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Le traitement des eaux usées de Toulouse : combinaison de deux procédés biologiques intensifs par forte charge et biofor

30 octobre 1990 Paru dans le N°140 à la page 83 ( mots)
Rédigé par : Pascal DAUTHUILLE

Toulouse, quatrième ville de France, deuxième ville universitaire, compte près de 400 000 habitants et plus de 500 000 avec son agglomération. Chimie, électronique, biotechnologies et aéronautique caractérisent son industrie, tournée résolument vers les secteurs de pointe. Soucieuse de son environnement et désireuse d’accueillir de nouvelles activités, la ville de Toulouse a réalisé l'extension de sa station d’épuration de Ginestous avec des technologies innovantes qui marquent une étape décisive dans l'épuration des eaux résiduaires urbaines. Cette extension a été confiée à notre société, ainsi que la rénovation de la station existante.

Toulouse, quatrième ville de France, deuxième ville universitaire, compte près de 400 000 habitants et plus de 500 000 avec son agglomération. Chimie, électronique, biotechnologies et aéronautique caractérisent son industrie, tournée résolument vers les secteurs de pointe. Soucieuse de son environnement et désireuse d’accueillir de nouvelles activités, la ville de Toulouse a réalisé l'extension de sa station d’épuration de Ginestous avec des technologies innovantes qui marquent une étape décisive dans l'épuration des eaux résiduaires urbaines. Cette extension a été confiée à notre société, ainsi que la rénovation de la station existante.

La filière originale choisie associe deux procédés biologiques : le premier par boue activée à « Très Forte Charge » et le second par cultures fixées de type Biofor. Il s'agit de la première association en série de deux procédés biologiques intensifs.

L'ensemble des eaux résiduaires de la ville de Toulouse et de quelques communes limitrophes est acheminé au lieu-dit « de Ginestous », proche du centre-ville, dans un site destiné à l'urbanisation. Deux tranches y sont désormais en activité : la première, d'une capacité de 400 000 équivalents-habitants vient d’être rénovée ; la seconde, de 150 000 E.H, a fait l'objet d'un concours où, face à des procédés conventionnels, la ville a opté pour une solution résolument d’avenir, associant deux procédés biologiques intensifs.

La réalisation de cette nouvelle tranche répond à des impératifs de compacité des ouvrages et à l'absence de nuisances. Cette dernière préoccupation a d'ailleurs conduit à accompagner l'extension par l'amélioration des ouvrages existants, rénovation qui a porté essentiellement sur la transformation des anciens décanteurs lamellaires et sur le traitement des odeurs.

Objectifs du traitement

Les effluents à traiter proviennent en majeure partie d'un collecteur unique, transportant les eaux résiduaires du nord et de l'est de la ville de Toulouse, ainsi que de quelques communes limitrophes ; les industries sont dans cette zone peu nombreuses.

Les tableaux I et II donnent les principales caractéristiques de l'eau brute prises en compte pour le dimensionnement de la nouvelle station d’épuration. La première colonne est relative aux valeurs maximales rencontrées, alors que la seconde correspond aux valeurs moyennes observées durant les dernières années disponibles. Il s'agit d'un effluent urbain caractéristique d'un réseau de type pseudo-séparatif. Le rapport DCO/DBO₅, compris entre 2,0 et 2,2, traduit un effluent de type essentiellement urbain. Les autres colonnes sont relatives à l'effluent effectivement rencontré lors du démarrage de l'installation ; ces valeurs seront discutées ultérieurement.

Le niveau de rejet en Garonne retenu est e-NKj₅, mais la ville, dans son souci d’améliorer la qualité des effluents, a requis un niveau de rejet plus sévère (tableau III).

Chaîne de traitement

L'effluent subit, après prétraitement, deux procédés biologiques intensifs successifs, le premier par boue activée à Très Forte Charge et le second par filtration biologique sur cultures fixées (Biofor). Le temps de séjour au débit de pointe dans chacun des deux réacteurs y est considérablement plus faible que dans des procédés biologiques conventionnels, soit :

— 60 minutes pour la Forte Charge (90 minutes au débit moyen), — 11 minutes pour le Biofor (16 minutes au débit moyen).

