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Le traitement de l'eau ultrapure utilisée dans l'industrie de la micro-électronique

30 septembre 1985 Paru dans le N°94 à la page 59 ( mots)
Rédigé par : H. DINARD

La révolution informatique des années 80 n'a été rendue possible que grâce à la miniaturisation des microprocesseurs et circuits intégrés entrant dans la composition de base de tout système électronique. Cette révolution des composants a pour conséquence la nécessité d’une intégration croissante des circuits, qui sont passés en quelques années de 16 K à 64 K puis à 256 K actuellement, pour aboutir dans un proche avenir à 1 M.bit (circuits LSI puis VLSI). Cette intégration de plus en plus poussée nécessite une gravure excessivement précise des plaquettes de silicium (de l'ordre du micron) ; on conçoit dès lors que tout l'environnement entrant dans la fabrication de ces circuits soit soumis à des critères de qualité draconiens, que ce soit au niveau des « salles blanches » elles-mêmes que des différents fluides en contact avec les plaquettes de silicium (acides, gaz, solvants, eau déminéralisée…). Nous examinerons ci-après le cas de l'eau ultrapure utilisée dans le process.

Critères de qualité de l'eau de process

L’eau déminéralisée utilisée pour le rinçage de « chips »* doit posséder des normes de qualité de plus en plus élevées au fur et à mesure de l'augmentation du taux d'intégration.

Les différents paramètres habituellement retenus pour la définition du niveau de pureté d'une eau déminéralisée sont les suivants :

(*) Plaquettes de silicium de forme ronde.

— Résistivité : mesure globalement la quantité d’ions résiduels dans l'eau ; variable en fonction de la température, sa valeur est généralement ramenée au standard de 25 °C.

— Silice : intervient dans le même sens que les ions ; mais faiblement ionisée, elle n'est pas prise en compte par la mesure de résistivité.

— C.O.T. : ou TOC (carbone organique total) : mesure la teneur en matières organiques de l'eau.

— Particules : dans ce critère intervient non seulement le nombre de particules, mais encore leur taille.

— Bactéries : ne sont prises en compte que les bactéries vivantes, les mortes étant comptées en tant que particules.

— Oxygène dissous : teneur variable en fonction de la température (en moyenne aux alentours de 8 ppm à la saturation).

Les normes de qualité établies en fonction des taux d'intégration sont définies dans le tableau 1.

Analyse des paramètres

Les méthodes d’analyse des paramètres sont les suivantes :

— Résistivité : mesure électrique en continu.

— Silice : mesure colorimétrique en continu (Seres-Polymetron-Hach).

— C.O.T. : mesure par dégradation U.V. avec ou sans injection d’oxydant chimique (Anatel-Sybron).

— Particules : mesure par comptage automatique au-dessus de 0,5 micron (Hiac-Royco) ; mesure par comptage manuel au microscope en dessous de 0,5 micron.

TABLEAU 1

CRITÈRES DE QUALITÉ — TAUX D'INTÉGRATION

16 K 64 K 256 K 1 méga
Résistivité (MΩ·cm à 25 °C) : 15 17 18 18
SiO₂ (ppb) : 50 20 10 10
COT (ppb) : 1 000 500 50 30
Particules — taille (micron) : 1 0,5 0,2 0,2
Particules — nombre/cm³ : 10 10 10 10
Bactéries/100 cm³ : 100 50 5 1
Oxygène dissous (ppm) : 8 8 0,3 0,1

TABLEAU 2

MATÉRIAU CONSTRUCTION MARQUE TOLÉRANCE AU CHLORE FOULING INDEX MAXI
Acétate de cellulose Spirale enroulée TORAY OUI 5
Acétate de cellulose Fibre creuse DOW OUI 3
Polyamide Fibre creuse DUPONT NON 3

— Bactéries : comptage après filtration et incubation sur milieu de culture (Millipore-Sartorius...) ; comptage direct au microscope après filtration sur membrane nuclépore-épi fluorescence.

Les étapes du traitement

Prétraitement

Le prétraitement d'une eau de distribution a pour but :

  • — soit d’éliminer les particules en suspension (filtration),
  • — soit d’éliminer les métaux (déferrisation),
  • — soit d’éliminer les matières colloïdales ou organiques (osmose inverse).

Le schéma complet d'un prétraitement comprend alors :

  • — chloration : oxydation d'une partie des matières organiques et limitation du taux de bactéries,
  • — filtration sur sable ou cartouches : rétention des plus grosses particules et protection des membranes aval,
  • — acidification et dégazage : diminution du pH pour éviter les précipités de CaCO₃ dans l’unité d’osmose. Élimination du CO₂ formé.

Osmose inverse primaire

Non encore généralisée, cette technique permet :

  • — la rétention des particules et bactéries,
  • — la rétention des matières organiques et colloïdales,
  • — l'élimination de 95 % des produits ioniques.

Ces différentes actions combinées ont pour avantage :

  • — de diminuer très sensiblement les charges de résines échangeuses d’ions,
  • — de protéger ces résines en y admettant une eau très « propre » sur le plan particules et surtout bactéries,
  • — de réduire la fréquence de remplacement des microfiltres aval.

Diverses membranes d'osmose existent sur le marché, différant par leur nature et par leur construction : acétate de cellulose, polyamide, enroulement en spirale, fibres creuses.

Leurs principales caractéristiques sont définies dans le tableau 2.

Échanges d’ions

Les résines échangeuses d'ions placées en aval du prétraitement ont pour action l'élimination de la totalité des sels dissous afin d’obtenir une résistivité élevée approchant la résistivité maximum théorique de l'eau pure (18,3 MΩ cm à 25 °C).

Les résines sont mises en œuvre soit en lits séparés suivis de lits mélangés, soit en lits mélangés directs.

