La zone de piémont vosgien bordant la plaine d'Alsace (Nord Est, France) est une des zones contributives pour l'alimentation et la recharge de la nappe phréatique alsacienne en plaine. L?enherbement, défini comme l'implantation de bandes enherbées dans les interrangs de vignes, constitue un filtre dans la lutte contre le transfert de nitrates des eaux de ruissellement et d'infiltration vers la nappe de la plaine. Le projet EVA : Enherbement du Vignoble Alsacien, s'inscrit alors dans la problématique de la maîtrise des impacts des actions anthropiques sur le milieu naturel et doit permettre à terme de définir les modifications apportées au cycle de l'azote, par l'enherbement, aux différentes échelles d'espace et de temps pertinentes en zone de piémont viticole.
En Alsace, région de grande densité de population, l’activité économique, agricole et viticole pose le problème de la dégradation de notre environnement vis-à-vis de la nappe phréatique constituée de 50 milliards de mètres cubes.
EVA : Enherbement du Vignoble Alsacien
La zone la plus sollicitée de par ses caractéristiques particulières est la zone contributive d’alimentation et de recharge de la nappe : la zone de piémont à vocation viti-
Parmi les principales sources de pollution de la nappe, le projet EVA – Enherbement du Vignoble Alsacien – s'intéresse plus particulièrement à celle produite par les nitrates.
Les zones où ceux-ci présentent une teneur supérieure à 50 mg/l, limite de la norme de potabilité, se situent près de la bordure vosgienne occupée par le vignoble, juste à la naissance de la nappe. En réponse à ce constat, l’enherbement du vignoble, technique encouragée par les autorités compétentes, quand celle-ci est possible, est une pratique envisagée pour réduire la lixiviation des nitrates et leur infiltration vers la nappe, tout particulièrement en période hivernale. Le travail présenté ici vise donc à quantifier l'efficacité des itinéraires techniques (conduite de l'enherbement) adoptés au sein du vignoble alsacien vis-à-vis de la réduction des transferts de nitrates vers la nappe phréatique alsacienne. Cette démarche est assurée suivant trois axes :
- - quantification du taux d'enherbement et de son évolution par télédétection aéroportée et satellitaire,
- - quantification de l'efficacité de cet itinéraire technique dans la lutte contre la pollution nitrée des eaux de la nappe phréatique alsacienne,
- - mise au point d'un outil permettant la simulation de scénarios de gestion du milieu naturel en zone de piémont vosgien.
Notons que s'il est pertinent de raisonner à l'échelle de l'agrosystème viticole en matière d'évaluation de la technique de l'enherbement, il est nécessaire de comprendre les phénomènes de transferts dans le sol, matrice des échanges, à l'échelle de la parcelle afin de comprendre les fonctionnements et d'aborder la modélisation des processus physiques mis en jeu à plus grande échelle. Cette modélisation est supportée par un système d'information géographique (SIG).
Le contexte local alsacien et les enjeux régionaux
La nappe phréatique alsacienne
Formée au Tertiaire, elle constitue un réservoir extrêmement poreux et perméable où l'eau s'accumule et circule. On désigne ainsi par “nappe phréatique d’Alsace” la masse d’eau qui s’étend sur 2 800 km² entre les limites physiques constituées par les deux massifs montagneux (Vosges et Forêt Noire) la bordant et circulant du Sud au Nord entre Bâle et Lauterbourg sur 160 km.
La puissance de l’aquifère en Alsace varie de quelques mètres (zone de piémont des Vosges) à 200 mètres (au niveau du Rhin). Le volume des alluvions assimilé au volume de l'aquifère est de 250 milliards de mètres cubes. Le volume d'eau stocké est estimé à 50 milliards de mètres cubes présentant un renouvellement annuel de 1,3 milliard de mètres cubes. Les entrées de cette nappe sont principalement assurées par l'infiltration de l'eau véhiculée par les rivières vosgiennes (53 %), les pluies efficaces (15 %) et les apports artificiels provenant des prises.
