La problématique de l’élimination des boues
Ces dernières années ont vu un nombre considérable de colloques, de forum et de symposium sur le devenir des boues de station d’épuration en France, et cela est bien normal dans un contexte où les récentes évolutions réglementaires et technologiques dans le domaine du traitement de l’eau se traduisent irrémédiablement par une augmentation du tonnage des boues produites.
Les boues, sous-produit inévitable du traitement de l’eau, devront faire l’objet de traitements de plus en plus poussés, afin que leur élimination finale ou leur recyclage puissent être réalisés sans nuisances pour l’environnement. Il a été clairement démontré que de l’efficacité du traitement des boues dépend la bonne marche de toute la filière du traitement de l’eau.
La valorisation agricole des boues, prépondérante en France, permet le recyclage des principaux constituants des boues — carbone, azote, phosphore — dans les grands cycles bio-géo-chimiques. La valorisation agricole restera probablement à l’avenir la principale voie d’élimination des boues en France, mais on ne peut ignorer aujourd’hui les problèmes qu’elle pose, notamment lorsqu’il s’agit d’évacuer des boues pâteuses, en termes de stockage, de transport, de difficultés d’organisation des chantiers d’épandage, de mauvaises odeurs, d’image...
Pour répondre à ces contraintes, l’enjeu principal de ces prochaines années sera de produire une boue totalement stabilisée, si possible hygiénisée, et mise sous une forme facilement stockable, transportable et valorisable.
Le compostage de boues, processus biologique de fermentation aérobie thermophile dont le résultat est la transformation de la matière organique en humus, répond à ces objectifs en proposant un produit sec, totalement stabilisé, hygiénisé et valorisable dans divers domaines agricoles ou non agricoles : le compost.
Pour que de nobles intentions puissent se concrétiser sur le marché, il est primordial de pouvoir proposer une solu
tion industrielle fiable et basée sur une démarche qualité.
Leader mondial dans le domaine du traitement de l'eau, Degrémont s’est toujours attaché à développer de nouveaux procédés de traitement des boues.
Parmi ces derniers, le Thermopostage est un procédé industriel de compostage accéléré des boues qui à la fois répond aux contraintes de l’exploitant de la station d’épuration et permet un débouché valorisant et durable du principal sous-produit de l’épuration des eaux résiduaires.
Les principes généraux du compostage de boues de stations d’épuration
Le compostage de boues est une des techniques de post-traitement qui vient en complément de la chaîne de déshydratation mécanique des boues.
De manière générale, le compostage réclame :
- – une source de carbone,
- – la présence d’eau pour le développement des micro-organismes,
- – la présence d’oxygène,
- – une porosité suffisante pour une bonne circulation de l’air induisant une fermentation homogène.
Contrairement à certains autres déchets, les boues ne peuvent pas être compostées seules ; leur humidité élevée, leur faible rapport C/N (inférieur à 8) et leur structure pâteuse ne sont pas les facteurs optimaux pour le bon déroulement du compostage. Il est donc nécessaire de mélanger la boue avec un co-produit carboné qui d’une part apportera le carbone nécessaire pour ramener le rapport C/N à l’optimum (30 environ) et, d’autre part, jouera le rôle de structurant pour une bonne répartition de l’air dans le mélange, condition indispensable du compostage.
Selon les cas, il s’agira d’un support fin (sciure) ou plus ou moins grossier (écorces, plaquettes de bois, rafles de maïs, branches d’élagage broyées...), ou encore d’un mélange des deux. Le recyclage, dans le process, du compost ou du co-produit récupéré après tamisage est très souvent envisagé afin de réduire les quantités de co-produits nécessaires au départ.
De manière générale, les quatre étapes d’une installation de compostage sont les suivantes :
- – mélange boues + co-substrat carboné : il s’agit d’une étape primordiale car de l’homogénéité du mélange dépendra en grande partie la qualité du produit final.
- – phase de compostage : les micro-organismes prolifèrent et dégradent la matière organique fermentescible. Durant cette phase, il y a élévation progressive de la température qui peut atteindre 60 à 70 °C, puis baisse de cette dernière en fonction de la réduction de l’activité microbienne.
- – séparation du compost et du co-substrat : sauf dans le cas d’utilisation de co-substrats de fine granulométrie (sciure) et selon la destination finale du compost, il sera intéressant de cribler le compost pour récupérer et recycler le co-substrat dans le procédé.
- – phase de maturation : c’est durant cette phase (quelques semaines à quelques mois selon les procédés) que les micro-organismes opèrent la transformation de la matière organique en humus.
