2° partie *
Richard SOBERKA **, Daniel SCIAZKO ***
Procédés physiques
Température
La température est une grandeur caractérisant l'état d’agitation des atomes et des molécules d’un corps. Plus la quantité d’énergie fournie est importante, plus l’agitation est grande et plus les vibrations ont une grande amplitude. Dans l’eau il en résulte des chocs de molécules dont le nombre par unité de temps s’élève avec l’amplitude des mouvements. Ce sont ces chocs, et la dissipation sous forme de chaleur d’une partie de l’énergie acquise, qui provoquent l’échauffement de l’eau, et donc l’accroissement de sa température. Plus la température est élevée, plus la vitesse de réduction du nombre de liaisons hydrogène, entre molécules d’eau, est grande. Dans des conditions normales, au-delà de 100 °C, l’eau pure sous forme de vapeur a la composition chimique H₂O. L’eau est un corps stable jusque vers 1200 °C, température vers laquelle commence sa dissociation thermique en libérant de l’hydrogène et de l’oxygène : H₂O ↔ 2 H₂ + 1/2 O₂ — 242,7 kJ/mol.
La température est un facteur déterminant dans la prolifération des micro-organismes. Si les micro-organismes supportent bien les basses températures (certains survivent même à − 250 °C), ils sont par contre très sensibles à l’élévation de température, surtout les formes végétatives (contenu en eau de la cellule 75 à 85 %) et la majorité est tuée par un chauffage de 55 °C à 80 °C durant 30 minutes. Les protozoaires sont encore plus sensibles, une température de 45 °C leur est généralement fatale, sauf lorsqu’ils sont enkystés. Certains mollusques vivant dans l’eau douce des geysers supportent bien des températures de 60 °C à 65 °C. Les formes sporulées, endospores des quatre principaux bactéries : Bacillus, Clostridium, Desulfotomaculum, Sporosarcina, présentent une thermo-résistance extrême, et supportent plus d’une heure d’ébullition. Par exemple Plectridium caloritolerans résiste plus de 6 heures à 100 °C et 5 minutes à 120 °C. L’explication de cette propriété réside dans le fait que la spore (contenu en eau : 15 % à 20 %), qui prend naissance à l’intérieur de la cellule bactérienne, est constituée de dipicolinate de calcium (sel de calcium de l’acide pyridine-2-6-dicarboxylique). Ce composé protège la spore contre la dénaturation des protéines et des acides nucléiques et lui confère une résistance au chauffage et aux agents bactéricides (rayons UV, RX, rayons ionisants, ultrasons, désinfectants, antibiotiques). Le dipicolinate de calcium représente 10 à 15 % du poids sec de la spore. Une sporulation réalisée dans une eau de dureté élevée, c’est-à-dire contenant une proportion importante d’ions calcium et magnésium, donne des spores plus résistants. La résistance des spores augmente proportionnellement au ratio Ca²⁺/acide dipicolinique.
La destruction de toutes espèces bactériennes, y compris les spores, est effective à une température de 120 °C et un temps de contact de 20 à 30 minutes. D’après les courbes de la figure 1, qui présentent une allure logarithmique, il ressort que le degré de résistance à la chaleur des bactéries est en étroite relation avec la température et la durée de la stérilisation. La résistance thermique des micro-organismes est proportionnelle au nombre de contaminants contenu par millilitre d’eau. Les techniques de stérilisation conduisent à la destruction des micro-organismes par des mécanismes provoquant des altérations cellulaires irréversibles : coagulation et dénaturation des protéines, inactivation des enzymes, blocage de la synthèse cellulaire, fusion des lipides membranaires.