*Notons que cette nappe appartient au système hydraulique global du Rhin dont l'importance dépasse largement le cadre de cette étude.*
Tableau 1 : Les différentes échelles d’acquisition de l’information
Échelle : Placette (75 m²) — Parcelle (1 à 5 ha) — Zone interparcelle — Exploitation viticole — Bassin versant — Département — Vignoble — Plaine |
Ruissellement ↔ |
Infiltration ↔ |
Itinéraires techniques |
Taux d’enherbement ↔ |
Outil de gestion |
d’eau du Rhin (31 %). Les sorties résultent de l’écoulement naturel des rivières phréatiques et d’une partie des rivières de plaines qui drainent la nappe à certaines périodes ainsi que des prélèvements humains (eau potable, eau industrielle, irrigation) qui comptent pour 30 % du renouvellement annuel. Les variations de stock sont dues à la fluctuation des précipitations efficaces. Le battement peut atteindre plusieurs mètres. Cette ressource précieuse, localisée dans le Fossé rhénan, présente une faiblesse : proche du sol et couverte par des terrains majoritairement perméables, elle est mal protégée contre les pollutions. Parmi les différentes pollutions recensées, nous n’aborderons pas les pollutions ponctuelles facilement localisables pour concentrer notre étude sur les contaminations latentes et diffuses et plus particulièrement la pollution nitrique (représentée par les nitrates).
Nulle au début du siècle, elle n’a cessé de croître depuis les deux dernières décennies pour être multipliée par trois en vingt ans et atteindre 29 mg/l en moyenne en Alsace¹ (figure 2).
Les observateurs locaux mentionnaient en janvier 1987 que la responsabilité agricole dans l’accroissement des teneurs en nitrates était de l’ordre de 50 à 60 %. Si la plaine et les cultures céréalières qui y sont pratiquées ont été largement étudiées depuis la forte augmentation des teneurs en nitrates, la contribution amont de la vigne n’a pas encore été abordée de façon quantitative et globale. Pourtant, la zone de piémont est une zone fragile et sensible vis-à-vis de la pollution de la nappe. En effet, la présence de la vigne, en amont, et de cultures intensives, au droit, pour lesquelles des apports massifs d’engrais ont été effectués, le fort taux d’occupation du sol ainsi que les rejets urbains et industriels contribuent à détériorer la qualité de la nappe. Ce phénomène est renforcé par le fait que la nappe présente une faible épaisseur au pied des Vosges et donc un faible taux de dilution. Située également à faible profondeur, elle est fragilisée et présente, sur de larges zones, des concentrations supérieures à 50 mg/l.
Le vignoble alsacien
Le vignoble en production couvre, en 1998, 14 565 hectares, soit 2 % de la région Alsace. Il se situe sur les flancs des collines sous-vosgiennes et s’étend du sud au nord sur 130 km environ depuis Thann jusqu’à Nordheim (figure 1). Il atteint un maximum de développement à Colmar pour devenir discontinu dans le nord. La vigne est plantée généralement entre 200 et 300 mètres d’altitude, mais quelques parcelles sont implantées jusqu’à 450 mètres d’altitude. Cependant, la baisse de température, les fortes nébulosités et l’importance des ombres portées y freinent son acclimatation. En plaine, autour de 170 m d’altitude, c’est alors l’absence de relief qui modère son extension au profit des grandes cultures. Localisé en zone de piémont, plus de 50 % du vignoble présentent une pente supérieure à 5 %. Les orientations sont majoritairement sud, sud-est (36 %), est (31 %) et nord-est (19 %). Le sol est une mosaïque de terrains sédimentaires faillés caractérisés par la diversité des étages géologiques qui les constituent (Litzler, 1988). La complexité du milieu peut toutefois se simplifier si l’on considère une typologie écogéopédologique basée sur les formations géologiques, la répartition des sols et des paysages (Lebon et al., 1993). L’ensemble des caractéristiques du vignoble (géologie, pédologie, morphométrie...) le rendent sensible à l’érosion. Nous n’aborderons pas cet aspect dans cette présentation.
¹ 31 mg/l de code allemand.
d’azote minérale, les apports extérieurs pour satisfaire les besoins de la vigne sont excessifs.
La cinétique d’absorption de la vigne évolue suivant le stade végétatif de la plante : celle-ci est nulle en période hivernale lors du repos de la vigne de septembre à février (Jarvis et al., 1966). Les besoins en nutriments de la plante sont alors réduits. C’est à ce moment que les pertes en azote minérale de la zone racinaire vers les autres compartiments de l’écosystème sont maximales. Notre travail vise à quantifier son bénéfice en matière de rétention des nitrates pendant la période hivernale, même si le bilan azoté étudié prend en compte la proportion d’azote transférée via les matières en suspension présentes dans les volumes ruisselés.