Cette première application des cultures fixées consécutives à un procédé de boue activée par très forte charge constitue l'originalité principale de cette chaîne de traitement.

Prétraitement

Conçu pour éliminer les solides de taille importante, les sables et les graisses, il est constitué de deux éléments :

— un dégrillage commun à l'ensemble de la station (30 mm), — un dessablage-dégraissage réalisé dans un ouvrage combiné rectangulaire de 84 m³ ; six pompes aératrices immergées à turbine permettent la diffusion de l'air en très fines bulles.

Les graisses peuvent être traitées par vermiculture, technique originale développée par la Ville ; à cette fin, une siccité de 12 % obtenue par flottation est nécessaire.

Boue activée à Très Forte Charge

Ce premier traitement biologique est constitué de deux éléments :

— un réacteur biologique à très forte charge, — un décanteur raclé circulaire.

Ce traitement permet l'élimination par voie biologique d'une fraction importante de la pollution soluble tout en profitant de la présence de matières en suspension pour alourdir le floc formé et obtenir une bonne clarification. Il s'agit de la première réalisation en France de ce type de traitement.

Le réacteur biologique (figure 1) possède les caractéristiques suivantes :

— longueur : 35,5 m — largeur : 11,8 m — hauteur : 4,5 m

[Photo : Toulouse. Le réacteur Très Forte Charge.]
[Photo : Toulouse. Les filtres biologiques Biofor.]

— volume : 1875 m³.

Le temps de séjour hydraulique est de 1 heure au débit de pointe et de 1,5 heure au débit moyen. D'après les concentrations maximales de l'eau brute, les charges volumiques à considérer sont : — 10,4 kg DCO·m⁻³·j⁻¹, — 4,8 kg DBO₅·m⁻³·j⁻¹.

Le réacteur de Toulouse peut ainsi être qualifié de « Réacteur à Très Forte Charge », la limite généralement admise pour un procédé Forte Charge étant de 1,5 kg DBO₅·m⁻³·j⁻¹.

Pour satisfaire les besoins en oxygène, le bassin d’aération est brassé et aéré au moyen de trois turbines Actirotor de puissance motrice de 55 kW. Chaque turbine est équipée d'une jupe déflectrice et d'un capot d’insonorisation. Le mélange eau-boue biologique est ensuite dégazé dans un puits où se déversent également les eaux de lavage des filtres biologiques du second étage.

Le décanteur circulaire, de 44 m de diamètre, est de type suceur à pont racleur radial à entraînement périphérique (12 suceurs en ligne). Les vitesses hydrauliques ascensionnelles à considérer sont de 0,89 m/h au débit moyen et de 1,30 m/h au débit de pointe. Cet ouvrage est l'élément essentiel pour la bonne marche du traitement par forte charge ; il est important d’y recueillir rapidement les boues décantées. L'ensemble des boues est recirculé par deux vis d’Archimède vers le bassin d’aération.

Tableau ICaractéristiques principales de l'eau brute

Éléments Unités Dimensionnement Maximum Dimensionnement Moyen Réel Janvier-Juillet 1989* Réel Juillet-Septembre 1989
Matières en suspension mg/l 280 210 260 288
DCO mg/l 690 560 570 723 **
DBO₅ mg/l 150 120 275 312 **
Azote Kjeldahl mg/l 45 35 48 50 **

* Après pré-traitement (dessablage – dégraissage). ** Résultats Ville de Toulouse.

Tableau IIDébits et charges appliqués

Éléments Unités Dimensionnement Maximum Dimensionnement Moyen Réel moyen (juillet-septembre 1989)
Volume journalier m³/j 30 000 30 000 22 000 *
Débit moyen m³/h 1 250 1 250 1 100
Débit de pointe m³/h 1 750 1 550 1 500
MES kg/j 15 000 13 000 13 040
DCO kg/j 18 400 15 300 16 300
DBO₅ kg/j 9 600 6 500 6 840
Azote Kjeldahl kg/j 1 350 1 050 1 180
Charge appliquée DCO kg·m⁻³·j⁻¹ 10,4 7,2 8,6
Charge appliquée DBO₅ kg·m⁻³·j⁻¹ 4,8 3,5 3,7

* en semaine

Cultures fixées : le Biofor

Le second étage biologique est constitué de réacteurs à cultures fixées de type Biofor (figure 2). Les réacteurs à cultures fixées mettent en œuvre des matériaux granulaires qui offrent une grande surface spécifique pour l'accrochage de la biomasse et pour l’échange de matière polluante entre le liquide et cette biomasse. Des temps de séjour très faibles peuvent ainsi y être appliqués.

