Your browser does not support JavaScript!

Le traitement des condensats dans les centrales thermiques à combustibles fossiles ou nucléaires

30 mars 1977 Paru dans le N°14 à la page 27 ( mots)
Rédigé par : Frédéric MEI et Jacques HOSPITEL

par Frédéric MEI et Jacques HOSPITEL

Compagnie européenne de Traitement des Eaux (C.T.E.) Division « EAUX INDUSTRIELLES »

INTRODUCTION

Le condenseur dans un groupe turbo-alternateur joue un rôle très important. Il permet d’abaisser la contre-pression à l’échappement de la turbine de façon à bénéficier au maximum de l’énergie potentielle de la vapeur.

De plus, il assure, par condensation sous vide, la restitution d'une eau pure à une température minimale qui est fonction de celle de l'eau de réfrigération. L’écart de température entre la source froide (le condensat) et la source chaude (la vapeur) conditionne le rendement de l’ensemble du cycle thermique régi par le principe de Carnot.

Dans les centrales de puissance, si la quantité de vapeur produite est importante, la demande en eau d’appoint est, par contre, inférieure à 1 % de la vaporisation ; l'eau d’alimentation est fournie par la récupération des condensats, ou eau d’extraction, à la sortie de l'étage BP des turbines, et par un faible appoint d'eau déminéralisée.

La récupération des condensats occupe de ce fait une place importante dans le « poste d'eau » où la qualité de l'eau d’alimentation du générateur sera liée à la pureté des eaux d’extraction.

Aux États-Unis, le terme consacré par l'usage pour désigner le traitement des condensats est « condensate polishing » ou « polishing » tout court, ce qui, par traduction littérale, a donné le néologisme un peu barbare de « polissage de condensats ».

RÔLE DU POLISSAGE DES CONDENSATS

Le polissage des eaux condensées des centrales de puissance poursuit plusieurs buts :

[Photo : Poste de polissage de condensats d’une Centrale nucléaire du type PWR (U.S.A.)]
[Photo : Fig. 1 — Schéma Centrale classique.]
[Photo : Fig. 2 — Schéma Centrale PWR.]
  • — arrêt par filtration mécanique des oxydes métalliques entraînés par érosion, notamment dans le circuit eau-vapeur,
  • — élimination des produits de corrosion sous formes dissoutes et non dissoutes,
  • — élimination des traces de silice et de sels minéraux introduits dans le circuit.

Ce qui précède concerne avant tout la marche normale, pendant laquelle il doit maintenir les critères de pureté exigés pour l'eau d'alimentation.

Le polissage joue un rôle essentiel dans deux autres circonstances très précises.

Lors du premier démarrage, puis lors des redémarrages ultérieurs des groupes turbo-alternateurs, il assure la mise en propreté rapide des circuits. D’autre part, en cas d’entrée accidentelle d'eau brute dans les condensats, par suite d'une fuite au condensateur, il élimine les sels introduits accidentellement dans l'eau et permet une exploi- tation normale des générateurs de vapeur, en attendant que la fuite soit localisée et réparée. Le laps de temps disponible est fonction de la salinité de l'eau de refroidissement qui peut être de l'eau douce si la centrale est au fil de l'eau, de l'eau concentrée si la centrale comporte des tours de réfrigération, ou encore de l'eau de mer.

LES PROCÉDÉS DE POLISSAGE DES CONDENSATS

Techniques anciennes

Les premiers systèmes de polissage des condensats ont vu le jour avec le développement aux U.S.A. à partir de 1953 des chaudières monotubulaires, dites « once-through », dans lesquelles l'eau d’alimentation est entièrement vaporisée et où toutes les impuretés solubles et insolubles se déposent à l'intérieur des tubes vapor- iseurs ou sont entraînées dans la turbine sous l'effet du primage.

Pour pallier ces inconvénients, il est apparu que l'eau d’alimen- tation de la chaudière devait être traitée de telle façon qu'elle soit débarrassée de la totalité de ses composants indésirables. Un double traitement s’avérait alors nécessaire pour arrêter, par filtration méca- nique, les impuretés en suspension et pour éliminer par épuration chimique les sels dissous contenus dans l’eau d’alimentation.

