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Le traitement et la valorisation des boues : une priorité pour l'avenir

30 janvier 2004 Paru dans le N°268 à la page 37 ( mots)
Rédigé par : Didier CRETENOT, Pierre-joël PHILIBERT et Bruno TISSERAND

Le devenir des boues produites par les stations d'épuration industrielles ou urbaines est à la fois un enjeu national et local. Il doit en effet intégrer des grandes causes telles que la préservation des ressources naturelles et la sécurité sanitaire, mais aussi respecter les contraintes locales d'aménagement du territoire. Réduction, stabilisation et hygiénisation sont les mots clés pour pérenniser les filières de valorisation des boues. L?objectif est de mettre à disposition des producteurs de boues les procédés et les services qui permettent de produire, traiter et valoriser les boues en assurant le meilleur compromis sécurité-coût-perennité. Cette stratégie, en parfaite adéquation avec les recommandations de la récente conférence des citoyens est associée à des actions de transparence et de communication pour promouvoir et pérenniser le savoir-faire du groupe Veolia Environnement dans la maîtrise des filières de valorisation des boues, mais aussi pour faire prendre conscience à chacun d'entre nous que la gestion des boues est aussi un enjeu individuel car nous sommes tous des producteurs de boues.

Cette année en France, la production de boues devrait atteindre 1 million de tonnes. Comment faire face à ces volumes impressionnants ? Comment limiter les nuisances, protéger l'environnement et garantir une évacuation sans risques sanitaires ?

Pour recycler ces boues, la France a majoritairement recours à la technique de l'épandage agricole, mais d'autres filières de traitement existent telles que l’incinération ou le stockage en centre d’enfouissement. À côté de ces trois voies les plus couramment citées, apparaît une nouvelle technique appelée à se développer fortement : l’Oxydation par Voie Humide.

Dans tous les cas, le choix de la filière dépend de la qualité des boues, de leur volume, des contraintes géographiques du lieu de production et aussi des contraintes économiques, car le coût de la gestion des boues se répercute directement sur le prix de l'eau.

Valorisation agricole

Filière privilégiée en France, plus de 60 % des boues urbaines sont utilisées en agriculture pour leurs propriétés fertilisantes ou d’amendement. Contraints par une réglementation qui incite à la stabilisation et à l'hygiénisation, et par les populations qui refusent de subir des nuisances olfactives, les producteurs de boues consolident leurs filières grâce à des traitements qui visent à augmenter la siccité, réduire les odeurs et détruire les germes pathogènes (déshydratation, chaulage, séchage et compostage), et à ouvrir l'accès à des solutions alternatives telles l'enfouissement technique ou l’oxydation thermique, indispensables à une vraie sécurisation du débouché. Un débouché qui se diversifie au plan réglementaire grâce à l'ouverture sur la logique produit : l'homologation et éventuellement la normalisation permettent de donner le statut de produit aux composts de boues ou aux boues séchées qui présentent des garanties supplémentaires en matière de constance, d'efficacité agronomique et d'innocuité.

Enfouissement technique

Cette technique concerne 20 % des boues en France. Elle consiste à enfouir les boues mélangées avec les déchets ultimes (ceux-ci

[Tableau : Procédés et services]
Réduire le volume des boues
– Anticiper à la source
– Intégrer des solutions adaptées à la qualité des boues
Sécurité sanitaire et qualité des boues
Moins de nuisances olfactives

(ne pouvant plus être valorisés) dans des centres de stockage. La mise en centre de stockage est en nette diminution du fait de la loi du 13 juillet 1992 qui, à partir du 1ᵉʳ juillet 2002, ne permet plus que la mise en décharge des déchets ultimes. Aujourd’hui, les centres de stockage sont conçus comme des réacteurs biologiques capables de récupérer l’énergie des déchets sous forme de biogaz. Le biogaz produit par la décomposition des déchets en absence d’oxygène est alors valorisé sous forme d’énergie.

Destruction par incinération, co-incinération

L’oxydation thermique en phase gazeuse, ou incinération, permet un traitement ultime des boues. Cette voie d’élimination est actuellement utilisée en France pour environ 15 % des boues produites. La matière organique des boues est détruite jusqu’à restituer une très petite quantité de sous-produits minéralisés valorisables en sous-couche routière ou dans les matériaux de construction. La co-incinération des boues avec des ordures ménagères permet de développer des synergies de traitement et de valorisation entre les différents déchets urbains.