L’écartement entre les pieds de vigne varie entre 1,20 mètre et 1,80 mètre. Ce dernier écartement est adopté majoritairement pour le renouvellement de la vigne en raison de la mécanisation. Le plant de vigne est situé sur le cavaillon qui est désherbé sur une largeur de 0,60 mètre. La bande d’herbe présente sur l’inter-rang de vigne a donc une largeur de 1,20 mètre maximum dans le cas d’un écartement de rang de 1,80 mètre. Notons que l’enherbement, quand il se pratique, est conduit tous les rangs quand la concurrence hydrique (vigne-herbe) n’est pas pénalisante pour la vigne. Si c’est le cas, l’enherbement est conduit un rang sur deux, très rarement un rang sur quatre (1 % environ). Mentionnons enfin que l’enherbement n’est pas possible dans certains cas comme dans celui d’un sol superficiel en zone de faibles précipitations (< 600 mm par an, région de Colmar, par exemple).
Toutes les formes d’engrais azotés conviennent à la vigne pour laquelle l’apport, réalisé en surface à la sortie de l’hiver, est fractionné.
Une quantité de 70 à 80 kg de nitrates présents dans le sol avant débourrement est considérée comme suffisante pour une bonne alimentation de la vigne. C’est pourquoi les viticulteurs ont eu longtemps recours à cet indicateur quantitatif pour fertiliser leur vigne.
Sans prendre en compte la minéralisation de l’humus et les autres sources potentielles d’azote, le bilan azoté étudié prend en compte la proportion d’azote transférée via les matières en suspension présentes dans les volumes ruisselés.
Tableau 2 : Évaluation du pourcentage des différents types d’enherbement au sein du vignoble alsacien, France
année 1995 |
---|
Bas-Rhin (67) |
Haut-Rhin (68) |
année 1998 |
Bas-Rhin (67) |
Haut-Rhin (68) |
Vigne non enherbée |
1995 : Bas-Rhin 34 % – Haut-Rhin 37 % |
1998 : Bas-Rhin 30 % – Haut-Rhin 22 % |
Vigne enherbée un rang sur deux |
1995 : Bas-Rhin 48 % – Haut-Rhin 45 % |
1998 : Bas-Rhin 53 % – Haut-Rhin 55 % |
Vigne enherbée tous les rangs |
1995 : Bas-Rhin 18 % – Haut-Rhin 18 % |
1998 : Bas-Rhin 17 % – Haut-Rhin 23 % |
Un milieu complexe : des données d’étude multisource
Aux frontières de plusieurs disciplines, ce projet nécessite l’acquisition de données multisources qui sont ensuite croisées en vue de l’interprétation des phénomènes observés.
Enquêtes de terrain
Les enquêtes visent à connaître l’occupation du sol en des endroits précis en 1995 afin de réaliser l’apprentissage des liaisons images de télédétection – surfaces couvertes nécessaires au traitement et à l’interprétation optimale de ces images.
Observations de terrain
À proximité du site d’étude, nous n’avons pas effectué de campagne de terrain massive, mais nous avons procédé à un échantillonnage pour l’observation des surfaces (Roche P., 1995) tout au cours de l’année 1998 et selon le cycle biologique des végétaux présents. Notons que la possibilité de “retour terrain” est un confort tant pour l’in-
La télédétection : une observation radiométrique instantanée
Définition
La télédétection est une mesure à distance instantanée de la réponse électromagnétique des différentes surfaces couvertes de la terre (forêts, cultures, villes, océans…). Ceci permet d’avoir une vue d’ensemble, globale et d’appréhender l’environnement. C’est également la localisation et la cartographie de ces réponses électromagnétiques. La télédétection comprend enfin la déduction, à partir de ces réponses, des informations qui nous intéressent sur la terre.
Principe de la télédétection
La terre est excitée par le soleil et répond à ces excitations en réfléchissant, en diffusant ou en émettant un rayonnement électromagnétique. Ce sont les caractéristiques de ce rayonnement électromagnétique que l’on mesure par télédétection à l’aide de capteurs embarqués sur des vecteurs (satellites, avions…).