De tous les liquides, l’eau naturelle est celui qui est le plus fréquemment soumis à la stérilisation ou à la désinfection. Dans la pratique courante la stérilisation de petites quantités d’eau par ébullition prolongée est la plus employée (boissons chaudes, préparation de médicaments, soins médicaux, etc.). Par exemple, l’eau destinée aux soins chirurgicaux est successivement filtrée, adoucie, distillée (appareil de distillation à quartz), additionnée, ou non, de 9 g/l de NaCl, puis soumise à une ébullition de 30 minutes à 130-150 °C. Cette eau ainsi préparée, conservée à l’abri de toute souillure provenant de l’air ou des objets, est la seule eau parfaitement stérilisée. Dans les autres procédés de stérilisation ou de désinfection, comme nous le verrons plus loin, l’eau peut contenir des débris d’organismes, des pyrogènes, des endotoxines, des ptomaïnes (alcaloïdes) ou des composés indésirables qui peuvent ultérieurement favoriser la multiplication des micro-organismes ou présenter d’autres inconvénients.
Le chauffage à grande échelle a une application limitée dans le traitement biologique de l’eau. Il est surtout orienté vers l’industrie agro-alimentaire, par exemple à la stérilisation (terme souvent employé) des circuits technologiques avec de l’eau à plus de 80 °C ou à la stérilisation de l’eau destinée à la fabrication des boissons, coupage des bières, moussage forcé des bières ou boissons lors de la mise en bouteilles. Dans le premier cas, l’eau est chauffée à 105/107 °C par la vapeur dans un échangeur thermique à plaques, et est pulvérisée dans une cuve verticale cylindro-conique, puis refroidie à 1/3 °C sur le même échangeur à plaques avec de l’eau et du propylène-glycol. L’eau ainsi refroidie peut être ensuite saturée avec du CO₂. Le but de cette opération est double : la stérilisation de l’eau et l’élimination de l’oxygène dissous.
Dans le deuxième cas, l’eau est portée à 90/95 °C par un système de chauffage électrique tubulaire, puis envoyée sous pression de 10 à 15 bars dans une buse, d’un diamètre inférieur à 0,5 mm, qui la projette dans la bière sous forme d’un jet très fin avant le bouchage des bouteilles.
Dans les deux cas, l’eau destinée à ces opérations doit être auparavant décarbonatée et partiellement adoucie et présenter les caractéristiques suivantes : TAC < 3 °F, TH < 15 °F ; Fe = 0,00 mg/l, SiO₂ < 5 mg/l. Avec une eau de dureté plus élevée, il peut y avoir formation de tartre ou d’un dépôt qui peut perturber le bon fonctionnement du système de stérilisation de l’eau.
En industrie pharmaceutique sont utilisés, depuis plusieurs années, des distillateurs à thermocompression mécanique. La phase d’évaporation de l’eau s’y déroule à 102 °C au lieu de 97 °C pour les appareils traditionnels. L’eau obtenue, d’un très haut degré de pureté, est utilisée pour des préparations injectables.
Radiations
Le rayonnement solaire qui balaie la terre, et plus précisément les rayons ultraviolets qui le composent, possèdent un pouvoir bactéricide naturel. L’absence de micro-organismes dans les gouttelettes d’eau en suspension dans l’atmosphère en haute altitude ou à la surface des eaux est justement due à ce rayonnement ultraviolet. Celui-ci est en partie absorbé par une couche d’ozone, d’environ 3 mm d’épaisseur, se trouvant autour de la terre à une altitude d’environ 20 km. La destruction de cette couche d’ozone, par exemple par les CFC (chlorofluorométhane) et le chlore gazeux, pourrait compromettre la vie de certains organismes sur terre.
* La première partie de cet article est parue dans notre numéro 154 d’avril 1992.
** Chef de cours d’hydrologie : Université de Lille – IUT.
*** Responsable du Laboratoire de biochimie, Académie d’Agronomie de Szczecin (Pologne).
D'autres rayonnements électromagnétiques (ionisants) électroniques ou soniques peuvent avoir une action stérilisante sur l'eau. Les ondes électromagnétiques d’une fréquence supérieure à 1,5 × 10¹⁵ hertz (Hz) provoquent un rayonnement fort ionisant (rayons X, rayons γ).
Rayons ultraviolets (UV)
Le spectre visible de la lumière, dont les longueurs d’ondes sont comprises entre 400 nm (violet) et 800 nm (rouge), n’a aucune action stérilisante sur les micro-organismes; au contraire il peut favoriser leur développement par photosynthèse, réaction photochimique. C'est seulement dans l'ultraviolet que l'effet bactéricide se manifeste.
