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Le traitement des résidus graisseux

28 février 1995 Paru dans le N°179 à la page 33 ( mots)
Rédigé par : Dominique HELAINE et Sandrine LABATUT

Les déchets graisseux collectables en France représentent un gisement de 550 000 tonnes par an, se répartissant antre la restauration (32%), l'industrie agro-alimentaire (29%), les stations d'épuration (23%) et l'assainissement autonome (16%). Les ratios de production de ces déchets en fonction de leur origine sont assez bien définis. Ils permettent de quantifier les quantités de déchets disponibles et d'orienter le choix des filières de traitement à mettre en place. Le recours actuel à la mise en décharge quasi systématique doit, en raison des nouvelles réglementations, évoluer vers d'autres filières de traitement. Afin de tendre vers la notion de " déchet ultime ", la réduction ou la valorisation du contenu organique des déchets gras doit être la base du développement de tout nouveau procédé de traitement. Alors que son utilisation tend à se généraliser, le traitement in situ des séparateurs à graisses doit faire l'objet d'études de validation. A une autre échelle, des unités de traitement de déchets graisseux sont actuellement opérationnelles et mettent en ?uvre des procédés biologiques ou physico-chimiques. Leur dimensionnement est compris entre 1 et 100 tonnes par jour, et leur performance sur un plan économique et technique ne sont souvent que partiellement satisfaisantes. De nouveaux concepts de traitement doivent être mis au point, notamment en ce qui concerne la valorisation thermique des déchets graisseux.

Jusqu’à présent, la gestion des déchets d’assainissement se réduisait à la seule prise en compte des boues d’épuration des eaux résiduaires urbaines. En raison des quantités produites, de l’absence d’alternative sérieuse à leur mise en décharge (De Lauzanne, 1989) et des nuisances qu’ils occasionnent (Salomé et Bonvallot, 1990), les déchets graisseux constituent un sujet de préoccupation croissant.

Du fait des contraintes écologiques et réglementaires, professionnels, collectivités et administrations concernés doivent désormais proposer des solutions économiquement et techniquement satisfaisantes. D’ores et déjà, les déchets graisseux font l’objet d’un recensement national, tant en termes de gisements que de filières de traitement, exploitées ou en développement. De plus, les schémas départementaux d’élimination des déchets ménagers et assimilés, en cours d’élaboration, comportent une évaluation des quantités collectées et de leur devenir.

Parallèlement, des solutions techniques sont élaborées afin de trouver des réponses adaptées à ce type de déchet. Dans cette optique, les travaux actuellement en cours au Centre de Recherches et d’Essais pour l’Environnement et le Déchet apporteront une meilleure connaissance des quantités produites en France. L’étude des procédés existants vise notamment à évaluer la capacité de ces derniers à répondre aux besoins spécifiques des collectivités, des particuliers, des restaurateurs ou des industriels.

Un gisement complexe et mal identifié

Les déchets graisseux d’origine alimentaire proviennent de trois sources distinctes : les ménages, les restaurants et les entreprises agro-alimentaires utilisatrices ou produc-

trices de corps gras. Leurs propriétés physiques permettent de les séparer des effluents résiduaires en aval immédiat des établissements (restaurants, industries agro-alimentaires) ou en amont d’installations d’épuration d’eaux résiduaires (domestiques et industrielles). Les réseaux d'assainissement eux-mêmes constituent un réceptacle privilégié des matières grasses par adsorption sur la paroi de ceux-ci, par inclusion dans les sédiments extraits lors du curage des ouvrages, et enfin, par accumulation au niveau de points particuliers tels que les postes de relevage et les siphons. Le taux de rétention des corps gras lors de leur transit dans les réseaux peut être estimé à plus de 50 %.

Les déchets graisseux sont obtenus et concentrés au moyen de procédés de décantation plus ou moins sophistiqués, depuis le séparateur statique (restaurants) jusqu’à l’aéroflottateur raclé (stations d’épuration), avec ou sans utilisation d’agents chimiques. Le rendement de rétention de ces dispositifs dépend d’un grand nombre de facteurs, dont le dimensionnement du dispositif, la fréquence et la qualité de son entretien. Dans le cas précis des restaurants, commerces et industries raccordées au réseau d’assainissement, l'installation de séparateurs statiques est régie par le règlement sanitaire départemental ou le règlement d’assainissement. Les enquêtes menées auprès des restaurateurs montrent qu’un peu plus de la moitié de ces établissements sont équipés de séparateurs à graisses, et qu’une partie seulement de ces dispositifs est correctement gérée.

