Le procédé Loïlyse® apporte aujourd'hui une solution à de nombreuses problématiques de traitement d'effluents. Après la validation du procédé sur les effluents hospitaliers, des industries chimiques et pharmaceutiques ont choisi Loïra pour tester la faisabilité de ce procédé concernant le traitement de leurs effluents. Actuellement, ces effluents sont en majeure partie stockés, transportés puis incinérés, procédé énergivore et coûteux. Loïlyse® est une alternative permettant de rejeter des eaux traitées non toxiques pour l'environnement. Aujourd'hui, ce procédé est validé en tant que réponse pragmatique et adaptée à la problématique de plusieurs industriels initiant ainsi la phase de commercialisation de ce procédé. Cette innovation permet ainsi de protéger la ressource eau, les milieux récepteurs et les consommateurs.
Au regard de la loi, le traitement des rejets médicamenteux dans l’environnement n’est aujourd’hui pas obligatoire même si des impacts sur l’environnement et sur l’Homme ont déjà été prouvés (Kavanagh et al. 2004, Bern 1992, Gomes et al. 2004, Kemper 2008, Lindsay et al. 2004, Pomati et al. 2006). Le rapport de l’Académie de Pharmacie propose les pistes d’actions suivantes pour limiter ces impacts et ainsi devancer les futures législations :
- * restreindre autant que possible la dissémination environnementale (mesures de prévention) ;
- * établir une base de données actualisée des quantités de médicaments mis sur le marché ainsi que des listes prioritaires de molécules à rechercher ;
- * surveiller la qualité des milieux environnementaux ;
- * évaluer les expositions potentielles des êtres humains ;
- * développer des approches évaluatives des effets potentiels des résidus médicamenteux sur des écosystèmes ;
- * procéder à une approche globale d’évaluation des risques pour l’environnement et pour l’homme ;
- * développer de nouvelles technologies ou de nouveaux procédés dans le cadre d’une aide à la gestion des déchets (solides ou liquides), pour réaliser des traitements à la source et permettre un saut technologique pour les stations d’épuration spécifiques afin de leur permettre, à un coût socialement acceptable, d’éliminer les traces de mélanges de nano et micropolluants les plus indésirables.
L’objectif du projet Loïlyse® était de répondre de manière pragmatique à ce dernier point. Après de nombreux tests validés
sur des effluents synthétiques (L'Eau, l'Industrie, les Nuisances n° 337), des entreprises ont contacté Loira afin de tester en conditions réelles le traitement de leurs effluents sur la plateforme d’essais installée à Toulouse. Le traitement des effluents hospitaliers va être décrit dans un premier temps, puis le traitement d’effluents dans les industries chimiques et pharmaceutiques pour terminer par les eaux de boisson et la législation actuelle.
Les hôpitaux et les centres de soins
Les médicaments utilisés dans les hôpitaux et les établissements de soins sont très variés. Pour cette raison, les rejets de résidus médicamenteux dans les eaux des centres de soins, issus du métabolisme des patients, sont plus diversifiés mais aussi nettement plus concentrés que dans le réseau d’eaux usées général de la ville. Il est important de préciser qu'un médicament administré à un patient peut se retrouver sous forme inchangée dans les excréta sans être métabolisé. Les effluents des centres de soins sont actuellement rejetés au réseau d’assainissement général relié aux stations d’épuration, inadaptées et inefficaces comme le montrent les concentrations de médicaments qui ont pu être mesurées dans le milieu naturel et résumées dans le tableau 1.
Les médicaments permettant de lutter contre le cancer contenus dans les rejets hospitaliers peuvent être considérés comme générateurs de risques pour les êtres vivants car ce sont des composés appartenant à la classe des « CMR », c’est-à-dire cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction.
D’après le rapport de l’Académie Nationale de Pharmacie, les anticancéreux sont peu dégradables comme la bléomycine, le méthotrexate, le 5-fluorouracil (5-FU), la cytarabine, la gemcitabine ou l’épirubicine : ils sont peu dégradés par les stations d’épuration et peuvent persister assez longtemps en gardant un potentiel hautement toxique.
Tableau 1 : Concentrations de produits médicamenteux mesurées dans le milieu naturel(Rapport de l’Académie Nationale de Pharmacie)
Type de produits rejetés | Concentrations mesurées dans le milieu naturel |
---|---|
Anticancéreux | de 10 à 4 500 ng/L dans les rivières européennes |
Antibiotiques | de 20 à 600 ng/L à la sortie de stations d’épuration (STEP) |
Anti-inflammatoires | de 5 à 5 000 ng/L dans les eaux superficielles de nombreux pays |
Neuroleptiques | jusqu’à 1 000 ng/L à la sortie de STEP et eaux de surface |
Cardiovasculaires | de 40 à 1 070 ng/L à la sortie de STEP |
Produits de contraste | jusqu’à 15 000 ng/L à la sortie de STEP et eaux de surface |
L’Institut Claudius Regaud a pour cela choisi de s’associer au projet Loilyse® en tant que partenaire et membre du comité de pilotage afin de tester les effluents provenant de chambres de chimiothérapie et ainsi tester l’efficacité du procédé Loilyse®. Les molécules majoritaires dans les effluents de ce centre de lutte contre le cancer sont les médicaments anticancéreux, étant donné les traitements qui y sont administrés aux patients. La famille des anticancéreux a donc été étudiée en particulier.