L’oxydation par voie humide (OVH)

L’oxydation par voie humide, utilisée depuis plus de 40 ans aux USA, commence à s’imposer en Europe comme une nouvelle voie de traitement. Elle consiste à minéraliser les boues en les chauffant sous forte pression en présence d’oxygène sans émission de fumées.

Les contraintes qui pèsent sur le devenir des boues obligent aujourd’hui à considérer les filières dans un ensemble qui intègre les phases de production des boues, leur transformation et leur débouché, en faisant appel à de nouvelles technologies au sein d’unités de traitement dédiées.

Produire des boues de meilleure qualité, en moins grande quantité et plus sûres

Les boues font partie des sujets prioritaires. L’objectif de Veolia Water, filiale eau de Veolia Environnement, est de proposer des solutions intégrant les contraintes locales des municipalités et des industriels, et d’accompagner le choix d’une filière personnalisée de traitement, de valorisation et d’élimination des boues. La stratégie « valorisation des boues » de Veolia Water Systems, portée par un petit personnage dynamique baptisé « MINIMAX », comporte différents procédés de minimisation des volumes produits, de maximisation de la sécurité sanitaire et de réduction des nuisances olfactives (cf. tableau ci-contre).

Produire des boues plus sûres, c’est maîtriser les risques environnementaux et sanitaires tout en garantissant une valorisation de la matière organique. Pour cela, il faut maîtriser l’ensemble de la filière : collecte des eaux usées, police des réseaux, démarches de certification, développement et mise en œuvre de procédés, leur intégration au sein de la station et, enfin, destination finale des boues.

Produire des boues en moins grande quantité, c’est :

  • – Réduire par concentration et par destruction partielle ou totale la matière organique des boues. Généralement, ces traitements ont des impacts négligeables sur la filière de traitement d’eau et peuvent être mis en œuvre sur le site de la station ou sur un site indépendant.
  • – Réduire à la source la quantité de boues produites par le traitement biologique en agissant directement sur le fonctionnement.
[Encart : Réseau + Station d’épuration 150 t/jour Boues brutes Épaississement : 1,5 t/jour Déshydratation : 0,25 t/jour Séchage : 0,07 t/jour Incinération : 0,02 t/jour Stratégie de réduction du volume des boues produites, par concentration et par destruction partielle ou totale de la MO.]
[Photo : Stratégie de réduction à la source abaissant la quantité de boues produites par le bassin biologique de la station d'épuration.]

Techniques de stabilisation

Biologique : dégrade les matières volatiles (MV) selon des biodégradations contrôlées

  • – En phase liquide : digestion ; stabilisation aérobie
  • – En phase pâteuse : compostage

Chimique : inhibe la dégradation incontrôlée des MV

  • – En phase liquide : stabilisation / nitrites (SAPHYR®)
  • – En phase pâteuse : chaulage

Thermique / physico-chimique : inhibe la dégradation incontrôlée des MV et provoque l’évaporation de l’eau libre

  • – En phase liquide : oxydation par voie humide (ATHOS)
  • – En phase pâteuse : séchage ; incinération PYROFLUID® / PYRODYN® ; coïncinération

Produire des boues de meilleure qualité, valorisables et « sans odeur », c’est maîtriser les nuisances olfactives, de la station aux champs, par des techniques de stabilisation pour limiter les processus de fermentation (cf. techniques de stabilisation ci-dessus).

Les moyens mis en œuvre

Démarche qualité, certification de service, développement de procédés sont des directions que privilégie Veolia Environnement pour assurer et sécuriser le traitement ou la valorisation des boues en toutes circonstances :

  • - Chaulage
  • - Séchage
  • - PYRODYN®
  • - Coïncinération

Une gamme complète de procédés de traitement s’appuie sur trois mots clés : stabilisation, réduction, hygiénisation. Par exemple :

  • - maîtriser les odeurs et améliorer la qualité

Le procédé SAPHYR® agit dès le début de la filière de traitement des boues, sur des boues épaissies. Les composés malodorants sont neutralisés et les bactéries responsables de la fermentation inhibées. Les boues, stabilisées et hygiénisées en présence de nitrites de sodium, peuvent être ainsi stockées plusieurs mois sans nuisances olfactives, être épandues en toute sécurité ou être éventuellement incinérées. Exemple de références : Cognac, France (50 000 EqH).

