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Les avantages de la régulation du taux d'oxygène dans les stations d'épuration biologique

30 juillet 1987 Paru dans le N°111 à la page 36 ( mots)
Rédigé par : J. RATHIEUVILLE

Dans les stations d’épuration utilisant la voie biologique, la régulation de la teneur en oxygène est indispensable pour maintenir en vie les micro-organismes capables de dégrader les constituants organiques des eaux usées. Le prix élevé de l’énergie fait que cette opération constitue un investissement très rentable puisqu’il permet d’économiser jusqu’à 60 % de la consommation d’énergie nécessitée par l’aération des effluents.

Nous nous proposons de décrire ci-après le processus biologique mis en œuvre dans les stations d’épuration d’eaux usées et de montrer les économies que peut amener la régulation de la teneur en oxygène. Nous parlerons également du système que nous avons mis au point à cet effet pour assurer un fonctionnement entièrement automatique des opérations.

L’épuration biologique

Dans le passé, toutes les eaux usées étaient déversées dans le cours d’eau le plus proche, sans avoir subi aucun traitement ; les micro-organismes naturels assuraient ensuite la dégradation des matières polluantes. Or, il devient de plus en plus difficile pour la nature d’effacer ces traces de la civilisation industrielle, surtout dans les régions à forte densité de population, et son pouvoir d’auto-épuration ne suffit plus pour rétablir l’équilibre. La construction de stations d’épuration d’eaux usées s’impose donc de plus en plus.

Dans les unités d’épuration biologique, des micro-organismes dégradent les substances organiques de la même façon que dans le milieu naturel (figure 1). Mais contrairement à ce qui se passe dans celui-ci, ce processus est contrôlé, ce qui lui permet d’être optimisé à l’aide de divers systèmes d’oxygénation. Comme dans les autres installations industrielles, on s’y efforce de réduire la consommation d’énergie, notamment en régulant les dispositifs d’aération, gros consommateurs, de manière à réduire au minimum leur durée de fonctionnement. Cette économie est particulièrement sensible grâce à l’emploi d’un système de régulation d’oxygène.

Dans les stations à boues activées, la plus grande consommation de l’énergie est provoquée par l’aération forcée des effluents, laquelle est réalisée, soit par insufflation d’air comprimé à travers des diffuseurs placés dans le fond du bassin d’aération, soit par introduction d’air ou d’oxygène pur à l’aide d’aérateurs de surface. Les besoins en oxygène dépendent de la taille de l’installation et de sa charge. Malgré la variation des besoins d’une installation à l’autre, ils représentent de 60 à 90 % de la consommation d’énergie de la station, ce qui justifie la recherche d’une régulation maximale de l’apport d’oxygène ; le but de celle-ci est de maintenir un taux en oxygène dissous compris normalement entre 0,5 et 2,5 mg/l.

[Photo : Le métabolisme microbien — A. Nourriture - B. O2 - C. CO2 - D. Micro-organismes - E. Produits du métabolisme - F. Énergie - G. Croissance.]

Les effets de l’apport d’oxygène

On peut en distinguer quatre sortes :

Création d’un milieu aérobie

Dans la nature, il existe comme on l’a vu deux phénomènes capables d’accroître la teneur de l’eau en oxygène : le premier est la diffusion de l’oxygène de l’atmosphère dans l’eau ; le second est le phénomène de photosynthèse dont l’oxygène est un produit résiduel. Sa diffusion est un processus relativement lent dans des conditions normales, mais elle peut être accélérée par l’aération de l’eau, fréquemment utilisée, qui favorise également l’absorption de l’oxygène contenu dans l’air ambiant.

Respiration des micro-organismes

L’effluent traité dans les stations d’épuration biologique renferme une haute concentration d’organismes vivants : une goutte d’eau en contient en effet environ cent millions dont l’activité consomme de l’oxygène, ce qui peut être exprimé sommairement comme suit :

Substrats + Oxygène → Gaz carbonique + Eau + Énergie

Les bactéries ont besoin d’énergie pour former les nombreuses substances nécessaires au maintien de leur activité cellulaire et de leur croissance, énergie qu’elles recueillent en oxydant (ou « détruisant ») leur nourriture, ce qui leur fournit les protides, lipides et glucides qui leur sont nécessaires et qui existent dans les eaux usées sous forme de substances biologiques (mesurée par la DBO5). Pour pouvoir « assimiler » cette nourriture, les micro-organismes doivent donc être suffisamment alimentés en oxygène.

Génération des espèces microbiennes utiles

La quantité d’oxygène apportée détermine la nature des espèces microbiennes qui se développeront dans les bassins, lesquelles sont adaptées chacune à des conditions extérieures déterminées.

