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Le procédé Chemfix de conditionnement des boues par solidification

27 février 1976 Paru dans le N°4 à la page 74 ( mots)

La quasi-totalité des activités industrielles sont productrices de déchets, y compris celles mêmes qui se donnent la vocation de détruire ces déchets.

L’incinération, par exemple, produit des déchets solides : les mâchefers, et rejette une partie des poussières contenues dans les fumées dans l’atmosphère. Si les dispositifs d’épuration des fumées sont conçus par lavage ou barbotage, il y aura création d’un déchet supplémentaire : les eaux de lavage chargées de poussières.

Les procédés par voies physico-chimiques, destinés à prendre en charge les déchets liquides à prédominance minérale, se caractérisent par le transfert qu’ils réalisent de la charge polluante du déchet initial dans des boues. La production de ces boues peut aller de quelques % à près de la totalité du volume de déchet initial.

Notre siècle a donc assisté à la naissance d’un nouveau type de déchet, le déchet des déchets : la boue résiduaire. Et force est bien de reconnaître que celle-ci est particulièrement rebelle à tout traitement.

Une boue résiduaire contient sous forme concentrée tout ce que contenait le déchet initial (métaux dissous ou complexés, composés organiques, matières en suspension) dans des proportions variables, mais elle renferme invariablement beaucoup d’eau.

La présence de celle-ci rend les boues délicates à transporter, à stocker et rend vaine toute espérance de voir ces boues retenir durablement la charge polluante qui lui a été transférée.

Pour détruire les boues, on peut avoir recours à l’incinération, notamment en ce qui concerne les boues organiques possédant un certain pouvoir calorifique. Cependant, outre l’investissement que cela suppose, il est souvent nécessaire d’apporter de l’énergie pour fournir la chaleur nécessaire à l’évaporation de l’eau, ce qui n’est évidemment pas satisfaisant.

On peut alors recourir à des techniques de déshydratation, qui nécessitent à leur tour des compléments d’investissement.

Ces techniques donnent effectivement un matériau pelletable, mais n’opèrent aucune destruction de la charge toxique.

La mise en décharge pose alors des problèmes à cause de la capacité d’extraction des eaux de pluie, de ruissellement ou de percolation, à travers la boue, même déshydratée.

L’invention récente du procédé CHEMFIX (1) vient de faire franchir un pas décisif au traitement définitif des boues. D’origine américaine, ce procédé est utilisé depuis près de cinq ans aux États-Unis, au Canada, au Japon et en Grande-Bretagne, où il a permis de traiter plusieurs centaines de milliers de mètres cubes de boues. Il vient de faire son apparition en France.

LE PRINCIPE

CHEMFIX permet de transformer, par adjonction de réactifs, le déchet liquide en un matériau solide, insoluble et inerte, sans engendrer aucun rejet ou nuisance secondaire.

Il s’agit donc bien d’un traitement ultime, n’engendrant aucun autre déchet.

Les mécanismes mis en œuvre par l’addition d’un mélange de réactifs solides, de réactifs liquides et éventuellement d’adjuvants, déclenchent une série de réactions physico-chimiques extrêmement complexes. On peut distinguer plusieurs étapes, notamment la formation de sels insolubles avec les cations contenus dans la boue (les sels métalliques étant parfois analogues au minerai d’où les métaux ont été extraits) et une gélification de vitesse contrôlable.

Cette gélification permet d’emprisonner, dans une structure appropriée, toute la phase liquide ainsi que toutes les matières en suspension contenues dans la boue. Elle réalise un conditionnement de la boue par enrobage extrêmement intime et donc stable.

Le résultat du traitement, le « matériau CHEMFIX », possède dans tous les cas les propriétés de base suivantes :

(1) Marque déposée et procédé breveté dans les principaux pays du monde.

[Photo : Boue chemfixée à la sortie du traitement.]

— Il est solide : ses caractéristiques sont voisines de celles d'une terre argileuse. La solidification devient complète dans un délai de 1 à 3 jours après le traitement.

— Il est insoluble et inerte : c’est là sa qualité principale.

