dans d'autres secteurs professionnels. La compilation des données d’une quarantaine d’études et de rapports disponibles indique que :

  • Les niveaux les plus élevés sont associés aux activités de broyage, retournement, criblage du compost à la fois à l'extérieur et en site couvert, et avec le déchargement et le nettoyage des réacteurs fermés, et lorsque le temps est chaud et sec.
  • Si les concentrations mesurées de poussières sont habituellement inférieures à 10 mg/m³, quelques pics à plus de 100 mg/m³ ont été rapportés. La plupart des particules aéroportées présentes dans l'environnement des plate-formes de compostage sont inférieures à 10 µm, et peuvent donc se déposer dans tout l’arbre respiratoire depuis les fosses nasales jusque dans les petites bronches et alvéoles pulmonaires ;
  • Les niveaux moyens de concentration en bactéries totales, bactéries Gram négatif, moisissures totales, A. fumigatus et actinomycètes dans l'environnement des plate-formes de compostage apparaissent 10 à 1 000 fois plus élevés que ceux mesurés dans l'air ambiant extérieur de référence. Néanmoins, les étendues de valeurs indiquées dans la littérature sont très larges, et des niveaux pics peuvent atteindre 10⁶ ufc/m³ pour les bactéries Gram négatif, les actinomycètes et Aspergillus, et 10⁸ ufc/m³ pour les bactéries totales et les moisissures totales ;
  • Les concentrations d’endotoxines mesurées dans les bioaérosols des plate-formes de compostage sont généralement inférieures à 1 000 unités d’endotoxines/m³ (UE/m³), mais ont dépassé 2 000 UE/m³ pour 25 % de l'ensemble des valeurs indiquées dans la littérature. Les niveaux d’endotoxines dans l'air extérieur de référence restent habituellement inférieurs à 10 UE/m³ ;
  • Des résultats récents indiquent que la variabilité de l'exposition aux bioaérosols dans le secteur de la gestion des déchets peut être très importante, avec une variance intra-individu (dans le temps) supérieure à la variance entre individus (Wouters 2005).

Les comparaisons des niveaux de concentrations en bioaérosols mesurés dans d'autres secteurs industriels et agricoles indiquent que les différences peuvent atteindre 8 log d’ordre de grandeur, soit un facteur 10⁸, entre les niveaux les plus bas et ceux les plus élevés. Les niveaux mesurés en plate-forme de compostage se situent en milieu de cette large étendue, habituellement proches de ceux mesurés dans l’agriculture, l’élevage de volailles et celui des porcs, les papeteries, la collecte et le tri des déchets ménagers, l’usinage des métaux (fluides de coupe) et l'industrie du coton. Les niveaux de concentrations en bactéries Gram négatif les plus élevés ont été mesurés en station d’épuration des eaux usées, dans l’industrie du coton, et lors de l'utilisation de fluides de coupe, et étaient 10 à 100 fois supérieurs à ceux mesurés dans les plate-formes de compostage. Les étendues de concentration d’endotoxines dans l’air en milieu professionnel sont également très larges, depuis moins de 10 UE/m³ à plus de 10⁴ UE/m³. Les niveaux mesurés en plate-forme de compostage ne sont pas parmi les plus élevés ; l’agriculture et l’élevage sont des secteurs associés à des concentrations mesurées habituellement plus importantes, souvent supérieures à 1 000 ou 2 000 UE/m³.

Quels risques sanitaires pour le personnel exposé aux bioaérosols en plate-forme de compostage ?

Les études épidémiologiques publiées apportent peu d’enseignement en dehors d'une augmentation du risque de signes modérés d'irritation des voies aériennes supérieures et oculaire. L’absence de relations dose-réponse pour les agents biologiques aéroportés, en dehors du cas particulier des endotoxines, ne permet pas une estimation quantitative du risque. En revanche, il est possible de mener une approche qualitative en croisant les données d’exposition en plate-forme de compostage et les données épidémiologiques et cliniques provenant d’autres secteurs professionnels exposant aux bioaérosols et mieux documentés. Cette démarche permet ainsi de conclure que des concentrations élevées de bioaérosols mesurées en plate-forme de compostage sont compatibles avec la survenue des maladies et troubles allergiques et des manifestations inflammatoires qui ont été observées dans d'autres secteurs, comme l’agriculture ou l’élevage.

