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Légionelle : un risque enfin maîtrisable !

30 janvier 2006 Paru dans le N°288 à la page 35 ( mots)
Rédigé par : Yves HILLION et Bertrand COISSAC

La pneumopathie, connue sous le nom de légionellose, est tristement devenue célébre. Il est vrai que son taux de mortalité élevé en a fait un problème de santé publique susceptible d'engager des responsabilités civiles, pénales et administratives pour les entreprises et leurs dirigeants. Il appartient en effet aux exploitants de tours aéroréfrigérantes de prévoir et de prévenir la contamination bactérienne en appliquant la réglementation récente et en usant de tous les moyens connus et préconisés pour la maîtrise de ce risque. Aujourd'hui, grâce au développement technologique et l'évolution réglementaire qui s'ensuit, de nouvelles stratégies de maîtrise du risque légionelle ont fait leur apparition.

Aujourd’hui, grâce au développement technologique et à l’évolution réglementaire qui s’ensuit, de nouvelles stratégies de maîtrise du risque légionelle ont fait leur apparition.

Magazines, télévisions, presse spécialisée comme généraliste, la petite bactérie est devenue un véritable problème public. En effet, jusqu'à aujourd'hui, la légionelle n’a brillé que par les ravages sanitaires et économiques qu'elle engendre. Elle est responsable de l’hospitalisation d’au moins 1 200 personnes par an en France en 2004 et les données 2005 montrent une augmentation du nombre de cas recensés (1 353 cas sans les chiffres de décembre). Elle cause également de lourdes pertes économiques aux industries et aux collectivités en engendrant l’arrêt du fonctionnement de tours aéroréfrigérantes et de la chaîne de production qui y est liée (300 arrêts en 2004 contre 60 en 2003). Si chaque entreprise peut estimer le risque que représente une crise de légionelle dans sa chaîne de production, le manque à gagner pour l’ensemble de l’industrie et des collectivités est incalculable. Il s’agit d’estimer la perte de production, la perte d’image et ses conséquences à moyen terme (baisse de fréquentation pour un lieu ouvert au public par exemple) et bien sûr le coût des éventuels arrêts maladie du personnel touché par la pathologie.

Face à cet impact public, le gouvernement a fait de la maîtrise du risque légionelle une de ses priorités en se fixant pour objectif de diviser par quatre le nombre de cas de légionellose d’ici 2008. Et il s’en est donné les moyens !

Ainsi, grâce au réseau de surveillance épidémiologique piloté par l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) et par le Centre

[Encart : texte : La PCR Temps Réel Amplification PCR La PCR, Polymerase Chain Reaction, est une technologie permettant de multiplier de manière spécifique une séquence d’ADN cible. Dans une réaction PCR, on distingue les étapes suivantes : Dénaturation : L’ADN double brin est d’abord séparé en deux simples brins par chauffage à une température de 95 °C. Hybridation : Le mélange est refroidi à une température qui permet la fixation des amorces (primers) sur l’ADN cible. Élongation : À partir des amorces, l’ADN polymérase synthétise de nouveaux brins d’ADN, à chaque nouveau cycle de PCR. PCR Temps Réel – mesure de la fluorescence La technologie TaqMan™ est à ce jour utilisée pour permettre une mesure quantitative de l’ADN. La sonde TaqMan™ porte deux marqueurs à ses extrémités : un fluorophore et un quencher. Cette sonde est stable et n’émet aucune fluorescence tant que le fluorophore et le quencher sont proches spatialement. Pendant l’amplification PCR, l’ADN polymérase clive la sonde, libérant ainsi le fluorophore dont l’intensité du signal fluorescent peut être mesurée. Celui-ci est proportionnel à la quantité d’ADN amplifié. Un calcul à partir de ces données permet de déterminer la quantité d’ADN cible présente dans l’échantillon au départ de la réaction. ]

Le Centre National de Référence des Légionelles (CNRL), basé à Lyon et dirigé par le Pr Jérôme Etienne, grâce au suivi des installations à risques orchestré par la DGS, les DDASS, DRIRE et STIIC, mais aussi grâce aux traiteurs d’eau qui mettent au point de nouveaux traitements, aux laboratoires d’analyses qui proposent de nouvelles technologies permettant aux industriels de connaître en quelques heures le niveau réel de la contamination en légionelles dans leur réseau d’eau, la maîtrise du risque légionelle n’a jamais semblé aussi accessible. Après un rappel du renforcement réglementaire, cet article présente les solutions pour la maîtrise du risque légionelle qui s’offrent aujourd’hui aux industriels et aux collectivités grâce aux nouvelles méthodes d’analyses.

Le renforcement du cadre réglementaire

La vigilance de l’inspection des installations classées est permanente. Elle peut demander à tout moment, en complément des analyses périodiques et aux frais de l’exploitant, la réalisation de prélèvements et analyses supplémentaires, y compris de façon inopinée.

En 2004, il y eut ainsi 14 000 contrôles inopinés de tours aéroréfrigérantes ordonnés par les DRIRE et engendrant quelque 300 arrêts de leur fonctionnement par arrêtés préfectoraux.

Pour la seule région Île-de-France, la DRIRE confiait à trois laboratoires d’analyses le soin de réaliser 432 prélèvements dans 163 établissements réglementés pour le risque légionelle. Dans 30 % des cas, les résultats des analyses entraînaient une action corrective.

De même, une étude réalisée par la DGS avec les DDASS locales sur la qualité des eaux thermales concluait que 30 % des établissements présentaient une non-conformité sur les légionelles.

