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Le traitement des effluents Industriels par le peroxyde d'hydrogène

30 septembre 1983 Paru dans le N°76 à la page 35 ( mots)
Rédigé par : G. DE VRIENDT

Les procédés d’oxydation biologique se sont largement développés pour atteindre maintenant un haut degré d’efficacité, tout particulièrement dans le traitement des effluents urbains. Par contre, dans le cas des rejets industriels, une grande partie de la pollution n’est pas biodégradable, ou se trouve à des niveaux de concentrations toxiques pour les bactéries qui assurent la bio-oxydation.

Ainsi, l’oxydation chimique apparaît comme un des remèdes permettant de respecter les normes sans cesse plus sévères qui nous sont imposées pour préserver notre environnement. De nombreux oxydants sont déjà connus : l’air, l’oxygène pur, l’ozone, le chlore, le dioxyde de chlore, le permanganate de potassium et le peroxyde d’hydrogène. Parmi ces agents d’oxydation, le peroxyde d’hydrogène se distingue par sa réactivité et par le fait qu’il présente l’avantage de ne rien ajouter à la charge polluante ; après réaction, il ne laisse comme résidu que de l’eau. De formule H₂O₂, il est plus connu sous le nom d’eau oxygénée. Son aspect liquide et sa parfaite miscibilité avec l’eau en font un produit d’une grande souplesse d’utilisation.

Dans certains cas, il peut être utile d’accroître la réactivité du peroxyde d’hydrogène au moyen d’un catalyseur. Le réactif de Fenton, une combinaison d’H₂O₂ et d’ions ferreux, en est un exemple.

Nous examinerons ci-après divers exemples d’emploi du peroxyde d’hydrogène dans le traitement des effluents, notamment dans l’industrie.

I - OXYDATION DES COMPOSÉS SULFURÉS PAR LE PEROXYDE D’HYDROGÈNE

L’oxydation des sulfures présents dans les effluents urbains a déjà été abordée en détail dans le numéro de L’Eau et l’Industrie de mars 1981. Rappelons que les réactions usuelles sont les suivantes :

H₂S + H₂O₂ → S + 2 H₂O pH < 9
S²⁻ + 4 H₂O₂ → SO₄²⁻ + 4 H₂O pH > 9

De la même façon, le peroxyde d’hydrogène permet de résoudre un grand nombre de problèmes liés à la présence de sulfures dans les rejets industriels.

Des exemples nous sont donnés par l’expérience d’un verrier chez lequel l’emploi de peroxyde d’hydrogène permet d’éliminer les nuisances olfactives et par les problèmes de corrosion des conduites en béton dus à la présence de sulfures alors que l’addition de chaux parfois utilisée afin d’empêcher le dégagement des sulfures ne fait qu’accroître les problèmes. L’injection d’H₂O₂, avec un rapport molaire de 3/1, permet en effet de réduire la teneur en sulfures de 18 mg/l à moins de 0,2 mg/l en moins de deux heures.

Un autre exemple nous est donné par une ville du Royaume-Uni qui doit faire face aux nuisances apportées par le rejet d’un effluent particulièrement chargé en sulfures (300 mg/l, soit 43 m³/j). À un pH voisin de la neutralité, la concentration en sulfures est considérablement réduite après introduction de peroxyde d’hydrogène à raison de 1,5 mole H₂O₂ par mole S²⁻. Ce traitement à la fois simple et d’un coût d’exploitation peu élevé (20 tonnes par an de solution H₂O₂ à 35 %) est réalisable avec un faible investissement.

Les tanneries

Le traitement du cuir est à l’origine d’effluents à très fortes teneurs en sulfures. L’oxydation par l’air en présence d’un catalyseur permet d’en éliminer la plus grande partie. L’emploi de peroxyde d’hydrogène peut être envisagé en tant que traitement complémentaire, pour parfaire la désulfuration et atteindre au moindre coût les limites de concentrations fixées par la législation.

Fabrication de la cellophane

Les effluents provenant de la synthèse de la cellophane par le procédé au xanthate contiennent généralement d’importantes teneurs en sulfures. Après acidification, ils peuvent être traités par incinération, mais il est établi que les sulfures peuvent être éliminés lors des stades de lavage, par addition de peroxyde d’hydrogène.

Dans un cas concret, une teneur initiale de 42 mg/l de sulfures peut être réduite à moins de 0,1 mg/l, en moins de trois heures, avec des quantités de peroxyde d’hydrogène correspondant à un rapport molaire H₂O₂/S²⁻ de 1,5/1.