À l'origine, les fonctions filtration et épuration étaient différenciées ; la filtration était réalisée soit sur des filtres à cartouche en coton ou en fibres synthétiques, soit sur des filtres à bougies ou sur des filtres-presse avec interposition d'une précouche inerte constituée habituellement par des fibres de cellulose (Solka-floc) et plus rare- ment par des fibres de carbone (Nerofil). L’épuration était ensuite effectuée par percolation sur un échangeur classique à résines mélangées.

Ce double traitement conduisait à des réalisations fort onéreuses, ce qui incitait les utilisateurs à prendre le risque de limiter le trai- tement à une fraction du débit (33 ou 50 %).

L'expérience permit de constater en outre que les filtres à pré- couche se colmataient très vite pendant la période critique de démar- rage ; le temps exigé pour le nettoyage des éléments filtrants et ensuite pour la reconstitution de la précouche était tel que les pré- filtres devaient souvent être by-passés au moment où ils auraient été les plus utiles.

Le système préfiltres-lits mélangés révélait ainsi ses graves insuf- fisances tandis que les exigences de plus en plus contraignantes des constructeurs de générateurs de vapeur imposaient le traitement de la totalité des condensats et exigeaient, pour l’effluent traité, des caractéristiques toujours plus sévères.

(1) La COMPAGNIE EUROPÉENNE DE TRAITEMENT DES EAUX (CTE) repré- sente pour la FRANCE COCHRANE ENVIRONMENTAL SYSTEMS, Société du Groupe CRANE Co – NEW YORK.

Les systèmes ABRO, AMMONEX, SPLIT-BED cités dans le texte font l'objet de brevets internationaux.

Techniques modernes américaines

La mise au point des techniques modernes de polissage des condensats provient, dans une large mesure, du développement énergétique considérable des États-Unis et de l'utilisation de géné- rateurs de vapeur de plus en plus sophistiqués.

La croissance de la puissance installée suit, aux U.S.A. comme dans la majorité des pays évolués, sensiblement la loi du doublement décennal, ce qui veut dire que les équipements qui voient le jour dans le courant d'une décennie correspondent sensiblement à ceux qui existaient jusqu’alors. Pour limiter le nombre des centrales, on assiste simultanément à une augmentation des puissances unitaires des tranches thermiques et nucléaires qui dépassent maintenant couramment 600 MW pour les centrales à combustibles fossiles et 1100 à 1200 MW pour les tranches nucléaires.

Les U.S.A. ont réalisé de nombreuses centrales thermiques compor- tant des chaudières classiques à ballon, mais ils ont également construit des centrales à pression sub-critiques et super-critiques équipées de chaudières « once-through ». On en compte au moins 150 grosses unités de ce type en construction ou en commande.

Les U.S.A. misent également sur l’énergie atomique puisque actuellement plus de 200 tranches nucléaires sont en service, en construction ou en commande ; un tiers de ces centrales est du type BWR à eau bouillante, le reste étant constitué presque exclu- sivement par des centrales à eau pressurisée PWR.

La particularité de la plupart de ces équipements est d’exiger une eau d’alimentation de pureté exceptionnelle. Il a donc fallu dévelop- per des procédés de polissage permettant de traiter, de façon fiable et économique, des débits de condensats considérables atteignant à 86 000 m³/h par tranche. Les traiteurs d'eau américains ont mis au point et expérimenté des techniques spécifiques de polissage et ont acquis une avance indéniable dans ce domaine. COCHRANE (1) en particulier est l'un des premiers constructeurs à avoir développé le traitement combiné de filtration — déminéralisation sur résines mélangées en couche profonde avec régénération extérieure des résines. Le procédé COCHRANE est désormais bien au point comme l'attestent 130 références correspondant à des installations en ser- vice ou en cours de réalisation aux U.S.A., en EUROPE et sur les autres continents.

