Les industriels disposent aujourd'hui d'un éventail d'aides destinées à améliorer leur management environnemental. Le secteur de l'eau est particulièrement bien couvert : recyclage, réutilisation d'eaux usées, choix de techniques propres ou dépollution en aval, rien n'a été oublié par les organismes bailleurs de fond.
Industriels, à vos calculettes ! Quel est l'investissement le plus rentable : se porter acquéreur pour plusieurs millions de francs d'un procédé de recyclage d'eau ou d'une unité de dépollution, et bénéficier ainsi des aides disponibles ? Ou bien, solution plus classique, ne rien modifier à son outil de fabrication ? Si les grosses industries ont investi dans le management environnemental avec des procédés moins polluants, les PMI et PME sont encore, pour la plupart d’entre elles, en reste.
« Inutile, une perte de temps, trop de charges pour l’entreprise », entend-on ici et là. Pourtant, la donne a changé, et la survie de l’entreprise va désormais passer par de nouvelles règles. La réglementation d’une part est de plus en plus contraignante, et la DRIRE de moins en moins conciliante. Les Agences de l'eau, qui n'ont en théorie pas de rôle de police, ont trouvé pour certaines un moyen efficace pour obliger leurs partenaires industriels à s’engager encore plus dans une démarche environnementale.
L'Ademe est toujours présente pour aider au bon choix énergétique, ou s'attaquer au problème des déchets. Enfin, certaines régions innovent en matière d'aides aux industriels. Bref, il existe tout un environnement propice à la modernisation de l'outil industriel. C'est donc le moment d'en profiter.
Moderniser l'outil de production
« L'évolution de la production s'est traduite par une multiplication de petites productions, au lieu d'une seule production importante auparavant », souligne Dominique Gros, sous-directeur chargé de l'industrie et de l'agriculture à l'Agence de l'eau Rhin-Meuse.
Résultat : plus de pollutions pour un outil industriel identique depuis des années.
« Or une usine se doit d'évoluer en permanence », indique un technicien du Conseil Régional Nord-Pas-de-Calais. « Une logique de modernisation globale passe par une mise en conformité environnementale qui peut se faire de manière intelligente en couplant rentabilité et environnement », poursuit-il.
Rentabilité et environnement, voilà une association qui semble encore douteuse pour nombre de petits industriels.
« Pourtant, la pérennité d'une industrie passe aujourd'hui par le souci de l'environnement et celui de la sécurité. C'est au contraire une protection pour l'entreprise, une garantie juridique », insiste Maurice Cotte, directeur de la DRIRE Nord-Pas-de-Calais.
C'est même parfois l'assurance d'une image de bonne qualité à l'encontre de ses clients. À l'heure de la certification, cet aspect n'est pas à négliger.
La modernisation de l'outil industriel peut se faire aider par les subsides d'organismes bailleurs de fonds, comme l'Ademe, les Agences de l'eau et les régions. Aujourd'hui, des grandes tendances se dessinent dans le domaine de l'eau, comme la mise en œuvre.
Tableau 3 : Agence de l'eau Loire-Bretagne
Investissements prévus pour les industriels dans le 7ᵉ Programme d’interventions : 1 211 MF
Orientations | Actions | Avances | Subventions |
---|---|---|---|
Mise en œuvre de technologies propres | 50 % | 20 % | |
Destruction des déchets toxiques en quantité dispersée dans les PMI/PME | Élimination dans des centres spécialisés | — | 30 % versées directement aux centres d’élimination |
Destruction des déchets toxiques dans les grosses entreprises | Investissement dans un procédé sous certaines conditions | 70 % | — |
Mise en place de l’autosurveillance | Investissement | — | 50 % |
Analyses | — | — | |
Validation des résultats | — | 100 % | |
Renforcer l’action incitative vis-à-vis des industries raccordées à un réseau public d’assainissement | Mise en place d’un pré-traitement | 50 % | 20 % |
Fiabilisation et amélioration des stations d’épuration | Pollution toxique | 70 % | 20 % |
Pollution classique | 50 % | 20 % |
Les avances sont remboursables sur 10 ans, avec un an de différé.
