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Les activateurs biologiques et leurs utilisations dans le traitement des eaux résiduaires

29 mai 1986 Paru dans le N°101 à la page 47 ( mots)
Rédigé par : J.-c. BERNARD et M. CHABOT

Le traitement biologique des eaux résiduaires est une technique désormais très répandue et généralement bien maîtrisée. Il existe cependant des cas où la vie microbienne a du mal à s’acclimater ou est passagèrement contrariée et ne parvient pas à effectuer le travail de dégradation de la matière organique qui lui est demandé. Les activateurs biologiques permettent d'y remédier, ce que nous examinons ci-après.

Il faut rappeler que la dégradation de la matière organique est le résultat de la vie des micro-organismes. Les bactéries sont classées en hétérotrophes, lorsque leur nutrition et leur énergie vitale ne peuvent être obtenues qu’à partir des matières organiques, et autotrophes lorsqu'elles sont capables d'assurer leur subsistance aux dépens exclusifs des matières minérales. Ce sont les hétérotrophes qui jouent le rôle principal dans les stations de traitement des eaux, bien que l’on utilise l'action des autotrophes dans la nitrification, par exemple.

Le moteur de la décomposition des substances organiques est constitué par les enzymes sécrétées par les organismes. On distingue les enzymes extracellulaires qui provoquent la destruction des structures moléculaires trop complexes pour être introduites au sein de la cellule, et les enzymes intracellulaires qui assurent l’assimilation et, par conséquent, sont à l’origine des phénomènes vitaux provoquant la prolifération des cellules. Ce sont des catalyseurs organiques qui se transforment et se régénèrent au cours du processus.

Afin de pouvoir travailler en milieu ouvert, on est amené à fixer les cultures : ainsi, chez Degrémont, a-t-on procédé au développement des procédés Biofor Biodrof en aérobie et Biofar en digestion.

Dans le même ordre d’idées, les activateurs biologiques peuvent jouer un rôle prépondérant : nous le verrons ultérieurement.

Le recours à l’usage d’activateurs ne saurait résoudre n'importe quel type de désordre sur une station, et il convient tout d’abord de rechercher les causes d'une baisse de performances afin de déterminer le meilleur moyen à mettre en œuvre pour y remédier.

EXAMEN DU PROBLÈME

Si les problèmes sont chroniques, il faut envisager une solution durable ; par contre, s’ils s’avèrent périodiques ou accidentels, ou si l'effluent est de nature irrégulière, l'utilisation de façon temporaire des activateurs biologiques apparaît intéressante.

Solutions envisageables

  • Réglage des paramètres : le premier réflexe sera de vérifier le fonctionnement de l’installation et le réglage optimal des différents paramètres : aération, soutirage de boue, recyclage, contrôle du pH, etc.
  • Intervention physico-chimique : correction du pH, adjonction de floculant, de nutriments ou d’oligo-éléments.
  • Intervention biologique :
    • — les bactéries lyophilisées : elles peuvent donner des résultats immédiats intéressants ; malheureusement elles ne parviennent jamais à s’implanter et dégénèrent très vite. Sous cette forme, une population est détruite à 60/70 % ; les 30 % potentiellement revivifiables ne survivent que si le milieu de culture n’est pas trop antagoniste. Un réensemencement régulier est toujours nécessaire. D’autre part, elles entrent en conflit avec les populations indigènes qui tendent à les éliminer de plus en plus rapidement. À défaut d'une authentique reviviscence, les problèmes réapparaissent généralement dès que l’on cesse leur utilisation ;
    • — les activateurs biologiques constituent des milieux favorables à l’implantation, l'acclimatation et le développement des populations indigènes. Ils assurent une croissance accélérée de la microbiologie et favorisent ainsi le démarrage d’une installation ce qui leur permet de sortir rapidement d’une situation critique, qu’elle soit chronique ou passagère. À ce stade, il convient d’examiner ce que sont les activateurs biologiques de type Kemazur A 230. Quelles sont leurs propriétés ? Comment fonctionnent-ils ? Comment, où et quand les utiliser ?

LES ACTIVATEURS BIOLOGIQUES

Ils sont essentiellement composés de polysaccharides d’origine végétale. Leur poids moléculaire, généralement très élevé, leur confère une action floculante. En présence d’ions

Tableau 1 : Exemple de traitement Kemazur A 230

1ʳᵉ phase : Traitement de vaccination 160 g/m³ sur l’appoint
2ᵉ phase : 50 g/m³ sur l’appoint entretien renforcé pendant 4 jours
3ᵉ phase : 20 g/m³ sur l’appoint entretien tant que nécessaire

N.B. : Les dosages et procédures sont à adapter cas par cas.

