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Le traitement des lixiviats de décharge au Japon

30 janvier 1991 Paru dans le N°142 à la page 43 ( mots)
Rédigé par : Michel SAULNIER

La protection de l'environnement au Japon Depuis 1970, le Japon s'inquiète fortement des problèmes liés à l'évacuation des déchets urbains et industriels ; l'urbanisation, la surpopulation, l'accroissement de la productivité industrielle, sont autant de facteurs qui sont venus s'ajouter à un manque de place latent, inhérent à la configuration géographique du pays.

À ces problèmes spécifiques viennent s'ajouter les vicissitudes que nous connaissons également en Occident, à savoir :

  • • l'éparpillement des déchets (problèmes de collecte et de stockage),
  • • l'émission d'odeurs,
  • • l'émission de gaz,
  • • les incendies,
  • • la prolifération des animaux parasites, rongeurs et oiseaux qui nuisent au voisinage et aux récoltes.

Mais il est un problème moins évident qui est sous-tendu par la création des dépôts de déchets urbains : les lixiviats. Ceux-ci polluent gravement les nappes souterraines, les lacs, les rivières et viennent endommager gravement le milieu dans lequel nous vivons.

Dans le passé, les filtrats des décharges japonaises étaient traités par neutralisation, sédimentation, filtration ou autres procédés simples. Dans les années 70, des installations de traitement plus sophistiquées, basées sur un traitement biologique, commencèrent à se construire et leur nombre s'accroît désormais rapidement (figure 1). Il est en effet obligatoire maintenant d'adjoindre à chaque décharge une unité de traitement des lixiviats. Ces stations biologiques sont équipées de traitement des nitrates, de systèmes d'absorption sur charbon actif et se soucient de la capture des métaux lourds.

Bien entendu, le bon fonctionnement de l'unité de traitement des lixiviats est conditionné par une discipline draconienne qui vise à contrôler systématiquement la qualité et la quantité de déchets rejetés sur le site, afin de mettre en conformité la décharge avec la station de traitement qui lui a été adjointe et d'éviter ainsi des dysfonctionnements nuisibles à la bonne exploitation de l'ensemble.

Enfin, un contrôle de l'effluent rejeté, qui est le meilleur garant de l'efficacité du système, vise à prévenir les pollutions accidentelles qui pourraient survenir.

Quantité et qualité des lixiviats

Évaluer, voici le maître souci du concepteur japonais (aussi bien qu'européen) lorsqu'il doit dimensionner un projet de traitement.

Des formules théoriques ont déjà vu le jour afin d'estimer la quantité de lixiviats. Elles sont indispensables pour évaluer la dimension d'un site futur.

Au Japon, deux formules sont principalement utilisées pour estimer cette quantité :

Q = C · I · A · 10⁻³

où :  
Q représente la quantité de filtrats (en m³/jour),  
C représente le coefficient de filtration,  
I représente les précipitations (en mm/jour),  
A représente la zone de récupération de l'eau (en m²).

Dans cette formule, C est destiné à donner la quantité d'eau de ruissellement collectée sur un bassin sous la forme d'un coefficient applicable aux précipitations enregistrées sur le site (ce coefficient est toujours compris entre 0,2 et 0,8). Toutefois, s'il est impossible d'évaluer cette valeur, les Japonais appliquent un coefficient arbitraire : C = 1.

La formule expérimentale suivante tente d'évaluer la quantité d'eau de ruissellement recueillie pour une précipitation probable R de l'année N (en mm/jour) :

Kr = 1/100 (0,002 R² + 0,16 R/21).

Ce coefficient Kr est ensuite appliqué à la formule de détermination du débit de lixiviat suivante :

Q = 10 R (α − Λ − Ss + Sa) Kr − (1 − λ) · Ss/D · 1/N,

où :  
Ss est la zone de récupération de l'eau autour de la décharge,  
Sa est la zone de décharge,  
α est la quantité d'eau de pluie qui entre sur le site de décharge,  
Λ est la quantité d'eau de ruissellement,  
D est le nombre moyen de jours nécessaires à l'eau pour aller du centre de la zone de collecte au tuyau de récupération de lixiviats,  
1/N est la fréquence des pluies.

Comme on peut le constater, les deux formules sont basées sur l'hypothèse que la quantité de lixiviats est proportionnelle à la quantité des précipitations et à la surface de la décharge.

Bien entendu, le savoir-faire des hommes vient influer sur le comportement de l'eau dans le site de décharge.

[Photo : Schéma des méthodes d’enfouissement.]

Coupe transversale

vue en plan

Coupe longitudinale

Enfouissement par déchargement

Enfouissement par parcelles

Enfouissement « en sandwich »

Enfouissement anaérobie

8 : Couche imperméable

9 : Fosse à lixiviats

7 : Tuyau de récupération des lixiviats

Lixiviats

Déchets

Ainsi, le choix du site, la technique de construction et de terrassement, l’exploitation appliquée à la décharge viennent réduire les quantités d’eaux polluées collectées. Enfin, les déchets collectés devront être soigneusement répartis pour assurer un amalgame autofiltrant qui réduira les taux de pollution. Malheureusement, à l’heure actuelle, si les aspects quantitatifs du problème peuvent être cernés il n’en va pas de même des aspects qualitatifs. On peut ainsi noter que la « qualité » de la pollution évolue avec le temps et que non seulement la DCO et la DBO varient mais également le NH₃-N, les métaux lourds et autres agents polluants. Cette évolution tend rapidement à se stabiliser sur des sites du type semi-aérobie. Dans le cas des décharges anaérobies, le processus est beaucoup plus lent et les pollutions plus concentrées (figure 2).

