de proposer la récupération des levures contenues dans les vinasses, ce qui, outre une diminution substantielle de la charge polluante, permet de produire des protéines qui pourront être utilisées en alimentation du bétail. Parallèlement plusieurs procédés d'épuration sont expérimentés et conduiront à résoudre cet important problème.
Le problème des eaux résiduaires de sucreries et de distilleries de betteraves a été abordé selon un schéma voisin, mais dans ce cas, l'étude détaillée de la pollution émise a conduit à des économies d'eau et à un recyclage poussé diminuant le flux polluant. Simultanément les possibilités de traitement par lagunage, par boues activées et par épandage sont étudiées, ces travaux étant effectués en relation étroite avec les professionnels.
L'utilisation du sol comme système épurateur offre des possibilités intéressant aussi bien les industries agricoles que l'assainissement privé. Le sol peut en effet être considéré comme une usine d'épuration capable de « digérer » bien des choses et l'utilisation intensive qui en est faite actuellement, quoique très empirique, démontre l'intérêt du procédé. Des recherches visant à définir une utilisation raisonnée et optimale du pouvoir épurateur du sol sont en cours, elles ont comme objectif de proposer un procédé d'épuration généralement moins coûteux que les procédés traditionnels tout en respectant les nappes phréatiques.
Par ailleurs ces études débouchent à long terme sur une utilisation plus raisonnée des ressources en eau adaptant la qualité de l'eau utilisée aux besoins réels des utilisateurs, par exemple en utilisant des eaux résiduaires épurées partiellement en irrigation. L'accumulation de données dans ce domaine permettra ainsi de limiter les pertes d'éléments eutrophisants et contribuera à la lutte contre la pollution des eaux de surface.
Les eaux usées contenant, entre autres, des éléments nutritifs pour les plantes, il est tentant de les apporter sur les sols utilisés par l'agriculture. Cet apport a été réalisé depuis longtemps pour des effluents urbains et pour des eaux résiduaires d'industries saisonnières.
De plus, comme dès 1911 MUNTZ et LAINE ont montré que les eaux d'égout étaient purifiées après leur passage à travers le sol, il est possible de considérer le sol comme un système épurateur.
Cette utilisation du sol comme système épurateur connaît un regain d'intérêt du fait qu'on a peu à peu pris conscience des problèmes particuliers que pose l'épuration des eaux résiduaires lorsque leur volume est faible ou que leur rejet se fait pendant une période relativement courte. Les volumes d'eaux résiduaires sont faibles dans le cas d'habitations individuelles ou de petites agglomérations rurales munies d'un réseau de collecte.
Pour les concentrations urbaines temporaires (stations balnéaires, de villégiature), il y a de grandes fluctuations dans les volumes rejetés. Enfin, les industries agricoles telles que les sucreries, les distilleries, les conserveries de légumes fonctionnent pendant une partie de l'année seulement.
Dans toutes les situations précédentes, l'utilisation d'une station d'épuration présente, du moins dans l'état actuel de nos connaissances, des inconvénients tant du point de vue de leur efficacité que de leur rentabilité.
Compte tenu des données techniques et économiques du problème, il faut faire un choix selon les situations entre :
- — le pouvoir épurateur des cours d'eau : rejet direct. Ceci suppose que des conditions strictes soient remplies quant à la composition des effluents et au rapport entre le débit de la rivière et le débit rejeté, rapport susceptible de variations saisonnières ;
- — la station d'épuration qui utilise de façon intensive le pouvoir épurateur de la flore microbienne. Elle présente de ce fait une certaine inertie pour s'adapter aux variations de charge dans le temps. Les stations rejettent aussi en général des déchets, les boues ;
- — le pouvoir épurateur du sol, qui consiste à utiliser pour l'épuration, conjointement avec l'agriculture, une partie de l'espace rural sur laquelle les eaux usées sont épandues : c'est la technique de l'épandage.
Parler de choix ne signifie pas forcément choisir de façon exclusive l'une ou l'autre des solutions proposées. On peut par exemple procéder à un rejet direct en rivière pendant la période de hautes eaux et à un épandage pendant l'époque où l'apport d'eau est plus particulièrement utile à l'agriculture. En effet, les situations réelles sont très variées et on doit utiliser la souplesse résultant de l'emploi de plusieurs solutions.
Le sol est également capable de « digérer » les déchets solides organiques dont le volume produit ne cesse de s'accroître. Enfin, certains pesticides se dégradent au contact du sol.
Pour permettre aux responsables de faire ces choix dans les meilleures conditions, il faut augmenter nos connaissances dans le domaine des dispositifs permettant l'épuration des eaux et la digestion des déchets solides. Il est également urgent de mieux connaître le devenir des herbicides dans le sol. Après avoir examiné les propriétés du sol qui lui permettent de jouer un rôle épurateur, nous indiquerons les études nécessaires et les contributions de l'I.N.R.A. dans ce domaine.