Les rayons ultraviolets possèdent une action stérilisante directe sur l'eau par irradiation des micro-organismes. L’ozone qui se forme lors de ce traitement a une action réduite sur cette stérilisation. Le spectre germicide correspond à une longueur d’onde de 250 nm à 260 nm et plus précisément à 253,7 nm. Cette raie a sur les micro-organismes un effet photochimique qui provoque d’abord la stérilisation, puis leur destruction totale, si l’on prolonge l’application : l’action se produit sur le noyau, principalement sur la chromatine; il y a blocage de la division cellulaire (reproduction arrêtée) et, si l'on poursuit l’irradiation, le noyau se dilate, jusqu’à l’éclatement de la cellule.
Tous les micro-organismes n'opposent pas la même résistance aux rayons ultraviolets : les bactéries pathogènes sont assez vulnérables de même que la majorité des virus, tandis que les moisissures (spores), les protozoaires, les protophytes et les spores de bactéries sont assez résistants et ne peuvent être détruits que par une dose importante pendant un temps assez long.
L'incidence de l’énergie (exprimée en microWatts secondes/cm², avec une radiation de 253,7 nm), nécessaire pour inhiber à 100 % la formation de colonies et de cellules d'organismes est présentée ci-après.
Bactéries :
Vibrio cholera ..................... 4 200 Escherichia coli ................... 6 600 Staphylococcus aureus ............. 6 600 Salmonella enteritidis ............ 7 000 Mycobacterium tuberculosis ........ 10 000 Pseudomonas aeruginosa ............ 10 500 Bacillus subtilis (spores) ........ 22 000
Levures :
Saccharomyces uvarum .............. 6 600 Saccharomyces cerevisiae .......... 13 200
Moisissures (spores) :
Penicillium roqueforti (vert) ..... 26 400 Aspergillus niger (noir) .......... 330 000
Virus :
Poliovirus-poliomyelitis .......... 4 400 Tobacco mosaic .................... 440 000
Protozoaires :
Paramœcium ........................ 200 000
Les rayons ultraviolets sont produits par des lampes à vapeur de mercure à très basse pression, d'une puissance de 40 Watt et d'une durée de 6 000 à 7 000 heures. Chaque générateur UV, protégé par un tube de quartz, est placé dans un tube unitaire de circulation d’eau. Dans la chambre d'irradiation il y a création d'une turbulence d'eau grâce aux chicanes concentriques. La stérilisation est obtenue par le passage d'une lame annulaire mince de 20 à 45 mm suivant la limpidité de l’eau. L’effet de stérilisation est atteint après un temps de contact de 4 à 6 secondes déterminé en fonction des caractéristiques de l'eau à traiter. L'effet germicide (EG) peut être défini par la relation suivante :
EG = UVP × T UVP = puissance de l’émission UV ; T = temps d’exposition. UVP est inversement proportionnelle au carré de la distance de la source émettrice à l’eau irradiée. L’effet germicide dépend également de l'indice de transmission qui varie avec l’épaisseur de la couche d’eau à traverser et son coefficient d’absorption.
Afin d’obtenir une meilleure perméabilité de l'eau avant passage sur le stérilisateur UV, il est souhaitable de mettre en place une filtration d'eau sur filtre, dont les éléments filtrants ont une porosité de 1,2 µm à 3,0 µm.
On admet généralement que la turbidité de l'eau, avant la stérilisation, soit inférieure à 0,5 NTU (Néphélometric Turbidity Units) et que le fer en soit pratiquement exempt.
Avant la première mise en service de l'appareil, il faut procéder à une désinfection avec de l'eau chlorée (1/2 mg Cl₂/l) ou stériliser à la vapeur détendue — 110/115 °C (modèles d’appareils en inox). Ces opérations de désinfection sont à renouveler périodiquement en tenant compte des arrêts de l'appareil. Bien que les appareils modernes soient équipés d'un système de nettoyage automatique, il est conseillé de nettoyer les tubes de quartz avec de l’éthanol ou un mélange éthanol + glycol butylique. En cas de dépôt d'origine calcaire, un détartrage à l'aide d’un acide s’impose (HCl 5 à 10 %). Une solution de pepsine de 5 à 10 % dans de l'acide chlorhydrique à 0,5 % permet d'éliminer un dépôt de protéine (débris de micro-organismes) ; un voile de substances minérales et organiques, formé sur le tube à quartz, invisible à l'œil nu, peut diminuer de 20 à 30 % le pouvoir émissif.
