Dès novembre 1980, le S.I.R.T.O.M. regroupait alors 107 communes produisant 42 000 t d’ordures par an ; l'usine était donc arrivée pratiquement à saturation lors des pointes estivales. Par suite, compte tenu de la progression régulière du tonnage des ordures ménagères, le S.I.R.T.O.M. décidait en 1981 la construction d'un troisième four-chaudière de 3,5 t/h destiné également à offrir des possibilités économiques nouvelles, car les deux premiers fours avaient été étudiés avant le premier choc pétrolier. En effet, sur 80 000 t de vapeur produite annuellement par les deux premiers fours, seules 20 000 t environ servaient au séchage des boues de la station d’épuration, le reste étant inutilisé. En 1978, au moment du second choc pétrolier, il était apparu que cette chaleur pouvait être récupérée industriellement, et un an plus tard, une double canalisation « vapeur/condensat » était posée pour alimenter l'usine de la Société Diepal (industrie alimentaire), lui permettant de couvrir ainsi les deux tiers de ses besoins en vapeur.
C’est pourquoi le troisième four-chaudière de l’usine d'incinération des ordures ménagères de Brive a été conçu de façon à pouvoir récupérer le maximum d'énergie tout en minimisant les contraintes de son exploitation. Par rapport aux deux fours existants, des améliorations ont donc été apportées en ce qui concerne :
- — la combustion en phase solide,
- — la combustion en phase gazeuse,
- — la récupération d’énergie.
Enfin, toutes ces dispositions permettront d’équiper ce four d’une régulation entièrement automatique de la combustion.
Le principe du fonctionnement de l’installation, schématisé sur la figure 1, est décrit ci-après.
[Photo : L'usine d'incinération des ordures ménagères de Brive]
[Photo : Schéma du principe de fonctionnement (figure 1)]
LA COMBUSTION EN PHASE SOLIDE
Alimentation du four (1)
La grille d’alimentation qui existe sur les fours existants est remplacée sur le 3° four par un poussoir d’alimentation qui peut être comparé à un tiroir retourné, se déplaçant sur une plaque horizontale. Chaque mouvement du tiroir apporte une quantité fixe d’ordures dans le four (ce qui n’est pas le cas avec une grille d’alimentation). La vitesse d’avance du poussoir est variable, alors que le retour s’effectue à vitesse constante ; le dosage des ordures ménagères peut donc être déterminé à chaque instant.
La grille (2)
La grille installée sur les deux premiers fours ne permettait pas encore de résoudre de façon optimale la répartition de l’air comburant (3) qui dépend de la nature et de l’épaisseur du lit d’ordures, ni de diminuer les pertes au travers de la grille.
La grille mise en œuvre sur le troisième four est représentée sur la figure 2. La grille est montée par éléments ; elle est composée selon la capacité du four et le PCI des ordures ménagères de trois éléments de 2 m de long chacun sur 2,20 m de large.
Un élément de base présente les caractéristiques suivantes :
- — rangées transversales de barreaux de grille resserrés (pour diminuer les pertes au passage des ordures),
- — l’élément repose sur un chariot à palier à rouleaux et est entraîné par deux cylindres normalisés, montés en dehors de la trémie,
- — commande par impulsions électroniques hydrauliques ; ainsi la vitesse d’une course est constante et seules les durées de pose entre les courses sont réglables,
- — refroidissement forcé des barreaux de grille provoquant une forte perte de charge dans le circuit d’air comburant,
- — chaque barreau de grille peut être remplacé séparément.
Évacuation des cendres et des mâchefers (4) et (5)
La quantité réduite des pertes se produisant au travers de la grille, et leur nature permettent l’évacuation pneumatique des cendres vers le puits à mâchefer. Par suite, l’extracteur à mâchefer du troisième four est plus court que ceux des deux autres.
[Photo : La grille du 3° four.]
LA COMBUSTION EN PHASE GAZEUSE
L’acide chlorhydrique engendré par la combustion des ordures attaque les tubes de la chaudière, dès qu’il se trouve en présence de gaz non entièrement consommés (monoxyde de carbone).
Il était primordial par conséquent que le système d’air secondaire (6) ainsi que la géométrie de la chambre de combustion soient étudiés conjointement pour que la combustion des gaz soit aussi parfaite que possible ; ainsi la hauteur de la zone de chaudière à protéger par une mince couche de réfractaire est réduite à ce qui est strictement nécessaire pour assurer la combustion totale des gaz. Par ailleurs, les parois refroidies par les tubes de chaudières descendant jusqu’à la grille ne suffisent pas pour exclure le risque de collage des cendres en fusion. C’est pourquoi dans la zone de combustion principale peuvent être montées, si nécessaire, des plaques en céramique perforées (7) au travers desquelles l’air est insufflé.
LA RÉCUPÉRATION D’ÉNERGIE (8)
La disponibilité d’une installation s’exprime par la durée d’exploitation ininterrompue du four-chaudière entre deux nettoyages manuels. Ce temps détermine le choix des températures des gaz de combustion, des vitesses des gaz, de la disposition des différentes surfaces d’échange de chaleur, des conditions de courant côté gaz de combustion et côté vapeur, du dispositif de nettoyage et des mesures à prendre contre la corrosion.
