La pollution de l'environnement par les métaux lourds a fait l'objet de plusieurs travaux scientifiques récents à l’échelle internationale à cause de leur degré de toxicité grave chez tous les êtres vivants [1,2]. Au cours des dernières décennies certains pays comme le Maroc ont connu des déficits pluviométriques très inquiétants rendant ainsi leur ressource hydrique insuffisante. Devant une telle situation le besoin de la réutilisation des eaux usées en agriculture s'impose [3,4]. Or, la réutilisation des eaux usées peut constituer l'une des principales causes de l'intoxication de l'homme et de l'animal par la consommation des produits agricoles contaminés à différents degrés par les métaux lourds.
Ce qui nous a conduit à aborder l'étude de l'impact de l'irrigation des plantes comestibles telles que : navet, carotte, oignon et laitue, par les eaux usées brutes et les eaux usées traitées de la station d’épuration à boue activée de Béni-Mellal en analysant les concentrations des différents métaux lourds (Fe, Cr, Ni, Mn, Cu, Zn, Pb, Cd) au niveau des différents organes de la plante considérée.
Nous nous sommes limités dans le cadre de
Mots clés : eaux usées, irrigation, métaux lourds, station d'épuration à boue activée
[Photo : Teneur en Zn, Mn, Fe dans différents organes de la carotte cultivée pendant 3 mois d’irrigation par les eaux usées traitées]
[Photo : La teneur en Zn, Mn, Fe dans différents organes de la plante de navet cultivée pendant 3 mois d’irrigation par les eaux usées traitées]
cet article à l'étude de la contamination du navet et des carottes par les métaux lourds : Fe, Zn, Mn, Cd et Pb.
Techniques expérimentales
Pendant la saison d’été, on a cultivé deux champs de superficie 9 m² situés à environ 3 km de la station d’épuration à boue activée.
Les cultures réalisées sont les navets, carottes, laitues et oignons. L’un des champs de cultures est irrigué par les eaux usées brutes et le second par les eaux usées traitées. Cette irrigation a duré 3 mois.
Chaque plante de la culture est séparée à la racine, tige et partie comestible, [5] : les échantillons (racine, tige et partie comestible) sont mis à l’étuve pendant toute la nuit (60-80 °C). Après broyage, une prise d’essai d’environ 1 g de chaque échantillon est mise dans une fiole de 100 ml contenant 20 ml d’acide nitrique et 3 ml d'acide sulfurique. La fiole est mise dans un bain de sable à 140 °C pendant 4 heures. Après refroidissement à la température ambiante, on a ajouté 5 ml d’eau oxygénée et 5 ml d'eau distillée. Cette dernière étape est répétée 3 fois pour que la minéralisation de l’échantillon soit totale.
Les dosages des métaux lourds sont effectués par un spectrophotomètre d’absorption atomique de type AA-10/20.
Résultats et discussion
Les figures 1 et 2 représentent les teneurs en éléments Mn, Zn et Fe dans les différents organes du navet et de la carotte. Dans les deux cas, les teneurs atteintes au niveau de la partie aérienne (feuille) sont nettement supérieures à celles atteintes au niveau des autres organes de la plante. En accord avec les résultats de cultures hydroponiques [6], les métaux transitent par les racines comestibles et finissent dans les feuilles où ils s'accumulent forcément.
Ceci peut être dû à une certaine autodéfense de la plante destinée à piéger le maximum de polluant dans ses feuilles afin de protéger sa partie comestible. Les effets illustrés sur les mêmes figures montrent un excès en Mn et en Fe par rapport au Zn, même si le Zn est aussi un oligo-élément indispensable à la plante.
Or, d'après certains auteurs [7], l'excès de certains métaux dans le sol de la culture peut conduire à une carence de la plante.
[Photo : Teneur en Pb et Cd dans différents organes de la carotte et navet irrigués par des eaux usées brutes et traitées]
Tableau 1 : L’accumulation du Pb et Cd dans les navets et carottes irrigués par les eaux usées brutes et traitées.