L’exemple précité est donné à titre indicatif, dans le cas d’un problème chronique et temporaire.

calcium, ils forment un gel insoluble par précipitation sous forme carboxylate ; ce gel peut alors se comporter comme une membrane semi-perméable et créer localement des conditions très propices au développement biologique. Ces sites apparaissent d’autant plus intéressants que s’exercent en plus, localement, d’autres propriétés favorables dues à l’utilisation des activateurs biologiques. Parmi ces éléments, citons un pouvoir tampon à l’égard du pH, la complexation des métaux lourds toxiques et l’apport d’éléments nutritifs et d’oligo-éléments.

Leur fonctionnement

Pour mieux comprendre leur fonctionnement, il faut se reporter à la technique des enzymes et des cellules immobilisées ; si elle connaît actuellement un regain d’intérêt, elle n’est pas nouvelle : dès 1823, Schuetzenbach envisage de se servir de copeaux de hêtre pour adsorber des micro-organismes et produire du vinaigre d’alcool, méthode déjà reprise dans le traitement des eaux usées avec l’emploi des lits bactériens. Elle est utilisée par les micro-organismes eux-mêmes, qui, en constituant leurs flocs, élaborent leur propre support, à l’intérieur duquel ils peuvent se développer.

L’épuration biologique d’une eau usée est obligatoirement le résultat de transformations dues uniquement à des réactions enzymatiques. Les multiples enzymes qui interviennent seront soit extracellulaires (après passage au travers de la membrane), soit intracellulaires (que la cellule soit viable ou non). L’activité de ces enzymes est très dépendante du milieu, la cinétique de réaction variant notamment de façon très sensible en fonction de la température, du pH et de la concentration en substrat. D’autre part, ces réactions enzymatiques peuvent être partiellement, voire totalement inhibées par la présence de substances toxiques (solvants organiques, métaux lourds, même à l’état de traces). Normalement, les enzymes extracellulaires, ou inclus dans une cellule non viable, sont rapidement détruits ; toutefois, lorsqu’ils sont fixés sur un support approprié, ils peuvent maintenir leur activité très longtemps.

Cependant, l’intérêt majeur de cette technique, dans le traitement des eaux usées, concerne essentiellement les cellules viables. Le gel polysaccharidique forme une niche écologique, un abri qui permet une stabilisation des activités biologiques vis-à-vis des conditions du milieu (agitation, variation de pH, de température, présence de solvants organiques, métaux lourds, aflatoxines...). Ce gel se comporte ainsi comme une membrane semi-perméable, imperméable aux perturbations extérieures et perméable aux échanges vitaux (oxygène, substrats, produits de transformation). Il fait mieux encore et joue le rôle d’accumulateur de substrat ; il concentre et tient disponible à portée de la cellule la nourriture dont elle a besoin. Dans ces conditions favorables, les micro-organismes vont pouvoir s’implanter, se développer, proliférer et s’acclimater progressivement au milieu extérieur et à ses perturbations.

LEUR DOMAINE D’APPLICATION

On peut envisager le recours aux activateurs biologiques chaque fois qu’il s’agira de favoriser temporairement l’implantation ou le renforcement de la vie microbienne.

Un traitement ne pourra généralement pas suppléer de façon durable à une capacité d’aération ou à un dimensionnement insuffisant, mais pourra, par contre, permettre d’absorber une surcharge momentanée de pollution, de résoudre un problème d’odeur, ou de faire démarrer une station biologique sans l’ensemencer par un apport de boues digérées toujours très coûteux.

D’autres effets secondaires pourront justifier leur usage. On a pu en effet remarquer qu’ils amélioraient la structure des flocs, en entraînant ainsi une meilleure décantation et un meilleur compactage des boues.

On trouvera dans les tableaux 1 et 2 quelques exemples d’application.

Tableau 2 : Exemples d’application du Kemazur A 230.

CONCLUSION

Une installation biologique bien conçue et correctement suivie doit fonctionner normalement et se maintenir dans un équilibre constamment positif ; ceci représente la majorité des cas. Restent les cas où cet équilibre demeure fragile et même bascule du côté négatif : on devra alors immédiatement envisager l’emploi des activateurs biologiques pour rétablir la situation le plus rapidement possible, c’est alors que leur utilisation est pleinement justifiée.

Le coût de traitement est généralement peu pénalisant puisqu’il est de l’ordre de 30 centimes au m³.

Il faut rapprocher l’emploi des activateurs de la notion de service (entretien ou dépannage) car leur utilisation permanente est rarement une bonne solution : une installation qui ne saurait fonctionner sans l’emploi continu d’activateurs est certainement mal adaptée et il est nécessaire de revoir sa conception.

L’emploi des activateurs biologiques semble être actuellement le meilleur moyen de redresser et de stabiliser une vie microbienne passagèrement fragile, voire déficitaire. Ce but une fois atteint, on doit arrêter progressivement leur utilisation, quitte à la reprendre ultérieurement pour redresser une nouvelle situation difficile.

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