À partir de la perméabilité définie, le débit de traitement est fonction de la destination de l’eau — eaux potables, industries alimentaires, pharmaceutiques — et peut varier de 1 à 10 m³/h (générateurs UV en série) jusqu'à 400 m³/h (batteries de générateurs en parallèle) avec une pression de service atteignant 10 bars. L’énergie développée peut représenter 40 000/50 000 microWatts/seconde par générateur UV. En pratique, pour que la désinfection soit efficace on estime que la consommation d’énergie doit être de 60 Wh/m³ pour une épaisseur de lame d'eau inférieure à 40 mm.
La stérilisation par les rayons UV est considérée comme un procédé neutre, sans adjuvants chimiques, sans aucune toxicité, qui ne modifie ni physiquement ni chimiquement la composition de l'eau. Il semble, néanmoins, que les avis sont partagés en ce qui concerne les propriétés chimiques.
Rayons X ou Röentgen
C'est un rayonnement électromagnétique, comme la lumière, mais sa longueur d’onde, très courte, est comprise entre 0,1 et 0,01 nanomètre. Il possède un pouvoir pénétrant et ionisant plus important que les rayons ultraviolets. Jusqu’à présent il n’a pas trouvé d’application pratique à la stérilisation de l'eau (coût élevé, danger d’irradiation), sauf dans certains cas limités aux travaux de laboratoire.
Rayons γ (gamma)
Les longueurs d’onde des rayons γ sont plus courtes que celles des rayons X (entre 0,01 et 0,0005 nm) ; ils sont donc encore plus pénétrants et plus germicides que ces derniers. Leur action sur les micro-organismes dépend de l'importance de la dose de radiation. Si celle-ci est forte, la chromatine se fragmente, il y a destruction de l’ADN et de l’ARN ; si la dose est moyenne, l’effet de l’irradiation se manifeste lors d’une mitose : les
chromosomes peuvent se rompre au niveau du centromère. Dans le cas d’une dose faible les lésions sont réversibles ; les mitoses peuvent s'arrêter, mais la cellule demeure en vie, sans pouvoir se multiplier.
La radiosensibilité d’une cellule varie suivant le type de la cellule (les protozoaires, comme les paramécies, sont fort résistants) et l’activité cellulaire. Plus souvent une cellule se divise, plus elle est radiosensible (Escherichia coli est moins résistante que Pseudomonas aeruginosa). Les doses léthales, en rayonnement ɣ absorbé, sont en général supérieures à 10 Gy (gray), et pour les formes sporulées peuvent même dépasser 200 Gy.
Les rayons ɣ destinés à la stérilisation de l’eau sont produits dans une installation qui comporte plusieurs sources scellées de l’isotope cobalt 60 métallique sous forme de crayons, enfermées dans des gaines de protection, de façon à éviter toute pollution radioactive. L’eau à stériliser circule dans ces gaines entourant la source radioactive. Les doses de rayonnement pour cette stérilisation varient de 4,5 à 5·10⁴ Gy avec une activité de 3,7·10¹⁷ becquerel/m³/h. Ce procédé, peu répandu, est parfois employé pour la stérilisation des eaux usées domestiques ou des eaux à la sortie des stations d’épuration.
Les rayons ɣ, bien que très germicides, sont d’emploi très limité en raison du danger que présente l’irradiation de l’espace environnant et le coût élevé de l’installation. On les utilise aussi pour la stérilisation des conserves, de la viande, du lait, des légumes, des pommes de terre ou même de certains antibiotiques : ils arrêtent les fermentations ou les germinations, sans détruire les vitamines.
Rayonnement électronique
Ce rayonnement est dû aux électrons lancés à grande vitesse dans un champ électromagnétique grâce à une forte différence de potentiel. Le pouvoir de stérilisation est similaire à celui des rayons ɣ, avec une moindre pénétration.