Raffineries

Les sulfites réagissent avec le peroxyde d’hydrogène, rapidement en milieu neutre, plus lentement en milieu alcalin, pour former des sulfates, suivant la formule :

SO₃²⁻ + H₂O₂ → SO₄²⁻ + H₂O
[Photo : Oxydation de sulfures par le peroxyde d’hydrogène. Détail du réacteur.]

Le raffinage du pétrole par lavage et traitement sur matière active produit des effluents contenant à la fois des sulfures et des sulfites. Dans le cas concret d’un effluent à pH 9 contenant 74 mg/l de sulfures et 940 mg/l de sulfites, un traitement au moyen de peroxyde d’hydrogène permet de réduire ces teneurs respectives de plus de 95 % et 80 % en moins de deux heures.

Conditionnement en bouteilles

On trouve aussi des sulfites dans les effluents provenant des ateliers de conditionnement de vin et de boissons non alcoolisées.

L’emploi de peroxyde d’hydrogène dans le procédé permet non seulement d’éviter l’emploi de SO₂ mais encore, dans le cas du conditionnement de jus de fruits, de réduire le nombre des lavages de fruits.

Industrie photographique

Les effluents issus de l’industrie photographique peuvent contenir des substances réductrices telles que les sulfites et les thiosulfates. Ces composés réagissent avec le peroxyde d’hydrogène pour être transformés :

  • en tétrathionates, à un pH supérieur à 4 :
    2 S₂O₃²⁻ + H₂O₂ + 2 H⁺ → S₄O₆²⁻ + 2 H₂O
  • en sulfate en milieu alcalin.

La réduction des teneurs en sulfites et en thiosulfates d’un effluent permet de diminuer sensiblement sa demande chimique en oxygène.

La récupération de l’argent à partir des bains usés issus de l’industrie photographique est abordée à la fin du présent article.

Synthèse chimique

On trouve des mercaptans dans les effluents de raffineries et de différentes synthèses industrielles. Ils réagissent avec le peroxyde d’hydrogène, mais à température ambiante la réaction peut être lente et l’emploi d’un catalyseur tel que le fer est généralement nécessaire. Dans une raffinerie italienne, le traitement par H₂O₂ d’un effluent acide contenant des sulfures et des mercaptans permet d’éliminer ces derniers et d’améliorer les conditions de travail du personnel employé dans l’unité.

[Photo : Oxydation de mercaptans dans l’industrie pharmaceutique.]

Les eaux de ruissellement

Les eaux de ruissellement des dépôts d’immondices constituent une importante source de pollution pour les cours d’eau, ou une charge supplémentaire pour les stations d’épuration vers lesquelles elles sont acheminées ; en effet, ces eaux présentent une DBO et une DCO élevées et contiennent beaucoup de sulfates qui, en absence d’oxygène, sont réduits en sulfures sous l’action de bactéries anaérobies.

L’un des principaux problèmes qui en résultent est le dégagement de sulfure d’hydrogène qui, en présence d’air, peut être bactériologiquement transformé en acide sulfurique particulièrement corrosif.

Les sulfures métalliques sont, pour leur part, responsables de la coloration noire des eaux.

Le peroxyde d’hydrogène permet de résoudre aisément ces problèmes en oxydant sélectivement les sulfures en soufre, avant d’être consommé par des substances organiques. C’est ainsi qu’une teneur en H₂S de 400 mg/l peut être réduite à moins de 0,5 mg/l, en moins de 30 mn, avec un rapport H₂O₂/H₂S de 1,5. En outre, un traitement à l’eau oxygénée contrôle le développement des algues et des champignons dans les canalisations.

II. - OXYDATION DES COMPOSÉS PHÉNOLÉS

Les effluents phénolés peuvent provenir des fours à coke, des raffineries, des distilleries de goudron de houille et de nombreuses industries chimiques. Les phénols sont toxiques vis-à-vis de la faune aquatique. Leur rejet est contrôlé lorsqu’il est effectué dans des milieux récepteurs destinés à la production d’eau potable, la chloration pouvant alors apporter un goût désagréable à l’eau de consommation.

Pendant de nombreuses années, le dioxyde de chlore a été utilisé pour oxyder les phénols, mais le peroxyde d’hydrogène peut aussi être utilisé dans le même but avec de faibles quantités de fer ferreux. La réaction chimique est complexe, il y a rupture du cycle benzénique, du CO₂ et des acides faibles ont pu être identifiés comme produits de décomposition du phénol.

[Photo : Oxydation de composés phénolés par le peroxyde d’hydrogène.]

