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Le traitement biologique de l'eau (1ère partie)

30 avril 1992 Paru dans le N°154 à la page 61 ( mots)

L’eau naturelle contient souvent de nombreux micro-organismes, parmi lesquels de nouveaux furent isolés au cours des dernières décennies. Certains peuvent être à l’origine de graves maladies ou altérer la qualité des produits alimentaires en les rendant impropres à la consommation. La stérilisation de l'eau, autrement dit la destruction de tous ces micro-organismes, peut être obtenue soit par des procédés physiques (température, radiations, filtration ou autres procédés), soit par des procédés chimiques (chloration, ozonisation).

Le choix de la méthode de stérilisation dépend de la destinée de cette eau après traitement. Bien que les méthodes chimiques soient actuellement les plus répandues, il semble que l’on s’oriente de plus en plus vers les méthodes physiques, notamment vers la filtration membranaire et ses dérivés.

L’eau est une matière première précieuse, indispensable à la vie sur notre terre. Lors de sa circulation dans la nature, à la surface de la terre ou dans le sous-sol, elle se charge de gaz, de différents sels qui passent en solution (bicarbonates, sulfates, chlorures, nitrates de sodium, de calcium, de magnésium, fer, manganèse...). Elle se charge aussi de matières organiques (acides humiques, fulviques...), de matières en suspension et colloïdes, comme par exemple de déchets de végétation, particules d’argile ou d’organismes vivants (plancton, bactéries, spores de champignons, virus…).

Dans l'eau captée dans la nature, on trouve des micro-organismes aquatiques, telluriques ou des micro-organismes de contamination humaine ou animale.

Les premiers sont représentés par des algues microscopiques et des bactéries, celles-ci appartenant le plus souvent aux genres Pseudomonas, Corynebacterium, Achromobacter et Vibrio. D’autres genres, comme Crenothrix, Gallionella, sont responsables des phénomènes d’obstruction et de corrosion des canalisations en fer et le genre Spirillum provoque des attaques des canalisations en béton.

Les bactéries faisant partie des micro-organismes telluriques sont regroupées dans le genre Clostridium, Bacillus (bactéries sporulées), Flavobacterium et Streptomyces. Des spores fongiques microscopiques sont parfois présentes, comme également des Coliformes et Pseudomonas.

Les micro-organismes de contamination humaine ou animale sont des bactéries souvent pathogènes, principalement d'origine fécale. Il s’agit d’Escherichia coli, de coliformes fécaux, de Salmonella, de Shigella (entérobactéries), de streptocoques fécaux, de Clostridium perfringens, de Vibrio cholerae, de Pseudomonas aeruginosa et de staphylocoques.

Les bactéries pyocyaniques, qui forment un colorant fluorescent, la pyocyanine, notamment Pseudomonas aeruginosa, sont de plus en plus fréquentes dans l’eau. On peut les trouver dans les eaux très profondes comme dans l'eau déminéralisée et l'eau de mer. Elles s’adaptent facilement pourvu qu’il y ait des traces de carbone et d’azote. Pseudomonas aeruginosa peut survivre dans l'eau 14 ans, même davantage; isolée de cette eau, elle présente la même virulence que les souches de laboratoire [1]. Kraeslowski [2] a constaté que de nombreux échantillons d’eau distillée, en provenance des hôpitaux, étaient contaminés par différentes espèces de Pseudomonas. L’eau conservée plusieurs heures contenait souvent 10⁶ cellules/ml et parfois 10⁸ cellules/ml. Nous avons trouvé parfois des coliformes et des pseudomonas dans l’eau qui sert à rincer la

bouche des patients chez les dentistes.

Les infections provoquées par Pseudomonas aeruginosa, en milieu hospitalier, peuvent revêtir une allure épidémique ; ce microbe est redoutable et peut entraîner la fermeture provisoire du service dans lequel il se propage. Il résiste à de nombreux antibiotiques et désinfectants à base d’ammonium quaternaire ; il synthétise et sécrète une exotoxine A « protéique » douée d’un pouvoir toxique élevé.

Les maladies d'origine bactérienne transmissibles par l'eau sont connues depuis longtemps. À titre d’exemple on peut citer : les gastro-entérites (salmonelloses, shigelloses), les colibacilloses (Escherichia coli, Proteus vulgaris et mirabilis), la fièvre typhoïde (Salmonella typhosa), le choléra (Vibrio cholerae, bacille incurvé en virgule très mobile, Gram négatif…). Certaines de ces maladies, par exemple le choléra, ont presque disparu de l'Europe occidentale ; par contre, dans les pays tropicaux et plus spécialement dans la péninsule indienne, récemment en Amérique latine, où l'eau est en quasi-permanence contaminée, le choléra frappe encore chaque année des milliers de personnes.