et migrer dans les eaux de surface et les eaux de consommation. L’augmentation de la fréquence des cancers ne fera qu’amplifier leur présence dans l’environnement avec des risques pour le système immunitaire et génétique de la faune et de la flore. Comme le prédisent Castegnaro et Hansel (2006), « si le consommateur est lui-même affecté par les effets immunitaires de ces rejets, et du fait de l'action cocancérogène prouvée pour certaines substances, on pourrait alors assister à une augmentation des cancers humains et donc des traitements anticancéreux, ce qui alimenterait la boucle ». Des médicaments anticancéreux excrétés par des malades sont présents dans les effluents de centres hospitaliers universitaires à des concentrations moyennes de 146 et 109 ng/L avec des pointes de 4 500 et 3 000 ng/L respectivement pour le cyclophosphamide et l’ifosfamide ou des pointes de 3 000 ng/L pour le platine (Balaguer et al., 1999 ; Pillon et al., 2005). Kümmerer et al. (1997) ont montré que l’ifosfamide pouvait résister à une simulation de deux mois de fonctionnement d'une station d’épuration. Les concentrations de ces produits peuvent donc être importantes sachant que la plupart de ces médicaments sont très persistants dans l’environnement car très peu biodégradables (Kümmerer et al., 1997 et 2000). De plus, l’élimination de ces médicaments par le corps humain est assez longue et on les retrouve donc de façon sporadique dans les effluents des stations d’épuration hospitalières mais également dans les effluents des stations d’épuration urbaines.
Nous avons étudié trois antinéoplasiques différents (méthotrexate, 5-fluorouracil 5-FU, doxorubicine) qui sont éliminés complètement par le procédé Loilyse®. L’étude a ensuite été menée sur du perméat provenant de la filtration de l’effluent de l’Institut Claudius Regaud. Ce perméat contient de nombreux médicaments et afin d’étudier la dégradation d'un anticancéreux dans cette matrice biologique réelle, le 5-FU a été ajouté dans le perméat. Les résultats sont présentés sur la figure 1.
D’après la figure 1, la dégradation du produit de départ est totale dans une matrice
Biologique réelle. De plus, il a été vérifié que les produits de dégradation étaient également éliminés, validant ainsi l'efficacité du procédé sur les effluents des centres de soins.
Les industries pharmaceutiques
Les industries pharmaceutiques synthétisent des molécules médicamenteuses. Ces dernières se retrouvent donc dans les effluents de process ou de lavage. Elles sont alors susceptibles d’être rejetées dans l'environnement avec les produits chimiques utilisés en cours de synthèse (détergents, solvants, intermédiaires de synthèse) ainsi que des produits secondaires. Les origines des effluents contaminés peuvent être multiples et provenir des usines de fabrication et des usines de formulation. Les conditions de rejet sont établies par les arrêtés préfectoraux au cas par cas, avec obligation de traitement ou non en fonction des sites et des composés chimiques considérés.
Des sociétés pharmaceutiques ont envoyé leurs effluents sur la plateforme Loira pour leur traitement en conditions réelles par le procédé Loilyse®. 1000 L d’effluents provenant du lavage des surfaces et des pièces d’unités de production d’antibiotiques ont été testés.
Parmi les antibiotiques existants, la dégradation de l'amoxicilline dans de l'eau du robinet par le procédé Loilyse® avait été démontrée.
L'évolution des concentrations de différents antibiotiques présents dans l’effluent industriel reçu ainsi que la concentration en carbone organique totale ont été mesurées (figure 2). Cette figure montre la dégradation des principes actifs ainsi que les matières organiques qui composent ces effluents. Les mêmes tests ont été réalisés avec les effluents d'un autre fabricant de médicaments contenant un anticancéreux et les résultats sont présentés sur la figure 3.
Comme le montrent les figures 2 et 3, la diminution du COT démontre l'efficacité du procédé Loilyse® qui détruit les principes actifs (figure 2) et également les matières organiques présentes dans les effluents, justifiant la minéralisation des composés organiques de départ et également ceux formés au cours de la dégradation. Des travaux sont actuellement en cours avec d'autres industriels.
Les eaux de boisson
On estime généralement que l’eau du robinet est exempte de tout polluant en raison des traitements de potabilisation. Néanmoins si les eaux potables doivent répondre aux normes européennes transcrites en droit français dans le Code de la Santé Publique, les textes spécifient que l’eau de consommation humaine ne doit contenir aucun élément chimique ou microbiologique nuisible à la santé, aucun médicament ne figure dans la liste des paramètres à analyser.
