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Le transport d'eau chaude par canalisations en fonte pré-isolées. Applications en géothermie

28 février 1984 Paru dans le N°80 à la page 25 ( mots)
Rédigé par : G DELAVAL et P BRUCHER

A PROPOS DES RÉSEAUX DE CHALEUR

En réponse à l’augmentation du coût des hydrocarbures et aux fluctuations du marché, se développe une politique nationale d’économies d’énergie et de diversification des approvisionnements en énergie primaire. Une adaptation simultanée de la demande finale doit l’accompagner, que freinent sensiblement l’inertie et la rigidité des modes de vie et des structures urbaines. Aussi, est-ce bien désormais l’un des soins de l’aménageur que d’imaginer et de promouvoir les éléments de souplesse et d’adaptation que requièrent le durcissement et l’évolution incertaine du marché de l’énergie.

Le secteur « résidentiel et tertiaire », à côté de celui des « transports », constitue un domaine d’investigation privilégié. En effet, la part du secteur « résidentiel et tertiaire » représente sensiblement 40 % de la consommation nationale d’énergie, dont 60 % est utilisée pour le seul chauffage des locaux. C’est ainsi que les réseaux de chauffage urbain représentent un moyen privilégié de réaliser cette diversification des sources.

Aujourd’hui, dans les réseaux existants de taille moyenne, l’utilisation du fuel ou du gaz est encore souvent prépondérante. Ces combustibles peuvent rester à l’avenir les mieux adaptés pour assurer les besoins d’appoint, de pointe ou de secours ; mais, simultanément, les réseaux de chaleur permettent désormais de valoriser, notamment en production de base, les sources les plus variées :

— énergies classiques telles que le charbon ou le bois, dont l’utilisation individuelle régresse en zone urbaine, et dont la promotion dans le secteur domestique requiert désormais des chaufferies centralisées et des ouvrages communs pour la distribution de la chaleur ;

— énergies spécifiques, dont les réseaux de chaleur constituent le seul vecteur possible, telles que la géothermie, les résidus urbains, les rejets thermiques, le prélèvement de vapeur sur les centrales électriques, voire la chaleur produite par des réacteurs nucléaires spécifiquement calogènes.

Les réseaux de chaleur sont relativement indifférents aux sources de chaleur qu’ils utilisent : celles-ci peuvent être facilement associées et substituées les unes aux autres. Cette souplesse d’adaptation à des sources variées, et notamment aux énergies disponibles les moins chères du moment, constitue à la fois un facteur de sécurité et une garantie de gestion au meilleur coût.

LA SITUATION FRANÇAISE

Création d’une « mission chaleur » en avril…, fixation d’un objectif 1990 ambitieux par le Conseil central de planification le même mois…, création d’un groupe de travail au ministère de l’Environnement en juin, « loi sur la chaleur » le 15 juillet…, colloque sur les réseaux de chaleur le 11 décembre… L’année 1980 aura vu les pouvoirs publics prendre conscience de l’importance des réseaux de chaleur dans la politique énergétique du pays ; c’est au cours de cette année qu’on a vu le brut atteindre 1 000 F la tonne et le chauffage urbain jouir d’un regain de faveur.

Les réseaux existants en France à ce jour desservent plus d’un million de logements, soit 3 millions de personnes.

Le tableau présente le bilan et les objectifs à l’horizon 1990.

BILAN ET OBJECTIFS À L’HORIZON 1990

Consommation d’énergie (en milliers de Tep)

Géothermie ........................................ 30 300 650
Pompes à chaleur électriques (avec apport géothermie) ..... 50 120
Incinération d’ordures ménagères ..................... 250 600 700
Rejets thermiques industriels, prélèvements de rejets des centrales électriques ............. 350
Chaufferies collectives
Charbon ......................................... 200 700 1 320
Fioul lourd ..................................... 1 400 900 650
Thermos .......................................... 35
TOTAL (en milliers de Tep) ........................ 2 300 3 000 4 800
PAC (équivalents logements en milliers) ............ 1 350 1 900 3 000

Ce développement des réseaux de chaleur en France s’inscrit dans le cadre de la politique énergétique nationale qui comporte :

— le doublement des réseaux existants (pour atteindre 4,8 millions de Tep en 1990),

— la modification de la répartition interne des sources de chaleur, en diminuant la part des hydrocarbures au profit du charbon, avec la récupération des rejets thermiques et l'utilisation des énergies nouvelles,

— l’extension des réseaux de chaleur à des applications agricoles (chauffage des serres ou aquaculture par exemple) et peut-être, à terme, industrielles.