  • - réduire à la source avec digestion

Le procédé Bio THELYS® associe une hydrolyse thermique et un traitement biologique en parallèle de la re-circulation des boues. L’hydrolyse thermique optimise l’étape de traitement biologique, en transformant la matière organique particulaire non dégradable en produits solubles facilement assimilables par de la biomasse aérobie ou anaérobie. L’hydrolyse thermique garantit l’hygiénisation, et donc la qualité sanitaire de la boue restante, et permet de réduire jusqu’à 80 % la quantité de boues produites. Lorsque le traitement est associé à un traitement biologique anaérobie, le biogaz produit est utilisé pour atteindre l’autosuffisance énergétique de la filière. Exemple du pilote de Witry-lès-Reims (2 500 EqH).

  • - réduire par concentration et détruire les MV

Le sécheur BIOCON est un procédé de séchage à 90 % de siccité à basse température (< 180 °C) des boues sans formation de poussières. Les boues sont séchées sur sécheur à bande dans des conditions optimales de sécurité avec un temps de séjour suffisant en température pour garantir leur hygiénisation. Conditionnées sous forme de granules, elles sont généralement valorisées en agriculture ou incinérées. BIOCON inclut un procédé d’incinération des boues séchées qui alimente en énergie l’opération de séchage, laquelle se fait ainsi sans apport d’énergie extérieure. Exemple de références : station de Randers, Danemark.

SOLIA® est un procédé de séchage écologique utilisant l’énergie naturelle comme le soleil et le vent. Le séchage s’effectue sous serre en conditions aérobies. Les boues atteignent jusqu’à 85 % de siccité. Stabilisées et hygiénisées, elles sont destinées à la valorisation agricole, à l’incinération ou à l’en-

[Photo : Le procédé SAPHYR® agit dès le début de la filière de traitement des boues, sur des boues épaissies. Les composés malodorants sont neutralisés et les bactéries responsables de la fermentation inhibées.]
[Photo: BIOCON inclut un procédé d'incinération des boues séchées qui alimente en énergie l'opération de séchage qui ainsi se fait sans apport d’énergie extérieure.]

Fouissement en CET. Exemple de références : Le Véron, France (1300 m³).

L’oxydation thermique permet de réduire encore plus les volumes et la masse de sous-produits et notamment, garantit une hygiénisation sans égale. Deux grands principes d'oxydation peuvent être appliqués aux boues : l'oxydation en phase gazeuse dans des fours spécifiques ou en co-incinération, et l'oxydation par voie humide.

Le procédé PYROFLUID™ permet la combustion totale des boues en quelques secondes dans un four de type « lit de sable fluidisé » à une température de 900 °C. Cette technologie valorise la matière organique sous forme d’énergie et garantit le respect des normes de rejet de fumées les plus sévères. Le résidu ultime entièrement minéralisé est inerte et valorisable sous forme de matériau de construction ou d'éléments préfabriqués en béton. Exemple de référence : Station Seine-centre de Colombes (1 million EqH).

PYROMIX™ est un procédé de co-incinération de boue pâteuse dans un four d’ordures ménagères (OM) qui assure une valorisation énergétique de la boue sans polluer les sous-produits naturels de l'incinération d’OM et sans perturber le fonctionnement du four.

Le procédé ATHOS™, développé par Veolia Water Systems / Anjou Recherche, met en œuvre le principe de l'oxydation par voie humide, qui consiste en une oxydation à chaud et sous pression des boues en milieu liquide. ATHOS™ transforme les boues en résidus solides inertes, qui immobilisent dans leur matrice les métaux des boues sous forme non lixiviable. Le solide résiduel peut être enfoui en centre de stockage ou valorisé en génie des matériaux. Exemple de référence : Station de Bruxelles-Nord (1,1 million EqH).

[Photo: SOLIA®, est un procédé de séchage écologique utilisant l’énergie naturelle comme le soleil et le vent. Le séchage s'effectue sous serre en conditions aérobies. Les boues atteignent jusqu’à 85 % de siccité.]
[Encart: Veolia Environnement regroupe son expertise Le problème de l'élimination des boues étant commun à plusieurs métiers au sein de Veolia Environnement, les divisions Eau (Générale des Eaux) et Propreté (ONYX) ont décidé de regrouper l'expertise en matière de gestion des boues au sein d'une filière commune constituée de SEDE Environnement et de l'ensemble des compétences de notre groupe en matière d'études multilières. Cette nouvelle structure sera chargée d’étudier et de proposer aux producteurs de boues les meilleures solutions possibles pour chaque gisement de boues. Notre objectif est de développer les solutions multilières correspondant à l'ensemble des besoins en matière d’évacuation des boues depuis le recyclage en agriculture jusqu’au recyclage des résidus minéraux issus de l'oxydation thermique en cohérence avec les schémas locaux élaborés par tous les acteurs concernés.]