Des technologies propres, ou la collecte et le traitement des déchets toxiques. Auparavant, chaque secteur industriel était ciblé, au travers des six programmes d’interventions des agences de l’eau précédents. Il reste encore quelques points noirs. Dans le bassin Artois-Picardie, l’ennoblissement textile et le traitement de surface se voient proposer par les ingénieurs de l’Agence des contrats de branche très attractifs en matière d’aides et de subventions. Dans le bassin Loire-Bretagne, le traitement de surface n’obtient pas de meilleures notes qu’en Artois-Picardie, tout comme l’électronique et le secteur des télécommunications, « souvent situées sur des zones sensibles », précise Yves Fournier, chef du département industrie de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne. L’incitation financière à moins polluer n’est pas différente des autres secteurs, mais les industriels de ces secteurs voient plus souvent les ingénieurs
Tableau 4 : Agence de l'eau Rhin-Meuse
Investissements prévus dans le 7ᵉ Programme d’interventions pour les industriels : 1 144 MF
Orientations | Actions | Avances | Subventions |
---|---|---|---|
Mise en œuvre de technologies propres | Investissement sur procédé avec un temps de retour > 5 ans | 50 % | 25 % |
Destruction des déchets toxiques en quantité dispersée dans les PMI/PME | Élimination dans des centres spécialisés | — | 40 % versées directement aux centres d’élimination |
Réduire la pollution globale des sites industriels | Renforcement des ouvrages industriels de dépollution, excepté études et comptages | 65 % | 25 % |
Renforcer l’action incitative vis-à-vis des industries raccordées à un réseau public d’assainissement | Pré-traitement | 50 % | 25 % |
Autosurveillance | 65 % | 25 % | |
Connaître, surveiller et dépolluer les sites industriels contaminés | 50 % | 25 % |
Les avances sont remboursées en 9 ans, sauf pour les technologies propres où la durée du remboursement est calculée sur la durée du temps de retour, et sans différé.
Tableau 5 : Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse
Investissements prévus dans le 7ᵉ Programme d'Interventions pour les industriels : 1 354 MF
Schémas de cohérence et d'études
– Schémas d'assainissement : avances — ; subventions 60 %
– Études d'impact : avances — ; subventions 60 %
– Suivi des rejets et milieux : avances — ; subventions 60 %
– Études directement liées à la réalisation de travaux : avances 35 % ; subventions 30 %
Réduction des pollutions chroniques existantes et mesures internes
– Technologies propres : avances 35 % ; subventions 30 %
– Traitement des pollutions (épuration individuelle, raccordement sur une station d'épuration collective, valorisation) : avances 35 % ; subventions 30 %
– Renouvellement de dispositifs d'épuration : avances 35 % ; subventions 30 %
Pollutions chroniques nouvelles
– Traitement : avances 35 % ; subventions —
Pollutions accidentelles
– Traitement : avances 35 % ; subventions —
Dépollution des sites pollués
– Site redevable : avances 35 % ; subventions —
– Site sans responsable solvable : avances — ; subventions 25 %
Autosurveillance
– Mise à niveau d'anciens équipements : avances — ; subventions 60 %
– Équipements nouveaux : avances 35 % ; subventions 30 %
Communication
– Soutien aux actions : avances — ; subventions 0 à 60 %
Les avances sont remboursables en 15 ans, après deux ans de différé.
de l’Agence que les autres branches industrielles. En Rhône-Méditerranée-Corse, ce sont les fromageries et les caves viticoles qui bénéficient d'un traitement particulier. Mis à part ces quelques exceptions, les Agences de l'eau travaillent désormais dans des domaines communs à l'ensemble de l'industrie.