Depuis plusieurs années on assiste à l’apparition de maladies « nouvelles », à l'exemple de la « maladie du légionnaire », qui a précédé celle du SIDA et qui a frappé en 1976 d'une pneumonie mortelle de nombreux membres de l’« American Legion » réunis dans un hôtel de Philadelphie pour leur 58ᵉ Congrès. Quelques mois plus tard, Mac Dade et coll. [3] réussissaient à isoler la bactérie responsable, inconnue des taxonomistes, qu’ils baptisèrent Legionella pneumophila (bacille Gram négatif). Aujourd’hui on connaît 28 espèces du genre Legionella qui vivent dans les lacs, cours d’eau douce et différentes installations d'eau.

À la suite de l’épidémie de Philadelphie, les systèmes de climatisation ont été considérés comme les principaux responsables de la propagation de Legionella pneumophila. Actuellement [4] c’est surtout l’eau et plus spécialement l’eau chaude qui est à l’origine du plus grand nombre de cas de contamination par cette bactérie. La pénétration pulmonaire du germe se fait par aérosolisation de l'eau contaminée, par exemple : aérosols provoqués par les robinets ouverts, douches, bains bouillonnants (bains « californiens »), barboteurs, humidificateurs, eaux thermales chaudes, équipements pour traitements respiratoires (aérosols), etc. Legionella peut être présente aussi dans l'eau chaude, non traitée, utilisée en industrie agro-alimentaire. Il s’agit surtout de l’eau à 35-40 °C située dans les pasteurisateurs-tunnels (fin du cycle de pasteurisation ou le début), laveuses de bouteilles (dernière phase de rinçage) ou tunnel, à buses multiples d’aspersion, servant au rinçage extérieur des bouteilles ou autres emballages fermés contenant le produit fini.

La « maladie du légionnaire » est classée comme maladie à déclaration obligatoire en France depuis 1987.

Des organismes pathogènes, autres que les bactéries, peuvent être véhiculés ou transmis directement ou indirectement par l'eau. À titre d'exemple on peut citer : les champignons (maladies de la peau) ; les protozoaires-amibes (Entamoeba histolytica — dysenterie amibienne dans les régions tropicales), les vers (Fasciola hepatica — douve du foie, bilharzie-bilharzioses intestinales et vésicales, maladies graves répandues dans les régions chaudes). On peut trouver également dans l'eau des virus : Enterovirus (virus de la poliomyélite qui attaque les centres nerveux), virus Echo (maladie intestinale), virus de l'hépatite infectieuse type A (le type B est transmis seulement par les transfusions sanguines), virus de l'influenza (mucus nasal) qu’on trouve parfois dans les eaux de piscine, et le Papillomavirus, responsable des verrues contractées dans les piscines.

Les micro-organismes de l'eau des circuits internes en milieu industriel, notamment en industrie agro-alimentaire, sont bien spécifiques d’une usine à l'autre. Ils peuvent contaminer les produits alimentaires et altérer leur qualité marchande en les rendant impropres à la consommation [5]. Parmi eux on peut citer : Torulopsis stellata (trouble et dépôt levurien dans les jus de fruits et limonades), Leuconostoc mesenteroides (limonade visqueuse, baisse de rendement dans les diffuseurs en sucrerie), Pseudomonas (putréfaction de la viande et produits carnés), lactobacilles et pédiocoques (formation de troubles et dépôts dans la bière), Zymomonas mobilis (trouble et formation de H₂S dans les cidres), Streptococcus lactis, lactobacilles, microcoques, Pseudomonas, Leuconostoc (détérioration de l’aspect qualitatif du lait — acidification avec coagulation — protéolyse — filage).

Ces dernières années l'apparition de nouveaux microbes fut signalée en industrie agro-alimentaire ; cette nouvelle bactérie isolée aux États-Unis en 1978 par Lee et coll. [6], à partir de l'eau mélangée avec de la bière et de l’huile de lubrification, a été nommée Pectinatus cerevisiiphilus ; en France, elle a été découverte par Soberka [7, 8] dans une eau de trempage de malt en brasserie, et par la suite elle fut isolée dans d'autres pays [9]. C’est une bactérie anaérobie stricte, Gram négatif, qui dans certaines conditions peut former dans la bière un trouble d’une très grande intensité. Elle peut être présente dans des milieux différents, notamment : réservoirs et canalisations d'eau, mélange d’eau et d’huile ou de bière, eau de trempage de malt. Nous avons également trouvé cette bactérie dans une station d’épuration d’eaux résiduaires, lors de la phase anaérobie de traitement [10].

