Les chiffres ne cessent de le démontrer : la production de boues augmente. Elle devrait atteindre cette année en France 1,2 million de tonnes de matière sèche (MS). Record difficile à gérer quand on sait que cela représente plus de 25 % d'augmentation en à peine cinq ans. Face à cette explosion, le séchage solaire des boues d'assainissement connaît aujourd'hui un franc succès grâce aux économies conséquentes sur les coûts d'exploitation qu'il génère. Performant, c'est un procédé qui a fait ses preuves dans les pays de l'Europe du Nord avant de se développer sous des climats plus favorables comme le nôtre.
Les boues sont la fâcheuse conséquence de nos efforts à protéger notre environnement. Mieux on épure, plus on produit des boues. L’accroissement constaté de cette production de boues est dû à la combinaison de trois facteurs essentiels :
- - Croissance démographique : augmentation du nombre de pollueurs
- - L’évolution des modes de vie : augmentation du flux polluant par habitant
- - Évolution de la législation (directive européenne de 1991 et loi sur l’eau de 1992) : augmentation du flux à traiter
Alors, qu’en faire ?
Les solutions d’exutoire, bien que multiples (CET, compostage, valorisation agricole, ou thermique en incinération, co-incinération avec les ordures ménagères) sont onéreuses. L’enjeu est donc de doter les stations d’épuration de process de réduction des boues in situ afin de réduire les coûts du traitement final et les coûts de transports de ces boues.
À l’aide des méthodes mécaniques classiques de déshydratation (filtre bandes, centrifugeuse, filtre presse) les boues extraites à 8 g/l en fond de clarificateur peuvent être concentrées à des siccités voisines de 20 %.
Restent alors encore 80 % d’eau dans ces boues… de l’eau qui pèse lourd sur la facture finale.
Comme l’illustre le graphe 1, le séchage permet d’évaporer cette eau et ainsi réduire d’un facteur 3 à 5 le coût de l’évacuation des boues.
Comment sécher ?
Le séchage thermique intensif par sécheur industriel possède une grande capacité de traitement mais s’accompagne pour cela de dépenses importantes d’énergie, et d’une haute technicité. De par les coûts d’investissement et les contraintes d’exploitation qu’il suppose, le séchage thermique reste adapté aux gisements de boues importants (de plusieurs milliers de tonnes par an).
La majorité des stations se situe sur des
tailles inférieures au seuil de rentabilité de tels sécheurs. Dès lors qu'il s'agit de petites et moyennes stations, le séchage solaire, par son fonctionnement extensif, permet d'apporter une réponse.
Avant tout, le séchage solaire est donc développé sur l'utilisation d'énergies renouvelables, sources de faibles coûts d'exploitation. L'énergie nécessaire à l'évaporation de l'eau est fournie par l'optimisation des conditions climatiques, notamment du rayonnement solaire.
Par ailleurs, conçu pour fonctionner de manière entièrement autonome (alimentation en boues, gestion de la ventilation, répartition dans la serre et brassage quotidien des boues), l'Héliocycle® ne nécessite aucune intervention de personnel. Cette simplicité de gestion est un avantage indéniable.
Autre atout du séchage solaire : sa grande flexibilité. Tout comme la filière eau anticipe la croissance démographique de la commune dans les années à venir, la filière boues doit anticiper les éventuels changements d'exutoire. Le choix d'un séchage solaire permet de s'adapter aux différentes filières d'évacuation possibles in fine :
- - La siccité obtenue étant largement supérieure aux 30 % minimum requis, la mise en décharge est rendue possible.
- - La valorisation agricole concerne quant à elle plus de la moitié du volume des boues d'assainissement. Écologique et économique, cette destination finale doit néanmoins s'accorder avec deux points majeurs : la qualité de la boue à épandre et la période d'autorisation de l'épandage.
- - Les boues séchées, grâce à leur fort PCI (pouvoir calorifique inférieur), peuvent être utilisées comme combustible en valorisation thermique (incinération ou co-incinération).
Le procédé de séchage solaire fonctionnant sur un cycle annuel, il permet le stockage des boues pour une évacuation en période favorable.
Le séchage solaire : un process vraiment naturel ?
Héliocycle® a pour mission d'accélérer le processus naturel qui fait disparaître les flaques d'eau après un orage : c'est l'évaporation à température ambiante.
Zoom sur la boue
L'eau contenue dans la boue présente trois principaux états pour lesquels l'énergie nécessaire à son élimination est croissante :
- - L'eau libre : eau située entre les flocs. Cet état représente environ les 2/3 de l'eau présente dans les boues extraites. L'épaississement et la déshydratation suffisent à son élimination.
- - L'eau liée : eau absorbée chimiquement ou physiquement.