Le Thermopostage® : un procédé innovant de compostage accéléré de boues d’épuration
Principe
Le Thermopostage peut se définir comme l'ensemble des opérations biologiques et mécaniques appliquées aux boues de station d’épuration, dans des réacteurs mobiles, ventilés, en vue d’obtenir un produit sec, stable et hygiénisé, facile à valoriser dans le domaine agricole ou horticole.
Le Thermopostage est un procédé de compostage accéléré et contrôlé.
Ce procédé innovant en réacteur mobile est un système modulaire dont la capacité de traitement s’adapte en fonction des quantités de boues à traiter. Il permet ainsi d’optimiser l’investissement de départ et assure une grande souplesse d’exploitation sur un site qui reste parfaitement propre.
Le procédé est en grande partie automatisé. L’utilisation de réacteurs fermés pour la phase active du compostage permet la maîtrise des nuisances (odeurs, lixiviats).
Description du procédé
Le Thermopostage est appliqué à un mélange poreux de boues et de support carboné : écorces, sciure, compost recyclé, déchets d’espaces verts broyés, etc. Les boues doivent être préalablement déshydratées mécaniquement, avec une siccité comprise entre 18 et 35 %.
La dégradation aérobie de la matière organique se déroule dans un réacteur fermé, muni d’un système de ventilation forcée et contrôlée, sans autre apport d’eau que celle contenue dans les boues.
Le cycle du Thermopostage fait apparaître quatre phases successives qui se manifestent par l’évolution de la température du milieu :
- – une première phase (très courte) durant laquelle la température s’élève légèrement : il s’agit de la colonisation du milieu par les micro-organismes ;
- – une deuxième phase, durant laquelle l’élévation de température se poursuit, pour atteindre 40 à 50 °C : elle correspond au développement des bactéries mésophiles qui provoquent le début de la fermentation ;
- – une troisième phase voit l’élévation de la température s’accentuer et atteindre des valeurs de 65 à 70 °C : elle correspond à la multiplication de bactéries thermophiles, qui poursuivent la dégradation des matières organiques. Ce palier de température se maintient plusieurs jours ;
- – enfin, une quatrième phase, de refroidissement, qui correspond à la réduction progressive de l’activité microbienne, par suite de la raréfaction des matières disponibles pour la biomasse, et qui se manifeste par une chute corrélative de la température.
Le facteur température est un paramètre majeur du compostage.
Les températures atteintes durant la phase thermophile ont pour résultat :
- – l’hygiénisation du produit final ; en effet, la plupart des micro-organismes pathogènes ne résistent pas à des températures supérieures à 55 - 60 °C ;
- – la stabilisation totale de la boue compostée, se traduisant en particulier par l’absence d’odeur ;
- – le séchage du compost par évaporation de l’eau.
En fin de cycle, le compost brut est tamisé, afin de récupérer les matériaux non dégradés qui sont recyclés et d’affiner le produit fini en vue de sa commercialisation.
Ce compost, riche en matières humifiables, peut ensuite être facilement transporté et stocké sans nuisances, dans l’attente de sa valorisation agronomique.
Le cycle complet du Thermopostage est de quatre semaines.
[Photo : Atelier de préparation. La Roche-sur-Foron.]
[Photo : Ventilation des réacteurs. La Roche-sur-Foron.]
[Photo : Schéma du Thermopostage® - SIVOM, Pays Rochois.]
Une réalisation modèle : le Thermopostage® des boues de la station d’épuration de La Roche-sur-Foron
La capacité nominale de la station d’épuration de La Roche-sur-Foron (Haute-Savoie), construite en 1990, est de 35 000 équivalents-habitants, extensible à 70 000. Une partie des effluents est d'origine industrielle (agro-alimentaire).
Le schéma de traitement d’eau consiste en une décantation primaire, suivie d’un traitement de la pollution carbonée sur lit bactérien en deux étages et d'une clarification secondaire.
Les boues sont épaissies dans un épaississeur statique, puis digérées dans un méthaniseur et déshydratées sur filtre à bandes Superpress, à une siccité de 22-25 %.
Pourquoi le Thermopostage® ?
Le choix du Thermopostage procède d’une démarche exemplaire du SIVOM du Pays Rochois, qui s’est posé tout d’abord la question de la destination finale des boues. Une étude commandée à une société spécialisée dans la valorisation agricole des boues a démontré l’intérêt du compostage dans le contexte local : incompatibilité de l’épandage de boues liquides en zone de montagne, habitat dispersé, zone touristique… De plus, le SIVOM souhaitait une installation modulaire, propre et sans nuisances olfactives.
L’installation de Thermopostage fut réalisée en 1992 et mise en service en 1993.
Description du fonctionnement de l’atelier
L’atelier de Thermopostage est conçu pour le traitement de 4 500 m³ de boues déshydratées. Le dimensionnement de l’atelier complet prévoit un parc de 28 réacteurs au total. Une première tranche de 14 réacteurs a été mise en service en 1993.