Pilotage des installations

Afin de maintenir l’installation dans un bon état sanitaire pendant toute la durée de son fonctionnement, un suivi technique et analytique est indispensable.

Les analyses réglementaires, pour les installations classées, doivent être effectuées conformément à la norme NF T90-431, à une cadence mensuelle, qui peut devenir trimestrielle si, pendant 12 mois continus, les analyses révèlent un taux inférieur à 1 000 UFC/litre (unité formant colonie).

Une seule analyse supérieure à ce taux ou un résultat ne pouvant être rendu par la technique NF T90-431 du fait d’une flore interférente suffisent à ramener une fréquence mensuelle des analyses réglementaires.

Cependant, le délai d’analyse (11 jours), le manque de sensibilité et le problème posé par la flore interférente rendent difficile le pilotage des installations par cette méthode. Pour disposer de photographies instantanées ou presque de l’état sanitaire des installations, les nouvelles méthodes d’analyses rapides par PCR temps réel constituent un outil précieux.

Ainsi, un exploitant peut, par exemple, réaliser une analyse par semaine sur chacune de ses tours aéroréfrigérantes. En cas d’alerte,

[Photo : Schéma 2 : Suivi des légionelles au sein d’une TAR.]

il peut vérifier très rapidement l'efficacité du traitement mis en œuvre. Avec un tel pilotage (cf. schéma 2) les contrôles réglementaires peuvent alors s'avérer une simple formalité!

Les méthodes d’analyses rapides des légionelles ont fait leur apparition en 2000 alors que la PCR Temps réel en était à ses balbutiements. Depuis 2004, les derniers obstacles à l'utilisation de ces technologies en analyse de routine ont été franchis par certains fournisseurs pour aboutir à des tests répétables et corrélés à la méthode de référence sur laquelle s'appuie encore la réglementation.

Aujourd’hui, les produits proposés offrent une robustesse (spécificité, reproductibilité, répétabilité) supérieure au test de culture mis au point en 1993 (NFT 90-431). Le premier avantage de ces méthodes est leur rapidité. Grâce à la détection et à l’amplification de l'ADN, un échantillon peut être analysé en moins de 3 heures.

[Schéma : L’analyse de la légionelle en moins de 3 heures]
[Encart : La société GeneSystems a développé et commercialise une méthode de quantification des légionelles clé en main. Fonctionnant sur le principe de la PCR Temps réel, cette méthode de routine donne un résultat de quantification en moins de 3 heures de l'échantillon au résultat (contre 10 à 15 jours par la méthode traditionnelle). Le protocole standard développé sur l'appareillage GeneSystems permet l’analyse de légionelle sur tous types de matrice, notamment sur des eaux plus ou moins chargées en éléments divers telles que les eaux de tours aéroréfrigérantes, les boues et les effluents de stations d’épuration, etc. Ce procédé unique offre une analyse reproductible et rapide dont la fiabilité a été démontrée dans plusieurs études indépendantes. « La norme sur les méthodes d’analyses alternatives devrait paraître prochainement. Cela représente une grande avancée dans la résolution du problème légionelle pour les industriels et les collectivités, estime le Dr. Gabriel Festoc, Président de GeneSystems. Les autorités réglementaires décideront alors quelles suites elles souhaitent donner en termes de réglementation et utilisation de ces méthodes pour le suivi des installations ».]

analysé en quelques heures (entre 2 h 40 et 4 h 30 suivant les technologies et la nature des échantillons).

Ces technologies permettent donc de connaître l’état du réseau au jour le jour et non de constater un dépassement des seuils effectif depuis 10 à 15 jours en utilisant la méthode normée de culture.

Les autres avantages de certaines de ces méthodes sont le fait qu’elles sont efficaces sur tout type de matrice et en particulier sur des eaux chargées biologiquement. En effet, la présence de flore interférente n’entrave pas la détection de l’ADN de légionelle.

De plus, les bactéries stressées par les traitements appliqués mais encore vivantes sont bien détectées par la PCR. Il en va de même pour les légionelles intra-amibiennes qui peuvent représenter une part importante de la population des légionelles de certaines eaux. Enfin, leur coût de revient n’est pas plus élevé que celui d’une analyse classique du fait du faible temps de manipulation nécessaire à leur mise en œuvre.

Une méthode reconnue

La méthode réglementaire actuelle, NF T90-431, mise au point en 1993, présente des problèmes de reproductibilité et de sensibilité. Un rapport du Conseil supérieur d’hygiène publique de France précise que « ceci peut conduire à des écarts parfois importants de résultats entre les laboratoires, relevés lors d’analyses de routine et même lors des campagnes d’intercomparaison. D’autre part, cette méthode semble ne pas pouvoir être valablement utilisée pour l’analyse de tous les types d’eaux, notamment pour certaines eaux naturelles très riches en matières en suspension et en flore microbienne, ce qui est notamment le cas pour certaines eaux industrielles (eaux des tours aéroréfrigérantes, etc.) ».

L’AFNOR a été saisie pour procéder à l’actualisation de la norme NF T90-431 et a engagé des travaux dans ce sens. Ainsi, les méthodes de détection et quantification des légionelles par PCR temps réel sont actuellement en cours de normalisation (XP T90-471). Cette nouvelle norme devrait selon toute vraisemblance paraître en 2006. Rapidité, sensibilité, meilleure reproductibilité, et maintenant normalisation, il y a fort à parier qu’avec ces atouts, l’analyse par PCR temps réel devienne dans le proche avenir un outil incontournable de la lutte contre les légionelles.

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