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Le procédé Biothane traitement méthanique des eaux usées par lit de boue

29 octobre 1982 Paru dans le N°68 à la page 79 ( mots)
Rédigé par : Paul BOULENGER et Bram VERSPRILLE

Traitement méthanique des eaux usées par lit de boues granulées

Paul BOULENGER ESMIL S.A. France Bram VERSPRILLE ESMIL BV – Pays-Bas

Les vingt dernières années ont vu le développement considérable des procédés d'épuration par voie aérobie (essentiellement boues activées) et dans ce domaine l'industrie française a réalisé un effort important.

Pour bon nombre d’industriels la poursuite de l’effort, même s’il est aidé efficacement par l'organisation mise en place par les Pouvoirs publics, se heurte aux problèmes économiques actuels, en particulier le coût de l’énergie.

Avec les procédés anaérobies, une voie intéressante s’ouvre qui devrait apporter des solutions, sinon plus économiques à l'investissement, du moins nettement plus intéressantes à l'exploitation, en particulier au niveau de l'énergie dépensée et de l'aptitude à faire face aux situations particulières à l'industrie, irrégularités ou interruption de la production, variations importantes des charges.

RAPPEL SUR LES PROCÉDÉS DE MÉTHANISATION DES EAUX RÉSIDUAIRES

Il convient en préambule de faire nettement la distinction entre les procédés de méthanisation : la méthanisation des effluents très chargés en matières solides se pratique fréquemment et elle est très comparable au procédé mis en œuvre pour la digestion des boues de stations d'épuration classiques.

La méthanisation des eaux résiduaires se pose en des termes sensiblement différents dans la mesure où les débits à traiter sont très importants et les concentrations le plus souvent faibles. Le problème à résoudre est celui de l'importance des ouvrages, en particulier pour se situer dans le même ordre de grandeur de temps que pour les procédés aérobies (de quelques heures à une ou deux journées — de l’ordre de un à deux mois pour les effluents riches en matières solides du type lisier).

Par souci de simplification, nous proposons de classer les procédés actuellement connus ou étudiés par générations ; nous ne traiterons que des procédés mésophiles (température opérationnelle 30 à 35 °C).

Procédés de première génération

Ce sont les technologies directement dérivées des procédés de méthanisation employés pour le traitement des boues. Les PROCÉDÉS CONTACTS en sont l'illustration ; ils sont caractérisés par une concentration assez faible des boues méthaniques (10 à 20 g/l) qui sont maintenues en suspension dans le réacteur (par brassage mécanique ou gaz) et que l'on séparera dans un ouvrage distinct en vue de les recycler. Des systèmes combinés permettent de réduire l'encombrement.

Les tenants de cette technologie la présentent comme mieux adaptée au traitement des effluents à forte teneur en DCO ; il est clair que la nécessité de séparer des fortes concentrations de boues implique des débits à traiter faibles si l’on veut limiter l'encombrement des décanteurs. Les charges épuratoires sont en général de l’ordre de 3 à 6 kg de DCO/m³/jour, ce qui correspond à des charges massiques de 0,2 à 0,3 kg de DCO/kg boues/jour. Les décanteurs doivent être calculés sur la base de la charge à décanter et non plus sur la vitesse ascensionnelle. Cette charge se situe raisonnablement entre 80 et 100 kg matière/m²/jour ; ainsi, pour une concentration de boues de 15 g/l, il faut envisager de 7 à 9 m² de clarificateur pour traiter 1 m³/h d’effluent. Il existe en France quelques exemples d’application de cette technique.

Procédés de deuxième génération

Dans certaines conditions physiques (hydrauliques) et biologiques (charge massique) les boues méthaniques ont la propriété de granuler.

L’étude et la mise en œuvre de cette propriété ont conduit au développement des PROCÉDÉS À LIT DE BOUES qui se caractérisent par la possibilité de maintenir dans le réacteur des concentrations de boues plus importantes (en moyenne 45 à 60 g/l), boues qui ne devront pas être séparées dans un décanteur distinct puisqu’elles constituent une sorte de lit filtrant au travers duquel l'eau à traiter percole (figure 1). Les charges épuratoires peuvent atteindre couramment 10 à 15 kg de DCO/m³/jour, soit une réduction sensible des volumes à mettre en jeu.