[Photo : Poste de polissage de condensats d'une centrale nucléaire du type graphite-gaz (Espagne).]

Un autre procédé a connu et connaît encore quelques succès aux U.S.A. ; il consiste à effectuer le traitement sur des filtres à cartouche dans lesquels la précouche est constituée par de la micro-résine ou de la résine pulvérisée, sous forme mélangée et régénérée. Ce système a été breveté sous le nom de procédé « Powdex ». Il présente l'inconvénient de n’être pas universel car le faible volume de résines utilisé lui procure une capacité d'échange réduite qui n'est pas compatible avec les centrales refroidissant leurs condenseurs avec des eaux à forte concentration, ou avec de l'eau de mer.

Chaque arrêt prolongé et les dépenses d’exploitation qui en résultent font souvent reculer les utilisateurs potentiels du procédé, qui donnent alors la préférence aux procédés en couche profonde.

La qualité des condensats obtenus à la sortie des postes de polissage est remarquable et l'on obtient habituellement un effluent présentant, en marche normale, les caractéristiques suivantes :

  • — conductivité à 20 °C < 0,1 micro-ohm,
  • — ou résistivité > 10 Mégohms,
  • — teneur en sels < 15 ppb (1),
  • — teneur en silice ≤ 10 ppb,
  • — teneur en fer ≤ 10 ppb,
  • — teneur en cuivre ≤ 5 ppb,
  • — teneur en sodium ≤ 5 ppb.

Quant aux impuretés en suspension, on dose, d’ailleurs difficilement, de 2 à 10 ppb.

Pendant les périodes de marche perturbée, au cours du démarrage ou en cas de fuite appréciable au condenseur, la qualité d'eau peut se trouver légèrement affectée, mais de façon très raisonnable.

Le contournement de l'installation conduit, après quelques dizaines d’heures, à une détérioration irréversible de l’effluent ; fort heureusement tout revient rapidement dans l’ordre après remise en circuit de polissage.

Autres techniques

En Allemagne, en Europe de l’Est et dans certains pays d’Europe occidentale, le traitement est encore souvent effectué en deux étapes : la filtration mécanique est confiée généralement à des résines cationiques sous forme hydrogène H+ qui fixent simultanément les cations des condensats à l’état de traces ainsi que les ions ammonium. L’eau préépurée et filtrée passe ensuite sur un étage de finition constitué par un échangeur à résines mélangées, capable dans ces conditions de fournir des cycles de longue durée. Les régénérations sont pratiquées habituellement « in situ ». L'hydraulicité et la géométrie du procédé imposent des appareils volumineux et, par suite, onéreux par comparaison avec ceux des systèmes d’outre-Atlantique.

Le procédé mettant en jeu deux échangeurs séparés n’est pas critiquable en soi. Ses principaux handicaps proviennent des investissements plus lourds qu'il entraîne, de la place importante qu’il faut lui réserver en salle des machines et, dans une certaine mesure, des pertes de charge supplémentaires introduites, tout cela sans aucun gain sur les caractéristiques de l'eau traitée.

Dans le Benelux et en Suisse, le système Powdex a reçu des perfectionnements sensibles, grâce en particulier à un procédé d'enrobage en continu des éléments filtrants et à l'aide d'un appoint de résines fraîches en cours de cycle. Mais les points faibles de ce procédé résident toujours dans son manque de capacité d’échange et dans son coût d'exploitation élevé.

(1) Le ppb (part par billion) est l'équivalent du microgramme par litre, soit 0,001 mg/l.

En définitive, le polissage des condensats sur résines mélangées avec une régénération extérieure vive constitue un développement considérable qu'il connaît actuellement.

Position et disposition du poste de polissage

Le poste de polissage des condensats est toujours situé en aval des autres installations de conservation soumises au même cycle de température. En marche normale ou contrainte, le poste de polissage n’entre pas en vapeur dans un état de propreté qui résulte d’éléments de tous les paramètres liés directement ou indirectement au système général de commande de la centrale : la pression, la température dégageant des filtrats à l'état de traces. Lors des tours en service dans les centrales modernes, on peut fréquemment attendre des gains de rentabilité à des coûts pratiqués en cours de cycle bien inférieurs. Des appareils sont utilisés à la sortie d’usine sans autres ponctions.