Le Biofor se caractérise par une alimentation en air et en eau à co-courant ascendant. Cette disposition permet une bonne répartition des fluides dans le matériau et évite ainsi les problèmes de colmatage de surface et la formation de poches de gaz au sein du matériau. Ceci permet d’y appliquer de faibles vitesses d'air (juste celles nécessaires à l’élimination de la pollution organique), d’où une consommation énergétique réduite.

Les six filtres Biofor ont pour caractéristiques unitaires :

  • surface : 40 m²
  • matériau : Biolite
  • hauteur : 3 m
  • granulométrie : 2,7 mm

Cette granulométrie a été choisie d’après la faible teneur en matières en suspension demandée au rejet (20 mg/l).

Compte tenu du débit des eaux de lavage, les vitesses de dimensionnement sont les suivantes :

  • 5,6 m/h au débit moyen (6,7 m/h si un filtre en lavage),
  • 8,2 m/h au débit de pointe (9,9 m/h si un filtre en lavage).

Chaque filtre est alimenté en air de procédé par un surpresseur à deux vitesses permettant de choisir entre deux débits d’alimentation, suivant la pollution de l’eau à traiter (programmation possible). La durée des cycles est comprise entre 24 et 48 heures.

Tableau III

ÉlémentsNorme e-NKVille de Toulouse
MES3020
DCO9080
DBO53020
Azote Kjeldahl4030

Traitement des boues

Les boues en excès sont extraites du réacteur de forte charge afin d’y garantir une concentration constante en matières en suspension.

Ces boues sont ensuite épaissies par flottation avec un objectif en concentration de 40 g/l, dans un flotteur de 10 m de diamètre et de 78,5 m² de surface. Les boues épaissies sont ensuite envoyées sur le traitement déjà existant de la première station de 400 000 E.H., comprenant une digestion, une centrifugation et un séchage thermique.

Ventilation et désodorisation

L’ensemble du local de traitement des sables avec le tamisage et les bennes ainsi que le bâtiment de flottation sont équipés d’une ventilation avec désodorisation (eau de Javel, soude). Les ouvrages biologiques ne sont pas couverts.

Performances

Seules sont présentées les performances relevées lors des trois premiers mois de mise en route, cette période correspondant à un suivi analytique important. La mise en route s’est effectuée en juin 1989 et les résultats concernent les trois mois de l’été 89.

Une augmentation importante de la pollution organique

L’effluent traité se caractérise par une très forte concentration en pollution organique qui peut s’expliquer en partie par l’absence de pluviométrie (Tableau I). Les valeurs moyennes pour les quatre principaux paramètres relevés sont même supérieures aux valeurs maximales préconisées pour le dimensionnement. Cette tendance à l’augmentation de la concentration de la pollution organique était déjà nettement marquée depuis le début de l’année 1989. La DCO est particulièrement forte, en moyenne de 729 mg/l, soit 60 % plus élevée que la valeur moyenne des années précédentes. Des valeurs considérables peuvent être relevées en moyenne journalière : par exemple, en juillet 89 : 1121 mg/l le 12 et 940 mg/l le 17.

Par ailleurs, le rapport DCO/DBO5 est proche de 2,4, ce qui traduit un effluent moins facilement biodégradable que prévu (2,0 à 2,2). Cette valeur peut caractériser la présence d’effluents industriels sous-estimés.

Les débits journaliers traités sont, de par l’absence de pluviométrie, inférieurs au débit escompté de 30 000 m³/j. Les charges traitées sont en conséquence légèrement supérieures aux charges moyennes de dimensionnement sauf pour la DCO (Tableau II).