L'entretien de l'ensemble de ces ouvrages et dispositifs est à l’origine de la production de déchets graisseux pour lesquels des procédures de traitement spécifiques doivent être envisagées. Le tableau 1 donne les ordres de grandeur de production des déchets gras en fonction de leur origine. Ces ratios de production résultent pour la plupart d'une analyse statistique des éléments recueillis à partir de la littérature et d’enquêtes menées sur des secteurs géographiques donnés. Ainsi, on estime que la totalité du gisement collectable dépasse 550 000 tonnes/an en France.

La volonté de vérifier ou de promouvoir la bonne application des règlements sanitaires et d’assainissement influence significativement le niveau de collecte de ces déchets. Des initiatives sont actuellement en cours de développement, telles que la mise en place de carnets de suivi de bon entretien des séparateurs à graisses, ou encore le subventionnement de l’installation de séparateurs. La part des frais de mise en place de séparateurs, de leur entretien et du traitement des déchets collectés représente de 0,50 à 2,00 F HT par repas (Fruteau de Laclos, 1994), pour des restaurants servant entre 50 et 300 repas par jour.

Caractéristiques et contraintes du “déchet graisseux”

Les moyens de collecte utilisés lors de l’entretien des dispositifs séparateurs, quelle que soit leur origine, font intervenir des matériels de pompage (hydrocureurs) exploités le plus souvent par des sociétés spécialisées, ou par les entreprises et services responsables de la gestion des réseaux.

Pour aborder la notion de collecte spécifique, c’est-à-dire sans mélange avec d’autres déchets, il convient de prendre en compte la taille des agglomérations : ainsi, en région parisienne, la collecte est considérée comme spécifique, ce qui a d’ailleurs permis la création de centres spécialisés pour le traitement des déchets gras. En revanche, il arrive que les matières de vidange et les déchets gras soient collectés simultanément, ce qui évite d’affecter un type de matériel à un seul type de tâche (ce qui est peu réaliste sur le plan économique) et, d’autre part, permet d’entretenir différents dispositifs (bac séparateur, fosse septique, bac à fécules) en un seul passage. En raison de la nature même du contenu des séparateurs et des modes de collecte, les déchets gras sont composés de diverses fractions pouvant être décrites de la manière suivante :

  • - eau contenant des matières dissoutes, essentiellement organiques,
  • - matières organiques particulaires en suspension, décantées ou écrémées, biodégradables (lipides, déchets d’aliments) ou non biodégradables (plastiques, papiers, chiffons, ...),
  • - matières minérales (graviers, sables, couverts métalliques, ...),
  • - contaminants (hydrocarbures, métaux, tensio-actifs, anti-microbiens, oxydants...).

Les proportions de ces différentes fractions dépendent du dispositif de rétention, des consignes et des méthodes de travail du personnel des cuisines, ainsi que de la manière dont est opéré le curage du dispositif ; les corps gras représentent dans tous les cas la majeure partie des matières oxydables des déchets.

Les paramètres à prendre en compte lors de la caractérisation des déchets graisseux sont les suivants :

  • - concentration en matières sèches et en matières grasses,
  • - origine des corps gras (restauration, industries agro-alimentaires, station d’épuration),
  • - concentration en éléments nutritifs mineurs (azote, phosphore, potassium),
  • - quantité et granulométrie des matières non biodégradables (plastiques, chiffons, gants, ...),
  • - présence et concentration des composés toxiques (métaux lourds, hydrocarbures, produits lessiviels, désinfectants, ...),
  • - fréquence de la collecte (taux d’hydrolyse, pH),
  • - spécificité de la collecte (matériel utilisé, mélanges, ...).