Le sol est un matériau poreux qui a une grande capacité d'absorption pour les liquides et qui peut fixer les éléments minéraux. De plus, il a une grande aptitude à décomposer la matière organique. Nous indiquons succinctement les divers rôles du sol.
Certains effluents contiennent en grande quantité des déchets solides. Par exemple dans les eaux résiduaires de sucrerie, de distillerie, de féculerie, se trouve la terre résultant du lavage des racines ou des tubercules.
L'apport de ces effluents sur le sol permet de séparer la phase solide qui reste à la surface du terrain de la phase liquide qui s'infiltre ; le sol se comporte un peu comme une toile de filtre-presse. Cette filtration s'accompagne d'une augmentation de l'épaisseur du sol, lorsque les déchets solides sont inertes.
Le sol est un système poreux dont les pores ont des diamètres différents, les pores étroits constituant la microporosité et les pores larges la macroporosité.
Lorsqu'on apporte de l'eau sur le sol, il y a circulation de l'eau par gravité dans l'ensemble des pores, l'eau circulant plus facilement dans les pores les plus larges.
vite dans la macroporosité. L'aptitude à transmettre l'eau est traduite par la perméabilité.
Si l'apport d'eau est arrêté l'eau s'écoule de la macroporosité qui se remplit d’air, tandis que les pores de la microporosité restent pleins. La quantité d'eau que peut retenir un sol profond de 1 m peut représenter une lame d’eau de 300 mm.
Lorsqu'on apporte une eau usée dans un sol presque sec, elle est retenue dans la microporosité, la macroporosité restant pleine d'air. La surface de contact entre l'effluent et l'atmosphère du sol est augmentée, ce qui facilite l'oxydation des déchets organiques.
Comme l'épuration demande un certain temps, il faut trouver un certain équilibre entre la transmission de l'eau et sa rétention qui sont antagonistes.
Lorsqu'on apporte par exemple de l'eau pure sur un sol contenant de l'effluent il y a, à la fois, déplacement de l'effluent et mélange entre l'effluent et l'eau pure ; c'est le déplacement miscible. La connaissance de ce mécanisme est importante pour comprendre le fonctionnement du sol comme système épurateur.
2.3. - Rôle absorbant
Le sol absorbe les ions contenus dans les effluents. Les cations, potassium, sodium, sont absorbés par l'intermédiaire de la fraction colloïdale du sol (minéraux argileux, humus). Ces éléments ne sont pas fixés de façon permanente, mais peuvent être échangés contre d'autres ions ; par exemple le sodium fixé sur le sol peut être remplacé par du calcium présent dans la solution du sol, le sodium passant alors en solution. Sur 1 m de sol on peut absorber par exemple jusqu’à 70 tonnes à l’hectare de potassium.
Les anions, tels que le phosphore, sont également absorbés par le sol, mais suivant un mécanisme différent de celui des cations. Sur des sols ayant reçu un épandage, on a trouvé jusqu'à 10 tonnes de phosphore assimilable à l’hectare.
Dans la mesure où l’on arrive à contrôler ce pouvoir absorbant du sol, il est particulièrement intéressant, car il assure une épuration qui n'est en général pas effectuée par les stations classiques. On sait en effet que le phosphore et une grande partie de l’azote traversent les stations d'épuration, à moins qu’elles ne pratiquent l'épuration tertiaire, ce qui est fort rare et très onéreux.
2.4. - Aptitude à décomposer la matière organique
Elle provient de la présence dans le sol d'organismes vivants (microflore et faune).
Le sol contient un nombre élevé de germes (10^6 à 10^9 germes par g de sol), ce qui représente dans la couche arable 1 à 2 t/ha de matière sèche de corps microbiens. Cette quantité correspond à celle qui existe dans un bassin à boue activée de 200 à 400 m³, ces bassins étant ceux des stations d’épuration urbaines à fonctionnement intense.
La microflore du sol a une activité considérable : sa masse double en moyenne annuelle tous les trois jours et en une à deux heures au printemps et en été. Son activité persiste dans une large gamme de conditions (température, humidité, aération) et concerne tous les grands cycles : carbone, azote, phosphore, soufre. Quelquefois la microflore du sol est un maillon obligatoire de la dégradation de certains produits, ouverture des cycles benzéniques par exemple.
La microflore du sol intervient par les enzymes qu'elle libère sur l'épuration des eaux résiduaires ; mais l'action principale provient du métabolisme microbien lui-même. En effet, les produits carbonés sont à la fois source d’énergie pour les synthèses cellulaires, matériau pour la synthèse des corps microbiens et des matériaux de réserve contenus dans ces corps eux-mêmes.