Technologies propres, l'arme numéro un
Les premiers programmes d’interventions ont permis de mettre en place des ouvrages de dépollution, le 7ᵉ programme est dans les six bassins consacré en grande part à la prévention, avec la mise en place de technologies propres. « C'est une quête permanente en amont de la production », remarque Dominique Gros. « C’est l'arme numéro un quelle que soit la branche industrielle concernée », renchérit Régis Mathian, chef de la mission industrie à l'Agence de l'eau Artois-Picardie. Mais ces technologies sont souvent encore proposées à des prix prohibitifs défiant tout intéressement de la part d'un chef d'entreprise. « Et le problème se pose, car modifier l’outil de production a des conséquences directes sur le bilan d’exploitation », ajoute Régis Mathian. L’aide des Agences va donc se déterminer en fonction du temps de retour, c’est-à-dire le retour d'économies d’exploitation sur l’investissement. « Un temps de retour financier supérieur à 5 ans n’est pas fait par un industriel, car tous les investissements ont une logique
Tableau 6 : Agence de l'eau Seine-Normandie
Investissements prévus dans le 7ᵉ Programme d'interventions pour les industriels : 2 100 MF
Orientations | Actions | Avances | Subventions |
---|---|---|---|
--- | --- | --- | --- |
Technologies propres | Études | — | 70 % |
Travaux (suivant la nature) | 30 % | 40 % | |
80 % | — | ||
Destruction des déchets toxiques en quantité dispersée dans les PMI/PME | Élimination dans des centres spécialisés | 20 % | 30 %, 35 % ou 40 % suivant la zone géographique |
Destruction des déchets toxiques dans les grosses entreprises | Investissement dans un procédé sous certaines conditions | 70 % | — |
Industries raccordées à un réseau public d'assainissement | Mise en place d'un pré-traitement | 20 % | 30 %, 35 % ou 40 % suivant la zone géographique |
Lutte contre le gaspillage et économie d'eau | Mise en place du recyclage | — | 30 % |
Adaptation des dispositifs de dépollution | Mesures internes | 50 % | — |
Adaptation des dispositifs d'épuration | 50 % | — | |
Fiabilisation des dispositifs | — | 50 % | — |
Les avances sont des prêts remboursés sur 10 ans, sans intérêt.
de court terme”, explique Dominique Gros. A contrario, un temps de retour court est intéressant, et ne nécessite donc pas une aide particulière. Les Agences ont donc décidé d’aider la mise en place de technologies propres dont le temps de retour est tel que l’entreprise n’envisageait pas l’investissement. Mais chacune va le faire selon ses propres critères. “Nous n’avons pas les éléments pour calculer ce temps de retour”, note Yves Fournier. C’est pourquoi nous avons alors établi une liste de technologies propres innovantes. Dans le bassin de Seine-Normandie, les technologies propres intègrent des opérations de valorisation matière, épandage de boues excepté, comme la récupération de sérum dans les laiteries.
Raccordement : une solution de facilité aujourd’hui dépassée
“L’anonymat du tout-à-l’égout”, comme l’appelle Dominique Gros, qui souligne que les industries raccordées se font en général très discrètes. “Il y avait par le passé une volonté délibérée de la part des communes d’accueillir les industriels, avec ce système qui leur permettait de ne pas s’occuper de leurs effluents”, souligne Yves Fournier. Or aujourd’hui, le raccordement n’est plus de mise. Dans certains secteurs, la menace d’un déraccordement plane même sur les entreprises locales par les collectivités, incapables d’adapter leurs stations aux variations et spécificités industrielles. La solution envisagée dépend de la localisation de l’industrie. Lorsque celle-ci est insérée dans un tissu urbain très dense, le pré-traitement est mis en avant, essentiellement pour des raisons de place. En revanche, les industries raccordées à de petites communes sont priées, voire plus, de faire des efforts. En Rhin-Meuse, l’Agence de l'eau exige une transparence totale de la part des industriels et élus, instaure une convention entre ces deux partenaires. Et en cas de non-respect, l’instauration du juste prix par la commune par exemple, le couperet tombe, avec un retrait des aides. “La Drire travaille avec des outils réglementaires. Nous travaillons avec des outils financiers et technologiques”, constate Dominique Gros.