La chaudière est constituée de deux parcours. Le premier parcours ascendant comporte une très grande section, ce qui assure une faible vitesse des gaz et un temps de retombée des poussières dans le foyer relativement long. Les parois de cette chambre sont constituées par des tubes d’eau à ailettes soudées entre elles de façon étanche.
dépôt de poussières acides dans cette zone difficile à nettoyer ; de même, toutes les jonctions faisceaux collecteurs aussi bien sur la partie « eau » que sur la partie « vapeur » sont extérieures au casing, donc d’accès direct.
Le deuxième parcours est horizontal. Les faisceaux échangeurs sont suspendus et les tubes sont disposés verticalement, ce qui évite les dépôts de poussières. Cette chambre communique avec la première chambre ascendante par un coude à 90°. Le brusque changement de direction des gaz, allié à un tourbillonnement provoqué, permet ainsi un brassage des gaz et leur homogénéisation avant le passage au travers des faisceaux suspendus. Dans cette deuxième chambre que sont placés les faisceaux de l’évaporateur 1 et de l’évaporateur 2. Les gaz commencent leur parcours à une température inférieure à 700 °C, et de ce fait les poussières et sels fusibles contenus dans les fumées ne déposent pas sur les premiers tubes d’évaporation, ce qui garantit le bon écoulement des gaz. Pour plus de sécurité, les tubes avant sont écartés les uns des autres de 375 mm, ce qui laisse un passage libre important. La vitesse des gaz dans les faisceaux ne dépasse pas 6,5 m/s. Le dépoussiérage des cendres volantes sur les faisceaux est assuré par un système de frappage. Il n’a pas été prévu de souffleur de suies en raison du danger d’érosion et de corrosion.
Ces dispositions permettent de garantir un temps d’exploitation de 8 000 h entre deux nettoyages manuels, bien que dans la pratique des temps plus élevés aient été atteints (40 000 h à Landshut).
RÉGULATION AUTOMATIQUE DE LA COMBUSTION
De plus en plus, les Usines d’Incinération d’Ordures Ménagères sont considérées comme des centrales « chaleur-force » et il leur est imposé de livrer une qualité et une quantité d’énergie constantes alors que les ordures ménagères combustibles, hétérogènes par définition, présentent une composition (donc un pouvoir calorifique) très variable.
La régulation automatique de la combustion permet de produire une quantité constante de vapeur ou d’énergie tout en respectant les critères d’une bonne combustion en agissant sur les différents paramètres de la combustion :
- — teneur en CO,
- — teneur en imbrûlés,
- — excès d’air,
- — température dans le foyer,
- — régularité de l’épaisseur de la couche d’ordures ménagères sur la grille.
Poussoir
La fréquence de déplacement du poussoir d’alimentation est commandée en fonction du débit vapeur. La vitesse d’avancement du poussoir est donc continuellement modifiée, la quantité d’ordures amenée dans le four par mouvement du poussoir restant elle-même constante.
On obtient ainsi une alimentation régulière adaptée en permanence aux conditions de la combustion.
Grille
Afin d’obtenir une couche d’ordures régulière, leur vitesse de déplacement sur la grille est également asservie au débit de la vapeur, la régulation ayant lieu par modification des temps d’arrêt de fonctionnement des différents gradins de la grille.
Système d’air de combustion
Pour obtenir sa meilleure répartition sur toute la longueur de la grille, le débit d’air comburant est asservi sous la grille principale à la charge thermique développée dans le four. La mesure de celle-ci est assurée par le paramètre « débit vapeur » : lorsque ce dernier diminue, le débit d’air primaire s’accroît automatiquement dans la zone de combustion principale ; dans le cas contraire, il diminue et ainsi à chaque instant il s’adapte à la production de chaleur.
La répartition des injections d’air secondaire sur les faces avant et arrière du four est assurée par un dispositif, en fonction des températures avant et arrière, de sorte que l’air secondaire est injecté là où se situent éventuellement des fumées de combustion incorrectement brûlées.
La quantité totale d’air de combustion se maintient en moyenne à peu près constante. En effet, comme la température de combustion et le débit de la vapeur évoluent en moyenne parallèlement et dans le même sens, la réduction de l’air de combustion primaire est compensée par une augmentation de l’air secondaire ce qui, indirectement, entraîne un excès d’air à peu près constant.
Par ailleurs, une modification de la teneur en oxygène donne une information anticipée sur la variation ultérieure du débit de la vapeur, ce qui permet l’adaptation rapide du fonctionnement du four.
* * *
On peut dire, en conclusion, que les nouveaux procédés mis en œuvre à l’occasion de la réalisation du troisième four de Brive constituent un exemple type de la technique de l’incinération des ordures ménagères.
Les constructeurs recueillent ainsi le fruit des recherches qu’ils ont menées en vue de rendre les usines d’incinération aussi fiables que les centrales à combustibles classiques.
Des installations semblables sont d’ailleurs en cours de réalisation dans les usines de Chinon, Pithiviers et Massy.