Des évaluations très approximatives indiquent que potentiellement un hectare de sol peut métaboliser entre 20 et 800 kg de carbone par jour, soit approximativement de 40 à 1600 kg de DCO (*) par jour, selon la complexité des produits organiques à dégrader.
Pour ce qui est des déchets solides organiques, la microflore du sol et une partie de la faune assurent leur dégradation partielle et leur transformation en produits relativement stables qui constituent l'humus.
La microflore du sol est l’agent principal de la dégradation des pesticides. Cette dégradation se fait par cométabolisme, c'est-à-dire en présence d'éléments nutritifs faciles à utiliser par les micro-organismes.
Enfin, il est possible que la microflore du sol ait une action antagoniste sur les germes pathogènes.
2.5. - Exportation des déchets par les récoltes
Lorsqu’on cultive le sol fonctionnant comme système épurateur, on exporte sous forme de récoltes les éléments fertilisants apportés par les effluents ou les déchets solides qui, sans cela, pourraient être entraînés en profondeur. C'est notamment le cas de l'azote, du phosphore et de la potasse.
À titre d'exemple, on notera que les exportations par l'intermédiaire des récoltes varient
- • pour l'azote entre 100 et 500 kg/ha,
- • pour le phosphore entre 20 et 60 kg/ha (exprimé en P),
- • pour le potassium entre 100 et 200 kg/ha (exprimé en K).
La betterave exporte 60 kg de sodium par hectare.
On saisit ainsi tout l'intérêt que présente le maintien en culture des terrains utilisés pour l’épandage et la conservation de leur capacité de production.
3. - LES RECHERCHES SUR LE SOL, SYSTÈME ÉPURATEUR
3.1. - Nous venons de voir que le sol possède un ensemble de propriétés qui lui permet de jouer éventuellement un rôle épurateur pour les eaux résiduaires — ces propriétés étant souvent complémentaires.
Par exemple, l’exportation par les récoltes des nitrates résultant de l'épuration de l’effluent complète heureusement le pouvoir de dégradation de la matière organique, puisque l’entraînement de nitrates par l’eau traversant le profil est ainsi supprimé. Mais si l'on ne coordonne pas l'absorption par la plante et la fourniture de nitrates, ceux-ci peuvent être entraînés vers le bas et contribuer à l’eutrophisation des eaux de surface.
Le problème qui se pose est donc de faire jouer au sol un rôle épurateur intense en exportant sous forme de production végétale les éléments minéraux résultant de l'épuration des eaux ou de la digestion des déchets solides.
À cet effet, il est nécessaire de gérer convenablement le système complexe que constitue le sol, ce qui nécessite de comprendre les mécanismes principaux.
En ce qui concerne l'épuration des eaux usées par le sol, il faut disposer des résultats concernant la caractérisation du sol en tant que système épurateur, son efficacité, l'évolution dans le temps du pouvoir épurateur et sa restauration éventuelle, les limites d’utilisation du sol pour l'épuration. Enfin, l’utilisation agricole des sols ayant reçu un épandage demande certains aménagements concernant la succession des cultures, les techniques culturales, éventuellement le choix de nouvelles cultures. À cet égard, la prairie, qui peut recevoir un épandage toute l'année et produit de grandes quantités de matière sèche, est particulièrement intéressante.
Les contributions apportées par le département d'agronomie de l'I.N.R.A. sont de deux ordres.
Il y a d'abord les résultats disponibles qui proviennent d'études entreprises dans un but agronomique : structure du sol, pouvoir absorbant, échange entre ions, caractéristiques hydriques, bilan de l’eau.
Plus récemment, des recherches axées sur le pouvoir épurateur du sol ont été entreprises.
(*) DCO : demande chimique en oxygène
Il y a d'abord une étude réalisée à la demande du Groupement Technique de la Sucrerie sur l'épandage des eaux boueuses de sucrerie provenant du lavage des betteraves. Après avoir caractérisé les effluents du point de vue matière en suspension, pollution organique, composition ionique, des expérimentations ont été mises en place sur plusieurs usines pour étudier l'épandage sur billons.
À la demande de la Direction des Industries Agricoles et Alimentaires du Ministère de l'Agriculture, une étude de l’épandage des eaux résiduaires des industries est en cours. Fait en collaboration avec le C.E.R.A.F.E.R., ce travail qui a commencé fin 1971 devait durer jusqu’en 1975; il concerne trois stations agronomiques : Amiens, Dijon et Versailles.
Cette étude coordonnée est effectuée à trois niveaux d'analyse qui sont, en allant du plus global au plus délimité,
- — Une étude destinée d'une part, à préciser l'importance des problèmes d'épuration selon les industries (volume rejeté, composition des effluents), d’autre part à utiliser l'information disponible dans les épandages en fonctionnement, pour ce qui est de l'évolution des sols et des problèmes agronomiques posés par l'épandage. Cette étude concerne 30 usines : sucrerie, distillerie, féculerie, laiterie, conserverie de légumes, abattoir, fabrique de jus de fruit.
