Essais de Bordeaux
Un pilote Densadeg de la Société Degrémont a été utilisé dans cette expérimentation, alimenté par les effluents arrivant au bassin de retenue Béquignaux qui reçoit les eaux de ruissellement d’un bassin versant de 672 ha.
La caractérisation des effluents a été effectuée en 1988-1989 dans le cadre d’un programme de recherche mené par l’AGHTM [1] qui a mis en évidence des caractéristiques faisant maintenant référence :
- • répartition de la pollution entre la fraction particulaire et la fraction dissoute : 75 % à 90 % de la DCO est sous forme particulaire et 97 % à 99 % du plomb est attaché aux particules ;
- • prédominance des fines dans les solides transférés en suspension : le pourcentage massique des particules de dimensions inférieures à 100 μm est de l’ordre de 76 % à 85 %, le diamètre médian variant entre 29 et 38 μm ;
- • les résultats des mesures menées sur les différentes classes granulométriques font apparaître que plus de 60 % de la pollution utilise comme support des particules fines de dimension inférieure à 50 μm, pourcentage qui atteint 84 % pour l’azote Kjeldahl ;
- • les densités de la fraction inférieure à 100 μm se situent entre 2,36 et 2,58 ;
- • les vitesses de chute des particules transférées en temps de pluie sont en général élevées : le V50 varie entre 2,96 m/h et 11,2 m/h pour les particules fines de taille inférieure à 50 μm.
Cette bonne décantabilité a été confirmée à grande échelle à l'occasion de la décantation des eaux de pluie réalisée pendant quelques heures, dans le bassin de retenue Béquignaux où les rendements d’élimination de la DCO varient entre 68 % et 89 % et entre 64 % et 77 % pour le plomb.
[Figure : le décanteur lamellaire Densadeg]
Le pilote
Le décanteur lamellaire Densadeg comporte (figure 1) :
• des pompes d’alimentation en eau brute (débit réglable de 0 à 50 m³/h),
• des bacs de préparation de réactifs,
• un bac de coagulation (alimenté en FeCl₃),
• un décanteur avec extraction automatique de boues en excès et recirculation de boues vers le floculateur,
• une finition par décantation lamellaire ; les lamelles offrent une surface au miroir d’un mètre carré ; la vitesse (composante verticale) peut donc varier de 0 à 50 m/h ; au mois d’août 93 le pilote a été transformé pour permettre d’atteindre une vitesse de 80 m/h.
Deux catégories d’expérimentations ont été réalisées :
• expérimentation sans réactif,
• expérimentation avec réactif : après divers essais le chlorure ferrique a été choisi comme coagulant et le polymère anionique AS32 comme floculant.
Résultats des essais sans réactifs
Ces résultats sont portés sur le tableau I.
On y voit que jusqu’à 35 m/h le rendement dépend peu du débit et qu’il est moyen (50 à 64 %) ; au-delà il diminue rapidement. Sur trois essais les rendements d’élimination de la DCO ont été déterminés et varient entre 40 % (essai n° 5) et 69 % (essai n° 3).
Résultats des essais avec réactifs
Ces résultats sont portés sur le tableau II.
Les essais 4, 5, 6 ont été menés à débit variable (incrément de 10 m³/h toutes les 10 min).
Lorsqu’on utilise les réactifs appropriés les eaux pluviales offrent une bonne faculté de floculation et les rendements d’élimination des MES sont alors très bons ; les eaux de sortie possèdent toujours des teneurs en MES inférieures à 30 mg/l, ce qui peut répondre à des critères très exigeants. De plus le démarrage de la floculation est rapide (10 min environ) à condition d’avoir préparé le floculant.
L’élimination des métaux lourds a été examinée sur un essai : son rendement est supérieur à 80 % pour le plomb et le cuivre et de l’ordre de 50 % pour le cadmium.
Les boues extraites du Densadeg sont plutôt minérales (taux de minéralisation d’environ 80 %) : elles présentent une bonne faculté de déshydratation :
• siccité de 50 à 55 % sur centrifugeuse industrielle,
• siccité supérieure à 50 % sur Pressdeg (avec polymère CS53),
• siccité supérieure à 60 % sur test filtre-presse avec conditionnement à la chaux (50 %).
Essais de Compiègne
L’expérience acquise lors des études effectuées sur différents sites, et en particulier lors des essais sur le réseau pluvial de Bordeaux, a permis de définir et de construire une nouvelle unité-pilote répondant plus spécifiquement au traitement des eaux pluviales et des surverses de réseaux unitaires.