Un poste de polissage comporte deux parties distinctes :

  • — un poste de filtration (un par tranche) possédant généralement trois ou plusieurs filtres à lits mélangés dont un en réserve et en attente ;
  • — un poste de régénération extérieure des résines qui peut être commun à plusieurs tranches et qui contient une charge complémentaire de résines fraîches en réserve.

Les batteries filtrantes sont implantées habituellement en salle des machines, à proximité des pompes d'extraction des condenseurs. Le poste de régénération extérieure, lui, peut être installé dans un local séparé et souvent regroupé avec l'installation de préparation et de déminéralisation d'eau d'appoint.

Cette disposition implique un transfert des résines sur de longues distances. Des distances de transfert comprises entre 200 et 400 m sont courantes dans les postes en service ; des distances de 700 à 800 m seront utilisées dans des super-centrales à tranches multiples, notamment en Afrique du Sud.

DESCRIPTION DU PROCÉDÉ

Revenons, maintenant, au schéma d'un poste de polissage sur résines en couche profonde de technique COCHRANE, et prenons pour simplifier le système représenté à la fig. 4 comportant deux batteries de trois filtres (2 en service, 1 en réserve) et un poste de régénération commun aux deux tranches.

Lorsqu'un filtre est colmaté, ce qui est indiqué par une perte de charge excessive, ou épuisé, ce qui est décelé par une altération…

[Photo : Fig. 3 — Dispositif filtres et régénération extérieure.]
[Photo : Fig. 4. — Schéma de principe]

de la qualité de l'effluent (conductivité, silice, sodium, etc.), l'appareil incriminé est isolé et placé à l'arrêt. L'appareil en attente qui renferme une charge de résines fraîches est mis simultanément en service de façon à ne pas interrompre l'alimentation du générateur de vapeur. Ensuite la charge de résines colmatées ou épuisées est transférée hydrauliquement dans le poste de régénération extérieure et recueillie dans un récipient RC destiné au nettoyage et à la séparation des résines, ainsi qu'à la régénération de la résine cationique.

Immédiatement, la charge fraîche conservée dans le récipient de stockage de résines SR est renvoyée toujours hydrauliquement dans le filtre vide qui redevient disponible. Le transfert aller et retour de la charge de résines demande généralement moins d'une heure.

Il reste alors à remettre en état les résines épuisées qui ont été recueillies dans le récipient RC avant de les stocker dans l'appareil SR en l'attente d'un nouveau transfert sur l'un quelconque des filtres de l'une ou l'autre des tranches.

Les opérations correspondantes sont longues et complexes, elles exigent 10 à 16 heures et comportent une trentaine de séquences distinctes. Leur conduite est le plus souvent entièrement automatique, parfois semi-automatique (ou en pas à pas), ou simplement télécommandée, enfin, mais plus rarement, seulement manuelle.

La première opération consiste en un nettoyage mécanique de la charge complète de résine contenue dans le récipient RC.

COCHRANE utilise, pour sa part, un procédé d'une remarquable efficacité, appelé le procédé ABRO (Air Bump Rinse Operation). Ce procédé cyclique permet d'extraire rationnellement les impuretés denses (oxydes) par le bas de l'appareil, et non par le haut, grâce à une succession de brassages énergiques à l'air et de rinçages à eau en lit fluidisé. Ce système très performant présente aussi l'avantage de consommer un minimum d'eau de service.

Après ce nettoyage préliminaire, les résines sont séparées par un contre-courant d'eau et classées par décantation grâce à leurs différences de densité, la résine anionique plus légère se plaçant au-dessus de la résine cationique plus lourde.

La résine anionique est ensuite transférée dans le récipient RA (régénération anion).

Après cette opération, on se trouve en quelque sorte devant une chaîne de déminéralisation très simple comportant deux lits cation et anion en série.