Les lits séparés utilisés depuis plusieurs années reposent pratiquement tous sur des techniques de régénération à contre-courant (procédés Schwebebett, Rinsebett et Lifbett de Bayer ; procédé Upcore de Dow Chemical...).

Ce principe permet un meilleur rendement des échangeurs ainsi qu'une amélioration de la résistivité de l’eau produite.

La mise en œuvre des résines en lits mélangés reste très classique avec les appareils à deux couches ou trois couches, résines type gel ou macroporeuses.

Les systèmes de trois lits mélangés à permutation circulaire (système Disticor avec, en permanence, deux lits mélangés en série), placés directement sur la boucle de distribution, permettent d’éviter un stockage d'eau prédéminéralisée suivi d'un polisseur, tout en utilisant la capacité totale des échangeurs avec des cycles courts.

Stockages

Les débits instantanés d'utilisation de l'eau étant généralement très élevés par rapport aux consommations journalières, un ou plusieurs stockages sont indispensables dans la chaîne de traitement. Le temps de séjour dans ces cuves étant relativement important (plusieurs dizaines de minutes), il y a risque de développement bactérien et chute de résistivité ; toutes les précautions doivent donc être prises pour éviter la dégradation de l'eau stockée :

  • — mise en place d'un matelas d’azote en partie supérieure,
  • — trop-plein protégé par formaldéhyde,
  • — stérilisation des eaux influentes,
  • — injection éventuelle d'un stérilisant à faible dose : chlore, iode, ozone.
[Photo : Unité d’osmose inverse de prétraitement.]
[Photo : Principe de production d'eau déminéralisée ultrapure pour l’industrie électronique.]

Dégazage

L’eau déminéralisée produite par osmose inverse ou échange d'ions est, à ce stade, saturée en oxygène dissous ; pour la production de circuits intégrés de 256 K, il est impératif d’éliminer cet oxygène. Ce traitement est réalisé le plus souvent à l'aide d'un dégazeur sous vide.

Boucles de distribution

La nécessité d’obtenir une eau de qualité élevée impose une circulation permanente, sans bras morts, afin d'éviter les développements bactériens et en respectant des vitesses de circulation de l'ordre de 1,5 à 2,5 m/s. Cette circulation est assurée par des boucles de distribution réalisées en matériaux plastiques : PVC, ABS, PVDF...). Différents postes de finition sont placés sur les boucles :

— stérilisateurs à rayons ultraviolets en amont des résines afin de protéger ces dernières, ainsi qu’en retour de boucles. L'action des ultraviolets est double : destruction des bactéries et dégradation de certaines matières organiques (d'où réduction du COT) ;

— polisseurs lits mélangés à régénérateurs in situ ou cartouches interchangeables à échange standard ;

— microfiltre 0,2 micron, voire 0,1 micron, aux points d'utilisation.

Les contrôles permanents (bactéries et particules) réalisés aux postes de travail permettent de déterminer la fréquence du nettoyage des boucles et des cuves de stockage (stérilisation et rinçage).

À ce niveau de traitement, l'eau déminéralisée présente des caractéristiques répondant aux critères des circuits intégrés de 64 K, mais qui sont insuffisantes pour satisfaire à une intégration plus poussée. Il est nécessaire de parfaire le traitement par des techniques physiques basées sur l'utilisation de membranes.

Finition sur membranes

Afin d’abaisser les valeurs de COT, particules et bactéries, il est nécessaire de recourir aux techniques membranaires utilisées ici en finition comme filtre ultime : ultrafiltration et osmose inverse :

— Ultrafiltration : il s'agit d'une membrane d'une porosité de l'ordre de 50 ångströms ne nécessitant pas de pression élevée. Son rôle est de diminuer la teneur en particules, bactéries et COT. Le pouvoir de coupure d'une telle membrane est de l’ordre de 10 000 en poids moléculaire, ce qui limite son efficacité aux matières organiques de masse molaire élevée, d’où une réduction du COT variable suivant la nature des composés présents dans l'eau. L'ultrafiltration n’ayant par ailleurs aucune action sur les ions résiduels en solution, elle est donc utilisée principalement pour la réduction des particules et bactéries.

— Osmose inverse : les membranes sont de même constitution que celles utilisées dans les osmoseurs primaires, la différence résidant dans les matériaux d’assemblage. La porosité de ces membranes est de l'ordre de 5 ångströms, ce qui leur confère un pouvoir de coupure de l'ordre de 300 en masse molaire. L’efficacité de l'osmose en final est donc nettement supérieure vis-à-vis des matières organiques à celle de l'ultrafiltration ; elle présente également un pouvoir de rétention vis-à-vis des ions. C’est cette technique qui est la plus utilisée actuellement dans l’industrie électronique japonaise pour la fabrication des circuits 256 K, et en particulier grâce aux modules P Toray développés dans ce but.

Production d’eau déminéralisée chaude

Certaines fabrications utilisent de l'eau déminéralisée chaude (80 °C) devant posséder les mêmes critères de qualité que ceux de l'eau froide ; ceci implique des matériaux spécifiques : échangeurs de température en PVDF, téflon ou titane, boucles de distribution et pompes en PVDF, modules d'ultrafiltration spéciaux...

Conclusion

L’évolution de la micro-électronique impose une rigueur de plus en plus grande au niveau de tous les fluides et en particulier de l'eau déminéralisée. Les techniques utilisées, ainsi que le choix des matériaux, subissent constamment des améliorations dans le but d’obtenir une eau ultrapure tant sur les plans chimique, que bactériologique et organique. Cela impose l'adaptation du schéma-type proposé en fonction des qualités intrinsèques des eaux brutes à traiter.

[Photo : Chaînes de déminéralisation. 80 m³/h.]
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