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Le rôle des bourses de déchets dans la valorisation des déchets Industriels : l'exemple de l'Ile-de-France

28 decembre 1983 Paru dans le N°79 à la page 54 ( mots)
Rédigé par : Michel GOLINELLI

Après des débuts en Autriche, la Chambre de Commerce de Hambourg a créé une Bourse des déchets en 1973. Dès le milieu de 1974, les 73 Chambres de Commerce allemandes se sont unies pour fonder une Bourse de résidus nationale dont les Chambres locales constituent autant d’antennes sur le plan régional.

En France, la première Bourse de déchets a été créée en juillet 1976 par la Chambre régionale de Commerce et d’Industrie Champagne-Ardennes. Cette première expérience a servi d’exemple aux autres réalisations et notamment à la Bourse de déchets industriels d’Île-de-France mise en place en 1978.

Le rôle de la Bourse des déchets

Les industriels ont depuis plusieurs années ressenti le besoin de mieux connaître les problèmes de déchets qu’ils rencontrent.

À côté des interlocuteurs administratifs (Agence de bassin, Service de l’industrie, Agence nationale pour la récupération et l'élimination des déchets – ANRED) intervenant sur un aspect réglementaire ou spécifique, le renforcement des services offerts par les Chambres de Commerce et d'Industrie s’imposait donc.

En liaison et en collaboration avec les services administratifs existants, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris et la Chambre régionale de Commerce et d’Industrie d’Île-de-France ont formalisé l’assistance qu’elles offraient aux chefs d'entreprise par la création de la Bourse de déchets industriels d’Île-de-France.

L’originalité de cette expérience consistait à renforcer les services par une action de sensibilisation en faveur de la protection de l'environnement et de la valorisation des résidus non recyclés.

L'un des dangers de cette recherche est l'apparition dans les colonnes des bourses de résidus pour lesquels des circuits de recyclage existent déjà. Il appartient au responsable de la bourse d’orienter ces déchets vers les récupérateurs spécialisés, notamment dans le cas des déchets assimilables à des matières premières. En outre, les récupérateurs professionnels doivent être des utilisateurs à part entière de la bourse à laquelle ils peuvent transmettre des demandes de résidus, mais également demander le décodage d'offres provenant d’entreprises industrielles.

Le fonctionnement de la bourse des déchets

Afin de permettre la collecte des annonces, des fiches standardisées permettent aux utilisateurs de la bourse de lui faire connaître les caractéristiques précises des résidus disponibles ou recherchés.

La mise en rapport des producteurs et des réutilisateurs potentiels de déchets s’effectue par l'intermédiaire d’un « bulletin » dont la périodicité dépend du niveau de l'offre et de la demande.

La codification des annonces oblige les entreprises intéressées à s’adresser aux services de la bourse pour obtenir la référence de l’annonceur. Ce n'est qu’à ce prix que le service pourra se constituer un fichier des entreprises produisant certains types de déchets et des industriels ou récupérateurs susceptibles de les réutiliser.

Par ailleurs, le rôle d'une bourse de déchets étant également d’offrir un service d’assistance technique aux industriels, des articles techniques sont publiés dans les bulletins de bourses de déchets, leur faisant ainsi perdre leur caractère de feuilles de petites annonces en sensibilisant les lecteurs à des problèmes spécifiques.

La diffusion du bulletin et son utilisation par les entreprises

Le bulletin est diffusé à environ 7 500 entreprises d'Île-de-France sélectionnées en fonction de leurs activités. Bien entendu, il est également disponible gratuitement dans les différentes administrations concernées par les problèmes d’environnement ainsi que dans les services des Chambres de Commerce et d'Industrie.

Sur les cinq premières années d’activité de la Bourse des Déchets Industriels, un premier bilan a pu être établi (voir Annexe) :

  • 4 205 décodages ont porté sur 706 annonces (4,8 décodages par annonce),
  • 203 offres sur 538 ont reçu une solution, soit un pourcentage de 37 %.

Le nombre total des entreprises ayant utilisé le bulletin constitue une donnée importante permettant de situer l’audience du service.

Ainsi :

  • 820 entreprises ont décodé une ou plusieurs annonces (5,1 annonces par entreprise en moyenne),
  • 367 entreprises ont publié au moins une annonce,
  • 174 entreprises ont utilisé le service à la fois pour décoder et pour annoncer.

Au total, 1 013 entreprises (soit environ 15 % des firmes destinataires du bulletin) ont jugé bon de faire appel à la bourse afin de résoudre leurs problèmes de déchets par l’intermédiaire du système d’annonces. À ce chiffre s'ajoute un millier d’entreprises qui ont utilisé les services de la bourse pour des demandes de renseignements.

Les résultats de la Bourse des Déchets Industriels

Le principal résultat n’est guère quantifiable : le fonctionnement de la Bourse des Déchets Industriels aura permis de diffuser un certain nombre d'informations dans les entreprises. Même si l'action n’est parfois rentable qu’à moyen ou long terme, celle-ci permet de faire progresser les quantités de déchets recyclés.

Il est bien évident que le taux global de 37 % de solutions pour les offres de déchets publiées n’est qu’une moyenne recouvrant des réalités très variables d'un type de résidus à l'autre. De surcroît, ce taux tend à se stabiliser dans la mesure où les solutions déjà utilisées sont parfois transportables à un autre cas sans qu'une publication d’annonce soit nécessaire. Il est même probable que ce chiffre se réduise au cours des prochaines années, les offres de déchets se rapportant de plus en plus à des produits très difficiles à utiliser.

Trois groupes de produits sont à distinguer :

  • les papiers-cartons, les polymères et le bois dont les échanges sont relativement aisés (45 à 50 % de succès). Ces résultats sont remarquables, car ils ne portent que sur des déchets non directement achetables par les professionnels de la récupération,
  • les minéraux et les métaux qui sont moins faciles à valoriser (30 à 35 % d’annonces solutionnées),
  • les résidus chimiques (25 à 30 %) dont les échanges sont les plus problématiques. Ces résidus sont difficiles à réemployer et nécessitent généralement une composition fixe, sans mélange, une concentration suffisante, l'absence d’impuretés et de toxiques et des quantités suffisamment importantes justifiant la modification d'un paramètre de production en vue de leur éventuelle réutilisation.

D'une façon générale, l'analyse des circuits de recyclage de déchets industriels suscite trois réflexions :

  • la solution se situe presque toujours dans une autre activité et même assez souvent dans l’agriculture. À cet égard, la diffusion d’une sélection des annonces de la Bourse des Déchets Industriels d’Île-de-France par l’intermédiaire des Chambres d'Agriculture a permis de valoriser bon nombre de résidus,

— les réutilisations en l’état de façon directe pour les emballages (caisses, palettes, sacs, fûts,…) ou de façon indirecte pour les produits combustibles (sciures, copeaux, palettes non réutilisables, papiers-cartons,…) sont fréquentes. Dans certains cas, plus limités, de telles solutions peuvent s’appliquer également aux produits chimiques,

— une légère modification des procédés de fabrication de l’entreprise productrice du déchet favorise parfois sa réutilisation par une autre.

La Bourse des Déchets Industriels d’Île-de-France a été créée pour une durée limitée (jusqu’à ce que son utilité n’apparaisse plus aux yeux de tous). Après quatre années de fonctionnement, on constate un intérêt certain des usagers pour le service offert et un taux appréciable de résultats.

L’expérience montre, en particulier :

— que de nouveaux déchets peuvent être générés (autre production ou fin de production, nouvelle manière d’aborder la question des déchets…) par une entreprise ayant résolu en son temps ce problème,

— que d’autres entreprises abordent seulement maintenant l’étude de solutions et cela pour de multiples raisons (sensibilisation, nouvelles fabrications).