La combinaison de l’ensemble de ces paramètres conditionne le devenir et la compatibilité au traitement des déchets graisseux. Plus particulièrement, seuls quelques types de déchets graisseux sont susceptibles d’être dirigés vers les filières de recyclage des corps gras, voies à privilégier en raison de leur faible coût, voire de leur profitabilité. Dans le cas du Sud-Ouest de la France, une enquête menée auprès de 150 entreprises agro-alimentaires a montré que 60 % des sous-produits graisseux recensés étaient recyclés, principalement en alimentation animale.

Les techniques potentielles : du principe à l'application

Parmi les techniques applicables aux déchets gras, il convient de distinguer le traitement in situ du traitement en centres spécialisés (figure 1). Dans le premier cas, il s'agit d'équipements et de procédés plus ou moins complets et sophistiqués mis en œuvre directement sur le dispositif de

[Photo : Quand il est entretenu, le séparateur à graisses constitue un dispositif efficace en vue de la protection des réseaux et des stations d’épuration. Cas d’un séparateur de restaurant 15 jours après sa vidange.]
[Photo : La digestion biologique aérobie appliquée aux déchets graisseux sur le site du Centre de Prétraitement Régional (Tremblay-en-France).]
[Photo : La dégradation biologique des déchets graisseux génère une production de biomasse : pour 1 g de matière grasse, on obtient environ 1 g de boue.]

Tableau I

Estimation de la production de déchets graisseux bruts en France.

Origine Ratio de production Gisement annuel
Assainissement autonome 10 à 20 g de matière grasse pure/hab./jour (*) > 90 000 T
Prétraitement de stations d’épuration 10 à 14 g de déchet/Eq.hab./jour > 125 000 T
Restauration 50 à 80 g de déchet/repas (**) > 175 000 T
Industrie agro-alimentaire (conserverie, abattoir, plats cuisinés, fonte de gras) 8 à 20 g de déchet/kg de produit entrant ≈ 400 000 T dont 240 000 T recyclées

Total : > 550 000 T

(*) Bridoux (1992), Durand et Golicheff (1978), Salome et Bonvallot (1990).

(**) Fruteau de Laclos (1994).

La séparation et la rétention des matières grasses. Dans le second, des procédés généralement plus élaborés sont dimensionnés et conçus pour recevoir des déchets gras d’origine diverse et de nature fluctuante.

Traitement in situ par séparateur à graisses

Cette méthode met en œuvre le plus souvent des micro-organismes, en association avec d’autres substances (nutriments, hydrolases, tensio-actifs, …). La dégradation des matières grasses est réalisée dans ce cas par digestion aérobie avec apport simultané et renouvelé de micro-organismes sélectionnés pour leur aptitude à l’hydrolyse des glycérides et à la β-oxydation des acides gras.

Quelques aménagements du séparateur sont nécessaires, tels que la mise en place d’un système d’aération par insufflation d’air comprimé ou l’adaptation d’un injecteur automatique de cultures de micro-organismes.

La mesure en continu de l’oxygène en solution dans la masse d’un séparateur montre que le flux transitant constitue un apport d’oxygène dissous significatif ; toutefois, cet apport est inversement proportionnel à la température de l’effluent d’entrée en raison de la solubilité de l’oxygène.

Les avantages économiques et techniques de tels procédés sont évidents. Néanmoins un certain nombre de réserves peuvent être formulées :

• les systèmes d’aération proposés offrent aussi l’avantage d’assurer un brassage du bac et donc un meilleur contact entre le substrat (la matière grasse) et les micro-organismes ; cependant, de telles opérations réalisées durant la période d’alimentation du bac s’opposent au principe de la décantation et conduisent à une évacuation progressive des matières en suspension et des corps gras vers le réseau d’assainissement ;

• les variations de la température sont importantes – de 15 à 50 °C – et souvent rapides ;

• le temps de séjour des séparateurs est suffisant pour un écrémage des matières grasses, mais généralement trop court pour être compatible avec les cinétiques d’assimilation et de croissance des micro-organismes.