Plusieurs auteurs ont recherché des molécules médicamenteuses dans les eaux de boisson et en ont retrouvé (Tauxe-Wuersch et al., 2005). Jones et al. (2005) ont fait une revue des contaminations des eaux de boisson à travers le monde ; voici quelques exemples de composés présents aux concentrations maximales suivantes (en ng/L) :
- - méthotrexate,
- - bléomycine (13 ng/L – Royaume-Uni),
- - carbamazépine (258 ng/L – États-Unis),
- - gemfibrozil (70 ng/L – Canada),
- - diazépam (23,5 ng/L – Italie).
La présence de molécules xénobiotiques dans les eaux de boisson dépend de l'efficacité des stations de traitement d’eau qui produisent l'eau potable en fonction des technologies utilisées et de la source d’eau utilisée (eaux superficielles, eaux souterraines, etc.).
Des travaux sont actuellement en cours pour travailler avec le procédé Loilyse® sur les eaux de boisson, à la sortie des stations de potabilisation ou avant le robinet chez le particulier.
La législation
Il n'y a encore à ce jour aucune réglementation imposant l’élimination des xénobiotiques dans les effluents mais elle pourrait être rendue obligatoire dans les mois à venir.
En 2009, à l'occasion du Conseil Environnement du 22 décembre, les 27 ministres de l'environnement avaient adopté des conclusions :
« Nous devons, pour protéger notre santé et notre environnement, tenir compte de la manière dont les substances chimiques interagissent. Les travaux d’adaptation de la législation communautaire doivent être mis en œuvre dans les plus brefs délais, dès l’année prochaine ».
Une réglementation européenne est en cours d’élaboration, comme en atteste l'article suivant, paru au Journal officiel de l'Union Européenne (4.3.2006) :
« Article 3 : Les États membres prennent les mesures appropriées pour éliminer la pollution des eaux par les substances dangereuses (liste I) ».
Par ailleurs, le programme Reach (règlement CLP, CE n° 1272/2008 « classification, labelling and packaging »), souligne les notions d’« enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des produits chimiques pour chaque entreprise (décembre 2010 pour les substances, juin 2015 pour les mélanges) ».
On note également la mise en œuvre de la deuxième phase de l’action nationale de recherche et de réduction des substances dangereuses pour le milieu aquatique présentes dans les rejets des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumises à autorisation (janvier 2009) : surveillance, quantification, réduction.
Enfin, un Comité de pilotage et de suivi du plan national sur les résidus de médicaments dans l'eau (PNRM) a été mis en place par Mesdames Roselyne Bachelot et Chantal Jouanno (novembre 2009) suite aux conclusions des tables rondes du Grenelle de l’Environnement.
Des études récentes fournissent des informations pouvant appuyer la création d'une future législation. Besse et Garric (2008) ont publié récemment une méthodologie de priorisation des produits pharmaceutiques basée sur trois étapes :
1- une classification en classes d’exposition (6 classes de I à VI selon l’importance de l’exposition) de 120 molécules et 30 métabolites basée sur l'utilisation des concentrations prédites dans l'environnement (PEC) avec et sans fraction excrétée ;
2- une classification cas par cas en utilisant toutes les données biologiques disponibles, données écotoxicologiques, pharmacologiques, physico-chimiques, et sur les mécanismes d’action ;
3- une priorisation parmi les molécules ayant des structures chimiques et des mécanismes d’action semblables.
Ces principes actifs représentent différentes familles de médicaments : antalgiques, anti-inflammatoires, antibiotiques, antiépileptiques, hormones, parabènes, pesticides, anticancéreux. Il est intéressant de préciser que le paracétamol, le diclofénac, l'ibuprofène, l’amoxicilline, la carbamazépine font partie des 40 molécules-mères que les auteurs ont retenues comme substances pharmaceutiques prioritaires et nous avons montré que le procédé Loïlyse® était capable de dégrader ces produits.
Une solution adaptée
L’élimination du médicament anticancéreux dans le perméat provenant de la filtration de l'effluent de l’Institut Claudius Regaud valide l'utilisation de ce procédé pour le traitement des rejets d’effluents hospitaliers.
Les essais portant sur le traitement d’effluents industriels permettent de valider la possibilité d'utiliser ce type de procédé pour la dépollution des rejets d’industries chimiques ou pharmaceutiques. L’entreprise Loira entame actuellement une collaboration avec des industriels des secteurs chimique et pharmaceutique, et également des élevages industriels, pour mener à bien le traitement de leurs effluents, de la phase de pré-étude à leur commercialisation.
La législation est en cours d’élaboration et le procédé Loïlyse® permet de donner aujourd'hui une solution répondant à la réglementation de demain. ■