Grâce à cette configuration, la régénération des résines s'effectue de façon tout à fait classique et, de surcroît, dans des conditions optimales autorisées par la géométrie favorable du système. Un second nettoyage est souvent pratiqué sur chaque résine après régénération, pour éliminer les impuretés extraites des résines à la faveur des chocs osmotiques engendrés par le passage des régénérants.

[Photo : Poste de régénération extérieure des résines d'une Centrale nucléaire du type graphite-gaz (Espagne).]

Ensuite les résines sont réunies, puis mélangées par un brassage à air ; les résines mélangées sont rincées une dernière fois et, si le résultat est concluant, l'opération est terminée. La charge de résines fraîches, prête à l'emploi, est stockée pour finir dans le récipient de stockage de résines SR.

AVANTAGES DE LA RÉGÉNÉRATION EXTÉRIEURE

La régénération extérieure réduit la durée d'indisponibilité des filtres à condensats à un temps très court (une heure environ), correspondant à la durée du transfert aller et retour des résines.

[Photo : Poste de régénération extérieure d'une Centrale nucléaire de type HTGR (USA).]
[Photo : Coupe d’un filtre LM.]

La régénération extérieure supprime toute possibilité d'introduction accidentelle d'acide ou de soude dans le circuit d'alimentation.

Elle entraîne une conception très simple des filtres à condensats qui comportent uniquement des dispositifs de répartition et de reprise des condensats et des tubulures d'arrivée et de départ des résines. Il s'ensuit une réalisation très économique pour ces appareils d’autant plus qu’il est possible d’adopter des hauteurs de couche modérées combinées avec des vitesses de passage élevées.

Ainsi, dans les postes de polissage, les normes de calcul sont habituellement les suivantes :

  • Vitesse de filtration : 100 à 120 m/h
  • Hauteur de la couche de résines : 1 m environ
  • Rapport cation sur anion : 2/1, parfois 1/1 ou 1/2
  • Pression de service : 7 à 8,5 bars eff.

Par exemple, avec un seul appareil de 3 mètres de diamètre et une charge de résines voisine de 7 000 litres, il est possible de traiter 700 à 800 m³/h de condensats en service continu.

Le poste de régénération extérieure, de son côté, travaille sous une pression réduite, limitée à 2 ou 3 bars, indépendante de la pression de service des filtres à condensats. Les récipients RC, RA et SR sont spécialement conçus pour effectuer la remise en état des résines encrassées et épuisées dans des conditions optimales.

Il est certain que c'est la bonne aptitude de la régénération extérieure à nettoyer parfaitement les résines qui a permis l'essor du procédé de polissage sur résines en couche sans filtration préalable.

CHOIX DES RÉSINES

Le polissage des condensats repose sur le bon fonctionnement des résines échangeuses d'ions, dont on exige un certain nombre de qualités, pas toujours conciliables entre elles, comme :

  • — une forte capacité d’échange de façon à procurer des cycles de longue durée et à assurer une protection prolongée dans l'éventualité d'une fuite au condensateur ;
  • — une robustesse mécanique compatible avec les sollicitations considérables rencontrées tant en service (pertes de charge) qu’en régénération (transferts, brassages à l'air, chocs osmotiques) ;
  • — un écart de densités entre cation et anion conduisant à une séparation aisée ;
  • — une granulométrie très homogène et étudiée pour autoriser de fortes vitesses de filtration ;
  • — une longévité et un prix raisonnables.

Les résines du type gel ont une meilleure capacité d’échange, mais une moindre résistance mécanique que les résines macroréticulées ou macroporeuses, quoique les progrès accomplis en fabrication aient permis d’atténuer sensiblement ces différences.

Les résines du type gel sont préférées lorsque la capacité d'échange constitue un critère important du choix, surtout lorsque la longue durée prévisible des cycles limite les sollicitations mécaniques qui leur seront imposées, enfin, en raison de leur moindre prix lorsqu’on cherche à réduire les premiers investissements.