Les longueurs d’ondes utilisées
Les longueurs d’ondes utilisées sont toutes celles du spectre électromagnétique. Dans l’étude de l’environnement prenant en compte la végétation, trois principaux domaines spectraux sont particulièrement adaptés :
- le domaine visible (accessible à notre œil) : 0,4 à 0,7 µm,
- le domaine de l’infrarouge : 0,8 à 2,5 µm pour le proche infrarouge et 3 à 12,5 µm pour l’infrarouge thermique,
- le domaine des hyperfréquences : quelques millimètres à 1 m environ.
Les données du satellite SPOT
Le capteur HRV du satellite SPOT fournit des informations dans le domaine des longueurs d’ondes du visible et du proche infrarouge. La taille du pixel (ou aire élémentaire d’observation) peut être assimilée à un carré de 20 m de côté. Les données sont numérisées et peuvent être représentées sous forme d’images.
Les données de l’avion ARAT (Avion de Recherche Atmosphérique et de Télédétection)
L’avion peut voler à différentes altitudes et embarquer différents capteurs. Dans notre étude, les paramètres de vol ont conduit à un pixel de 1 m de côté et le capteur mis en fonction a reproduit les fenêtres spectrales du capteur HRV XS du satellite SPOT.
Interprétation des données que pour la validation des résultats.
Photographies aériennes
Nous avons pris plusieurs photographies aériennes couleurs sur le vignoble du Haut-Rhin en juillet 1998. Les échelles et les localisations de ces prises de vue sont déterminées par le rapport des dimensions d’objets fixes connus au sol. Nous avons couvert ainsi 7 % de la superficie du vignoble en production. Les clichés nous permettent de distinguer le type d’enherbement pratiqué sur les parcelles et, de façon générale, l’occupation du sol (chemin de terre, chemin enherbé, route, arbres, bâtiment, sol nu, champ planté…).
Données du satellite SPOT XS (scènes d’avril 1995 et novembre 1998)
Pour chacune des années d’étude (1995 et 1998), nous avons utilisé deux scènes du satellite SPOT-XS qui couvrent l’ensemble du vignoble alsacien (pixel de résolution 20 × 20 m).
Le choix des dates de prise de vue a été imposé par le fait que nous voulions une image prise à une période où la vigne n’a pas ou n’a plus de feuilles et où l’herbe est présente afin de repérer au mieux l’enherbement.
Cette période correspond à la fin de l’hiver ou au printemps.
Données de l’avion ARAT (vol de juillet 1998)
Nous avons également acquis des données radiométriques à l’aide du capteur Push Broom travaillant dans les mêmes longueurs d’ondes que le capteur HRV/XS de SPOT embarqué à bord de l’Avion de Recherche sur l’Atmosphère et la Télédétection (ARAT). La dimension du pixel observé est alors de 1 × 1 m. La zone acquise est une zone représentant 11 % de la superficie du vignoble en production.
Les données géologiques et pédologiques
Les données géologiques disponibles sont complétées par “dires d’experts”. La cartographie des sols repose sur le travail de (Party et al., 1990). La numérisation des données est nécessaire pour son intégration dans la base de données pilotée sous système d’information géographique. L’extrême variabilité du milieu fait de ces données des éléments clés dans la modélisation des processus et l’interprétation des résultats.
Données de concentration et de flux de nitrates
Les transferts d’azote vers l’eau se font de préférence sous forme de nitrates à travers la lixiviation et sous forme de ruissellement. Les quantités d’azote ainsi entraînées sont fonction de plusieurs facteurs tels que la quantité d’azote nitrique dans le sol, sa répartition le long du profil de sol, la quantité d’eau drainée, la fréquence et la répartition des pluies.
Ce sont ces paramètres qui sont mesurés sur les parcelles et placettes expérimentales situées sur le domaine viticole du lycée agricole et viticole de Rouffach (68). Un équipement complet visant à quantifier le cycle de l’eau et de l’azote à l’échelle de la parcelle est mis en place. Le dispositif complet sera présenté dans un article ultérieur. Nous dirons simplement qu’à chaque épisode pluvieux qui ruisselle, les paramètres suivants sont mesurés : volume d’eau ruisselée, concentration en nitrates, nitrites, ammonium.