Pour contribuer à la politique de développement des réseaux de chaleur décidée par les pouvoirs publics, l'Agence française pour la maîtrise de l’énergie (A.F.M.E.) a mis en place un programme d’aides spécifiques aux réseaux de chaleur (circulaire A.F.M.E. du 19-4-1982).

Dans le cadre de la partie du fonds spécial Grands Travaux, dont elle assure la gestion, l'A.F.M.E. aide ainsi à hauteur de 20 % du montant de l'investissement un certain nombre de projets de réseaux de chaleur.

LE TRANSPORT DE LA CHALEUR

Le transport de la chaleur s’effectue selon un schéma simple : un fluide caloporteur — c’est-à-dire porteur de calories — transite en circuit fermé de sa source vers des centres d'utilisation où il « décharge » sa chaleur avant de venir se « recharger » à sa source de production.

Un réseau de transport de chaleur est donc constitué par une double canalisation qui comprend un tuyau d’aller — dit tuyau chaud — et un tuyau de retour ou tuyau froid.

La décision économique de réaliser un réseau repose sur l’analyse de plusieurs paramètres :

— la distance qui sépare la source de chaleur du lieu d'utilisation,

— la température de la source,

— le prix de la thermie produite,

— le nombre de consommateurs et leur densité,

— la modulation dans le temps des consommations nécessaires.

Ce sont en effet ces paramètres qui permettent de calculer le prix de la thermie livrée à l'utilisateur, de déterminer ainsi l’économie d’hydrocarbure induite et, par suite, d’apprécier l'intérêt économique de l’installation d’un réseau.

CARACTÉRISTIQUES RECHERCHÉES D’UN RÉSEAU

Ce sont celles qui correspondent aux trois préoccupations essentielles suivantes :

— possibilité de transporter la puissance thermique dont on dispose à la source et cela en toute sécurité et au moindre coût,

— réalisation au plus faible coût, donc avec des matériaux bon marché très faciles à mettre en œuvre, entraînant le moins de perturbations possibles pour l’environnement,

— stabilité dans le temps en efficacité, donc en caractéristiques intrinsèques (notamment mécanique), des matériaux, en géométrie, en étanchéité et d’une façon plus générale, correspondant au coût d’entretien le plus faible possible.

UNE NOUVELLE TECHNIQUE POUR LE TRANSPORT DE L’EAU CHAUDE : LES CANALISATIONS EN FONTE DUCTILE PRÉ-ISOLÉES

Ce nouveau type de tuyau a été développé en adaptant au transport d’eau chaude la technique éprouvée des canalisations en fonte ductile utilisée depuis longtemps pour l’adduction d’eau froide. Ses caractéristiques essentielles sont les suivantes :

— technologie de fabrication : tuyau et calorifugeage (sans limitation de diamètre),

— pose rapide en pleine terre, sans confection de caniveaux et sans soudures,

— suppression de tout système de compensation de dilatation.

Les photos présentent des vues de ce tuyau.

[Photo : Vue du système de jonction.]
[Photo : Coupe d'une jonction avec isolation.]

Le tuyau de base est en fonte ductile

Obtenu par centrifugation de la fonte liquide, ce tuyau est bien adapté au service recherché. Résistant à la température, résistant à la pression, il comporte à l'une de ses extrémités un emboîtement moulé, destiné à recevoir une bague de joint en élastomère.

Le calorifugeage

Dans la gamme de températures envisagée, la mousse de polyuréthane rigide présente les meilleures caractéristiques, à la fois mécaniques et thermiques. Toutes les parties du tuyau ou des pièces spéciales (coudes, tés, brides...) qui ne sont pas calorifugées reçoivent en usine un revêtement anti-corrosion performant, à base de thermoplastique fluoré.