Les résines macroporeuses sont utilisées dans les autres cas. Il faut d’ailleurs reconnaître que ces dernières, plus universelles d'emploi, ont maintenant la faveur de la majorité des exploitants.

Les lits de résines dans les filtres à couche profonde ont généralement une hauteur de 1 m environ, avec un rapport cation sur anion égal à 2. La prépondérance du cation est avantageuse car les lits mélangés ont surtout à arrêter des cations ammonium provenant du conditionnement et des métaux lourds et des oxydes métalliques correspondant vraiment à des impuretés.

L’élimination des ions ammonium n'est pas spécifiquement recherchée, mais elle est indispensable pour permettre celle des autres cations indésirables. La quantité d’ions NH₄⁺ varie en fonction du pH des condensats, qui est maintenu pour prévenir les corrosions des circuits d’alimentation. Fort heureusement les ions ammonium sont aisément fixés, mais l'opération se fait au détriment de la capacité d’échange de la résine cationique, d'où l'intérêt d’augmenter la proportion relative de résine cationique dans les lits mélangés, au moins en service normal. Un autre argument, qui milite dans le même sens, est la plus grande aptitude de la résine cationique à retenir le fer et le cuivre, que ces métaux soient à l’état de sels solubles ou d’oxydes insolubles, et même dans une certaine mesure, sous forme de colloïdes.

L’expérience industrielle montre, d’autre part, que l'efficacité de la filtration diminue de façon très nette si le rapport cation sur anion est inférieur à 1 et devient médiocre, voire insuffisant, s'il atteint 0,5.

AMMONIATION DE LA RÉSINE CATIONIQUE

Les condensats des centrales de puissance dotés d’un poste de polissage sont « conditionnés » au moyen de réactifs alcalins volatils, habituellement par des injections d’ammoniac et d’hydrazine. Le but du conditionnement est d’amener le pH à une valeur suffisante pour empêcher la corrosion généralisée de l’acier au carbone, largement utilisé dans la réalisation des tuyauteries et appareils du circuit d’alimentation et du générateur de vapeur.

Pendant longtemps, un pH compris entre 8,9 et 9,1 a été jugé acceptable ; il s’agissait en fait d'un compromis car un pH trop élevé provoquait une attaque des alliages cuivreux mis en œuvre dans les condenseurs et les échangeurs tubulaires des postes de réchauffage de l'eau d’alimentation.

Aujourd’hui, les métaux cuivreux cèdent la place à l’acier au carbone, moins onéreux. Les condenseurs cependant, dont les tubes doivent résister à l'agressivité de l'eau de réfrigération, restent tubés en laiton, en cupronickel et maintenant en acier inoxydable, voire même en titane dans les centrales en bord de mer. Il s’est avéré qu'une augmentation du pH des condensats jusqu’à des valeurs de 9,4 à 9,6 était profitable et assurait une meilleure protection de l'acier au carbone ; cette montée du pH n’a pas manqué de faire apparaître une difficulté majeure au niveau du polissage.

[Photo : Fig. 6. — Courbes NH3/pH/cycles]

L’ammoniac introduit dans les condensats, sous forme d’une solution hydratée, est en effet fixé par la résine cationique en même temps que les autres sels ionisés et limite en pratique la durée des cycles. Alors qu’avec des pH de 9 à 9,2 les cycles atteignent 8 à 16 jours, leur durée est restreinte à 2 à 4 jours pour des pH de 9,5 à 9,6 ; le poste de polissage devient alors difficilement exploitable eu égard aux sujétions de régénération ; en même temps les dépenses d’exploitation augmentent considérablement jusqu’à devenir prohibitives.

Si l'on poursuit le cycle au-delà de la saturation de la résine cationique par l'ammoniac, on observe une détérioration inacceptable de la qualité de l'eau traitée correspondant à une fuite de sodium en provenance du lit de résines, transformée en soude libre fortement conductrice à la sortie du poste de polissage.