Tous les micro-organismes présentés ci-dessus peuvent nuire, directement ou indirectement, à la santé de l'homme : afin de limiter cette nuisance, l'eau doit subir un traitement adéquat et répondre à certains paramètres microbiologiques de potabilité. Cette notion de potabilité fait l’objet de prescriptions réglementaires fondées sur des normes (décrets du 3 janvier 1989, du 10 avril 1990 et du 7 mars 1991), dont les paramètres microbiologiques sont les suivants :

  • — l’eau ne doit pas contenir d’organismes pathogènes, en particulier de salmonelles (dans 5 litres d’eau prélevée), de staphylocoques pathogènes (dans 100 millilitres d'eau prélevée), de bactériophages fécaux (dans 50 millilitres d’eau prélevée) et d’entérovirus (dans un volume ramené à 10 litres d'eau prélevée) ;
  • — 95 % au moins des échantillons prélevés ne doivent pas contenir de coliformes (dans 100 millilitres d'eau prélevée) ;
  • — l'eau ne doit pas contenir plus d'une spore de bactéries anaérobies sulfito-réductrices (par 20 millilitres d’eau prélevée) ;
  • — lorsque les eaux sont livrées sous forme conditionnée, le dénombrement des bactéries anaérobies revivifiables, à 37 °C et après 24 heures, doit être inférieur ou égal à 20 par millilitre d’eau prélevée ; à 22 °C et après 72 heures, il doit être inférieur ou égal à 100 par millilitre d'eau prélevée. L’analyse est commencée dans les 12 heures suivant

Le conditionnement.

Ces valeurs sont ramenées respectivement à 2 germes et 20 germes par millilitre pour les eaux désinfectées, à la sortie des stations de traitement.

Comme nous l’avons vu précédemment, la majorité des organismes pathogènes habituellement véhiculés par l'eau provient des matières fécales animales ou humaines. C’est pourquoi il est plus simple de rechercher la présence de bactéries (tests d'origine fécale faciles à mettre en évidence au laboratoire, comme les coliformes, les streptocoques fécaux et les Clostridium sulfito-réducteurs), au lieu d'effectuer des analyses très complexes en recherchant tous les micro-organismes présents dans l'eau. La détection, par exemple, de coliformes, de streptocoques fécaux et de Clostridium sulfito-réducteurs, est relativement simple, mais assez longue : après filtration de l’eau sur membrane (porosité 0,45 μm), la membrane est incubée sur milieu Tergitol-7 au TTC (ou milieu Endo) pendant 24 heures à 37 °C (44 °C pour les coliformes thermotolérants), et pour les streptocoques fécaux pendant 48 heures à 37 °C sur milieu Slanetz et Bartley. Pour les Clostridium sulfito-réducteurs on peut utiliser le milieu gélosé « viande-foie » sulfité (48 heures à 37 °C) ou le milieu TSN de Marshall au sulfite de sodium (18 heures à 46 °C en anaérobiose).

La population d'Escherichia coli, dans la flore digestive de l’homme, est 1 000 à 10 000 fois plus importante que celle des coliformes (autres qu’E. coli). Ce rapport est inversé dans les écosystèmes aquatiques (fleuves, rivières, lacs ou puits). Dans les écosystèmes intestinaux, prédomine Escherichia coli chez l'homme, et les streptocoques fécaux chez le porc. Dans le cas de présence d'E. coli et de streptocoques fécaux dans l’eau, le risque pathogène existe ; dans le cas de la disparition d'E. coli et de la subsistance des streptocoques le risque devient plus aléatoire et peut provenir d'une pollution porcine. Cette pollution indique que la nappe phréatique ou le circuit de distribution sont mal protégés. La présence d’E. coli (coliformes thermotolérants) a toutes chances d'aller de pair avec une teneur excessive en matières organiques dans l’eau (> 10 mg O₂/l – oxydabilité au KMnO₄).

Il faut souligner que le nombre des espèces bactériennes susceptibles d’être pathogènes pour l'homme est très peu élevé par rapport à l’ensemble des espèces existantes. En effet, l’homme, dans la totalité de son corps, héberge environ 10¹⁴ bactéries, nombre impressionnant qui dépasse dix fois le nombre de ses propres cellules (10¹³) ; cependant il est rare qu’au cours de sa vie, l'homme contracte à plus de trois à cinq reprises une maladie provoquée par ses propres bactéries.

L’eau, comme suite à une activité incontrôlée de l'homme, peut être polluée par des métaux lourds (plomb, chrome, cadmium, mercure...), par des pesticides et produits apparentés, ou par des micro-organismes pathogènes, ce qui impose le traitement de l’eau avant son utilisation, la rendre apte aux applications envisagées. Ce traitement englobe les méthodes de stérilisation (désinfection) lesquelles entraînent la destruction de tous les micro-organismes.

La destruction ou l'élimination des micro-organismes peut ainsi être obtenue :

  • • soit par des procédés physiques (température, radiations, filtration ou autres procédés),
  • • soit par des procédés chimiques (chloration, ozonisation...).

Les procédés de traitement biologique de l'eau seront présentés dans la seconde partie de cet article, qui sera publiée dans un prochain numéro.

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