Résultats

Malgré les fortes concentrations en pollution organique, les résultats obtenus sont satisfaisants avec de forts rendements d’élimination (Tableau IV) ; en particulier, la garantie sévère imposée sur les matières en suspension (20 mg/l) est respectée. De même, le niveau e-NK est largement obtenu, malgré la forte concentration en azote Kjeldahl à l’entrée : la concentration reste même inférieure au niveau de 30 mg/l demandé par la Ville. Pour la DBO5, le niveau « e » est atteint mais pas le niveau sécuritaire de 20 mg/l.

Par contre, pour la DCO, la forte pollution à l’entrée se répercute en sortie par une valeur légèrement supérieure à la norme. L’écart entre la DCO d’entrée et la DCO maximale de dimensionnement d’une part, et entre la DCO de sortie et la DCO niveau « e » d’autre part, est d’ailleurs le même (12 %).

Durant ces trois premiers mois, l’évolution des rendements est croissante indiquant une mise en régime progressive des systèmes biologiques (Tableau V). Les possibilités d’épuration sont donc certainement supérieures aux valeurs indiquées.

Points complémentaires

Le suivi de la station industrielle ayant été réalisé uniquement sur les effluents d’entrée et de sortie, l’influence respective des deux procédés biologiques n’a pu être estimée. Par contre, la présence en parallèle d’un pilote au centième a permis de connaître cette influence durant huit mois (janvier à août 1989). Les rendements obtenus sur chacun des deux étages (Tableau VI) indiquent qu’une part importante de l’épuration biologique est déjà réalisée dans le premier étage de Forte Charge ; le Biofor assure ensuite un rôle de finition.

Une fraction de la pollution biodégradable (en fait, la pollution qualifiée de facilement biodégradable) étant déjà consommée sur le réacteur Forte Charge, les rendements d’élimination de la pollution résiduelle sur le Biofor sont logiquement inférieurs à ceux rencontrés après un simple étage de séparation solide-liquide. Par ailleurs, du fait de la faible teneur en matière organique, une nitrification importante est réalisée sur le Biofor. De plus, ces essais en pilote ont permis de définir les paramètres optimaux de réglage de la Forte Charge dans le cas de l’effluent de Toulouse. La clé réside dans la recirculation de boue fraîche et dans le maintien dans le bassin d’aération de conditions aérobies strictes.

Conclusion

L’association de deux procédés biologiques intensifs (Forte Charge + Biofor) permet, malgré une concentration importante en pollution organique dans l’eau brute, d’obtenir une eau traitée satisfaisante. Le niveau de rejet e-NK est largement respecté, sauf pour la DCO qui est particulièrement élevée à l’entrée.

La « Très Forte Charge », qui remplace un traitement primaire conventionnel, s’avère un traitement biologique très performant. Les cultures fixées assurent ensuite un traitement de finition, lequel permet aussi une bonne nitrification partielle.

La station de Toulouse Ginestous ouvre la voie à une nouvelle filière originale de stations très compactes en eau résiduaire urbaine : le temps de séjour global, inférieur à une heure et demie en aération, permet la réalisation d’ouvrages de faibles volumes s’insérant dans des sites urbains densément peuplés ; de plus, la réduction des nuisances sur ce type de filière est peu onéreuse, la surface à couvrir étant nettement diminuée.

L’association Forte Charge — Biofor s’impose comme une filière d’avenir compacte et respectueuse de l’environnement.

Tableau IV

Performances (juillet à septembre 1989)

ÉlémentsUnitésEntréeSortieRendement
MESmg/l28818,993 %
DCOmg/l72910186 %
DBO5mg/l3122592 %
Azote Kjeldahlmg/l502550 %

Tableau V

Évolution comparée des rendements d’élimination

ÉlémentsJuinJuilletAoûtSeptembre
DCO81,285,286,287,1
DBO590,891,793,0
Azote Kjeldahl51,649,2

Tableau VI

Rendements comparés de la Forte Charge et du Biofor(Essais pilotes en parallèle janvier – juillet 1989)

ÉlémentsUnitésForte ChargeBioforGlobal
Matières en suspensionmg/l60 – 70 %60 – 70 %90 – 95 %
DCOmg/l70 – 75 %70 – 80 %80 – 90 %
DBO5mg/l65 – 75 %60 – 70 %90 – 95 %
Azote Kjeldahlmg/l10 – 15 %35 – 45 %40 – 50 %
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