Fabrication de résines

Les effluents provenant de la fabrication de résines phénoliques contiennent du phénol et du formaldéhyde. Un tel effluent contenant 2,9 % de phénol et 1 % de formaldéhyde présente une DCO de 230 000 mg/l.

Une première étape avec condensation et élimination de la résine abaisse légèrement la concentration de ces deux composés ; un traitement complémentaire au moyen du réactif de Fenton permet de réduire en moins d’une heure la concentration en phénol de 0,8 % à 0,1 %.

Traitement de l’acier

Les procédés d’étamage de l’acier mettent en œuvre l’acide phénolsulfonique en tant qu’additif dans le bain d’électrolyse. Une importante unité d’étamage en Grande-Bretagne a retenu le peroxyde d’hydrogène comme moyen d’oxydation pour éliminer l’acide phénolsulfonique des bains de rinçage avant floculation, décantation et filtration.

III. - OXYDATION DES CYANURES

La décharge des cyanures est soumise à des normes très sévères, généralement < 0,1 mg/l CN⁻, bien que des concentrations plus élevées soient tolérées dans certains cas de décharges contrôlées.

Le peroxyde d’hydrogène réagit avec les cyanures, et les oxyde en cyanates :

CN⁻ + H₂O₂ → CNO⁻ + H₂O

Les cyanates sont ensuite hydrolysés pour donner de l’ammoniac et du dioxyde de carbone :

CNO⁻ + 2 H₂O → HCO₃⁻ + NH₃

Cette oxydation est le plus souvent réalisée à un pH compris entre 9 et 10. Si la concentration en cyanures est trop faible, par exemple moins de 100 mg/l, il convient d’ajouter un catalyseur. Le cuivre est le catalyseur le plus couramment employé dans l’oxydation des cyanures et doit être mis en œuvre à raison de 5 à 10 mg/l Cu.

Fabrication et traitement de l’acier

Les sels de trempe peuvent être détoxifiés par oxydation au moyen de peroxyde d’hydrogène. Ces sels sont utilisés pour la carburation des pièces métalliques employées en construction, de façon à permettre la production de « carbone naissant » à des températures comprises entre 850 et 900 °C. Les bains usés dont la teneur en cyanure peut atteindre 15 % CN⁻ peuvent être détoxifiés avant décharge au moyen de peroxyde d’hydrogène.

Un stock de 2 000 tonnes de sels de trempe a ainsi été traité en Belgique où l’on a retenu un procédé discontinu dans lequel les sels furent dissous par addition d’eau et agitation, et la fraction soluble oxydée par H₂O₂. Les liqueurs obtenues présentaient un pH voisin de 13 et une concentration en cyanures comprise entre 10 et 15 g/l.

Le peroxyde d’hydrogène est généralement mis en œuvre sans catalyseur, avec un excès molaire compris entre 1,2 et 4,2 moles H₂O₂/mole CN⁻, dépendant de la composition des sels à détoxifier.

Le lavage des gaz de hauts-fourneaux entraîne de même la formation de grandes quantités d’effluents contenant à la fois des cyanures et des thiocyanates. Les débits peuvent varier de 100 à 2 000 m³ par heure et les teneurs supérieures à 10 mg/l CN⁻ peuvent provoquer de graves problèmes de pollution. L’utilisation de peroxyde d’hydrogène peut fournir une solution à ces problèmes ; à pH supérieur à 9, il n’est pas nécessaire d’ajuster le pH, et des économies parfois considérables peuvent ainsi être réalisées.

En galvanoplastie, l’oxydation de cyanures métalliques complexes est accélérée par l’addition d’un séquestrant (brevet Interox). Une deuxième application se rencontre dans le traitement des effluents sur résines échangeuses d’ions, où le peroxyde d’hydrogène permet de traiter l’éluat avant son rejet.

Industrie chimique

Les fabrications d'acrylonitriles, de méthylméthacrylates et d'adiponitriles sont à l'origine d'effluents contenant des ions cyanures.

Dans une unité industrielle du Royaume-Uni, l'addition aux effluents de peroxyde d'hydrogène, à raison de 1 à 2 moles H₂O₂ par mole de CN⁻, a permis de réduire la concentration en cyanures de 98 % en cinq heures à une température de 70 °C. Ce traitement se fait en présence de cuivre comme catalyseur à raison de 4 mg/l pour une réaction à pH 9.