Des déchets toxiques collectés et traités
Les déchets toxiques sont devenus pour leur
Part une préoccupation majeure des Agences de l'eau, avec un souci plus spécifique pour les petites entreprises qui émettent ces déchets en quantité dispersée (DTQD). « 80 % des entreprises qui travaillent avec nous sont des petites, voire des micro-entreprises », remarque Georges Pauthe, de la cellule industrie de l’Agence de l'eau Seine-Normandie.
Des actions sont donc mises en œuvre, dont la première consiste souvent à éditer un guide à l’attention des industriels, montrant ainsi toutes les filières d’élimination. Cela passe aussi par un effort pour favoriser la collecte et le traitement de ces déchets. Mais traiter un nombre important de dossiers, chacun pour un petit industriel, prend du temps, ce qui nuit à l’efficacité de l’action engagée.
Les Agences ont donc décidé de passer des conventions directement avec les collecteurs. En Loire-Bretagne, ce sont les produits responsables des toxicités aiguës et à effets différés, métaux par exemple, qui sont ciblés par les aides de l’Agence.
« En aidant directement des collecteurs agréés, qui retransfèrent les subventions sur les petites entreprises clientes, nous espérons ainsi insuffler une dynamique dans ce domaine très prometteur », explique Yves Fournier. En Rhin-Meuse, l’Agence de l'eau organise de nombreuses opérations, souvent en partenariat avec les régions, chez les garagistes, les dentistes, et les industriels du bois entre autres. Les industries de taille plus importante ne sont pas non plus oubliées. Pour l’Agence de l'eau Rhin-Meuse, la démarche est différente. Un industriel qui traite correctement ses déchets toxiques sera aidé, celui qui ne le fait pas ne sera pas aidé.
« C'est si facile de retrouver les mauvaises habitudes en matière de déchets », ironise Dominique Gros, qui insiste sur le bilan matière réalisé dans les grandes entreprises, et permettant à l'Agence la vérification de l’action du chef d'entreprise. En Loire-Bretagne, la position de l’Agence de l'eau est radicalement différente. « Les produits toxiques issus des grosses entreprises sont aujourd'hui bien suivis par la Drire. Notre financement n’apporterait rien de plus », remarque Yves Fournier.
Fiabilisation des ouvrages, l'incontournable
La préoccupation de nouveaux secteurs à risques pour la qualité des eaux n’empêche pas les Agences de l'eau de suivre les politiques précédemment engagées. « Plutôt que de continuer à investir de manière effrénée sur les ouvrages, mieux vaut concentrer l’effort sur l’exploitation de manière à ce que le dispositif soit correctement géré », note Georges Pauthe.
Des aides sont donc proposées pour encourager le bon fonctionnement, dans l’est de la France par exemple. L'autosurveillance fait aussi partie des grandes priorités des Agences de l'eau. Dans le sud-ouest, l’Agence de l'eau Adour-Garonne précise même que « le calcul de la prime pour épuration se fait désormais en prenant en compte les résultats des auto-mesures de l’industriel, validés par l’Agence ». « Pour faire progresser l'environnement dans les entreprises, la DRIRE travaille avec un outil réglementaire, les Agences de l'eau avec des outils financiers et techniques », explique clairement Dominique Gros.
Les domaines d'action définis comme prioritaires par chaque Agence n’empêche pas les autres secteurs d’être toujours d’actualité. Mais deux facteurs risquent dans un futur relativement proche de limiter l’action des partenaires institutionnels des industriels.
La nouvelle fiscalité écologique annoncée récemment (cf. EIN n° 214), avec la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), risque de diminuer considérablement la marge de manœuvre des Agences de l’eau à partir de l’an 2000.
Les fonds FEDER sont pour leur part prévus jusqu’à fin 1999. Mieux vaut dès lors commencer rapidement à repenser la modernisation de son outil industriel. À partir de l’an 2000, de nouvelles règles seront mises en place, avec un temps d’adaptation nécessaire. ▪