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Le traitement biologique des effluents toxiques de cokerie

31 mai 1993 Paru dans le N°164 à la page 62 ( mots)
Rédigé par : Laurent JEANNE

Le traitement biologique de Nitrification-Dénitrification des effluents de cokerie est l'un des aspects du Programme de Recherche et de Développement du Groupe Kruger. Les résultats prometteurs, suite aux travaux de recherche en laboratoire et aux études-pilotes, ont conduit à la réalisation clé en main d'une unité industrielle de traitement d'effluents de cokerie à Lorfonte (France). La dégradation biologique des composés azotés et des composés organiques rejoint les attentes prévues quant aux normes strictes de rejet, et cela pour un coût d'exploitation très concurrentiel.

La dégradation biologique des composés azotés et des composés organiques rejoint les attentes prévues quant aux normes strictes de rejet, et cela pour un coût d’investissement et un coût d’exploitation très concurrentiels.

L’eutrophisation des eaux de surface, provoquée par des déversements excessifs de rejets pollués en azote et en phosphore, est l'une des sources majeures de pollution dans nos pays industrialisés. Pour limiter cette pollution diffuse, la Communauté Européenne a renforcé la législation de l’Environnement en imposant des normes de rejet aux industries polluantes.

Les eaux résiduaires de cokeries, très chargées en éléments azotés, phosphorés et en composés toxiques, proviennent du lavage du gaz de coke. Elles présentent une forte concentration en phénol, en azote ammoniacal, en composés cyanurés, en sulfo-cyanures et en cadmium.

De la théorie à l’installation-pilote...

Vers la fin des années 80, en collaboration avec la société allemande Ruhrkohle Oel & Gas AG, nous avons élaboré un procédé biologique de traitement des eaux résiduaires de cokerie, dont notre expérience dans le domaine du traitement des effluents toxiques d'industries chimiques et pharmaceutiques avait permis d’établir les grands principes.

Les essais-pilotes réalisés au cours de cette étude ont pu montrer que la nitrification/dénitrification est parfaitement compatible avec le traitement biologique du phénol, des cyanures et des sulfo-cyanures. Les rendements d’épuration de ces deux procédés biologiques combinés se sont révélés très satisfaisants. De plus, le procédé envisagé présentait de très bonnes perspectives de réduction des coûts d’investissement et d’exploitation par comparaison avec les procédés de traitement physicochimiques plus classiques (par colonne de déphénolisation).

Ce nouveau procédé biologique fit l’objet d'une installation-pilote industrielle sur le site de la cokerie Hansa en Allemagne. Parallèlement, la cokerie de Lorfonte (Usinor-Sacilor), séduite par cette technologie avancée et au vu des résultats satisfaisants obtenus pendant les essais-pilotes (tableau I), décida d’investir dans la réalisation d'une installation de traitement de ses effluents, en avril 1991.

Tableau IRésultats des essais-pilotes réalisés sur le site de la cokerie Hansa

Réduction de la DBO > 95 %
Réduction de la DCO 85-90 %
Réduction de l’azote > 95 %
Résidu de phénol < 0,5 mg/l
CN- < 0,1 mg/l
SCN- < 0,5 mg/l

Première réalisation industrielle de traitement des effluents de cokerie

L'installation de traitement des effluents de la cokerie de Lorfonte, mise en service en avril 1992, traite 22 m³/heure d’effluents toxiques de cokerie.

La filière de traitement comprend l’homogénéisation des effluents, une neutralisation, la nitrification/dénitrification avec recirculation de boues activées et une clarification finale (figure 1).

La nitrification s’effectue dans un bassin d’aération avec apport d’oxygène ; la dénitrification s’effectue dans un bassin biologique anaérobie.

Conception de l'installation

Les risques de corrosion, de toxicité, le contrôle de la température des effluents, les importantes variations de charges polluantes ont été autant de paramètres essentiels pour la maîtrise du procédé et la conception du projet.

Les installations de stripping de l’azote et des phénols de la cokerie de Lorfonte ne permettaient qu’une élimination par-

Tableau II

Qualité moyenne des rejets de l’usine de traitement biologique des effluents de la cokerie de Lorfonte

Valeurs moyennes

ComposantsEntrée (mg / l)Sortie (mg / l)Réduction (%)
DCO5 000< 260> 95
Phénol500-1 500< 1> 99,9
NH₃50< 10
SCN400-600< 4> 99
CN0,2< 0,09
NH₃-N
SCN-N165< 10> 94
CN-N

Débit : 12 m³/hTempérature : 20 °CDilution : 5 m³/h (bassin d’aération) – 5-6 mg O₂/l

L’élimination partielle de la pollution azotée et carbonée. À la mise en service de l’installation de traitement biologique des effluents de la cokerie, l’installation de déphénolisation fut arrêtée, les phénols étant dégradés totalement par le procédé biologique.

L’installation de strippage de l’azote ammoniacal resta en service ; elle permet d’obtenir un équilibre optimal entre la charge polluante azotée et la charge polluante organique, équilibre requis pour la nitrification/dénitrification des composés azotés de tout effluent. La pollution azotée, dans la vapeur d’eau saturée générée par la cokéfaction, peut en effet représenter jusqu’à 2,5 kg d’azote par tonne de charbon, alors qu’après strippage de l’ammoniac, cette charge azotée n’est plus que de 0,06 à 0,7 kg d’azote (NH₃ + NH₄) par tonne de charbon.