De sa stabilité dépend en effet sa résistance au lessivage des eaux de pluie. Les tests effectués en laboratoire ou en vraie grandeur montrent qu'en règle générale, les concentrations des eaux de lessivage, neutres ou acides, en éléments toxiques sont nettement inférieures à la partie par million.

Cela représente en général une rétention de la pollution de l’ordre de 999 0/00.

En outre, dans de nombreux cas, le traitement CHEMFIX permet de diminuer sensiblement l'odeur du déchet initial.

[Photo : Les 3 étapes de la solidification : en haut à gauche, forme liquide (sortie de traitement). En bas : forme pâteuse (quelques temps après le traitement). À gauche : forme solide (après quelques jours).]

Pour juger de cette insolubilité, une série d’essais de laboratoire a été mise au point aux États-Unis, à partir d'un travail d’approche théorique et aussi de ce qui était constaté sur le terrain.

L’ensemble de ces travaux a permis d’établir quelques caractéristiques générales :

a) La concentration C des eaux ayant percolé à travers le matériau CHEMFIX est décroissante avec le temps (c'est-à-dire avec le volume d'eau ayant percolé) selon la courbe suivante :

C

Temps

b) L’insolubilité du matériau CHEMFIX et donc son pouvoir de rétention est à peu près indépendant du type d’eau (acide, neutre...) comme le montre le tableau 1 où ont été portées les concentrations des eaux de lessivage neutre, acide (pH : 3) et très acide (pH : 1) en différents éléments d’une même boue. Rappelons qu'il est rare que les eaux de pluie descendent en dessous de pH : 5.

En ce qui concerne CHEMFIX, une évolution notable ne se manifeste qu’à partir de pH 1 ou 2.

c) Les essais de lessivage accéléré où l'on simule plusieurs années de précipitation ont montré une excellente tenue du matériau CHEMFIX, étant donné la décroissance des concentrations dont il est question en a). Cependant, rien ne vaut dans ce domaine les essais en vraie grandeur et en temps réel. Le caractère très récent du procédé (les opérations les plus anciennes sont vieilles de 5 ans) ne permet d’avoir une garantie absolue que sur des durées analogues, comme le montre le tableau 2 : une boue chemfixée en juin 1971 a fait l'objet d'essais de lessivage à cette époque et plusieurs mois après (février 1973) : aucune évolution n’a été constatée.

Détermination en laboratoire des réactifs et de leur dosage.

Tableau N° 1.

Lessivage de chaudières

Principaux constituantsLessivage à l'eau (mg/l)Lessivage acide pH = 3Lessivage acide pH = 1
H2SO4HClHNO3Acide acétiqueH2SO4HCl
Cr< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10< 0,25< 0,50
Cu< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10< 0,25
Fe< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10
Cd< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10
Zn< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10
Pb< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10
Ni< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10< 0,10

Tableau N° 2.

Principaux constituantsComposition de la boue brute (juin 71) mg/lComposition des eaux de lessivage (800 cc) mg/l
Juin 71Février 73
Fe7 100< 0,10< 0,10
Zn72< 0,10< 0,10
Ni36< 0,10< 0,10
Pb16< 0,10< 0,10
Cr14< 0,10< 0,10
Al10< 0,10< 0,10
Cu7< 0,10< 0,10
Industries et catégories de déchetsAspect physique du déchet
Métallurgie
Liqueur de décapage :Liquide
Huiles et goudrons :Liquide - Solide
Effluents de neutralisation :Boues
Collecteurs de poussière :Particules solides ou boues
Régénération d’acides :Solides solubilisés
Industrie extractive
Poussier ou crassier :Solides ou boues
Effluents de neutralisation :Boues
Pâte à papier et papier
Liqueur noire :Liquide
Effluents de décanteurs primaires :Boues
Centrales thermiques
Unité de dépoussiérage :Boues ou cendres volantes
Lavage de chaudières :Liquide
Traitement de surface
Métaux dissous :Liquide
Acides et bases fortes :Liquide
Régénération des résines échangeuses d’ions :Liquide
Industrie chimique
Acides forts ou bases fortes :Liquide
Métaux dissous :Liquide
Produits organiques non volatils :Liquide - Boues - Solide
Résines (styrène, butadiène, vinyl...) :Liquide
Peintures et vernis
Pigments :Boues
Boues de peintures :Boues
Déchets de phosphate et de chromate :Liquide - Boues
Industrie anti-pollution
Régénération des boues échangeuses d’ions :Liquide
Concentré de séparation par osmose inverse :Liquide
Concentré de distillation :Liquide - Boues
Boues de stations d’épuration :Boues
Boues provenant d’usines d’eau potable :Boues
Métaux non ferreux
Plomb, Arsenic, Cadmium, Ca…
Liqueurs de décapage (y compris : Mercure) :Liquide
Régénération d’ions :Solides solubles
Poussières de métaux :Solide