IV - OXYDATION DES COMPOSÉS CHLORÉS

La chloration est très largement pratiquée dans la désinfection des eaux potables et des eaux de procédé. Dans le premier cas, elle assure une protection contre les bactéries, dans le second, elle permet de contrôler le développement des micro-organismes présents dans les circuits d'eau de refroidissement. Alors que le SO₂ est fréquemment utilisé pour la déchloration, le peroxyde d'hydrogène peut également, dans certaines conditions, constituer une alternative efficace en réagissant comme suit :

Cl₂ + H₂O₂ → O₂ + 2 HCl

Il se combine avec toutes les formes de chlore libre, par exemple Cl₂, HOCl et OCl⁻, mais le rendement de la réaction dépend des espèces présentes, ce qui revient à dire qu'il dépend du pH. Alors que le chlore et l'acide hypochloreux réagissent lentement, l'hypochlorite réagit rapidement. Ainsi, la déchloration au moyen de peroxyde d'hydrogène doit être réalisée à un pH voisin de 8 lorsque le chlore libre est présent surtout sous la forme d'ions OCl⁻.

V - OXYDATION DE COLORANTS

La présence de colorants dans un effluent constitue une nuisance importante car, même à faible concentration, cette pollution se repère très facilement. Le problème est accentué par le fait qu'un grand nombre de colorants utilisés dans l'industrie textile peuvent traverser sans altération une installation de traitement biologique, rendant nécessaire un traitement complémentaire. Dans de tels cas, l'oxydation par le peroxyde d'hydrogène peut être avantageuse.

Une étude sur ce sujet, réalisée au Royaume-Uni et au Japon, a ainsi démontré que le réactif de Fenton peut être utilisé comme agent de décoloration : un effluent coloré en vert a été traité par une solution à 50 mg/l de peroxyde d'hydrogène et 25 mg/l d'ion ferreux, et ensuite aéré : en moins de cinq minutes, une réduction de 90 % de la couleur a été enregistrée.

VI - TRAITEMENT DES MÉTAUX EN SOLUTION

Argent

Dans sa forme ionique libre et stable, l'argent est toxique pour les micro-organismes et il est donc indésirable dans les effluents particulièrement lorsqu'ils sont traités dans les unités d'oxydation biologique.

Or, on trouve l'argent dans la plupart des déchets de l'industrie de la photographie, en raison du fait qu'il est contenu dans les bains de fixation sous forme de complexe de thiosulfate. Ainsi combiné, il est oxydé par le peroxyde d'hydrogène avec précipitation d'argent qui peut être récupéré, et avec réduction simultanée de la DCO des rejets.

Le peroxyde d'hydrogène peut donc être utilisé pour traiter les bains de fixation usés dans le but de récupérer l'argent et d'oxyder les autres composés toxiques. La quantité théoriquement nécessaire pour la précipitation de l'argent est définie par la réaction :

2 Ag⁺ + H₂O₂ → 2 Ag + O₂ + 2 H⁺

Le traitement au peroxyde d'hydrogène peut également être appliqué aux solutions résiduelles de récupération électrolytique de l'argent.

À titre d'exemple, le traitement de 500 l de liqueur contenant 350 mg/l d'argent, au moyen d'une solution d'H₂O₂ à 50 g/l, permet de récupérer 200 g d'argent métallique. En outre, on observe une réduction de 50 % de la DCO. Un traitement de ce type réduit donc la toxicité du rejet, et permet la récupération d'un métal coûteux.

Dans de nombreux cas, la valeur de l'argent récupéré peut être supérieure au coût du peroxyde d'hydrogène utilisé.

Fer

La présence de fer dans les eaux de process ou de drainage peut être à l'origine de phénomènes de coloration ou de précipitation dans les réseaux de distribution ou d'évacuation.

En Australie, une eau potable à pH 6,1 contenant 0,2 mg/l d'ion ferreux et 1,8 mg/l d'ion ferrique est traitée par addition de peroxyde d'hydrogène. Après le point d'injection d'H₂O₂, la floculation à l'alun élimine l'hydroxyde ferrique de telle sorte que le rejet contient moins de 0,1 mg/l de fer.

Ce procédé peut également être utilisé pour le traitement des eaux de drainage de mines.

CONCLUSION

Les exemples d'applications que nous venons de décrire montrent qu'une large variété d'effluents industriels peuvent être traités efficacement avec le peroxyde d'hydrogène. La parfaite miscibilité de ce produit avec l'eau permet un dosage facile et précis, avec un faible investissement : pompe doseuse et éventuellement bac de stockage.

On peut souligner que l'avantage du peroxyde d'hydrogène, qui n'entraîne pas d'augmentation de la charge polluante, est unique parmi les méthodes de traitement généralement utilisées.

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