Traitement des lixiviats

La qualité et la quantité des filtrats varient beaucoup d’une décharge à l’autre. Les paramètres à prendre en considération sont les suivants :

  • — l’installation doit avoir une capacité de traitement flexible compte tenu de la variation importante des lixiviats en quantité et en qualité ;
  • — l’installation doit être simple de manière à minimiser les coûts d’exploitation ;
  • — les coûts de construction doivent être en proportion du nombre d’années présumé d’exploitation de la décharge ;
  • — les coûts de maintenance doivent être aussi réduits que possible et l’automatisme doit être la règle pour limiter les conséquences de pannes éventuelles ;
  • — l’installation ne doit pas engendrer de pollution secondaire telles que odeurs et bruits.

Une fois ces paramètres pris en compte, le schéma de traitement se déroule comme suit :

Élimination de la DBO et des solides en suspension

Si les déchets sont en grande partie combustibles (tels que les ordures ménagères), la concentration moyenne

[Photo : Variation de la DBO en fonction du mode d’enfouissement.]
[Photo : Schéma de principe d’une installation de traitement des lixiviats.]

La DBO des filtrats se situe entre 1 000 et 3 000 ppm. Grâce à l'utilisation d’un procédé de boues activées à faible charge, la DBO est réduite à 20 ppm minimum et NH3-N se situe aux environs de 20 ppm ; cette solution semble donc être l'une des meilleures à utiliser en pareil cas. Une lagune aérée sera choisie pour sa rusticité. Bien entendu, un éventuel prétraitement aura au préalable débarrassé les lixiviats des impuretés les plus importantes (figure 3).

Élimination de la coloration des eaux issues du traitement

Il peut exister des pollutions annexes qui ne sont pas réduites par le procédé biologique. C’est notamment le cas du fer ; celui-ci, réduit au niveau des sables qui le recouvrent en bicarbonate, s’évacue des eaux usées, et le fer est oxydé en hydroxyde de fer. Par conséquent, les lixiviats deviennent brun-rougeâtre. Même après le traitement biologique, la couleur persiste à cause des particules composées de fer, ce qui donne à l'eau un aspect tel qu’on croirait que le traitement n'est pas approprié.

On intègre souvent un procédé d’élimination de la couleur pour justifier le traitement auprès du public. Dans ce cas, on choisit une sédimentation par coagulation qui suit ou quelquefois précède le traitement biologique. Enfin, afin d’obtenir une eau tout à fait transparente, on intègre une filtration sur charbon actif, une ozonation ou tout autre traitement approprié.

Élimination des nitrates

Au Japon, les sites de décharge sont souvent situés en zone de montagne. Les lixiviats sont par la suite utilisés comme eau d'irrigation (rizières). Dans ce cas, l’azote doit être éliminé pour éviter les phénomènes d’eutrophisation.

Parmi les composés d’azote, l’azote ammoniacal est le plus nuisible à la culture du riz. Celui-ci est éliminé de façon importante dans un procédé de boues activées à faible charge. D’autre part, l’intérêt économique de cette technique de dénitrification biologique est important. Toutefois, dans des zones où une élimination plus poussée de l’azote doit être envisagée, des méthodes par stripping ou l’absorption sur zéolite pourront être envisagées.

Élimination de la DCO

La DCO, comme son nom l’indique, est produite par des composés chimiques intermédiaires issus de la décomposition des matières rejetées en décharge ; ces substances ont du mal à se décomposer du fait de leur structure chimique propre. Plus la DCO est élevée et plus notre traitement devra être complet. Les procédés physico-chimiques avant traitement biologique seront appliqués et il faudra peut-être adjoindre à l’ensemble une filtration sur charbon actif pour parfaire le traitement.

Élimination des métaux lourds

Les métaux lourds sont le plus souvent issus de l’enfouissement dans les décharges de cendres d’incinération d’ordures ménagères. On choisit dans ce cas une élimination par sédimentation physico-chimique à des pH différents pour adapter le traitement au type de métaux que l’on veut extraire. Sur un même site, deux traitements à pH déterminés peuvent être envisagés à la suite. Toutefois, le mercure ne pourra être éliminé que grâce à un procédé d’absorption sur résine.

Améliorations du site de décharge

Au Japon, les installations de traitement des filtrats de décharges n’existent que depuis une vingtaine d’années. Cependant, la technique de traitement des filtrats a progressé de façon remarquable et le nombre de sites équipés est aujourd’hui d’environ un millier.

Si une solution économique a été trouvée, celle-ci ne doit pas nous faire oublier qu'il est primordial de réagir contre la pollution à sa source et que l’amélioration des traitements passe aussi par l’amélioration de l’exploitation des sites de décharge et par l’adaptation de ces techniques aux problèmes actuels.

Le choix du site, son aménagement, les déchets qu’il reçoit sont autant de facteurs qui viennent influer sur les traitements ultérieurs quels qu’ils soient et c'est à ce premier niveau que des progrès doivent être accomplis.

De cette détermination dépend le succès des efforts entrepris. À ce titre, le Japon et la France s’accordent pour dire que la nature et l’homme doivent vivre en harmonie, et ceci passe par la protection de l’environnement.

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