Afin de s’affranchir de ces contraintes, l’immobilisation des cellules microbiennes, le redimensionnement du bac et le décalage des périodes d’alimentation et d’oxygénation sont autant de solutions… peu appliquées dans la pratique. Dans tous les cas, l’utilisation de ces procédés ne permet pas d’éradiquer le pompage et le nettoyage des séparateurs. En effet, du fait de la composition des effluents de cuisine en éléments non biodégradables (par négligence ou manque d’information du personnel de cuisine), une vidange régulière des particules sédimentées (fécules) doit être réalisée afin de maintenir l’efficacité du bac. Ainsi, l’existence de sites de traitement des déchets collectés s’impose.

Traitement en centres spécialisés

Les déchets gras sont collectés et alimentent après séparation des unités visant à traiter, éliminer et/ou valoriser les fractions constituantes du déchet. Les principes de traitement potentiels applicables aux déchets gras peuvent être classés de la manière suivante (figure 2) :

• recyclage / valorisation,

• prétraitement physico-chimique,

• dégradation par digestion biologique aérobie,

• dégradation par oxydation (combustion ou catalyse).

Le recyclage-matière des déchets permet, lorsqu’il est possible, de réduire les coûts de gestion. Il peut concerner l’alimentation animale, les activités industrielles de la lipochimie, et la valorisation agronomique :

Recyclage en alimentation animale – Les matières grasses représentant une base alimentaire énergétique, elles peuvent être réutilisées en alimentation animale, directement ou par l’intermédiaire d’industries de formulation d’aliments. Cette voie est fortement réglementée : ainsi, tout déchet gras mis en contact avec les matières fécales (graisses de stations), collecté de façon non sélective, ou possédant un indice d’acidité supérieur à 10 %, ne peut prétendre à cette possibilité. Seule l’industrie agro-alimentaire paraît aujourd’hui en mesure de satisfaire ces contraintes, ses déchets gras étant valorisés par le biais de sociétés d’équarrissage.

Recyclage en lipochimie – Les déchets gras sont des acides gras libres ou estérifiés. Un traitement chimique par une base forte conduit à une hydrolyse des liaisons esters des glycérides, et donc à l’obtention in fine de glycérol et d’acides gras. Ces derniers, après purification, possèdent une valeur marchande dépendant essentiellement de leur degré de pureté, pour différentes industries telles que les savonneries, la

[Photo : Fig. 1 – Modèle général de gestion des déchets gras en fonction des techniques mises en œuvre.]
[Photo : Fig. 2 – Synoptique des filières de traitement potentielles des déchets gras.]
[Photo : Fig. 3 – Schéma de principe et bilan matière du procédé de prétraitement physico-chimique Henkel appliqué aux déchets gras.]

chimie de synthèse, voire la fabrication de biocarburants.

Valorisation agricole - Bien qu'il s'agisse de sous-produits biodégradables, l'épandage des graisses comporte certains risques pour l'agriculture. Plusieurs facteurs y concourent : la biodégradabilité sur sol des graisses est mauvaise, la gestion de l'épandage est délicate et peut engendrer des préjudices au développement des plantes, les acides gras constitutifs sont des inhibiteurs de la germination, enfin, la valeur agronomique est négligeable du fait de la faible teneur en éléments fertilisants. Toutefois, l'épandage agricole est pratiqué après malaxage et mélanges binaires ou ternaires (boues de stations d'épuration, chaux vive), ou après compostage selon des techniques appropriées.

Les procédés de prétraitement physiques et physico-chimiques visent à séparer de façon efficace les matières grasses ; ils sont de ce fait souvent associés à une étape de déshydratation. Le prétraitement du déchet gras conduit à l’obtention d'une part, d'un effluent clarifié et rejeté au réseau, et d’autre part, d'une fraction enrichie en matières grasses et pauvre en eau (figure 3).

Les techniques mises en œuvre intègrent différentes variantes telles que la décantation statique ou dynamique, avec ou sans étape de coagulation/floculation au moyen d'agents chimiques. Les agents chimiques et/ou organiques ayant la propriété de chélater, d'adsorber, de modifier la structure ou la densité des corps gras. L'amalgame ainsi produit peut être filtré et déshydraté selon des techniques conventionnelles (filtre bande, filtre presse, ...). Ces procédés ne peuvent pas être appliqués dans le cadre d'un recyclage en alimentation animale, puisqu'aux matières grasses sont ajoutées des substances présentant des propriétés anti-nutritionnelles (chlorures, fer, floculants de synthèse, ...). La recherche d'agents organiques ou minéraux, naturels, facilement disponibles et bon marché, présentant de surcroît une forte affinité avec les corps gras, est une voie à développer.