Naturellement, la complexité des phénomènes physico-chimiques mis en cause par le procédé rend impossible une détermination purement théorique des quantités de réactifs nécessaires.

C'est pourquoi avant tout traitement, des études de laboratoire sont effectuées sur des échantillons représentatifs du déchet à traiter.

Les utilisateurs français du procédé CHEMFIX bénéficieront de l’expérience acquise ainsi que de la méthodologie mise au point aux États-Unis et perfectionnée en France, qui permettent maintenant une détermination rapide des réactifs à utiliser ainsi que des quantités techniquement et économiquement optimales, pour donner un matériau inoffensif pour l’environnement.

CHEMFIX ne prétend pas être un procédé universel. Statistiquement, environ 10 % des déchets proposés au laboratoire sont déclarés « non traitables » pour des raisons techniques et économiques. C’est le cas notamment des boues contenant des cyanures ou du chrome hexavalent ou encore, mais à forte concentration, du phénol ou de l’ammoniaque dissous.

Quoi qu’il en soit, le champ d’activité du procédé CHEMFIX demeure extrêmement étendu comme le montre le tableau suivant où sont rassemblés, de manière non exhaustive, quelques classes de déchets traitables :

[Encart : Pétrochimie Mélange de pétrole et d'eau souillée Liquide - Boues Solutions acides et basiques Boues Émulsions chimiques. Séparateur API * Mélanges de produits organiques aliphatiques * Mélanges de silice, de plomb, de fer, d’aluminium... * Industries électrique et électronique Solutions à forte teneur en cations (Mercure, tungstène, calcium, magnésium, aluminium, fer.) Boues Industrie alimentaire Excréments Boues Déchets alimentaires * Déchets de fabrication de conserves *]
[Photo : Lagune à proximité d'une usine Ford (États-Unis).]

L'EXPÉRIENCE DES ÉTATS-UNIS

Depuis quatre ans environ, plusieurs centaines de milliers de mètres cubes de boues ont été traités dans une douzaine d'États, dans les entreprises les plus diverses, souvent à plusieurs reprises : FORD par exemple a fait appel 17 fois à CHEMFIX pour le traitement de ses boues.

Les références américaines de CHEMFIX sont les suivantes :

  • Ford
  • I. et L. Steel
  • Utilesc
  • General Telephone et Electronics
  • Caterpillar
  • General Electric
  • Sun Oil
  • Johns Manville
  • Nease Chemical
  • Northern Illinois Gas
  • Whirlpool
  • General Oil
  • Ranco
  • Stauffer Chemical
  • City Ash
  • Cesco
  • Sohio
  • Ashland Oil
  • Ethyl
  • Timken
  • Lone Star Industries
  • Modern Plating
  • Alcoa
  • Arco
  • Exxon
  • Union Carbide
  • 3 M
  • Mobil Oil
  • etc...

Ces entreprises regroupent des branches aussi diverses que la Sidérurgie, l'industrie des métaux non ferreux, l'industrie pétrochimique, la fabrication automobile, l'industrie électronique et le traitement de surface, etc.