Tableau I – Rendement d’élimination des MES
n° |
Vitesse lamelles (m/h) |
MES entrée (mg/l) |
MES sortie (mg/l) |
Rendement moyen (%) |
1 |
12 |
208 |
90 |
56,6 |
2 |
21 |
266 |
130 |
51,1 |
3 |
25 |
293 |
92 |
64,3 |
4 |
30 |
281 |
142 |
49,4 |
5 |
35 |
564 |
236 |
58,2 |
6 |
47,4 |
200 |
155 |
22,4 |
Tableau II – Rendement d’élimination des MES
n° |
Vitesse lamelles (m/h) |
Dose FeCl₃ (g/m³) |
Dose AS32 (g/m³) |
MES entrée (mg/l) |
MES sortie (mg/l) |
Rendement moyen (%) |
1 |
30* |
12 |
– |
98 |
40 |
59 |
2 |
48 |
33 |
2 |
116,4 |
6,4 |
94,5 |
3 |
49 |
30 |
2 |
75,8 |
9,2 |
87,9 |
4 |
0 à 50 |
30 |
2 |
243 |
15,4 |
93,6 |
5 |
0 à 50 |
15 |
15 |
186 |
29,3 |
84,3 |
6 |
0 à 50 |
15 |
1,5 |
127 |
26,7 |
79 |
7 |
80 |
30 |
2 |
109,8 |
11,8 |
89,2 |
* Polymère AS34 – 1 g/m³ (pas AS32 pour cet essai)
Tableau III
Éléments |
DCO_totale (mg/l) |
MES (mg/l) |
Turbidité (NTU) |
PO₄³⁻ (g/m³) |
Eau brute |
820 |
355 |
116 |
7,4 |
Eau traitée |
375 |
50 |
40 |
1,4 |
Rendement |
54,3 % |
85,9 % |
81 % |
|
Rendement DCO_soluble < 10 %
Tableau IV
FeCl₃ (g/m³) |
Polymère (g/m³) |
UL (m/h)* |
40/60 |
1,3/1,5 |
90/110 |
* UL : Vitesse dans le décanteur lamellaire
L’expérimentation de ce nouveau Densadeg a été réalisée sur les ERU et les surverses unitaires de la station d’épuration de Compiègne qui traite les rejets se caractérisant par une forte proportion d’eaux industrielles.
Les essais effectués pendant une durée de huit mois ont permis d’étudier un éventail important d’épisodes pluvieux, de la petite pluie au gros orage d’été.
Le pilote
Pour simuler le traitement des surverses unitaires, le pilote est implanté sur l’un des collecteurs d’amenée des effluents à la station.
Ses caractéristiques sont les suivantes :
Hauteur : 4,5 m
Surface lamellaire : 0,3 à 1 m²
Longueur : 2,5 m
Volume utile : 9 à 14 m³
Largeur : 1,3 m
Le pilote est équipé de modules lamellaires dont la surface peut être modifiée, ce qui permet d’étudier une gamme importante de vitesses. La géométrie du pilote permet également de faire face aux variations de la surface d’épaississement.
Deux schémas de fonctionnement sont réalisables : soit en continu 24 h / 24 h, soit en démarrage automatique lors des épisodes pluvieux. Dans ce cas, les prélèvements automatiques placés sur l’eau brute et l’eau traitée sont activés à la mise en service du Densadeg. Dans les deux cas, le dosage des réactifs est asservi au débit et à la mesure en continu de la turbidité des eaux brutes.
Suivi du fonctionnement
L’acquisition de données enregistre en continu les paramètres-clés du fonctionnement (débits, turbidité, température…).
Les échantillons moyens (de 30 minutes à 1 heure) ont été prélevés par échantillonneurs automatiques et réalisés proportionnellement au débit traité.
Les principales analyses effectuées selon les normes Afnor sont :
• DCO totale – DCO soluble – Matières en suspension
• DBO₅ – Azote – Phosphore – Turbidité
• pH – Conductivité
Résultats des essais obtenus sur le pilote
[Photo : Fig. 2 : Exemple de pollutogramme.]
Les caractéristiques moyennes de l’eau brute et de l’eau traitée figurent sur le tableau III.
Les conditions de fonctionnement sont résumées sur le tableau IV.
Conclusion
Les essais-pilotes démontrent l’intérêt et la faisabilité de la décantation lamellaire appliquée au traitement des rejets urbains par temps de pluie.
Cette fonction peut être assurée par un réacteur issu du Densadeg, qui offre :
• des vitesses de décantation très importantes (jusqu’à 110 m/h) et une très grande compacité ;
• des performances élevées en matière de traitement des eaux malgré des temps de passage courts (15 à 30 minutes) et des doses de réactifs peu élevées (FeCl₃ < 100 ppm, polymère < 2 ppm) :
– rendement d’élimination des MES : 80 à 90 %
– rendement d’élimination de la DCO : 35 à 75 %
• de bonnes possibilités d’évacuation des boues : la concentration des boues extraites, supérieure ou égale à 50 g/l, est relativement élevée et permet des traitements complémentaires directs de déshydratation (par centrifugeuse, filtre-presse).
Bibliographie
[1] Chebbo G., Briat P., Bonnefois J., Vidoux G., Bachoc A. (1991). Caractérisation des solides des rejets pluviaux urbains du collecteur le Limancet à Bordeaux. Synthèse. Étude AGHTM-Cergrene – IMFT – Lyonnaise des Eaux 1988-1989.
[2] Rovel J.M., Mitchell A. (1994). Characteristics and treatment of municipal wastewater during rainy weather. A global perspective for reducing the CSOs. Water Environment Federation, Louisville, USA, 10–13 juillet 1994.