On a constaté [11], dans une installation de traitement biologique de l’eau, avec circulation d'électrons créée par oxydation anodique, une destruction de micro-organismes, virus compris. La stérilisation efficace est obtenue en sélectionnant un courant approprié. Ce traitement a aussi une influence bactériostatique qui peut durer jusqu’à quelques heures. L'installation est composée entre autres, d'un débitmètre, d'une commande automatique, de trois réacteurs d’oxydation anodique, d'une station de dégazage et de tanks d’eau stérile. Cet équipement est utilisable pour l'eau potable et les boissons rafraîchissantes. Son coût d’investissement est comparable à ceux d’un traitement aux rayons ultraviolets et d’une installation d’ozonation.
Micro-ondes
Ce sont des radiations électromagnétiques dont les longueurs d’ondes sont comprises entre 1 m et 1 cm avec des fréquences de 300 MHz (mégahertz) à 30 GHz (gigahertz), mais seules quelques fréquences sont autorisées pour éviter de perturber l’environnement. La fréquence la plus répandue est 2450 MHz. Elle est produite par un tube magnétron identique à ceux que l’on trouve dans le commerce pour un usage domestique maintenant bien connu : les fours à micro-ondes.
Le principe de stérilisation de l’eau par les micro-ondes est le suivant : dans le champ électrique alternatif de haute fréquence les molécules d’eau, étant polaires, se mettent au début en rotation, elles s’orientent dans un sens puis dans l’autre avec un certain déphasage par rapport à la fréquence du champ. Puisque les fréquences sont très élevées l’orientation des molécules ne suit plus du tout. Il y a une perte de constante diélectrique qui correspond à une zone d’absorption de l’énergie du champ qui se manifeste par un échauffement de l'eau, où la température peut dépasser 100 °C.
Afin d’appliquer les micro-ondes dans la pratique de laboratoire, nous avons établi une relation entre le temps d’action d’un champ électrique alternatif de 2500 MHz, avec une puissance de 750 watts, et la température de l’eau soumise à l’action de ce champ. Conditions de l’essai : flacon en verre transparent contenant 100 ml d’eau distillée, fermé hermétiquement et équipé d’un thermomètre « maxima ». Espace vide au-dessus de l’eau : 30 ml. Température de l’eau dans le flacon avant l’essai : 12 °C. Les résultats obtenus sont présentés ci-après :
Temps d’action du champ électrique | ||
---|---|---|
30 s | → | 50 °C |
40 s | → | 58 °C |
50 s | → | 67 °C |
60 s | → | 78 °C |
70 s | → | 89 °C |
80 s | → | 99 °C |
90 s | → | 108 °C |
Il ressort de cet essai que l’échauffement de l’eau au micro-ondes est rapide puisqu’après 80 s et 90 s l’eau est portée respectivement à 99 °C et 108 °C.
L’action des micro-ondes sur les micro-organismes est double : il y a d’une part destruction des micro-organismes par voie thermique, c’est-à-dire par la température élevée de l’eau environnante et intracellulaire, puis par une action probable de ces micro-ondes qui peuvent modifier certains mécanismes biochimiques tels que les échanges d’ions (K⁺ et Ca²⁺) à travers la membrane, la synthèse de l’ADN et la transcription de l’ARN. Il faut souligner que les micro-ondes agissent non seulement sur l’eau, mais également sur tous les composés polaires, comme par exemple : sucres, alcools, aldéhydes, cétones, acides aminés, chaînes peptidiques, bases de l’ADN, etc.
En dehors des fours à micro-ondes bien connus actuellement, cette méthode de stérilisation de l’eau n’a pas trouvé jusqu’à présent d’application industrielle.
Ultrasons
Les ultrasons fréquemment employés sont ceux qui ont une fréquence entre 20 à 30 kHz et d’une longueur d’onde de 42 à 10 km.
L'appareil à ultrasons comprend un tube émetteur de vibrations électriques de fréquence déterminée, excitant un vibreur à sa fréquence de résonance qui transforme les vibrations électriques en mécaniques-acoustiques, c’est-à-dire en sons.