Tableau 3 : Effet de l’enherbement sur le volume ruisselé et le flux sortant pour les orages observés durant l’été 1998. L’unité de flux est en gramme de nitrate par hectare (g/ha)
Date | Parcelle enherbée (1) | Parcelle désherbée (2) | Rapport 2/1 |
---|---|---|---|
2 juin 1998 – Précipitations : 10,8 mm | Volume : 11,2 l Flux : 8,2 g/ha | Volume : 98 l Flux : 51 g/ha | 8,7 |
13 août 1998 – Précipitations : 28,6 mm | Volume : 13,7 l Flux : 16,5 g/ha | Volume : 100,2 l Flux : 70 g/ha | 7,3 |
14 sept. 1998 – Précipitations : 51,2 mm | Volume : 9 l Flux : 4,8 g/ha | Volume : 191,5 l Flux : 58 g/ha | 12,1 |
*ARAT : Avion de Recherche Atmosphérique et de Télédétection
nium, matières en suspension, pH et température. En ce qui concerne l’infiltration, les mesures s’effectuent toutes les semaines. Les solutions récoltées dans les bougies poreuses sont conservées au froid en attendant leur analyse. La température est relevée pour chaque station de mesure. La succion du sol qui définit le sens de l’écoulement de l’eau dans le sol (infiltration ou évaporation) est mesurée à l’aide de tensiomètres à différentes profondeurs. Les mesures d’humidité sont réalisées à l’aide de la sonde TDR (Time Domain Reflectometry).
Méthodologie
Traitements préalables des images de télédétection
Les caractéristiques propres du milieu observé en font un milieu difficilement modélisable à partir des connaissances actuelles. En effet, la pente, le relief, le petit parcellaire, les cultures en rang, la longueur des rangs, l’orientation des rangs par rapport à la pente, la diversité pédologique et les variétés de conduites de l’enherbement contribuent à la complexité de l’interprétation du signal reçu. C’est ainsi qu’avant d’interpréter le signal radiométrique capté, il est nécessaire d’effectuer plusieurs traitements. C’est ainsi que les images de télédétection ont subi une rectification géométrique et sont géoréférencées à l’aide d’un modèle numérique de terrain en coordonnées Lambert II.
Situé en zone de piémont, le vignoble présente un relief non négligeable. Nous avons donc corrigé les images de télédétection des effets d’ombre, d’angle d’incidence solaire et d’éclairement diffus selon l’algorithme proposé dans (Yang, 1990).
L’extraction des limites du vignoble a été effectuée à partir des limites numérisées du vignoble alsacien définies au 1/25 000 à partir de cartes IGN (Béji, 1998). Notons que les villes sont épurées des données sélectionnées. La délimitation du vignoble est ensuite superposée à l’image de télédétection. Cette sélection nette de la zone d’étude permet une réduction de la confusion des signatures radiométriques.
Afin de comparer les données radiométriques à haute et basse résolution, nous avons enfin effectué une translation afin de superposer les nuages de points dans l’espace radiométrique.
Extraction des parcelles de vignes au sein du vignoble et distinction du type d’enherbement
Nous avons exploité les données aéroportées radiométriques haute résolution afin de ne sélectionner que les parcelles de vignes à l’intérieur du vignoble (Grégoire, 1999). L’image obtenue est donc épurée des chemins de terre, routes goudronnées… La distinction du type d’enherbement (non enherbé, enherbé un rang sur deux, enherbé tous les rangs) à l’intérieur d’une parcelle de vigne est effectuée à partir des pixels de SPOT à l’aide d’une classique classification supervisée. L’apprentissage est réalisé grâce à la haute résolution et aux observations de terrain.
Modélisation des transferts de nitrates
Les mesures recueillies sur les sites expérimentaux sont introduites dans un modèle mécanique de simulation d’écoulement et de transfert en zone saturée et non saturée prenant en compte le relief (Diersch, 1998). Après la phase de calibration et de validation sur les sites expérimentaux, le modèle sera spatialisé aux différentes échelles de temps et d’espace pertinentes.
Choix d’une échelle de travail et mise en relation des données multisources
On entend par échelle de travail l’échelle à laquelle sont acquises et interprétées les diverses données. C’est encore la résolution spatiale à laquelle sont attachées les informations recueillies. Comme le montre le tableau 1, plusieurs échelles sont donc concernées dans cette étude pluridisciplinaire. Pour chacun des thèmes à traiter dans la perspective de la compréhension et de la modélisation des phénomènes, une échelle a été déterminée. Cette échelle découle d’ailleurs implicitement du capteur utilisé et du mode d’acquisition retenu. Nous constatons que l’échelle commune d’acquisition des différentes grandeurs nécessaires à l’étude est l’échelle de la parcelle. Cette échelle permettra une mise en relation directe des paramètres tandis qu’il faudra envisager la spatialisation des phénomènes afin d’atteindre l’échelle globale représentée par le vignoble. Cette démarche sera soutenue à l’aide d’un système d’information géographique qui permettra également la simulation de différents modes de gestion du vignoble et d’appréhender ainsi l’évolution de la qualité des eaux. L’organigramme présenté à la figure 3 résume les différentes étapes de traitement.