Cette hypothèse est soutenue par la description de cas cliniques chez le personnel du compostage. Néanmoins, ce constat ne permet pas de dire que l’importance du risque est équivalente. En effet, la plupart des données d’exposition disponibles sont des mesures d’ambiance à poste fixe et non pas des mesures d’échantillonnage individuel, et elles reflètent imparfaitement l’exposition réelle du personnel. Une partie importante du personnel travaille enfermée dans la cabine de chargeurs, qui peuvent être équipés de systèmes de filtration d’air. Une autre partie des employés est très mobile sur le site, et les durées d’exposition à certains postes peuvent être brèves. En conséquence, utiliser des mesures d’air ambiant pour caractériser l’exposition du personnel peut conduire à des erreurs importantes dans l'évaluation du risque, même qualitative.

Des études complémentaires sont nécessaires, en particulier prospectives, associant résultats de mesures d’exposition individuelle et données d’incidence d’événements sanitaires. Parallèlement à l’importance du niveau d’exposition, la présence de facteurs de risque individuels représente un paramètre déterminant majeur dans l’évaluation du risque, puisqu’ils peuvent aggraver la réponse (en termes de sévérité ou d’incidence) à la dose inhalée d’agent biologique. Ceci est manifeste avec des maladies bronchiques comme l’asthme qui augmentent la réponse inflammatoire des muqueuses à l'exposition aux composants de la paroi microbienne, et avec l'atopie, facteur génétique qui prédispose à l'apparition d’asthme et de rhinite allergiques. Il existe également des différences d'origine génétique dans la réponse inflammatoire à l’inhalation des endotoxines et autres composants de la paroi microbienne. Comme signalé plus haut, l’exposition prolongée aux bioaérosols a été associée à la survenue de bronchite chronique et altération de la fonction respiratoire dans l’agriculture et l'industrie du coton.

…bois, et des recherches supplémentaires sont nécessaires pour une meilleure évaluation de ce risque professionnel chez le personnel du compostage. En revanche, l’évaluation du risque sanitaire chez le personnel du compostage ne devrait pas être focalisée sur les infections à Aspergillus ou à d’autres moisissures. La survenue d’aspergillose pulmonaire ou autre infection fongique grave chez le personnel de compostage est très improbable parce que cette infection est clairement associée à la présence d’une immunodépression sévère, incompatible avec ce travail. Les personnes présentant des facteurs de risque d’infection-colonisation par Aspergillus, comme l’aspergillome, peuvent par ailleurs être facilement dépistées par les médecins du travail.

Conclusion et perspectives

Les données de la littérature indiquent qu’il est fort probable que l’exposition aux bioaérosols en plate-forme de compostage augmente le risque d’irritation des muqueuses respiratoires et oculaires chez le personnel, et elles soutiennent les hypothèses d’un risque plus élevé de maladies respiratoires allergiques et d’une possible altération au long terme de la fonction respiratoire. Néanmoins, les enquêtes épidémiologiques publiées apportent peu d’enseignement sur la mesure de ces risques, et l’approche comparant les données d’exposition et des informations issues d’études réalisées dans d’autres secteurs professionnels est limitée par le peu de mesures d’échantillonnage individuel disponibles.

Utiliser des données d’exposition d’ambiance à la place de données d’exposition individuelle dans une démarche d’évaluation des risques peut conduire à un biais important. Priorité doit être donnée dans les études à venir à une meilleure évaluation des expositions individuelles et à la surveillance prolongée de la fonction respiratoire du personnel exposé. Ces résultats contribueront à optimiser les règles de prévention individuelle en plate-forme de compostage, dans lesquelles la prise en compte des facteurs de risques personnels ne doit pas être négligée.

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