Les fréquences dépassant légèrement la limite de l’audible (22 kHz) se sont révélées d'une grande efficacité dans la destruction des micro-organismes. Cette destruction est due à l'énergie transmise à des fréquences ultra-soniques. Elle engendre dans le liquide des pressions alternativement hautes et basses. Durant la phase de basse pression, il y a formation de millions de bulles. Ce processus est un phénomène de cavitation. Durant la phase de haute pression, ces bulles éclatent dans toutes les directions libérant une énorme quantité d’énergie et provoquant l’éclatement des cellules de micro-organismes. La durée de traitement de l'eau peut varier de 5 à 30 minutes.
Les ultrasons présentent un intérêt surtout dans le domaine du nettoyage : verrerie, composants électroniques, instruments vétérinaires, etc. Ce procédé, à grande échelle, n’a pas trouvé jusqu’à présent d’application à la stérilisation de l'eau.
Filtration stérilisante
La filtration peut être définie comme étant un procédé de séparation solides-liquides, dans lequel toutes les particules dont le diamètre est supérieur aux pores du média filtrant (élément filtrant) sont retenues, c’est-à-dire séparées du liquide.
On distingue deux techniques de filtration : la filtration frontale (directe) et la filtration tangentielle. Lors de la filtration frontale, le liquide à filtrer entre et sort perpendiculairement au média filtrant. Dans le cas de la filtration tangentielle, l’écoulement (recirculation en circuit fermé) du liquide à traiter se fait parallèlement au média filtrant ; il balaie latéralement la membrane, en revanche l'écoulement du filtrat est perpendiculaire.
La technique de filtration frontale utilise en général des membranes circulaires ou à enroulement spiral sous forme de cartouches (bougies), lesquelles sont placées dans un carter étanche en acier inoxydable de 316 L. Selon le fabricant, les membranes sont construites à base de polymères : polysulfone, polyacrylonitrile, polyamide (nylon 66) ou en composés cellulosiques et minéraux. Afin de pouvoir obtenir une distribution et une dimension de pores très régulière et précise, les membranes en polymères subissent un bombardement par des ions lourds accélérés dans un cyclotron.
La filtration tangentielle, quant à elle, utilise principalement des membranes minérales : céramiques (oxydes de zirconium, d’aluminium), en carbone polygranulaire ou en
Fibres de carbone. Ces membranes, d’une épaisseur de 0,2 à 1 mm, font partie d'un support tubulaire formant un bloc (élément filtrant) percé de 15 à 30 canaux (souvent 19 canaux) dans le sens longitudinal, de diamètre 4 à 6 mm. La liaison membrane/support est assurée par frittage à très haute température. Un ou plusieurs éléments filtrants, insérés dans un carter étanche en acier inoxydable, forment un module de filtration.
Il faut souligner que l'amiante, qui s’est avéré nocif (cancérogène) pour la santé de l’homme, n’entre pas dans la composition des membranes utilisées pour la filtration de l’eau.
La stérilisation de l'eau peut être effectuée par deux procédés différents de filtration : la microfiltration et l’ultrafiltration. Les deux procédés peuvent faire appel aux techniques de filtration frontale ou tangentielle. Dans les deux cas les éléments filtrants sont constitués de membranes, mais de porosités différentes. Elles sont stérilisables à la vapeur, soit jusqu’à 140 °C (membranes minérales) soit à 100/120 °C pour celles de l’ultrafiltration.
En microfiltration on utilise des membranes ayant une porosité de 0,45 µm à 0,10 µm. Ces membranes éliminent tous les germes présents dans l'eau, y compris les plus petites bactéries connues, par exemple les Mycoplasmas (bactéries coccoïdes sans paroi, 0,2 à 0,5 µm) ou Pseudomonas diminuta (0,3 × 1 µm). Certains gros virus ou bactériophages peuvent être également retenus (0,1 à 0,08 µm). Dans ce cas, à l'effet de filtration par tamisage, s’ajoute l’adsorption électrocinétique. Les contaminants présents ont tous pratiquement une charge négative et, comme la membrane de filtration possède un potentiel Zêta (ζ) positif, elle adsorbe électrocinétiquement les petites particules, c’est-à-dire celles qui n’ont pas été retenues par tamisage. La valeur du potentiel ζ (mesurable avec un appareil Zétamètre) s’exprime en mV ; elle détermine les forces électrostatiques de répulsion entre particules placées dans un champ électrique, donc leur probabilité d’adhésion à la membrane.