COCHRANE a pu vérifier que cette fuite de sodium correspondait à un relargage du sodium fixé par la résine cationique au cours de la régénération. En effet, malgré les précautions prises, on ne peut éviter, après séparation, qu'un faible pourcentage de résine cationique ne soit entraîné dans la résine anionique et transféré avec cette dernière dans le récipient RA où il se trouve saturé par des ions Na+ à l'occasion du passage de la solution de soude caustique. Après reconstitution de la charge des résines mélangées une fraction de la résine cationique existe donc sous forme sodique.

ALLURE DES CYCLES DE POLISSAGE

[Photo : Fig. 7. — Courbe de fuite.]

Après remise en service, tout se passe bien tant que la résine cationique du filtre à condensats contient des groupes H+ disponibles, c’est-à-dire jusqu'à saturation complète par les ions ammonium NH4+. Si on poursuit le cycle au-delà de la saturation, les ions NH4+ de l'eau déplacent le sodium de la résine et l'altération des caractéristiques de l'eau traitée oblige à interrompre le cycle.

Le procédé AMMONEX consiste à interdire cette fuite ionique par un traitement approprié d’ammonisation de la résine anionique destiné à éliminer le sodium fixé par la fraction de résine cationique entraînée. Grâce à ce procédé, il est possible de poursuivre le cycle des filtres à condensats au-delà de la saturation par l'ammoniac, sans détérioration de la qualité de l'eau traitée, et d’attendre de 1 à 2 mois avant nettoyage et régénération en marche normale et cela indépendamment de la valeur du pH de conditionnement. Tout au plus note-t-on une remontée passagère du sodium au moment de la saturation par l'ammoniac. L’amplitude de cette remontée traduit l'efficacité du traitement d’ammonisation de la résine anionique. Dans de bonnes conditions, la pointe de sodium représente à peine deux fois la valeur normale, de sorte que, répartie sur la totalité du cycle, son incidence reste pratiquement négligeable.

[Photo : Vue partielle d'un poste de régénération extérieure des résines]

Le procédé AMMONEX ne présente d'intérêt que pour la marche normale. Il autorise alors des cycles de très grande durée (1 mois et plus), il amène par conséquent des économies considérables sur les dépenses d’exploitation eu égard à l'espacement des régénérations, il réduit enfin l'usure des résines en raison des sollicitations mécaniques moins fréquentes qu’elles ont à supporter.

Au démarrage, la marche en ammonisation n'est pas intéressante, car les résines effectuent essentiellement un travail de filtration et doivent être transférées fréquemment dans le poste de régénération extérieure pour y être nettoyées.

En cas de fuite au condensateur, c'est au contraire la capacité d’échange disponible qui gouverne la durée des cycles et qui oblige à régénérer prématurément les résines. Il est bien évident que dans les deux cas, on ne peut tirer le bénéfice de cycles de longue durée.

COCHRANE utilise différentes techniques d’ammonisation. En faisant percoler une solution très diluée d’ammoniaque sur la résine anionique après régénération sodique, le sodium fixé par la résine cationique est lentement déplacé et remplacé par des ions NH4+.

En pratique, 2 heures au moins de traitement sont nécessaires pour chaque pourcent de résine cationique entraînée ; une séparation parfaite des résines est indispensable pour limiter la durée et le coût du traitement et l'expérience montre que si la proportion de cation dans l'anion dépasse 5 % l'ammoniation devient difficilement praticable.

Pour éviter cette sujétion et pour réduire le coût de l'opération, COCHRANE a mis au point un procédé d'ammoniation par recyclage dans lequel la solution diluée d'ammoniaque polluée par le sodium qui a été déplacé dans le récipient RA est auto-régénérée par passage sur la résine cationique du RC qui a été conservée à l'état épuisé, c’est-à-dire sous forme ammonium. Un recyclage de longue durée qui ne consomme qu'une faible énergie de pompage permet dans ces conditions une élimination quasi-complète du sodium indésirable et cela à moindres frais.

Le procédé AMMONEX de COCHRANE s'est rapidement imposé, grâce à sa mise en œuvre aisée et économique, comme en font foi plus de 90 références mondiales.