Ce procédé est encore très mal connu en France ; il compte en revanche de nombreuses applications industrielles en Europe et en Amérique.

[Photo : Schéma de principe du procédé biothane à lit de boue UASB.]
[Photo : Distribution de la boue dans un réacteur en fonctionnement (1973).]

Procédés de troisième génération.

Pour résoudre le problème de la décantation des boues et la possibilité de développer des surfaces de contact importantes entre les effluents et les micro-organismes, on étudie actuellement des PROCÉDÉS À BOUES FIXÉES. Les premières réalisations pilotes sont en cours : les lits sont fixes ou turbulents et les supports sont inertes (sables, matériaux plastiques) ou actifs (charbons, argiles traitées).

Ces technologies ne seront pas réellement disponibles industriellement avant plusieurs années. Pour être compétitives avec les procédés de deuxième génération, elles devront permettre des charges atteignant couramment 20 à 30 kg de DCO/m³/jour et ne pas être trop coûteuses à l'investissement. Il est intéressant à ce propos de se remémorer l'utilisation des bactéries fixées en aérobiose (lit bactérien à garnissage plastique) et de ne pas tomber à nouveau dans les mêmes errements, à savoir le choix de matériaux développant des surfaces insuffisantes et le refus d’adopter des critères de dimensionnement traduisant bien le phénomène biologique.

DESCRIPTION DU PROCÉDÉ BIOTHANE-UASB

Historiquement, les travaux d’étude et de mise au point des procédés ont débuté en 1960 au sein du groupe sucrier néerlandais CSM (Centrale Suiker Maatschappij).

En 1973, l’Université d’Agriculture de Wageningen — Pr. Lettinga — s’intéresse aux travaux de CSM ; le procédé est alors connu du public spécialisé sous le nom de procédé UASB « Upflow Anaerobic Sludge Blanket » ou procédé à lit de boues.

Des pilotes sont réalisés et mis en œuvre de 1975 à 1977 (30 et 200 m³ de capacité) et la première unité industrielle (capacité 800 m³ – 13 t de DCO/jour) mise en service à Halfweg aux Pays-Bas.

À la fin de l’année 1982, 25 installations industrielles seront en fonctionnement dans 5 pays européens et aux U.S.A. Chaque jour 340 t de DCO seront admises dans un volume total de 29 000 m³ seulement (soit en moyenne 11,70 kg de DCO/m³/jour), elles seront épuisées en moyenne à 85 % et la production de gaz méthane pur sera de l'ordre de 90 à 100 000 m³/jour de CH₄ pur soit environ 80 Tep. C’est le groupe Esmil qui est chargé du développement du procédé.

Principe du procédé.

Comme le montre la figure 1, les eaux à traiter sont admises à la base d’un lit de boues constitué de deux couches différentes : en partie basse, un lit de boues granulées dont l’épaisseur peut atteindre 2 à 3 m et

dans la partie médiane du méthaniseur, un lit de boues plus fines qui se transformeront en boues granuleuses. C’est un mélange triphasique (eau, boues fines et gaz) qui émerge à la partie supérieure du lit de boues.

Comme le montre la figure 2, la concentration en partie haute du méthaniseur est inférieure à 5 g/l ; il est alors très aisé d’effectuer la séparation des trois phases par un dispositif statique qui assure la triple fonction de séparateur de gaz — séparateur de boues et de couverture isolante du réacteur.

Nous avons vu que la granulation était en partie liée aux conditions hydrauliques du système ; il est évident que la percolation homogène dans le lit de boues implique une distribution judicieuse et une vitesse d’écoulement contrôlée ; le dégagement du gaz dans la masse du lit concourt à l'homogénéisation de celui-ci, le gaz est produit en microbulles qui se réunissent et s’élèvent lentement dans le lit assurant un mouvement de réarrangement des granulés entre eux sans pour autant perturber le lit de boues plus fines.

La granulation.

Ce phénomène est à l’étude et on ne peut actuellement que proposer des hypothèses ; nous avons au moins la certitude que le granulé n’a pas pour origine une concrétion minérale ou tout autre germe de même origine. La teneur en matières organiques des granulés peut s’élever jusqu’à 90 %.

S’appuyant sur le fait que le procédé avait pris naissance dans l’industrie de la sucrerie et qu’il était employé dans l’industrie agro-alimentaire, certains auteurs ont limité son application aux pollutions hydrocarbonées et même carencées en azote, l’absence d’azote étant présentée comme un facteur favorisant la formation des granulés.