La stérilisation de l’eau par microfiltration se développe de plus en plus, surtout dans les industries agro-alimentaires (brasseries, boissons, œnologie, laiteries), pharmaceutique, informatique, etc. On stérilise, par exemple, avec ce procédé l’eau minérale, l'eau de table ou l'eau destinée au rinçage des tanks après nettoyage et désinfection (brasserie, limonaderie, etc.), au coupage des bières de haute densité, à la fabrication des boissons ou au lavage du beurre. La capacité de filtration de ces installations peut atteindre 20 hl/m²/h/bar et 2 à 10 hl/m²/h/bar pour l’ultrafiltration.
La porosité des membranes d'ultrafiltration est nettement inférieure à celles de la microfiltration. Il n’y a pas de frontière franche entre la microfiltration et l’ultrafiltration, les deux procédés sont très voisins. La porosité des membranes d'ultrafiltration est inférieure à 0,1 µm (0,1 à 0,005 µm) avec un seuil de coupure très bas, de l'ordre de 500 000 à 500 daltons (dalton = 1,67 × 10⁻²⁴ g) ; rappelons que le seuil de coupure est la masse molaire de la plus petite molécule retenue par la membrane. L’ultrafiltration permet donc d’éliminer tous les microorganismes de l'eau, y compris les petits virus (0,05 à 0,003 µm) et les pyrogènes au seuil de coupure supérieur à 500 daltons, sauf les sels dissous, ce qui est du domaine de l’osmose inverse. Après ce traitement, la turbidité de l'eau est souvent inférieure à 0,1 NTU (limite de la norme française pour l’eau potable : 2 NTU). La présence de pyrogènes dans l’eau est due au composé lipopolysaccharido-polypeptidique libéré par la paroi des bactéries Gram négatif (cadavres de bactéries). Ce composé n’est autre qu’une endotoxine douée de propriétés antigéniques et pharmacologiques puissantes.
L’élimination des pyrogènes de l’eau a une grande importance en industrie pharmaceutique. En effet, leur présence dans le circuit sanguin, introduite accidentellement par une solution injectable, peut provoquer une augmentation sensible de température du patient ou conduire à d’autres complications. Il n’est pas rare de trouver dans une eau potable un taux de pyrogènes supérieur à 10 nanogrammes/ml. Des eaux riches en pyrogènes peuvent influencer défavorablement la qualité de certains produits alimentaires (boissons, bière, etc.).
La filtration stérilisante de l'eau est un procédé neutre, sans additifs chimiques ; elle n’a pas l’inconvénient de former des substances nocives et cancérigènes, les trihalométhanes, comme dans le cas de la désinfection de l'eau avec du chlore.
En dehors de l’industrie agro-alimentaire, pharmaceutique, cosmétique, électronique, applications médicales, etc., l’ultrafiltration commence à être utilisée avec succès à la préparation et à la stérilisation des eaux minérales, de source ou de celles destinées aux petites collectivités. La généralisation de ce procédé au traitement de l'eau destinée à la consommation humaine est actuellement irréalisable, car les réseaux de distribution n’y étant pas adaptés, il pourrait se produire une reviviscence de microorganismes. Par contre, il serait possible d’envisager d’installer des filtres stérilisants, situés aussi près que possible des points d'utilisation, par exemple à l’entrée des écoles ou des quartiers résidentiels (à suivre).
Errata :
Quelques fautes de composition sont à rectifier dans la 1ᵉ partie de cet article, parue dans le numéro d’avril.
Il faut y lire :
- p. 61, dernier paragraphe : « Krzeslowski », et non « Kraeslowski ».
- p. 62, dernier paragraphe : « aérobies » et non « anaérobies ».