Générale des Eaux, qui est en charge de 1700 usines de dépollution en France, produit 300 000 tonnes de boues (en matières sèches). Nous sommes donc particulièrement attentifs à la qualité des boues produites qui sont le résultat d'un traitement de qualité de l'eau usée. Elle a ainsi élaboré avec QUALICERT une certification de service qui permet de garantir que tous les moyens sont mis en œuvre pour prévenir tout risque de pollution des boues. L’organisation et le contrôle qualité sur l'ensemble de la filière de production et d’épandage des boues garantissent qu’aucune boue non conforme ne peut être épandue par les opérateurs.

@CTIPOL, une stratégie de maîtrise des risques

La nécessité de disposer d’un moyen d’identification rapide des risques de rejets à risque dans les systèmes d’assainissement nous a conduit à développer @CTIPOL, outil qui permet de hiérarchiser les risques par catégorie d’activités de l'ensemble des établissements grâce aux données INSEE. Cette capacité d’analyse exhaustive des risques nous permet de proposer à chaque collectivité une stratégie d’acceptation de rejets non domestiques dans son système d'assainissement adaptée à sa situation.

Conclusion

Alors que certains pays proches de l’Union Européenne prévoient d’interdire l'utilisation des boues sur des terres agricoles d’ici à 2008, la valorisation agricole a-t-elle encore un avenir ? Alors que l'image de l’incinération est de plus en plus négative, l’oxydation

La filière thermique des boues est-elle encore une voie socialement acceptable pour le traitement des boues ? Alors que la réglementation limite l'accès des CET aux déchets fermentescibles, la mise en décharge est-elle une voie pérenne d'évacuation des boues ? Toutes ces questions se posent à l'ensemble des acteurs du traitement de l'eau, et malheureusement il n'existe pas de solution universelle. C'est certainement par l'association de ces trois voies, avec la mise en place de solutions multifilières, que l'évacuation et la valorisation des boues pourront durablement être assurées en toutes circonstances.

La conférence des citoyens organisée en novembre 2003 dans le cadre du débat national sur l'eau a remis au ministère de l'écologie et du développement durable une charte de recommandations en 18 points préconisant les mesures à adopter pour évacuer les boues issues des STEP. Cette charte apporte des éléments de réponses aux trois questions posées ci-dessus :

  • Oui à l'épandage contrôlé de boues hygiénisées quand cela est possible ;
  • L'incinération est une filière incontournable notamment pour les grandes agglomérations qui doivent prendre en charge les boues qu'elles produisent ;
  • Développer l'incinération et l'enfouissement sécurisé pour les cas de crise où l'épandage n'est pas possible ;
  • Favoriser la recherche sur les nouvelles technologies permettant de produire moins de boues et de les traiter de façon à réduire la nocivité des boues.

Parallèlement aux filières de traitement classiques, de nouvelles technologies de traitement des boues émergent, mais celles-ci ne pourront s'imposer que si elles permettent à la fois de réduire les quantités produites et d'améliorer leur qualité vis-à-vis des teneurs en métaux lourds, des micropolluants organiques et des risques sanitaires.

Ces nouvelles technologies de réduction à la source ne doivent pas être un transfert d'une pollution solide vers une augmentation de l'effet de serre par une dégradation de la matière organique sans valorisation au préalable sous forme d'énergie ou de ressource. Quelle que soit la voie choisie, son succès nécessite une mobilisation de tous les acteurs du traitement de l'eau et une professionnalisation des services en amont et aval de la station, mais aussi des procédés performants de traitement qui assurent en toutes circonstances la qualité et sécurisent les débouchés sans nuisance pour l'homme et son environnement. Cette nouvelle approche globale de qualité autour des boues aura aussi tendance à gommer les différences de coûts qui pouvaient exister entre toutes les voies de traitement.

[Photo : Le procédé PYROFLUID® permet la combustion totale des boues en quelques secondes dans un four de type "lit de sable fluidisé" à une température de 900 °C. Cette technologie valorise la matière organique sous forme d'énergie et garantit le respect des normes de rejet de fumées les plus sévères.]
[Photo : Le procédé ATHOS®, développé par Veolia Water Systems / Anjou Recherche, met en œuvre le principe de l'oxydation par voie humide, qui consiste en une oxydation à chaud et sous pression des boues en milieu liquide. Il transforme les boues en résidus solides inertes, qui immobilisent dans leur matrice les métaux des boues sous forme non lixiviable.]
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