La pose

Le montage des tuyaux s'effectue très simplement, en engageant l'extrémité mâle du tuyau dans l'emboîtement du tuyau suivant, et en comprimant ainsi la bague d'étanchéité dans son logement. Mais, dans le cas de l'eau chaude, le joint d'étanchéité remplit une nouvelle fonction : le joint est un véritable compensateur de dilatation. Lors des variations de température, l'extrémité mâle glisse en effet sous la bague de joint.

La pose de ces tuyaux en tranchée se réduit donc à une simple opération d'emboîtage des tuyaux l'un dans l'autre. C'est une garantie de rapidité et de sûreté.

LES RÉSEAUX DE CHALEUR ET LA GÉOTHERMIE

La crise de l'énergie a déclenché en 1974 un certain enthousiasme pour la géothermie. De nombreux projets ont été élaborés mais peu ont vu le jour pour différentes raisons : difficultés géologiques et minières, ralentissement des programmes de construction des ensembles collectifs de logements neufs, rodage de cette nouvelle technique, coûts prévisionnels élevés. Une politique active en matière de géothermie s'est appliquée à lever ces principaux obstacles. Ainsi, une aide est apportée aux collectivités locales, aux organismes qui gèrent un grand ensemble de logements, et également à d'autres utilisateurs importants qui envisagent de réaliser une installation géothermique.

Depuis trois ans, les opérations de chauffage à partir de la géothermie se multiplient. Les techniques de forages sont maintenant bien maîtrisées et la géothermie, comparée aux énergies classiques en constante augmentation de prix, est devenue rentable et sûre. Elle a, en outre, le mérite de n'être pas polluante.

L'utilisation de la géothermie a pour corollaire la création de réseaux de chaleur.

ASPECTS SPÉCIFIQUES DE LA GÉOTHERMIE

La source de chaleur, constituée par un doublet de forages géothermiques (puits de production et puits de réinjection), présente certaines caractéristiques qui commandent la conception des ouvrages :

— le débit et la température de l'eau sont limités (100 à 300 m³/h — températures très généralement inférieures à 100 °C),

— la puissance thermique dépend de la température de réinjection de l'eau, qui devra être la plus faible possible pour obtenir le meilleur rendement,

— la géothermie est surtout intéressante pour le chauffage de base, un appoint étant nécessaire par temps froid.

PRINCIPES DE LA CRÉATION D'UN RÉSEAU DE CHALEUR ALIMENTÉ PAR GÉOTHERMIE

Toute la recherche du thermicien consiste à créer une chaîne d'utilisation de l'eau permettant d'employer les calories à des températures progressivement les plus basses possibles. Le cas le plus schématique, partant d'eau géothermale à 80 °C, serait celui du chauffage d'un ensemble possédant des radiateurs avec retour à 70 °C, où l'on utiliserait les retours successifs de la façon suivante :

— chauffage d'ensemble avec planchers, retour à 45 °C,

— chauffage de batteries d'air, retour à 30 °C,

— chauffage d'eau d'une piscine ou de serres, retour à 20 ou 25 °C,

— emploi de pompes à chaleur et réinjection d'eau géothermale à 10 °C.

EXEMPLES D'OPÉRATIONS DE GÉOTHERMIE DANS LESQUELLES DES RÉSEAUX DE TRANSPORT DE CHALEUR ONT ÉTÉ RÉALISÉS EN FONTE PRÉ-ISOLÉE

L'opération de Meaux (la plus importante réalisée en France).

La ville de Meaux est située sur l'une des parties les plus profondes, donc les plus chaudes du réservoir du Dogger. Cette situation extrêmement favorable et le

[Photo : Meaux : Pose de la fonte en site urbain.]

nombre très élevé de logements à chauffer ont incité à la réalisation de l'opération. Les résultats ont dépassé les espérances puisque l'eau atteint 79 °C au toit du réservoir (à 1 750 m de profondeur), le débit artésien d'un forage étant de 240 m³/h et le débit exploitable par pompage de 300 m³/h.