Plantes |
Nature de l’eau d’irrigation |
Organes |
Pb |
Cd |
Carotte |
Eau usée brute |
Feuilles |
2,48 |
0,004 |
Carotte |
Eau usée brute |
Parties comestibles |
2,08 |
0,003 |
Carotte |
Eau traitée |
Feuilles |
2,55 |
0,006 |
Carotte |
Eau traitée |
Parties comestibles |
2,21 |
0,002 |
Navet |
Eau usée brute |
Feuilles |
2,52 |
0,007 |
Navet |
Eau usée brute |
Parties comestibles |
2,00 |
0,002 |
Navet |
Eau traitée |
Feuilles |
3,00 |
0,008 |
Navet |
Eau traitée |
Parties comestibles |
2,78 |
0,004 |
en d'autres oligo-éléments indispensables à cause d'une certaine interaction métal-métal. Ceci nous a conduits à penser que la faible teneur en Zn observée est due à une certaine interaction avec la charge minérale et organique au niveau du sol irrigué par les eaux usées traitées.
La figure 3 et le tableau 1 permettent de constater que la teneur de l’élément Pb dans les organes des deux plantes (carottes, navets) est supérieure, d’environ 50 fois, à la concentration maximale admise (0,05 mg/l) dans les eaux d'irrigation qui ont été recommandées par la F.A.O. [8, 9].
De plus, on constate que la teneur en Pb dans les plantes irriguées par les eaux usées traitées est supérieure à celles irriguées par les eaux usées brutes. Cette différence peut être due à la charge de ce dernier type d’eau usée en matières en suspension. Le tableau 1 montre aussi une proportion trop faible en Cd de l'ordre d’environ 3 fois moins que la teneur permise (0,01 mg/l) par la F.A.O.
Conclusion
Cette étude a permis de mettre en évidence une répartition variable des métaux lourds au sein du navet et de la carotte suivant la nature du métal et de l'eau d'irrigation utilisée. Les éléments étudiés ont des degrés de toxicité différents ; en effet, le Pb présente une accumulation, dans la partie comestible, supérieure à la normale.
Par contre, la concentration en Cd est inférieure aux normes recommandées. L’analyse des métaux lourds dans les eaux usées brutes et les eaux usées traitées est en cours.
Références bibliographiques
- 1 A. El Alami, O. Ouariti, F. Gharbi, M.H. Ghorbel, I. Mrad, N. Zenaidi, A. Ghorbel. Fascicule du 3ᵉ colloque Franco-Maghrébin de catalyse, 56-64.
- 2 I. Mrad, N. Zenaidi, A. Ghorbel, D. Tichit, A. El Alami, O. Ouariti, F. Gharbi, M.H. Ghorbel. Fascicule du 3ᵉ colloque Franco-Maghrébin de catalyse, 73-83.
- 3 M. Neveux (1967). Bull. Techn. Inforum n° 224, 829-832.
- 4 Organisation mondiale de la santé (1989). Utilisation des eaux usées en agriculture et en aquiculture, recommandations à visée sanitaire, Genève, 82 p.
- 5 A. Aminot et M. Chaussepied (1983). Manuel des analyses chimiques en milieu marin, C.N.E.X.O.
- 6 A. Rada (1996). Étude de la contamination métallique des sols de la zone d’épandage de la ville de Marrakech (Maroc) : sol-plante. Thèse de doctorat d’État, 130 p.
- 7 S.P. Singh et M.G. Verloo (1996). Accumulation and bioavailability of metals in semi-arid soils irrigated with sewage effluents, 63-67.
- 8 Ayers, R.S. et Westcot, D.W. (1985). Water quality for irrigation, F.A.O., 179 p.
- 9 Faw Zia, A. Fahim, Amin M.A. Abdallah, Taha A.M. Abdelrazek (1994). J. African Earth Science, vol. 20, 295-301.
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