La dégradation des matières grasses par digestion biologique aérobie est une voie intéressante, et plusieurs expériences et réalisations industrielles ont été conçues sur ce principe. Elle peut être réalisée selon trois approches : digestion aérobie, compostage et lombricompostage.

Alors que la faisabilité industrielle de la digestion anaérobie (fermentation) des matières grasses est délicate du fait des propriétés acidifiantes du substrat, la digestion aérobie des graisses (respiration) paraît mieux maîtrisée et a donné lieu à plusieurs réalisations de taille différente, dérivées du procédé Boutaud. Les conditions préalables à la bonne marche de la digestion aérobie sont le contrôle et l'ajustement éventuel du pH proche de la neutralité, des nutriments azotés et phosphorés, de la température et du niveau d’aération. La charge volumique maximale se situe dans la gamme de 1 à 2 kg de matière grasse pure/m³/jour (Bonnard et al., 1992 ; Grulois et al., 1993). Le traitement des graisses peut être conçu en tête de station d’épuration ou en amont d'un collecteur d'eau usée (photos 2 et 3). Dans ce dernier cas, une clarification de l'effluent ainsi qu’un conditionnement de la biomasse produite en excès doivent être prévus. Le traitement biologique peut être associé à un prétraitement physico-chimique des graisses à traiter (sonication, saponification, ...) (Kallel, 1992).

Les procédés de compostage et de lombricompostage (vermiculture) nécessitent l'utilisation de déchets graisseux concentrés en association avec d'autres déchets tels que la sciure de bois, les déchets verts, les matières de vidange, les boues de station d'épuration, afin d’assurer une structure adéquate au mélange à composter et d'obtenir un équilibre suffisant en éléments nutritionnels. L'objectif de telles techniques consiste en une dégradation plus ou moins poussée des matières grasses (stabilisation biochimique du produit) ainsi qu’une déshydratation du mélange organique (réduction de volume). La qualité agronomique du compost peut être fortement réduite en raison d'une concentration résiduelle en corps gras. Une expérience de co-compostage déchets verts/boues de station/déchets gras a permis de montrer que seuls 50 % des matières grasses avaient été dégradées après deux mois de compostage actif et trois mois de maturation.

Des techniques nouvelles d’oxydation des composés organiques par des agents chimiques ont été appliquées aux polluants de l'eau dont les matières grasses. Un procédé mis au point et breveté par Anjou Recherche met en œuvre le peroxyde d'hydrogène, à haute température (~ 100-150 °C), sous pression (2 à 5 bars) et en présence d’un catalyseur ferreux (réactif de Fenton) (Bonnard et al., 1992). Ces procédés d’oxydation par voie humide (W.P.O.) requièrent une forte technicité et présentent des coûts d’investissement et de fonctionnement importants par rapport aux autres voies. Toutefois, ces procédés peuvent permettre une dégradation totale (minéralisation) des matières grasses.

Les matières grasses d'origine animale et végétale sont constituées d’acides gras, initialement estérifiés sur les fonctions hydroxyles du glycérol. Ces composés possèdent un pouvoir calorifique inférieur intéressant (9 000 kcal/kg de matière grasse pure) en comparaison de celui du fioul (10 000 kcal/kg). Ainsi, la valorisation énergétique des corps gras après une étape de concentration physique ou physico-chimique, est réaliste sur le plan thermodynamique. Sur le plan technique, l’incinération de ces déchets n'est pas compatible avec toutes les technologies de four, notamment les fours à grilles utilisés dans le cas des ordures ménagères. En charge spécifique, seuls les fours à lit fluidisé semblent adaptés : cela est difficile à réaliser au niveau des installations existantes et destinées aux ordures ménagères. Sur le site de la station d’Achères, un four à lit fluidisé de huit pieds de diamètre permet d'incinérer annuellement 1 800 tonnes de graisses à 65 % de matières grasses (Berger, 1993). Le coût d’investissement d’une unité d'incinération spécifique reste considérable : plusieurs dizaines de millions de francs. Des études sont actuellement en cours afin de réduire ces coûts de façon significative, en utilisant des principes de séparation efficaces.