Quelques-uns de ces résultats sont résumés dans les tableaux 3, 4, 5, 6, 7, concernant quelques grandes branches d'activité :

Pour des raisons inhérentes à la structure industrielle américaine, ou tout simplement par l’espace utilisable, les déchets boueux sont très souvent stockés en lagunes aux États-Unis.

Le développement de CHEMFIX s'est alors fait dans cette direction, en allant traiter les boues directement chez le producteur, par l’intermédiaire d'une sorte d’usine mobile montée sur semi-remorque.

Cette unité mobile, spécialement mise au point à cet effet, possède tous les équipements nécessaires pour assurer le maintien du dosage des réactifs à leur niveau optimum.

Elle a d’autre part été conçue pour être complètement autonome. Elle possède donc, en plus des stockages de réactifs, tous les dispositifs d'alimentation ainsi que les instruments de contrôle. Le mélange de la boue et des réactifs se fait dans un bac où l’on maintient une agitation intense (situé au milieu du véhicule, sous le plancher).

La surveillance se fait d'une salle de contrôle située juste au-dessus du réacteur. Le volume des boues traitées est mesuré par un débit-mètre de précision. Sa capacité est de l'ordre de 300 m³/jour.

Tableau 3. — Industrie électronique : GENERAL TELEPHONE et ELECTRONICS (Pennsylvanie, U.S.A.)

Principaux constituants de la boue (mg/l) Composition de l’eau de lessivage (mg/l) Pourcentage de toxique retenu par CHEMFIX (%)
1re portion 800 cc 2e portion 800 cc 3e portion 800 cc
Hg 232 < 0,20 < 0,10 < 0,10
Cr 134 < 0,10 < 0,10 < 0,05 > 99,91
Zn 137 < 0,10 < 0,05 < 0,03 > 99,92
Fe 106 < 0,10 < 0,10 < 0,03 > 99,90
Ni 32,3 < 0,10 < 0,10 < 0,10 > 99,69
Cd 19,6 < 0,10 < 0,10 < 0,10 > 99,48
Cu 5,1 < 0,10 < 0,10 < 0,05 > 98,03

Tableau 4 - Industrie pétrolière : Raffinerie : MOBIL OIL COMPANY (Beaumont, Texas U.S.A.)

Composition de l'eau de lessivage (mg/l)
Principaux constituants Composition de la boue (mg/l) 1ᵉʳ portion 800 cc 2ᵉ portion 800 cc 3ᵉ portion 800 cc Pourcentage de toxique retenu par CHEMFIX (%)
Fe 210 < 0,25 < 0,10 < 0,10 > 99,88
Cu 200 < 0,25 < 0,10 < 0,10 > 99,87
Pb 120 < 0,10 < 0,10 < 0,10 > 99,91
Ni 110 < 0,10 < 0,10 < 0,10 > 99,90
Zn 6 < 0,25 < 0,10 < 0,10 > 95,83
Cr 3,1 < 0,10 < 0,10 < 0,10 > 96,77

Tableau 5 - Industrie chimique : STAUFFER CHEMICALS (Chicago, Illinois, U.S.A.)

Principaux constituants Composition de la boue (mg/l) Composition de l’eau de lessivage (mg/l) Pourcentage de toxique retenu par CHEMFIX (%)
1ᵉʳ portion 800 cc 2ᵉ portion 800 cc 3ᵉ portion 800 cc
As 280 < 1,0 < 0,25 < 0,25 > 99,64
Fe 160 < 0,25 < 0,10 < 0,10 > 99,84
Cu 11 < 0,10 < 0,10 < 0,10 > 99,09

Tableau 6 - Industrie métallurgique : I et L STEEL (Illinois, U.S.A.)

Principaux constituants Composition de la boue (mg/l) Composition de l'eau de lessivage (mg/l) Pourcentage de toxique retenu par CHEMFIX (%)
1ᵉʳ portion 800 cc 2ᵉ portion 800 cc 3ᵉ portion 800 cc
Fe 7 200 < 0,25 < 0,25 < 0,10 > 99,99
Zn 162 < 0,25 < 0,25 < 0,10 > 99,87
Cu 126 < 0,25 < 0,25 < 0,10 > 99,80
Ni 112 < 0,25 < 0,25 < 0,10 > 99,77
Cr 51 < 0,25 < 0,25 < 0,10 > 99,50
Mn 34 < 0,10 < 0,10 < 0,10 > 99,70

Tableau 7 - Industrie automobile : FORD (Ohio, U.S.A.)