- - L'eau interne : eau intracellulaire. Représentant moins de 10 % de l'eau initiale, cette eau demande une énergie particulièrement importante pour être évacuée. Le séchage permet d'apporter l'énergie nécessaire à l'évacuation d'une grande partie de cette eau liée et interne.
Le séchage vient donc relayer les procédés de déshydratation. Les boues au cœur du système pouvant évoluer à des siccités entre 16 et 90 %, la théorie du séchage des produits pâteux s'applique.
Comme l'illustre le graphe 2, la cinétique théorique simplifiée du séchage d'une boue montre un optimal durant la phase de régime dit « superficiel ». Le process devra donc favoriser l'apparition de cette phase.
En effet, après une période de réchauffage de la boue à la température ambiante de la serre, le séchage s'effectue par évaporation de l'eau disponible en surface. Cette phase dure tant que la surface du matériau est alimentée par capillarité par l'eau présente au cœur. Le séchage correspond alors à l'évaporation d'un film d'eau en superficie. La cinétique dépend essentiellement des conditions aérauliques environnantes.
La phase de ralentissement commence quand le matériau en contact avec l'air atteint son seuil d'hygroscopicité. Le front de séchage qui se trouvait en surface se déplace alors vers l'intérieur de la boue. La migration de l'eau devient limitante, la cinétique de séchage chute.
La technologie doit permettre de s'affranchir de cette barrière
C'est pourquoi l'Héliocycle® est doté d'un puissant retourne, élément clé du procédé dont la mission est de maintenir la boue dans la phase d'évaporation optimale. Pour cela, l'outil casse la croûte qui se forme en surface (barrière à l'évaporation de l'eau au cœur) et renouvelle régulièrement (au moins une fois par jour) la surface de boue en contact avec l'air.
De plus, la vitesse de rotation du retourne et la forme de ses couteaux sont également étudiées pour obtenir une excellente texturation de la boue. Ainsi, l'augmentation de la surface d'échange compense la baisse de la cinétique : la vitesse de séchage reste optimale.
Zoom sur l'air
L'air est le vecteur d'évacuation de l'eau éva-
Son débit, sa température, son hygrométrie sont donc des paramètres cruciaux au séchage. L’art du séchage est de créer au sein d'un espace confiné un micro-climat favorable à une évaporation intensive.
La modélisation d’Héliocycle® s'appuie sur l'étude des processus physiques globaux applicable à notre planète : le rayonnement solaire, le vent, la formation des nuages, l'effet de serre…
La température moyenne de la Terre, et par analogie la température à l'intérieur de l'Héliocycle®, résulte d'un équilibre entre le flux de rayonnement qui lui parvient du soleil et le flux de rayonnement infrarouge renvoyé vers l'espace. Le rayonnement solaire incident possède une longueur d’onde capable de traverser l’atmosphère (la paroi translucide de la serre). L'absorption de ce rayonnement par le sol (la boue) ainsi que son passage dans l’atmosphère chargée de molécules de gaz (diffusion, absorption, diffraction) induit un changement de longueur d’onde (infrarouge) qui, lui, ne peut retraverser cette paroi. Le rayonnement est ainsi « piégé » ce qui provoque une augmentation de température. L’air entrant dans la serre est ainsi réchauffé. Cette élévation de température provoque un abaissement de son humidité relative (voir graphe 3). L’air possède ainsi une grande capacité d’absorption d’eau pour véhiculer l’eau évaporée. Le renouvellement d’air est piloté par automate afin de rester au-dessous du point de saturation et éviter l'effet brouillard.
L’équipe Recherche et Développement du groupe Saur a mis au point un modèle mathématique bâti sur la mise en équation des différents processus de transferts thermiques et massiques de ce séchage, illustré schématiquement sur la figure 1.
La confrontation du modèle aux résultats des essais pilote a abouti à une détermination empirique des coefficients de transferts (cf article L’Eau, L’Industrie, les Nuisances n° 267). En intégrant les données météorologiques propres au site d'implantation, l'Héliocycle® est ainsi doté d’un outil de dimensionnement performant adapté au climat local de la station.
Ça marche comment ?
Le séchage solaire repose sur la mise en contact, sous une serre, d’un air régulièrement renouvelé et d'une boue étalée sur une dalle béton et brassée mécaniquement (voir figure 2).
L’alimentation en boues s'effectue directement en sortie de l'atelier de déshydratation par pompe gayeuse. Les boues sont ainsi amenées sans intervention du personnel exploitant à une extrémité de la serre. L’outil de retournement est spécialement conçu pour répartir uniformément ces boues dans la serre. L'Héliocycle® est ainsi progressivement rempli par les boues produites quotidiennement, et ce, pendant un an.
Le séchage s'effectue en continu, la variabilité du climat jouant bien entendu sur les performances mensuelles de celui-ci. À la fin du cycle annuel de séchage, la siccité moyenne est garantie (70 ± 10 %).