L’installation comprend deux zones distinctes :
• un atelier de préparation et de conditionnement,
• une aire de ventilation des réacteurs.
L’atelier de préparation et de conditionnement
Cet atelier couvert comprend les fosses de stockage et tous les équipements nécessaires au mélange et au conditionnement du compost.
Les boues arrivent directement de l'atelier de déshydratation dans une fosse tampon permettant d’une part de désolidariser le fonctionnement des deux ateliers et d’autre part de recevoir des boues extérieures à la station.
Les co-produits carbonés (sciures, écorces…) et le compost recyclé ou en attente de criblage sont stockés dans des fosses adjacentes.
Le dosage volumétrique des différents constituants est réalisé grâce à un grappin piloté par un automate programmable (un volume de boue pour deux volumes de co-produit). Ce grappin alimente un mélangeur dont les caractéristiques ont été étudiées afin de réaliser un mélange intime et régulier entre les différents constituants. Le mélange est ensuite repris par bande transporteuse jusqu’à un tapis pivotant qui effectue automatiquement le remplissage des réacteurs.
Ce réacteur, mobile, est alors repris par un camion et disposé sur l’aire de ventilation.
Le compostage terminé, le réacteur est repris puis vidé dans la fosse du compost. Ce compost brut, grâce au grappin, alimente un crible qui sépare les matériaux recyclés du compost tamisé.
Le compost est alors conditionné, soit en conteneur souple de 2 m³ (big bag), soit en benne pour une livraison en vrac.
L’aire de ventilation
Le réacteur est une benne couverte de type Ampliroll, d’une capacité utile de 30 m³, munie d’un système de répartition homogène de l’air et de collecte des jus.
L’aire de ventilation permet actuellement le stockage de 14 réacteurs et comprend deux lignes d’aération totalement distinctes.
Durant la phase de compostage accéléré, qui dure quatre semaines, les réacteurs sont mis alternativement en aspiration grâce à un jeu d’électrovannes pilotées par automate. L'air extrait de ces réacteurs peut être facilement désodorisé par passage dans un biofiltre.
Un bilan positif
Après deux années complètes de mise en service, l'installation de Thermopostage de La Roche-sur-Foron a tenu toutes ses promesses. Les boues, qui ne pouvaient être épandues en agriculture du fait des nuisances qu’une telle opération aurait occasionnées, sont transformées en compost entièrement valorisé auprès de sociétés spécialisées dans l’aménagement paysager urbain.
Le traitement de l'eau se voit ici complété par un traitement des boues, qui permet de traiter intégralement la pollution carbonée initialement contenue dans l’eau, sans générer de nuisances, et en recyclant la matière organique dans un circuit contrôlé.
Conclusion
Le Thermopostage de boues, de par sa modularité, la souplesse de sa mise en œuvre et de son exploitation, est une solution industrielle particulièrement bien adaptée pour le post-traitement des boues de stations d’eaux résiduaires urbaines et industrielles de capacité comprise entre 15 000 et 100 000 équivalents-habitants.
Dans le contexte actuel où la protection de l’environnement devient un élément de plus en plus important dans le choix des technologies à mettre en œuvre, le Thermopostage de boues offre trois grands avantages :
- - il permet de recycler la matière organique des boues et des co-substrats (déchets d’espaces verts, sciure, …), dans les cycles écologiques vitaux et dans les meilleures conditions pour l’exploitant et l'utilisateur final (produit séché, stable et hygiénisé) ;
- - il est sans nuisances pour l’environnement : maîtrise des odeurs et des jus de compostage, propreté du site, sécurité ;
- - il est modulaire, garantie d’une grande souplesse d’exploitation.
Dans les régions où la valorisation agricole des boues reste clairement affirmée, le Thermopostage répond à l’objectif d'une gestion maîtrisée des boues et participe à la professionnalisation et à la pérennisation nécessaires de cette filière. La qualité du produit fini, le compost, permet une meilleure acceptabilité du produit fini et ouvre de nouveaux débouchés tels que le paysagisme urbain, la revégétalisation de sols dégradés, la réhabilitation de sites pollués, etc. En outre, le compost donne une image socialement plus acceptable que les boues pâteuses d'origine.
De plus, ce procédé permet l’élimination conjointe de deux types de déchets qui posent de plus en plus de problèmes aux collectivités : les boues et les déchets d’espaces verts. C’est probablement dans cette voie que les perspectives de développement sont les plus importantes.
Enfin, le Thermopostage est un procédé qui peut être appliqué au compostage d’autres déchets organiques tels que les déchets fermentescibles issus de collecte sélective des ménages ou d’autres déchets provenant de l’industrie agro-alimentaire.
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