Si la teneur de l’eau en oxygène diffère du taux de consigne, il pourra se produire deux états indésirables :

— un taux en oxygène dissous compris entre 6 et 8 mg/l favorisera le développement de souches bactériennes qui décanteront difficilement dans le décanteur secondaire. Environ 40 % des stations connaissent les mêmes difficultés : la fuite des boues vers le décanteur suivant, résultat d’une surcharge hydraulique ou…

d’une concentration d’oxygène incorrecte donnant naissance à des souches microbiennes qui sédimentent difficilement ;

— si l’on ne maintient pas un taux suffisamment élevé, on créera de bonnes conditions de vie pour les champignons et bactéries filamenteux. Si ces microorganismes anaérobies (se développant en l’absence d’oxygène) se multiplient, la décomposition des matières organiques ne produit pas de CO₂ ni d’eau, mais seulement des acides organiques, par exemple, ce qui entraîne la baisse du pH des bassins, perturbant ainsi leur fonctionnement normal.

Action sur la nitrification

L’oxygène est également nécessaire à la nitrification, ce qui s’exprime comme suit :

Ammoniac + Oxygène — Nitrate

Le déroulement du processus est mis en jeu sous l’action des bactéries nitrifiantes, dont la croissance est très lente, ce qui fait que l’eau doit séjourner quelque temps dans l’installation.

Le processus de nitrification dans une station à boues activées crée ainsi un besoin en oxygène, ce qui nécessite une augmentation de l’aération dans une proportion de 50 à 100 %. Parmi les avantages de la nitrification, il convient de signaler que la production de boues est inférieure à celle des autres procédés. Le traitement par voie biologique comporte donc des procédés consommant des quantités variables d’oxygène, ce qui nécessite l’utilisation d’un système de régulation. Le réglage automatique de l’aération permet d’adapter à chaque instant la quantité d’air insufflée aux besoins en oxygène. On obtient ainsi un équilibre optimal entre les quantités insufflées et la qualité du traitement.

La charge d’une station d’épuration (qui est mesurée par la quantité d’effluents et de leur contenu de matières polluantes) peut varier beaucoup en 24 heures. Dans un système aérobie elle peut être exprimée en DBO₅, ce qui prend la forme du graphique de la figure 2.

[Photo : Fig. 2 : Proportion de polluants.]

On constate fréquemment que la charge maximale peut être de trois à quatre fois supérieure à la charge minimale, ce qui conduit en général, à défaut d’une régulation automatique, à doser l’aération en fonction de la charge de pointe pour assurer l’apport d’une quantité d’oxygène suffisante. La zone hachurée de la figure représente la quantité d’oxygène ainsi dépensée en pure perte. La régulation, au contraire, permet d’ajuster le transfert d’oxygène strictement nécessaire en suivant grosso modo la courbe de la DBO₅, ce qui réalise des économies substantielles.

Le système EMCO

Comme nous l’avons dit plus haut, nous avons mis au point un système d’insufflation et de régulation d’oxygène (EMCO) spécialement prévu pour assurer cette tâche, même dans les conditions de fonctionnement les plus difficiles (figure 3).

[Photo : Fig. 3 : Le transmetteur d’oxygène.]

L’équipement de mesure comporte un capteur d’oxygène installé dans une boule à flotteur autonettoyante placée dans le fluide, un système de montage flexible adaptable aux installations existantes et un transmetteur qui peut être placé à l’extérieur auprès du point de mesure, ou dans une salle de surveillance centralisée.

[Photo : Fig. 4 : L’arrivée d’oxygène et la cellule de mesure.]

Dans le capteur d’oxygène (figure 4) est placée une cellule de mesure facile à remplacer, ce qui rend superflus le remplissage d’électrolyte et le remplacement de la membrane, et supprime ainsi les risques d’erreurs lors de la régénération du capteur d’oxygène, élément le plus sensible du système de mesure.

Le principe de l’appareil est simple :

La sonde renferme une cellule de mesure comportant une cathode en or et une anode en argent plongées dans du chlorure de potassium. Lorsque les molécules d’oxygène pénètrent dans la cellule qui fait fonction de générateur de courant, il se produit un changement de courant ; ce courant passe dans un amplificateur qui engendre un signal proportionnel au nombre de molécules d’oxygène et qui représente ainsi la teneur en oxygène libre du liquide en contact avec la sonde.

[Photo : Fig. 5 : Principe de fonctionnement.]

L’expérience danoise

Une étude (*) financée par la Commission de la Communauté Européenne et réalisée par le centre technique danois de la qualité des eaux VKI (Institut de recherches autonome de l’Académie Danoise des Sciences Techniques) a montré que l’on peut réaliser des économies importantes en installant un tel système de régulation d’oxygène, économies comprises entre 10 et 60 %. VKI estime en outre qu’il serait ainsi possible de réduire de 25 à 30 % la consommation d’oxygène sur l’ensemble du territoire danois. Ces économies d’énergie peuvent être réalisées à l’aide de l’appareillage EMCO dont la durée d’amortissement moyenne, selon les calculs du VKI, n’est que de quelques mois pour les plus grandes installations et un peu plus pour les installations de plus petite taille. Outre ces avantages, il convient d’ajouter la meilleure qualité des eaux de rejet ainsi qu’une plus grande stabilité d’exploitation du système.

Des études réalisées en Allemagne fédérale aboutissent à des conclusions analogues.

(*) « Energy savings at waste-water treatment plant. »

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