Le tableau II présente les résultats spectaculaires obtenus dans le traitement des effluents de la cokerie de Lorfonte.

Optimisation du procédé

Il s’est avéré nécessaire, afin d’obtenir un rendement d’épuration biologique stable et optimal, de gérer avec une grande adéquation certains paramètres d’exploitation.

Contrôle des phases d’aération et d’anoxie

La maîtrise des procédés de nitrification/dénitrification et les essais-pilotes réalisés sur les effluents de cokerie ont conduit à choisir un schéma de traitement de l’azote comportant la recirculation de boues activées. L’expérience a, en effet, prouvé que cette configuration offrait toute la flexibilité et les meilleures conditions de développement pour l’environnement bactérien de la station, particulièrement exposé à de fortes variations de concentration des composés azotés et toxiques des effluents bruts. La gestion stricte des taux de recirculation, des apports en oxygène et des temps de nitrification/dénitrification garantit l’obtention du meilleur rendement d’épuration.

Contrôle des charges azotées en amont du traitement biologique

La nitrification/dénitrification nécessite un support carboné adéquat.

La forte concentration des phénols dans les effluents de cokerie permet d’offrir un substrat carboné suffisant aux bactéries nitrifiantes et dénitrifiantes. Mais il reste impératif que le ratio charge azotée/charge carbonée soit respecté, de manière à conserver cet équilibre vital pour la vie bactérienne dans les bassins biologiques. Le strippage de l’ammoniac, en amont de la station biologique, doit donc faire l’objet d’un suivi attentionné et ne pas engendrer de fortes variations de concentration des composés azotés, dans les effluents qui sont traités dans la station biologique.

De plus, l’existence d’un bassin d’homogénéisation, en amont des réacteurs biologiques, s’est révélée d’une grande importance pour la protection de l’environnement biologique de la station, contre les accidents de pollution en amont de la station biologique.

[Photo : Fig. 1 : Schéma de l’installation-pilote de Lorfonte.]

Contrôle de la toxicité des effluents de cokerie avant traitement biologique

Les effluents de cokerie contiennent de nombreux composés toxiques qui nuisent au bon développement des bactéries nécessaires au procédé épuratoire biologique. Ces composés sont entre autres l’azote ammoniacal, sous forme NH₃, les composés cyanurés et thiocyanurés et certains métaux lourds, présents dans ces effluents.

L’addition d’un coagulant à base de fer permet d’assurer leur précipitation dans les réacteurs biologiques, de façon à limiter leurs effets toxiques.

Contrôle du pH

Le contrôle du pH, dans une plage de fonctionnement de 6,8 à 7,2, permet de minimiser l’effet toxique de l’azote ammoniacal et favorise également les meilleures conditions de croissance des bactéries nitrifiantes.

Décomposition des composés toxiques

Le procédé biologique comporte des phases successives, au cours desquelles les effluents bruts de cokerie séjournent dans une lagune d’homogénéisation afin d’absorber les variations de débit et de charges polluantes.

Les effluents homogénéisés sont ensuite pré-traités par précipitation chimique dans un bassin de neutralisation. Le contrôle du pH à une valeur de 7 permet d’assurer les meilleures conditions de développement des bactéries nitrifiantes et dénitrifiantes. La teneur en phosphore dans les rejets de cokerie étant très faible, un dosage de l’acide phosphorique (élément nutritif) est nécessaire pour favoriser le développement microbien.

[Photo : Fig. 2 : L’installation biologique de Lorfonte.]

Les corps organiques sont décomposés dans les réacteurs biologiques. Les composés phénolés sont dégradés en CO₂ et H₂O. Les cyanures et sulfo-cyanures en CO₂, en thiosulfates et en NH₃. L’ammoniac et les composés azotés sont dégradés par les bactéries nitrifiantes en nitrates, puis en azote gazeux (N₂) par les bactéries dénitrifiantes. Les bactéries nitrifiantes et dénitrifiantes utilisent des phénols comme source carbonée.

La décomposition biologique de la charge polluante des effluents entraîne une production de boues, en excès, lesquelles sont déshydratées et finalement utilisées dans la cokerie, mélangées avec le charbon brut, lors de la cokéfaction.

Limitation des frais d’exploitation

Les micro-organismes dénitrifiants utilisant l’oxygène combiné chimiquement dans les nitrates, la consommation énergétique entraînée par l’apport de l’oxygène nécessaire au traitement biologique s’en trouve réduite et détermine une diminution des coûts d’exploitation.

De même, la consommation de la soude destinée à l’ajustement du pH dans les bassins biologiques est considérablement réduite par l’alcalinité récupérée pendant la nitrification.

Perspectives pour l'environnement

Au niveau mondial, le volume annuel des eaux résiduaires de cokeries correspond à environ 200 millions de m³. Les États-Unis, le Japon, l’Angleterre, l’Allemagne, la France, la Belgique, et notamment la Chine et l’ancienne URSS, sont les principaux responsables. En l’absence de traitement, c’est 300 000 tonnes d’azote qui sont déversées dans l'environnement avec ces eaux résiduaires. Cette menace pourrait être réduite à moins de 10 000 tonnes grâce à l’adoption généralisée des procédés de strippage de l’ammoniac et d’élimination biologique de l’azote...

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