Conclusion : ébauche d’une gestion intégrée

Administrations et professionnels sont confrontés à plusieurs contraintes : difficulté d'évaluer les quantités collectées ou à collecter, nécessité de mettre en place un traitement dont le coût doit être compétitif avec la mise en décharge, et enfin répondre de façon exhaustive aux spécificités des différentes structures de production, à l'échelle départementale voire régionale.

Le traitement in situ des séparateurs à graisses est intéressant sur un plan économique dans la mesure où il réduit à la source la quantité de déchets accumulés ; toutefois, très peu de données techniques sont disponibles et les premières expériences réalisées confirment les limites de tels systèmes (Fruteau de Laclos, 1994). La validation sur le terrain n'ayant jamais été effectuée sérieusement, certains services d'exploitation de réseaux envisagent d’en interdire la pratique.

Parmi les autres voies de traitement envisagées, la digestion aérobie est probablement la plus évidente et la mieux maîtrisée. Mises en œuvre sur les sites de stations d'épuration, la capacité des installations ne permet le plus souvent que le seul traitement des besoins de la station. Pour être compétitive, leur exploitation doit demeurer marginale et leur taille, par conséquent, relativement faible (quelques tonnes de concentrés de gras par jour). Le niveau d'investissement à prévoir est de l'ordre de 3 500 à 30 000 F par m³ de déchet à traiter annuellement (Blouet, 1994).

La valorisation énergétique des déchets gras ne fait l'objet que de peu de recherches et travaux. Or les sites d’incinération d’ordures ménagères et de boues d’épuration vont se multiplier dans les années à venir en raison de la notion réglementaire de “déchet ultime”. La mise au point de nouveaux procédés de concentration adaptables aux différents types de déchets gras existants devrait permettre d’alimenter ces incinérateurs en “bio-fioul”, dont les caractéristiques devraient intéresser les exploitants de telles installations.

Bibliographie

  1. 1. Berger (1993), Colloque : Les graisses de station d’épuration. L’incinération des graisses, l'expérience d’Achères, Ademe/AELB, Loudéac, 3 juin.
  2. 2. Blouet A. (1994), Un procédé pour les stations d’épuration, Décision Environnement, 23, 30.
  3. 3. Bridoux G. (1992), Mesure des graisses

dans les stations d’épuration. Dégradation des graisses par voie aérobie, Thèse de Doctorat de l'Université de Technologie de Compiègne.

  1. 4. Bonnard R., Cauchi B., Bourbigot M.M., Cauchi A., Burguière J., Cléret D. et Vignoles C. (1992), Les traitements des graisses des usines d’épuration, Courants, 18, 26-32.
  2. 5. De Lauzanne R. (1989), Gisement, enjeux, situation de l’élimination des déchets graisseux en France, Colloque : La collecte et l’élimination des déchets graisseux. Gisement, enjeux, situation actuelle de l’élimination en France, ANRED, Paris, 15, 16 et 17 novembre.
  3. 6. Durand A. et Golicheff A. (1978), Étude des composants des eaux usées domestiques, La Technique de l’Eau et de l’Assainissement, 383, 27-41.
  4. 7. Fruteau de Laclos N. (1994), Contribution à l'évaluation du traitement biologique in situ des séparateurs à graisses de restauration, Rapport de stage, Centre de Recherche et d’Essais pour l’Environnement et le Déchet.
  5. 8. Grulois P., Alric G., Bronchon J.P., Bridoux G. et Manem J. (1993), L’élimination des graisses par traitement biologique aérobie, TSM - L'Eau, 88, 5, 247-251.
  6. 9. Kallel M. (1992), Traitement biologique des rejets organiques concentrés après sonication et saponification : graisses-margines, Thèse de Doctorat de l'Université Paris VI.
  7. 10. Salomé C. et Bonvallot J.F. (1990), La dégradation des graisses par bioadditifs. Les perspectives d'utilisation en réseau d’assainissement, TSM - L'Eau, 85, 9, 421-429.
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