Trois installations géothermiques fonctionneront à Meaux en 1984 à partir de quatre doublets (forage de production + forage de réinjection) :

  • - un doublet dans le quartier de la Pierre-Collinet pour 3 700 équivalents-logements,
  • - un doublet dans le quartier de l'Hôpital pour 2 600 équivalents-logements (dont les deux tiers d’équipements publics),
  • - deux doublets dans la ZUP de Beauval pour 8 500 équivalents-logements.

Ces installations seront commandées par trois centrales comportant chacune :

  • — un échangeur de chaleur qui permet à l'eau salée du circuit géothermal de réchauffer l'eau douce du réseau des chaufferies ; cet échangeur est en titane, métal anti-corrosion qui garantit une longue durée de vie,
  • — des pompes de circulation et de réinjection,
  • — un tableau de contrôle.

Les réseaux de distribution de l'eau chaude utiliseront les réseaux de chauffage urbain existants ou de nouveaux réseaux. Les chaufferies existantes sont conservées pour fournir l'appoint par temps très froid.

L’économie en TEP (substituée) est estimée pour l'ensemble des installations à 19 800 par an.

Plus de 16 km de canalisations en fonte pré-isolée, dans la gamme de diamètres 100 à 300 mm, ont été posés.

[Photo : Creil : pose du réseau fonte pré-isolée de la liaison entre la station de géothermie et la base aérienne (5 km DN 200).]

L’opération de Bordeaux

Les forages réalisés à Bordeaux ont été un succès et l'opération du quartier de Mériadeck a déterminé la poursuite d'un programme de mise en production de cette source d’énergie à basse température sur l'ensemble de l'agglomération bordelaise, toutes les conditions étant réunies pour assurer le succès de l'opération.

Entièrement enterré, le réseau de distribution d’eau chaude a été réalisé à l'aide de tuyaux en fonte pré-isolés en usine par une épaisseur de mousse polyuréthane de 5 cm sur les canalisations aller et de 2,5 cm sur les canalisations retour. Il représente plus de 6 km de canalisations DN 100 à 250 mm. Il comporte des points de purge d’air aux points hauts et des vidanges aux points bas, ainsi que des vannes de sectionnement permettant des interventions pour réparation, sans interrompre la totalité de la distribution.

DE LA GEOTHERMIE

AUX RESEAUX DE CHALEUR

Nouvelle ou redécouverte, la géothermie constitue une énergie en plein essor. Dans le monde entier, des exploitations géothermiques à haute température (au-dessus de 150 °C) destinées à la production d’électricité sont en cours de réalisation. Dans le domaine de la basse température (en dessous de 100 °C), la France est en passe de devenir le premier utilisateur de chaleur des nappes d’eau chaude naturelles. D’une opération nouvelle par an à la fin des années 1970, le rythme de développement atteindra, en effet, 20 opérations par an en 1983. Nous utilisons l'énergie géothermique à basse température pour le chauffage des locaux : logements, bâtiments publics, bureaux, etc. L’avance dans ce domaine est significative autant par le nombre des installations en service et en cours de montage que par la qualité technique des travaux.

À côté de la géothermie, il existe tout un potentiel énergétique important sous forme de ressources naturelles telles que solaire, biomasse... mais également sous la forme de rejets thermiques qui sont produits par les centrales électriques, les industries et les usines d'incinération des ordures ménagères. Ces rejets, qui peuvent souvent constituer une gêne pour l’environnement, sont actuellement soit dispersés dans l'air par des tours de refroidissement, soit dans les rivières sous forme d'eau chaude. Or, cette chaleur potentielle peut être utilisée dans un chauffage urbain ou dans des équipements industriels ou agricoles utilisant des températures peu élevées et toutes ces utilisations de récupération d’énergie sont rendues possibles par la réalisation de réseaux de chaleur.

La nouvelle technique des canalisations en fonte pré-isolées appliquée aux transports d’eau chaude permet de répondre aux besoins actuels d’économie d’énergie et aux grandes possibilités que peut offrir la récupération des calories. L'intérêt technique et économique de ce nouveau système de canalisation devrait faciliter la réalisation de ces réseaux.

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