Les premiers résultats
Une évolution positive du taux d’enherbement du vignoble
La chaîne de traitement des données radiométriques a permis d’estimer la proportion des différents types d’enherbement présents au sein du vignoble alsacien (tableau 1). Nous constatons une progression de l’enher-
L’enherbement global des vignes de 4 % dans le Bas-Rhin et de 15 % dans le Haut-Rhin. Ces résultats sont ensuite validés grâce à une confrontation aux « dires d’experts » et une vérification directe.
L’herbe réduit les effetsdus au ruissellement
Depuis le début de la mise en place de l’expérimentation, nous avons observé trois épisodes ruisselants significatifs (tableau 3). Nous constatons que sur ces épisodes, l’enherbement a réduit d’un facteur allant de 7 à 21 le volume d’eau ruisselée. L’herbe joue également un rôle non négligeable sur la rétention des nitrates : en termes de flux, la parcelle enherbée présente des valeurs de 4 à 12 fois moindres par rapport à la parcelle désherbée. Notons que les pertes en sol par érosion sont également évaluées lors des épisodes ruisselants puisque les matières en suspension des eaux recueillies sont récoltées.
L’herbe joue un rôle de piège à nitrates
Nous nous intéressons ici à l’influence de l’enherbement sur la qualité des eaux d’infiltration. La figure 4 illustre les résultats obtenus en moyenne dans les inter-rangs de vigne désherbés et enherbés pour les deux périodes hydrologiques différenciées : l’été (avril à octobre) et l’hiver (novembre à mars) et pour les différentes profondeurs d’étude.
La présence d’herbe dans l’inter-rang de vigne diminue, en moyenne, de 8 à 30 fois la concentration en nitrate durant l’hiver et de 6 à 13 fois en été, suivant la profondeur. C’est en surface, à – 30 cm que la différence est la plus forte. L’effet positif de l’herbe sur la rétention des nitrates est donc démontré non seulement en hiver, mais également en été.
Conclusion
Les premiers résultats de cette étude sont encourageants quant aux perspectives des capacités épuratoires du milieu naturel lui-même puisque le simple fait de laisser « venir » l’herbe dans les inter-rangs de vigne divise le flux de nitrate ruisselé par un facteur allant de 4 à 5, tandis que les concentrations en nitrates des eaux d’infiltration sont diminuées jusqu’à 30 fois. Ces chiffres sont à mettre en relation avec les flux de transfert à l’échelle de la parcelle, mais également du bassin versant et, à terme, du vignoble tout entier. Ce travail montre également le potentiel des images de télédétection multispectrales à différentes résolutions, combinées aux informations de photographies aériennes dans la détermination, la quantification et l’évolution des surfaces viticoles couvertes en herbe ou non au sein du vignoble alsacien. Nous avons pu mettre en évidence un taux moyen d’enherbement de 66 % dans le Bas-Rhin et de 70 % dans le Haut-Rhin en 1995, ainsi qu’une progression de 4 % (Bas-Rhin) et 15 % (Haut-Rhin) entre 1995 et 1998. Outre des recommandations sur les doses d’engrais à apporter, leur fractionnement et les dates d’épandage, l’enherbement est un point fort de la stratégie mise en œuvre pour limiter les fuites de nitrates vers la nappe phréatique en période hivernale. C’est ainsi que cette pratique, quand elle est possible, n’est plus simplement un message diffusé aux viticulteurs, mais un véritable outil de lutte contre la pollution par les nitrates des eaux de consommation et contre l’appauvrissement des sols.
Un prochain article exposera la mise en place du dispositif expérimental qui permet de recueillir les données de concentrations en nitrates des eaux de ruissellement et d’infiltration (troisième trimestre 1999).
Le programme de recherche EVA, Enherbement du Vignoble Alsacien est soutenu financièrement par la Région Alsace (France), le ministère de l’Agriculture et de la Pêche (France) et l’Agence de l’Eau Rhin Meuse (France).