Principaux constituants Composition de la boue (mg/l) Composition de l’eau de lessivage (mg/l) Pourcentage de toxique retenu par CHEMFIX (%)
1ᵉʳ portion 800 cc 2ᵉ portion 800 cc 3ᵉ portion 800 cc
Fe 500 < 0,10 < 0,10 < 0,10 > 99,98
Mg 170 < 0,10 < 0,10 < 0,10 > 99,94
Zn 100 < 0,10 < 0,10 < 0,10 > 99,90
Ni 97 < 0,10 < 0,10 < 0,10 > 99,89
Cr 81 < 0,10 < 0,10 < 0,10 > 99,87

Le développement économique de CHEMFIX aux États-Unis s'est bâti sur les avantages que possède cette unité par rapport à des filières de traitement plus classiques :

Tout d’abord, aucun investissement n'est nécessaire de la part du client. Ceci est important dans la mesure où une installation fixe de traitement réalisée par le client chez lui doit être dimensionnée sur une production moyenne et est donc susceptible d’être sous-occupée.

C’est également important dans la mesure où les techniques de traitement évoluent rapidement à l’heure actuelle et les installations fixes risquent d'être dépassées avant d’être amorties.

Ensuite, la prestation CHEMFIX est totale, du matériel au personnel spécialisé nécessaire. La facturation se fait au mètre cube traité. Il n’y a donc pas d’aléa pour le client.

L’activité de CHEMFIX aux États-Unis est assez vite passée à une cinquantaine d’opérations de traitement par an, nécessitant l'emploi simultané de plusieurs usines mobiles.

D’autre part, le domaine d’action s’est élargi aux boues de stations d’épuration, moins chargées que les boues industrielles, mais sur lesquelles les résultats les plus marquants sont obtenus dans l’abaissement considérable de la DCO et de la DBO.

LES PREMIÈRES ÉTAPES EN FRANCE

CHEMFIX a fait son apparition en France au début 1975.

La structure industrielle n’étant pas la même et les espaces libres étant moins importants, le lagunage des boues est moins répandu en France qu'aux États-Unis.

Dès lors il est clair que le développement du procédé ne passe plus tout à fait par les mêmes voies. C’est pourquoi les possibilités de mise en œuvre sont poussées dans trois directions distinctes, dont deux ont déjà débouché sur des applications pratiques.

Ces trois directions font référence à l'importance de la production de boues : moyenne avec possibilité de lagunage, très grosse, ou au contraire très petite et moyenne sans possibilité de lagunage.

Moyenne production de boues : l'unité-mobile.

Il n’était bien sûr pas question de négliger le « know-how » américain en abandonnant l'unité-mobile. La première opération française a fait intervenir une usine mobile pour le traitement des boues résiduaires de la Société Quadrimétal-Offset en Normandie, à Avranches (Manche).

L'usine en question fabrique pour l'imprimerie des plaques offset à support métallique, cuivrées et chromées par galvanoplastie. Ces plaques sont lavées à la sortie et l'usine dispose d’une station de détoxication de ces eaux. Cette détoxication engendre des boues qui étaient stockées dans une lagune.

La lagune de l’usine d'Avranches contenait environ 3 000 m³ lorsque l'autorisation de les traiter par le procédé CHEMFIX a été donnée par l'Agence Financière de Bassin Seine-Normandie et le Service des Mines.

L’Agence Financière de Bassin Seine-Normandie a même accordé une subvention à la société Quadrimétal, égale à 50 % du prix de traitement.

Allant plus loin, l’Agence et le Service des Mines ont décidé de faire de cette opération un test pour le procédé. En effet, les boues de la lagune contenaient presque tous les métaux habituels : chrome, cuivre, aluminium, zinc, fer, cobalt, nickel, plomb, manganèse, mercure, plus du sodium, du bore et des sels.