Aux États-Unis d'autres procédés ont vu le jour pour permettre la marche en ammoniation et pour limiter la fuite sodique en service. Un procédé utilise un traitement au lait de chaux de la résine anionique qui a pour but de déplacer les ions sodium du cation entraîné et de leur substituer des ions calcium plus solidement fixés. Un autre procédé joue sur l'amélioration de la séparation préalable des résines qui est effectuée non plus par un contre-courant d'eau, mais par flottation dans une solution concentrée de soude caustique dont la densité est comprise entre celle des deux résines.

Un procédé récemment apparu en France est basé lui aussi sur l'amélioration de la séparation des résines avant régénération. Il reprend une idée datant de 1950 et met en œuvre un lit mélangé à trois constituants comportant, en plus des résines traditionnelles, une résine inerte ayant une densité intermédiaire entre celle des deux autres. Après classement hydraulique, la résine inerte se place entre les résines actives ; grâce à l'écran ainsi constitué, la régénération en place ou extérieure se trouve grandement facilitée.

Le principal défaut du procédé est qu'il est incapable de remédier aux imperfections de la séparation provenant par exemple d'une lente dégradation de la résine cationique résultant du fractionnement des grains de résine par attrition. Il nécessite donc des résines robustes et spécialement calibrées.

Les premiers résultats obtenus après une année d’expérimentation industrielle sont encourageants, mais il faudra attendre la consécration d'une exploitation de plus longue durée avant de confirmer cette première impression.

DÉVELOPPEMENT DES PROCÉDÉS DE POLISSAGE

Le polissage des condensats est maintenant entré dans l'âge adulte. Les recherches entreprises visent avant tout à augmenter la fiabilité du procédé, à faciliter son exploitation tout en réduisant les premiers investissements et les coûts d'exploitation.

On assiste actuellement à une course aux performances avec la multiplication des programmes nucléaires, et il n'est pas exceptionnel que la limite du ppb (soit 1 × 10⁻⁶ ou 0,001 mg/l) soit imposée, par exemple pour le sodium des condensats. Les processus de séparation des résines plus performants et les procédures de régénération du type AMMONEX ont apporté quelques-unes des réponses attendues, mais de nouveaux progrès restent à accomplir.

Il faut encore citer le cas tout particulier des centrales nucléaires à eau bouillante BWR dans lesquelles l'eau d’alimentation directement vaporisée dans le réacteur est chargée d’impuretés radioactives, lesquelles vont être arrêtées par le poste de polissage et s'y concentrer. Les filtres à condensats, et dans une moindre mesure les récipients de la régénération extérieure, doivent nécessairement être emprisonnés dans des cellules en béton pour protéger le personnel contre les effets des radiations.

Les effluents de lavage et de régénération, radioactifs eux aussi, doivent être décontaminés avant rejet ou réutilisation, ce qui implique un traitement spécial entièrement télécommandé, complexe et onéreux. Il est alors évident qu'une réduction du volume des effluents soulage l'installation de décontamination. Le système SPLIT-BED de COCHRANE apporte une contribution positive dans ce cas.

Sa particularité, par rapport au procédé classique, provient de la possibilité qui est offerte de transférer au choix, soit la demi-charge supérieure de résine pour un simple nettoyage, soit la totalité de la charge aux fins de régénération. La technique mise en œuvre assure une qualité constante des condensats, permet des fonctionnements de très longue durée avant régénération complète des résines (4 à 6 mois) et réduit de façon drastique le volume d'effluents contaminés.

CONCLUSIONS

Les producteurs d'énergie électrique disposent désormais, avec le polissage des condensats, d’un outil remarquable qui leur permet d'exploiter les centrales à combustibles fossiles et nucléaires avec une grande sécurité.

Le polissage sur résines mélangées en couche profonde, sans filtration préalable, constitue un procédé fiable et performant qui reste actuellement sans rival. Les perfectionnements qu'il a reçus, le système AMMONEX en particulier, en ont encore accentué l'universalité.

F. MEI – J. HOSPITEL.

[Publicité : COMPTOIR GÉNÉRAL DES FONTES]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements