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Le rôle des bactéries sulfato réductrices et des bactéries du fer dans la corrosion et le colmatage des canalisations

30 avril 1984 Paru dans le N°82 à la page 46 ( mots)
Rédigé par : J. RIVIÈRE et P. KAISER

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J. RIVIÈREI.N.A. Paris-Grignon

P. KAISERInstitut Pasteur de Paris

LES BACTÉRIES SULFATO-RÉDUCTRICES

Elles ont fait l’objet de nombreuses études résumées ces dernières années (Postgate, 1979 ; Pfennig et al., 1981).

Ce sont des bactéries très ubiquistes que l’on retrouve partout dans les eaux, les vases et les sols, biotopes qui contiennent presque toujours des sulfates comme accepteurs terminaux d’électrons, ce qui constitue, en dehors de la phosphorylation du substrat dans certains cas, leur seule façon d’obtenir de l’énergie sous forme d’ATP lors du transport de ces électrons. Cependant, les sulfates ne peuvent accepter les électrons qu’après avoir été activés au cours d’un processus nécessitant de l’ATP. L’ensemble du métabolisme est représenté dans la figure 1.

Ce sont des bactéries anaérobies strictes qui ne peuvent se développer qu’en l’absence d’oxygène et sous un faible potentiel d’oxydo-réduction, inférieur à ‑100 mV. Elles peuvent utiliser, outre les sulfates, les sulfites, les thiosulfates, les tri- et tétrathionates, et même, pour certaines, du soufre élémentaire.

Les sources de carbone et d’électrons varient suivant les espèces et sont citées dans le tableau 1. Certaines espèces peuvent aussi croître comme des chimiolithotrophes facultatifs utilisant les électrons de l’hydrogène moléculaire pour réduire les sulfates, le carbone cellulaire provenant du gaz carbonique (30 %) et de l’acétate (70 %) ; d’autres utilisent occasionnellement le glucose et les citrates.

Des souches appartenant à différentes espèces peuvent fixer l’azote gazeux, mais toutes assimilent les sels ammoniacaux comme source d’azote. Ce sont habituellement des prototrophes, mais l’extrait de levure stimule leur croissance. Il existe des souches psychrophiles, mésophiles, thermophiles et halophiles. De l’ensemble de ces propriétés, on en déduit la composition des milieux de culture liquides ou gélosés, qui doivent contenir des sels minéraux, des agents réducteurs (acide ascorbique, thioglycolate), et un révélateur de croissance : le sulfate ferreux responsable du noircissement du milieu par le sulfure de fer produit.

[Photo : Métabolisme des bactéries sulfato-réductrices (Désulfovibrio désulfuricans).]

La source d’électrons est habituellement apportée sous forme d’acide lactique (tableau 1) lorsqu’on recherche les deux principaux genres anciennement décrits, Desulfovibrio et Desulfotomaculum, qui se différencient par la présence de spores caractérisant le second. Les nouvelles espèces sont classées dans d’autres genres (Desulfobulbus, Desulfobacter, Desulfococcus, Desulfomonas, Desulfosarcina, Desulfonema, Thermodesulfotobacterium), qui se différencient par la forme et la dimension des cellules, les substrats utilisés, le stade d’oxydation terminal du substrat source d’électrons (tableau 1).

La propriété commune de toutes les espèces décrites est de réduire les sulfates en sulfures par une réaction dissimilatrice.

TABLEAU I
Sources de carbone et d’électrons utilisables par les bactéries sulfato-réductrices
Utilisables par la plupart des souches anciennement décrites
– acide formique
– acide pyruvique
– acide fumarique
– acide malique
– acide lactique
– glycérol
– éthanol
– propanol
– butanol
Utilisables par les nouvelles souches
Groupe 1
– alcool formiatique
– acide propionique
– acide lactique
– acide succinique
– acide fumarique
– acide pyruvique
(oxydation incomplète en acides gras)
Groupe 2
– acides gras à nombre pair de carbone (acide palmitique)
– acide benzoïque
– acide acétique
– méthanol
– éthanol
– propanol
(oxydation complète au stade α-cétone ou α-acide)

LES BACTÉRIES DU FER

Dans la nature, le fer se trouve soit sous forme organique complexée, soit sous forme minérale oxydée (insoluble) ou réduite (soluble). Le fer peut passer d’une forme à l’autre sous l’influence de facteurs physicochimiques et de facteurs biologiques (micro-organismes).

Complexation du fer

Les microbes du sol et des eaux complexent le fer minéral, grâce à la production d’agents complexants comme les acides organiques et le gaz carbonique. Le fer ainsi complexé est solubilisé, devient donc mobile et migre dans les profils du sol.

Minéralisation du fer complexé

De très nombreux microbes chimio-organotrophes minéralisent les complexes organiques du fer en utilisant la partie organique comme source de carbone ou d’azote, et en libérant le fer minéral qui précipite alors. Cette activité minéralisatrice est d’autant plus accentuée que l’activité microbiologique globale du milieu naturel est élevée.

Réduction du fer ferrique minéral

On a décrit la réduction biologique du fer ferrique par de nombreuses bactéries chimio-organotrophes banales. Cette réduction nécessite de l’énergie et est liée à l’oxydation (déshydrogénation) de substrats organiques. Elle n’a lieu qu’en anaérobiose, et le fer ferrique sert alors d’accepteur d’électrons. Des bactéries anaérobies facultatives, cultivées en anaérobiose, se développent cinq fois plus en présence d’hydroxyde ferrique. Dans le sol, la réduction du fer ferrique est fonction de la consommation des glucides et des acides organiques. Dès que les sols sont soumis à une hydromorphie suffisamment anaérobie, la réduction du fer ferrique apparaît (inondation d’une rizière, par exemple). Il s’agit d’une réduction biologique directe étroitement liée au métabolisme des micro-organismes.

Oxydation biologique du fer ferreux minéral

De nombreuses bactéries sont impliquées dans cette oxydation. Elles ont une morphologie et une physiologie très variées ; aussi les classe-t-on dans quatre groupes très différents : les bactéries glissantes, les bactéries engainées, les bactéries bourgeonnantes ou pédonculées, et les bactéries chimiolithotrophes gram-négatives. Beaucoup d’entre elles sont mal connues car jamais obtenues en culture pure au laboratoire.

Avant de décrire ces bactéries oxydantes, considérons la stabilité du fer ferreux en solution : celui-ci est stable au-dessous de pH 5 à 6 en présence d’oxygène. Au-dessus de pH 5 à 6, le fer ferreux s’oxyde spontanément en fer ferrique en présence d’oxygène, et cela d’autant plus vite que le pH est élevé. Mais, dans une solution de pH neutre, riche en gaz carbonique et pauvre en oxygène, le fer ferreux reste stable sous forme d’hydrocarbonate ferreux. C’est le cas dans de nombreuses sources ferrugineuses où des bactéries à pH neutre oxydent le fer réduit au cours de leur croissance.

Bactéries glissantes : genre Toxothrix

Ces bactéries n’ont pas été obtenues en culture pure. Il s’agit de cellules cylindriques filamenteuses souvent en forme de U, glissant avec un mouvement lent sur un mucus qu’elles excrètent. De l’oxyde de fer peut se déposer sur le mucus et le colorer en brun-rouge. Elles sont largement distribuées dans les eaux ferrugineuses, plutôt froides et peu oxygénées ; le fer ne semble pas indispensable à leur croissance.

Bactéries engainées :

– genre Leptothrix

Ces bactéries se développent massivement dans des eaux non polluées, avec un faible courant. On les trouve parfois à l’interface des eaux oxygénées et non oxygénées des lacs ; elles forment des dépôts importants de substances mucilagineuses, imprégnées d’hydroxyde ferrique. Les eaux où elles se développent ont un pH neutre ou voisin de la neutralité, elles sont riches en gaz carbonique et contiennent relativement peu d’oxygène et de fer (environ 2 mg Fe(II)/litre) ; on n’observe pas de croissance au-dessus de 12 mg Fe(II)/litre.

Les prélèvements naturels examinés sous le microscope montrent des gaines vides rigides à parois brunes.

Des bactéries du genre Leptothrix ont été obtenues au laboratoire en culture pure. Ce sont des bâtonnets en chaînettes qui s’entourent d’une gaine mucilagineuse imprégnée d’hydroxyde ferrique. Les bâtonnets quittent la gaine en glissant et forment aussitôt une nouvelle gaine ou nagent librement grâce à un ou plusieurs cils polaires ou parapolaires. Suivant la taille et la disposition des cellules, la largeur de la gaine, on a pu en identifier cinq espèces différentes. Leptothrix cholodnii est la seule espèce pouvant vivre aussi dans les eaux polluées. Leur métabolisme n’est pas encore complètement éclairci ; certaines ont besoin absolument de fer pour leur croissance tout en nécessitant en plus de petites quantités de carbone organique (glucose, asparagine) ; pour d’autres, le fer ne semble pas indispensable à la croissance, ces bactéries utilisant de nombreux oses et acides organiques comme source de carbone ; comme source d’azote, elles utilisent des acides aminés. Des auteurs prouvent toutefois que les gaines sont étroitement associées à la précipitation du fer et à l’oxydation du manganèse.

— genre Crenothrix

Les cellules bactériennes en forme de disque ou cylindriques sont disposées en longs chapelets (trichome) et entourées d’une gaine incrustée d’oxyde de fer ou de manganèse à la base. Ces trichomes peuvent atteindre 1 cm de long et sont fixés sur un support ; la base du trichome mesure 1,5 à 25 microns de diamètre et l’extrémité renflée 6 à 29 microns. Ces bactéries sont largement répandues dans les conduites d’eau, les drains, les puits où l’eau contient du fer ; dans ces conditions, elles obstruent rapidement les canalisations. On ne les a jamais obtenues en culture pure au laboratoire.

Bactéries pédonculées

— genre Gallionella

Ce sont des bactéries aquatiques qui se développent dans des conditions identiques à celles des Leptothrix et forment des biomasses ocracées mucilagineuses dans les eaux. Elles se multiplient souvent dans les eaux froides, mais on les retrouve aussi dans des sources thermales à 48 °C. Il existe des formes marines.

L’examen microscopique des prélèvements naturels montre des filaments spiralés, enroulés en double hélice, de couleur ocre ; ce sont les pédoncules composés de fines fibrilles imprégnées d’hydroxyde ferrique. On aperçoit rarement les cellules qui sont cylindriques et incurvées, placées à l’extrémité des pédoncules. Des cultures pures ont été obtenues dans un milieu minéral liquide contenant du sulfure de fer. La teneur en oxygène est le facteur déterminant pour leur croissance qui est stimulée par de faibles concentrations d’oxygène (0,1 à 0,2 mg d’O₂/l), mais inhibée par des teneurs plus élevées (au-dessus de 2,75 mg O₂/l).

Dans la nature, les bactéries du genre Gallionella vivent souvent associées avec des bactéries du genre Pseudomonas qui utilisent l’oxygène en excédent pour les premières. En milieu liquide, ces bactéries se développent sous forme de microcolonies jaunâtres qui incorporent le gaz carbonique. L’utilisation du gaz carbonique comme source de carbone et la croissance dans un milieu minéral à base de fer réduit prouvent la nature chimiolithotrophe de ces micro-organismes. Les bactéries du genre Gallionella produisent souvent des nuisances : obturation des drains et des puits, corrosion des canalisations en fer.

— genre Pedomicrobium

Ce sont des bactéries du sol ; les cellules rondes, ovales ou en bâtonnets portent des filaments (hyphes) ; cellules et filaments s’imprègnent d’hydroxyde ferrique ou d’oxyde de manganèse. Il s’agit de bactéries chimio-organotrophes dont on a obtenu des cultures pures.

Bactéries chimiolithotrophes gram négatives

— Thiobacillus ferro-oxidans

Ce sont des bactéries des roches, du sol et des eaux acides, qui se présentent sous forme de petits bâtonnets isolés ou par deux, mobiles par cils polaires, gram négatifs. On les obtient en cultures pures. Ce sont des bactéries aérobies, mésophiles, chimiolithotrophes qui peuvent croître dans un milieu minéral contenant du gaz carbonique comme seule source de carbone. L’énergie pour la réduction du gaz carbonique provient de l’oxydation du soufre ou du fer réduit. Le milieu doit être acide (pH compris entre 2 et 5). Ces bactéries ont aussi la propriété d’oxyder les sulfures métalliques insolubles tels que pyrite, chalcopyrite, etc., qui sont solubilisés en sulfates métalliques. On utilise donc ces bactéries pour récupérer des minerais à faible teneur métallique. Dans les mines riches en pyrite, elles produisent du sulfate ferrique et de l’acide sulfurique. Ce dernier entraîne une corrosion du matériel de la mine et une pollution des fleuves.

On a découvert d’autres bactéries très différentes qui ont les mêmes propriétés et que l’on a classées dans une autre famille.

— famille des Siderocapsaceae

Cette famille a été placée dans le groupe des chimiolithotrophes gram négatifs mais en fait il s’agit plutôt de bactéries chimio-organotrophes dont seules quelques espèces ont été obtenues en cultures pures au laboratoire. Les cellules sont entourées d’une capsule imprégnée d’hydroxyde ferrique ou d’oxyde de manganèse. On les trouve dans toutes les eaux de pH neutre contenant du fer ou du manganèse et de la matière organique. Quelques espèces habitent le sol. Elles peuvent être fixées sur des plantes aquatiques ou libres dans les films d’oxyde de fer à la surface des eaux.

dans les puits et les drains, dans l’hypolimnion des lacs. Elles forment, comme les Leptothrix et les Gallionella, des dépôts massifs d’hydroxyde ferrique. Certaines espèces sont aérobies, d’autres micro-aérophiles ou anaérobies. Plusieurs genres et espèces ont été décrits :

  • — siderocapsa

    Des cellules sphériques ou ovoïdes se groupent et s’enveloppent d’une capsule commune très épaisse incrustée d’hydroxyde ferrique. Plusieurs espèces ont été décrites suivant leur morphologie et l’arrangement des cellules à l’intérieur de la capsule. Les micro-colonies peuvent s’agréger entre elles et former des masses zoogléiques importantes.

  • - naumaniella

    Bâtonnets individuels encapsulés avec une fine capsule ferrugineuse bien délimitée, isolés ou en chaînettes. Six espèces ont été décrites, elles se distinguent par leur aspect morphologique. Certaines espèces se multiplient dans les mêmes eaux que les Leptothrix et les Gallionella. Une espèce croît dans les sols riches en manganèse. On a réussi la culture pure de quelques espèces dans des milieux à base de citrate de fer ferreux ou de carbonate de manganèse.

  • - ochrobium

    Cellules ellipsoïdes ou en bâtonnets entourées partiellement d’une capsule mince ferrugineuse, se multiplie dans l’hypolimnion des lacs eutrophes en conditions anaérobies (Jones 1981). Non obtenu en culture pure.

  • - siderococcus

    Cellules sphériques isolées ou groupées, sans capsule, avec des appendices filamenteux. Les vieilles colonies s’imprègnent parfois d’hydroxyde ferrique. Répandu dans les eaux et les vases de pH neutre et peu oxygénées.

  • - siderocystis

    Vit en micro-colonies brun-ocre sur certaines algues et dans les mares contenant du fer. Cellules rondes ou en bâtonnets.

Identification et culture de bactéries oxydant le fer

L’identification repose sur des examens microscopiques, car toutes ces bactéries ont une morphologie très spécifique. L’observation microscopique d’un échantillon naturel permet déjà leur identification. On peut aussi les compter sous le microscope pour avoir une idée de leur nombre dans l’échantillon d’eau (Jones, 1981). Les méthodes de culture requièrent des milieux adaptés à chaque genre ou à chaque espèce (Chantereau, 1980).

LA CORROSION

Elle peut être définie simplement comme l’attaque destructrice d’un métal par suite d’une réaction chimique ou électrochimique avec le milieu. Il y a création d’une pile entre des zones anodiques et des zones cathodiques, avec passage d’un courant électrique. En l’absence de micro-organismes, l’hydrogène cathodique reste à la surface de la cathode, tandis que le fer ferreux à l’anode s’oxyde en formant une légère couche de rouille. Les deux électrodes sont alors polarisées et la réaction est stoppée. Les réactions évoquées peuvent être schématisées ainsi :

Dissolution électrolytique de l’eau :

8 H₂O → 8 H⁺ + 8 OH⁻ (1)

Anode

4 Fe → 4 Fe²⁺ + 8 e⁻ (2)
4 Fe²⁺ + 8 OH⁻ → 4 Fe(OH)₂ (3)
4 Fe(OH)₂ + O₂ + 2 H₂O → 4 Fe(OH)₃ (4)

Cathode

8 H⁺ + 8 e⁻ → 8 H (5)

Le rôle des micro-organismes est d’accélérer les processus électrochimiques de la corrosion. Ils peuvent dépolariser les électrodes à l’anode dans le cas des bactéries du fer, ou à la cathode dans le cas des bactéries sulfato-réductrices (Rivière, 1981).

Cette hypothèse a été vérifiée expérimentalement.

[Photo : Rôle des bactéries sulfato-réductrices dans la corrosion (dépolarisation des électrodes)]

On prépare une plaque de gélose contenant un tampon phosphate additionné de sulfates ou de benzylviologène. On dépose à la surface deux plaques métalliques en fer, reliées par un fil. Sous une des deux plaques, la cathode, on inocule des bactéries sulfato-réductrices.

Dans le cas des sulfates, on observe un noircissement à l’anode, par suite de la formation de sulfure de fer noir, l'hydrogène sulfuré soluble produit à la cathode étant venu se combiner aux ions ferreux libérés à l'anode (réaction 2). Dans le cas du benzylviologène, il y a noircissement à la cathode, car le benzylviologène réduit par fixation d’hydrogène (réaction 5) est noir.

Dans les canalisations de fer en voie de corrosion, il y a formation de tubercules. À partir de ceux-ci dénommés vésicules gélatineuses (Chantereau, 1980), on a isolé des bactéries oxydantes du fer et des bactéries sulfato-réductrices (Iverson, 1974). Chantereau a proposé un mécanisme de formation de ces tubercules : au niveau de l’anode de polarisation, les bactéries entraînent la mobilisation des ions ferreux et leur transformation en sels ferriques (dépolarisation anodique). Il se forme un amas volumineux de rouille renfermant les bactéries oxydant le fer, suivie d’une dissolution ininterrompue du métal. Sous ces amas, au niveau de la cathode de polarisation, se développent ensuite des bactéries sulfato-réductrices. Au début, ces tubercules sont mous avec une surface lisse, puis ils durcissent et ont une surface ridée. Ils sont creux et renferment un liquide noirâtre à forte odeur d’hydrogène sulfuré. Très jeunes, ils ne possèdent pas cette particularité.

C'est pourquoi ces deux groupes bactériens, seuls ou associés, sont responsables d'un grand nombre de corrosions. La connaissance de leurs propriétés biologiques permet de les mettre en évidence au niveau des corrosions ou dans le milieu environnant, après examen microscopique ou subcultures. On peut alors supprimer les dégâts qu’ils occasionnent en limitant leur croissance par un traitement préventif obtenu en modifiant les conditions du milieu, ou en ajoutant un agent bactériostatique. Seul, un traitement bactéricide efficace permet de les détruire. La désinfection des canalisations où les tubercules sont formés est plus difficile : le désinfectant pénètre mal à l’intérieur des tubercules dans lesquels les bactéries se multiplient. Si les canalisations ne sont pas encore percées, un traitement long avec 10 g de chlore par litre peut être efficace (Chantereau, 1980).

ÉTUDE DE QUELQUES CAS PRÉCIS DE CORROSION

Au laboratoire, on peut mettre en évidence la présence de bactéries viables dans des zones de corrosion et démontrer ainsi leur rôle néfaste. Des revêtements protecteurs peuvent être éprouvés expérimentalement. On peut aussi, avec des cultures pures, déterminer les doses minimales actives d’agents bactéricides et bactériostatiques.

1) Mise en évidence de bactéries viables dans des zones de corrosion

Il s'agissait d’échantillons d'eau, de vase et de points de corrosion à la surface de tambours servant à la prise d'eau d'un circuit de refroidissement d'une usine. L'eau et la vase sont riches en bactéries sulfato-réductrices que l'on retrouve dans les points de corrosion (tableau 2). Leur croissance est favorisée par la pollution de l'eau qui contient des sulfates et des substances organiques et peu d’oxygène.

TABLEAU 2 Dénombrements bactériens (cellules viables par g ou par ml) dans divers prélèvements d'un circuit de refroidissement

Prélèvements Bactéries sulfato-réductrices
Eau 1000
Vase 10 000
Rouille 45

2) Épreuve expérimentale de revêtements protecteurs

Pour étudier l'efficacité des revêtements protégeant les surfaces, on prépare des plaques métalliques en acier doux dont les dimensions permettent leur introduction dans des tubes de milieux liquides inoculés avec des souches pures de bactéries sulfato-réductrices provenant des zones de corrosion. Seules, les plaques rayées présentent des points de corrosion (tableau 3).

Ces essais mettent en évidence la bonne qualité des revêtements éprouvés, puisque les débuts de corrosion n'apparaissent qu’au niveau des rayures.

3) Étude du pouvoir bactéricide d’inhibiteurs de corrosion vis-à-vis d’une microflore complexe

Il s’agit d'une eau destinée à la récupération secondaire dans un puits de pétrole. Les bactéries sulfato-réductrices n’utilisent pas les hydrocarbures mais les produits de dégradation des hydrocarbures par les

-TABLEAU 3-

Recherche de la corrosion de plaques métalliques revêtues d'enduits protecteurs et soumises à l'action de bactéries sulfato-réductrices.

Types de revêtement Présence de points de corrosion
Plaques intactes Plaques rayées
1 - +
2 - +
3 - -

+ = début de corrosion- = pas de corrosion

Autres micro-organismes présents (Pfenning et al. 1981). C'est pourquoi il est important de détruire ou d'inhiber tous les micro-organismes présents dans ces eaux.

Les traitements discontinus doivent être faits à des intervalles réduits, sinon les bactéries sulfato-réductrices se fixent sur les parties métalliques, englobées dans un biofilm protecteur dénommé glycocalyx, de constitution polyosidique (Ruseska et al. 1982). Il faut alors employer des doses beaucoup plus élevées.

Les échantillons d'eau ont été fournis au laboratoire et quatre produits commerciaux éprouvés, dans des conditions définies, vis-à-vis des diverses souches isolées et purifiées. Les résultats sont résumés dans le tableau 4. Ils mettent en évidence que des produits

-TABLEAU 4-

Épreuve de produits bactéricides après 6 h de contact (concentration minimale en p.p.m.).

Produits 443 V 80 4468 D 30 36
24 10 27 41
Souches
Enterobacter aerogenes 200 200 200
Aeromonas sp 200 200 500
Pseudomonas sp 200 200 500
Desulfovibrio desulfuricans 200 200 200
Desulfovibrio africanus 200 200 200

– = pas d'activité bactéricide aux doses éprouvées.

...bactéricides de la même famille chimique (ammoniums quaternaires) sont loin d'avoir la même efficacité et que le pouvoir bactéricide d'un même produit varie suivant les souches.

COLMATAGE DES DRAINS ET DES PUITS PAR LES BACTÉRIES OXYDANT LE FER

Cullimore et Mc Cann en 1977 ont classé les puits en cinq catégories suivant leur nombre de bactéries ferro-oxydantes. Ils montrent que l'efficacité des produits désinfectants dépend de la quantité des bactéries présentes. Certains produits, comme un polymère iodé, sont plus efficaces que d'autres mais, d'une manière générale, ces bactéries sont peu sensibles aux produits désinfectants. Lorsque la désinfection chimique réussit, son efficacité est de courte durée et, en quelques jours, les bactéries prolifèrent à nouveau. La désinfection physique semble plus efficace : les bactéries ferro-oxydantes sont tuées au-dessus de 60 °C et les points colmatés peuvent être nettoyés si l'eau est portée à 65 °C pendant 40 minutes par l'envoi de vapeur d'eau bouillante. Tout indique cependant qu'il faut répéter cette pasteurisation à intervalles réguliers, car les puits nettoyés sont recolonisés. En fait, ni la désinfection chimique ni la désinfection physique ne s'attaquent à la cause de la prolifération des bactéries qui est la composition de l'eau elle-même. Les procédés, tel le Vyredox, qui assurent par oxygénation la précipitation du fer et du manganèse et leur rétention dans l'aquifère même pourraient peut-être éviter la prolifération de ces bactéries.

CONCLUSION

Les bactéries sulfato-réductrices et oxydantes du fer sont responsables d'un grand nombre de corrosions. Leur rôle éventuel dans un processus de corrosion n'est démontré qu'après examen microscopique et subculture si possible. En effet, l'obtention de cultures pures, parfois difficile, est nécessaire pour quantifier le pouvoir bactériostatique ou bactéricide des produits mis sur le marché, et l'on doit se méfier des mécanismes protecteurs.

Il vaut mieux, quand c'est possible, modifier les conditions physico-chimiques du milieu afin de prévenir la croissance bactérienne plutôt que de compter uniquement sur les désinfectants.

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