- — Une expérimentation au champ destinée essentiellement à préciser le pouvoir épurateur du sol en prélevant de l'eau ayant traversé le sol au moyen de dispositifs tels que drains, bougies poreuses et lysimètres. On étudie, en même temps, l'évolution des propriétés physiques, chimiques et biologiques du sol et les conséquences sur les plantes. Comme ces dispositifs expérimentaux sont complexes et demandent de nombreuses mesures, on s'est limité à trois industries (sucrerie, conserverie de légumes, laiterie).
- — Une étude en laboratoire de certains des mécanismes mis en jeu dans le fonctionnement même du sol comme système épurateur : déplacement miscible de solutions du sol de composition différente, paramètres de biodégradabilité des matières organiques dans le sol.
3.2. - L'étude du devenir des pesticides (herbicides, insecticides, fongicides, rodenticides) dans le sol est essentielle pour connaître, selon les cas, leur efficacité et leur rémanence, mais aussi leur entraînement éventuel dans les eaux.
Le problème est très vaste compte tenu du nombre de produits utilisés, du retrait de certains et de l'apparition de certains autres. Des études qui concernent les produits sont conduites dans trois stations d'agronomie et une station de malherbologie depuis le début 1972. Elles concernent la fixation de ces produits par le sol, leur migration et leur dégradation.
4. - CONCLUSION
La meilleure connaissance des mécanismes mis en jeu dans le fonctionnement du sol comme système épurateur devrait permettre, par une mise en œuvre convenable, d'utiliser le sol de façon efficace pour résoudre les problèmes d'eaux résiduaires et de déchets qui se posent dans certaines situations.
À court terme, on pourra améliorer considérablement l'efficacité des épandages actuels, proposer à bon escient selon les situations des procédés d’épuration efficaces et moyennement onéreux : épandage de station d'épuration, ou utilisation conjointe de la station et de l'épandage. Cette combinaison peut être particulièrement intéressante lorsque le volume d'effluents et sa charge polluante varient beaucoup dans le temps. La meilleure connaissance du pouvoir épurateur du sol pourra ainsi contribuer à fournir une solution à l'épuration des effluents des habitations isolées.
À plus long terme les connaissances acquises à l'issue de ces recherches seront fort utiles pour se débarrasser des boues de station d'épuration à forte charge, le problème des boues devenant de plus en plus aigu avec la multiplication des stations. L’épuration tertiaire des eaux sortant des stations classiques peut trouver également une solution dans l'épandage des terrains agricoles.
Pour ce qui est des pesticides, la connaissance de la dynamique de certains d'entre eux dans le sol fournira des éléments sur leurs dangers éventuels d'entraînement et les précautions à prendre pour leur emploi.
R. GRAS, G. CATROUX, Ph. GRAFFIN, A. MORISOT.
Traitement des eaux résiduaires de l’élevage et des industries agricoles et alimentaires
par J.-N. MORFAUX (*)
1. - INTRODUCTION
L'ensemble des industries agricoles et alimentaires doit éliminer une charge polluante représentant environ 20 % de la pollution générale de la France, la pollution d'origine urbaine s'élevant à 32 % et celle des autres industries à 48 %. La charge polluante due à l'agriculture, actuellement encore très dispersée, n'a pas été prise en compte dans ce bilan. Dans ces industries, la tendance à la concentration en unités de grandes dimensions accentue encore la gravité de leurs problèmes d'eaux résiduaires.
C'est dans cette perspective que se pose également le problème des effluents d'élevage. En effet, l'élevage français, avec plus de 20 millions de bovins et près de 15 millions de porcins, représente, potentiellement, une charge polluante équivalente, au moins, à la pollution d'une population de 200 millions d'habitants.
Actuellement, l'ensemble de ce cheptel est encore très disséminé, mais la France n'échappera pas à la tendance de concentration de l'élevage, avec une augmentation constante de la dimension des exploitations. Parallèlement, un déséquilibre s'installe entre unités de productions animales et unités de productions végétales, conduisant, dans le cas d'élevage à forte concentration, type élevage sans sol, à de graves problèmes d'évacuation des déjections.
Cela revêt une importance particulière pour l'élevage porcin, car on assiste à un développement des porcheries de taille moyenne qui ont des problèmes de pollution (pas de paille) et qui n'ont pas les moyens d'avoir les stations d’épuration nécessaires.
La pollution émise étant le résultat d'une activité de production ou de transformation plus ou moins complexe, il importe d'intervenir à plusieurs niveaux pour :
- — évaluer les charges polluantes des différentes industries agricoles et des élevages industriels ;
(*) Station de Technologie des Produits Végétaux - Dijon.