La serre pourra alors être entièrement vidée de ses boues séchées. Cette opération nécessite l'intervention d'un engin de manutention avec godet afin de charger les camions-bennes de l'évacuation.
La clé de l'efficacité d'Héliocycle® réside dans l’association d’éléments technologiques performants. Concernant le retournement, Stereau a souhaité développer avec ses partenaires un outil puissant et robuste, capable de retourner énergiquement des boues dont les propriétés rhéologiques varient au cours du séchage. Le challenge technologique est relevé : Héliocycle® permet de répartir les boues déshydratées et brasser ces boues de 20 % à 80 % de siccité sur une hauteur de 70 cm. Cette excellente performance permet une emprise au sol intéressante.
Comme l'illustrent le groupe de photos 1 d'une de nos réalisations, la conception a également été étudiée pour en faciliter l'exploitation. Aussi, l'aménagement d’un couloir de circulation de part et d'autre du lit de boues rend l’outil accessible quelle que soit sa position dans la serre.
Quant à la ventilation, elle est également cruciale pour la maîtrise des performances de séchage. Le système de contrôle mis au point repose sur l’asservissement du renouvellement de l’air de la serre, à la mesure en continu des différences de températures et d'humidité absolue entre l'intérieur et l'extérieur.
Schématiquement, dès que l’automate détecte que la capacité évaporatoire de l’air à l’extérieur de la serre est supérieure à celle relevée à l’intérieur, le renouvellement de l’atmosphère est déclenché. Ainsi, l’intensité du séchage est optimisée tout au long de l’année.
Une ventilation de destratification est par ailleurs indispensable. Sa fonction est de s’opposer à la montée naturelle de l’air chaud et sec vers le haut de la serre, ce qui pénaliserait l’évaporation. Fixés sous le toit de la serre, les ventilateurs de destratification brassent ainsi l’air du haut vers le bas.
Autre élément déterminant, la structure de la serre est particulièrement soignée. Le matériau de la couverture est choisi pour sa capacité d’isolation thermique, sa résistance aux intempéries et ses qualités de transmissivité du rayonnement incident. Exposé par définition au soleil, ce matériau ne doit pas voir ses caractéristiques décroître avec le temps (le jaunissement d’une bâche plastique serait l’origine de baisse de performances de séchage).
Grâce à la mise en œuvre de ces éléments, le produit final obtenu est une boue sèche, sous forme de granulats (voir photo 3) facilement manipulable.
Pour aller encore plus loin
À la croisée du séchage solaire et du sécheur thermique, le groupe SAUR a souhaité élargir la palette des procédés offerts à ses clients pour sécher leurs boues. HélioPlus™ naît du fruit de cette réflexion : comment faire du séchage solaire quand on n’a pas de place ?
Travailler avec une surface au sol moindre a deux conséquences majeures :
- réduction de l’énergie solaire reçue ;
- réduction de la capacité de stockage.
Le cycle de fonctionnement est alors de quelques mois. L’alimentation en boues est identique au procédé Héliocycle® ; elle s’effectue à une extrémité de la serre, en continu par pompage en aval de l’atelier de déshydratation. L’outil de retournement a alors pour mission de faire progresser les boues le long de la serre. La longueur de celle-ci est dimensionnée pour obtenir des boues sèches à l’extrémité opposée.
La réduction du temps du cycle de fonctionnement d’un an à quelques mois pose le problème du climat. Avec Héliocycle®, sur un cycle annuel, la baisse des performances hivernales est compensée par l’efficacité estivale. Sur un cycle de quelques mois, cet équilibre naturel n’est plus possible. Il faut donc booster le séchage en hiver. HélioPlus™ utilise pour cela une énergie toujours présente sur une station d’épuration, quelle que soit la saison : les calories contenues dans l’eau traitée.
Son origine et la filière de traitement que l’eau usée subit sur la station en font une eau « chaude » dont la température ne descend pas en dessous de 8-10 °C en général. C’est donc cette énergie qu’HélioPlus™ récupère grâce à une pompe à chaleur afin de chauffer les boues et l’air qui circule sous la serre. HélioPlus™ assure également un traitement de l’air sortant de la serre de manière à récupérer les calories gagnées et les réinjecter dans le process. Au cœur du développement durable, HélioPlus™, procédé breveté, permet à une commune de 10 000 EH de sécher ses boues avec à peine 35 m² de serre.
Conclusion
Le séchage solaire des boues d’assainissement connaît aujourd’hui un franc succès grâce aux économies conséquentes sur les coûts d’exploitation qu’il génère. Performant, c’est un procédé fiable qui a fait ses preuves paradoxalement dans les pays de l’Europe du Nord avant de se développer sous des climats plus favorables comme le nôtre.