Il a donc été décidé de construire, sur un terrain de l’usine prêté par la société, six fosses d’environ 4 m³ chacune, devant servir à étudier en vraie grandeur, l’action de l'eau sur la boue chemfixée.

Chaque fosse, étanchéifiée par une feuille plastique, contenait au fond un dispositif de drainage, constitué d'un lit de cailloux recouvert d'une couche filtrante et relié à l'extérieur par un tuyau.

À la fin de l’opération de traitement, de la boue traitée a été versée dans cinq des six fosses. Les trois premières ont été alimentées en eau acidulée à pH 5,5, les deux suivantes ont été alimentées en eau de pluie au fur et à mesure des précipitations naturelles, la dernière étant une fosse à blanc pour analyser l’eau de pluie seule.

[Photo : Chemfix – Unité mobile de traitement.]
[Photo : Quadrimétal à Avranches : la lagune de boues brutes non encore chemfixées.]
[Photo : Quadrimétal à Avranches : la solidification en cours des boues chemfixées sur un terrain d'épandage.]

Ces essais ont démarré en février 1975 et se sont terminés en août 1975. Les premiers résultats partiels qui ont été obtenus et interprétés sont très encourageants.

D'autre part, la boue traitée avait été répandue sur un terrain adjacent et a été laissée telle quelle, simplement recouverte d’une mince couche de terre. On constate que la végétation a commencé à pousser.

[Photo : Quadrimétal : le même terrain d'épandage, recouvert d'une mince couche de terre, quelques mois après.]

Grosse production de boues : l'installation fixe.

Pour les très gros producteurs qui ne disposent pas de la place suffisante pour un lagunage ou dont l’opération de traitement nécessiterait l’intervention trop fréquente ou trop prolongée de l’usine mobile, un type d’installation à demeure a été mis au point.

Cette installation permet de traiter en continu ou par campagnes de très grosses productions. Les critères de rentabilité ainsi que la comparaison aux services rendus par l'usine mobile montrent en effet que ce type d’installation fixe ne se justifie que pour les productions de l’ordre de 100 m³/jour ou au-delà.

Cette installation possède les mêmes fonctions que la station mobile, à une plus grande échelle. Le travail de recherche se poursuit en vue de diminuer la taille de cette installation et la rendre accessible à de plus petites productions.

Une opération de ce type a été construite au Centre de détoxication de déchets industriels de Mantes-Limay (Yvelines) pendant l’été 1975. Elle est actuellement opérationnelle.

[Photo : Schéma de l'installation CHEMFIX au Centre de Mantes-Limay (Yvelines).]

Les boues provenant du Centre sont soutirées de l’épaississeur (phase terminale du traitement physico-chimique) et envoyées par canalisation souterraine dans la lagune de stockage, qui reçoit également les boues provenant de l’extérieur.

Cette lagune de stockage a une capacité de 2 000 m³. Elle est étanchéifiée par un revêtement plastique.

Toutes les boues entreposées dans la lagune de stockage sont homogénéisées par un système de drague. Elles sont soutirées par le groupe de pompage 7 et envoyées dans le réacteur 2 placé directement sous le réservoir de stockage du réactif solide 3. Le dosage du réactif se fait pondéralement et le mélange est assuré dans le réacteur par un agitateur.

La régulation et le contrôle sont assurés directement du poste central de commande 4.

Les boues sont alors soutirées du réacteur par le groupe d’exhaure 5 qui assure également le mélange du réactif liquide stocké en 6 et amené par pompe doseuse.

À la sortie, les boues « chemfixées » sont encore relativement liquides et sont rejetées dans une des lagunes de solidification.

[Photo : Le matériau CHEMFIX est disponible pour départ vers un remblai.]

Ces lagunes de solidification ont un volume d’environ 1 000 m³ chacune.

La boue chemfixée étant stable, il n’a pas été nécessaire d’étanchéifier les lagunes de solidification aussi complètement que la lagune de stockage.