Les méthodes de travail des Bourses de Déchets Industriels devraient donc évoluer afin d’obtenir une meilleure valorisation des résidus, au besoin en proposant pour ceux-ci des transports qui, si leur valeur n’est pas trop faible, peuvent s’avérer rentables pour les entreprises. En effet, l’expérience des bourses de déchets permet de mettre en place progressivement des « filières de récupération » ébauchant l’idée du recyclage possible d’un produit déterminé. À terme, cette meilleure connaissance des possibilités de valorisation des résidus devrait favoriser certaines réutilisations rapides de déchets sans qu’il soit nécessaire de publier des annonces. Néanmoins, ce processus ne saurait s’appliquer à tous les cas dans la mesure où certains posent des problèmes insolubles au plan local et nécessitent la recherche d’une solution dans un cadre plus large que celui de la Région. La collaboration qui s’est instaurée entre les différentes bourses existantes constitue, dans cet esprit, un axe de recherches prometteur.

ANNEXE

QUELQUES EXEMPLES DE VALORISATION OBTENUS PAR L’ACTION DE LA BOURSE DE DÉCHETS DE L’ÎLE-DE-FRANCE

RÉSIDUS

Bois

  • — Caisses, palettes
  • — Sciures, copeaux, déchets

Papiers-Cartons

  • — Caisses
  • — Sacs à ciment

Minéraux – Résidus internes

  • — Déchets béton, mâchefer
  • — Déchets craies, calcaires
  • — Charbon de bois (résidus)
  • — Calamine
  • — Alumine

Résidus organiques

  • — Déchets pommes de terre, coques de cacao
  • — Déchets de plume – Produits carnés

Polymères

  • — Sacs, fûts
  • — Peintures déclassées
  • — Films et pellicules (diacétate de cellulose)
  • — Déchets de polystyrène expansé
  • — Déchets de polystyrène à bulles

Métaux

  • — Fûts, containers
  • — Déchets divers

Produits chimiques

  • — Sulfate ferreux (issu du traitement de surface à l’acide sulfurique après sulfatation de l’acide contenant le fer)
  • — Chlorure de magnésium (issu du traitement du zirconium)
  • — Lignosulfite de sodium (déchet de papeterie par exemple)
  • — Phosphate de soude (déchet de l’industrie plastique)
  • — Eau de chaux et chaux pâteuse (fabrication de l’acétylène)
  • — Bains acides de traitement de surface

UTILISATION

Réutilisation en l’état. Combustion – Fabrication d’agglomérés – Litière de bétail ou volailles.

Fabrication du ciment (combustible).

Remblaiement (agriculture, travaux publics).

Fabrication du ciment.

Céramique (obtention de la porosité voulue) – Pressage pour briquettes.

Traitement de surface d’aciers – Utilisation du pouvoir réducteur pour soudage d’aluminium – Fabrication du ciment (1 % en poids du clinker).

Incorporation dans réfractaire – Fabrication du ciment (3 % en poids du clinker).

Alimentation animale.

Industrie des engrais – Séparation des acides aminés.

Réutilisation en l’état. Entreprises ou agriculteurs.

Industrie du vernis. Sol de manège pour chevaux.

Calages.

Réutilisation en l’état. Régénération.

Réductions d’effluents (notamment chromés) – Antimousses. Industrie des engrais – Séparation des acides aminés.

Liant pour engrais – Étanchéification de surfaces de sols.

Industrie des détergents.

Tampon (maintien du pH) dans la fabrication d’autres produits chimiques.

Neutralisation des effluents carbonatés à la station d’épuration d’une sucrerie.

NB : Ces exemples, cités à titre indicatif, sont rarement transposables de façon directe compte tenu des différences de structure des produits et des risques que peut comporter leur réutilisation, ce qui est notamment sensible pour les produits chimiques.

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