Une solution originale a été adoptée : sur le fond et les côtés de chacune de ces lagunes va être disposée une couche d’environ 0,50 m d’épaisseur de boue chemfixée, avec surdosage des réactifs pour assurer une plus grande solidité.

Ce matériau CHEMFIX surdosé constituera les parois solides et imperméables des lagunes de solidification.

En marche normale, les boues solidifiées seront reprises par des moyens classiques de travaux publics et emportées en décharge où elles pourront servir de remblai.

Capable de traiter environ 50 m³/heure de boues, ce qui représente, pour un travail journalier de 8 heures, le traitement de 100 000 m³ par an, l’installation CHEMFIX au Centre de Mantes-Limay constitue le premier exemple en France de traitement ultime des boues résiduaires, intégré à une chaîne de détoxication des déchets industriels.

Petite production de boues : le regroupement

Les petites productions de boues ne peuvent justifier le déplacement de la station, ou imposeraient individuellement un stockage de plusieurs années avant d’atteindre le minimum raisonnable pour celle-ci : environ un millier de mètres cubes.

Par contre, le regroupement de ces boues de diverses origines dans une succursale de regroupement du type mis au point par CHEMFIX en France peut constituer une solution médiane très satisfaisante.

Ce regroupement n’est possible que grâce à la grande souplesse d’application du procédé. En effet, on est expérimentalement sûr actuellement que si deux déchets sont stabilisés par le procédé CHEMFIX, leur mélange l’est aussi.

Il y a même beaucoup mieux : il est possible de traiter un mélange de déchets dont l’un (ou plusieurs) n’est pas justiciable du traitement. Par exemple, on sait que l’ammoniaque dissous à des concentrations supérieures à 400 ou 500 mg/l rend le traitement inefficace. Il est évident que l’on pourra traiter le mélange de 50 m³ de boues ammoniaquées à 400 mg/l et de 50 m³ de boues non ammoniaquées, puisque la concentration globale sera alors descendue à 200 mg/l.

La succursale de regroupement, ensemble de lagunes correspondant à une région limitée, permet de drainer les boues de la région, en diminuant le prix de transport des boues puisque le lieu de traitement se rapproche du lieu de production.

Elle fait malgré tout bénéficier le petit producteur de boues d’avantages jusqu’ici réservés aux moyens ou gros : pas d’investissement à effectuer, évacuation immédiate des boues.

En faisant intervenir l’usine mobile CHEMFIX pour un volume pour lequel elle est conçue, la succursale de regroupement permet en outre de faire bénéficier globalement les producteurs des économies d’échelle maximales à ce stade.

Enfin, placée sous la surveillance de l’agent CHEMFIX local, il est certain que la succursale de regroupement, en rassemblant le traitement de boues dispersées en un seul lieu, facilite le contrôle et la surveillance.

CONCLUSION

Il est possible de voir, dans l’essentiel des solutions proposées, la souplesse du principe CHEMFIX et de son application.

Souple, la solution CHEMFIX l’est beaucoup plus qu’un centre de traitement, qui possède une structure beaucoup plus lourde et nécessite des transports coûteux.

Par contre, sa puissance et son potentiel de traitement sont beaucoup plus faibles, le centre de traitement pouvant prendre en charge une plus grande variété de déchets.

C’est pourquoi il ne faut voir ni opposition ni identité entre les deux solutions. Il s’agit en fait de deux structures complémentaires.

Évidemment, les succursales de regroupement CHEMFIX draineront une quantité de boues qui auraient pu aller dans un centre de traitement. Mais n’est-il pas déraisonnable de transporter, par camions, sur de longues distances, des produits à plus de 80 % d’eau ?

Cette complémentarité est bien mise en évidence dans le cas du Centre de détoxication des déchets industriels de Mantes-Limay. En effet, dès le début, l’installation CHEMFIX a été conçue pour servir de lagune de regroupement de la région Ouest de Paris. C’est donc à la fois une installation de traitement des boues du centre et une succursale de regroupement munie d’une installation CHEMFIX à demeure.

J. TASSONE.

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