L’expérience industrielle montre qu’il n’en est rien et la granulation est obtenue dans des eaux usées riches en matières azotées comme par exemple celles résultant de la fabrication de l’amidon (3 unités). Une application récente en fromagerie, où la pollution est constituée à 50 % par des protéines, a montré :

  • — un rendement d’épuration supérieur à 80 %,
  • — le développement normal des granulés de boues.

Paramètres généraux du dimensionnement.

D’une manière générale et comme on a pris l’habitude de le faire en épuration aérobie par boues activées, on peut entreprendre une première approche du dimensionnement d’une installation de méthanisation.

Volume du réacteur : la charge moyenne se situe dans une fourchette de 10 à 15 kg de DCO appliquée/m³ de réacteur/jour. Cette charge est d’autant plus élevée que le « découpage » des molécules à digérer sera avancé : on retrouve ici l’influence du phénomène « d’acidification » de l’effluent. Ainsi des charges de l’ordre de 20 à 25 kg de DCO/m³/jour sont pratiquées dans l’industrie sucrière dont les eaux usées ont subi une acidification naturelle dans les bassins de décantation des terres. Remarquons toutefois que même dans le cas d’effluents difficiles à dégrader, on ne descendra pas à des valeurs inférieures à 8-10 kg de DCO/m³/jour.

Rendement de l’épuration : les rendements moyens sont de l’ordre de 75-85 % pour les charges indiquées ci-dessus. Il est tout à fait évident que le rendement va augmenter avec l’adoption de charges plus faibles pour un même effluent ; ainsi certaines applications en R.F.A. visent des épurations de l’ordre de 90-95 % (charges 10-12 kg de DCO/m³/jour) tandis que dans le même type d’industrie on a visé aux Pays-Bas 80-85 % (charges 15-20 kg de DCO/m³/jour).

Production de gaz : elle est directement proportionnelle à la quantité de DCO éliminée. C’est ainsi que sur l’ensemble des installations industrielles actuellement en fonctionnement, on constate une production de l’ordre de 0,3 à 0,35 m³ de CH₄ pur/kg de DCO éliminée (quantités théoriques admises couramment : 0,35-0,38 m³/kg de DCO).

Ce gaz méthane est mélangé au CO₂ provenant de la phase d’acidification et si celle-ci est conduite dans le même réacteur que la phase de méthanisation proprement dite la teneur en CO₂ du biogaz produit pourra atteindre 20 à 30 %, ce qui conduira à une production de l’ordre de 0,4 à 0,45 m³ de biogaz/kg de DCO éliminée.

Dimensionnement proprement dit : les éléments généraux envisagés ci-dessus permettent à l’industriel de jeter les bases d’un premier examen des possibilités du procédé appliqué à son cas particulier et le cas échéant de comparer avec les autres technologies. Une approche plus fine pourra être entreprise avec l’aide d’un spécialiste et se fondera soit sur des exemples connus (installations existantes ou essais pilote industriels) soit sur des essais sur l’effluent particulier.

Le dimensionnement de l’ouvrage lui-même n’est pas, comme la figure 1 pourrait le faire penser, comparable à une fosse Imhoff bien connue des assainisseurs.

Les facteurs à prendre en compte sont les suivants :

  • — au niveau de l’alimentation, on doit assurer à la fois une excellente répartition pour garantir une percolation homogène et une vitesse d’écoulement suffisante pour limiter le tassage du lit,
  • — dans le lit lui-même et en particulier dans le lit de boues plus fines, on tiendra compte de la valeur du flux de gaz produit et on prendra soin que ce flux, s’il
  • – doit aider à l’homogénéisation de la masse boueuse,
  • – ne doit pas perturber sa séparation naturelle avec le liquide à traiter,
  • – au niveau de la séparation des phases, c’est la séparation de la matière solide qui prédominera et déterminera l’importance de la zone de décantation.

Si le principe général du traitement par lit de boues peut être considéré comme connu, la mise en œuvre proprement dite — choix des paramètres, du dimensionnement — et l’obtention des boues granulées sont la propriété et le savoir-faire du constructeur spécialisé.

Caractéristiques particulières du fonctionnement — Application à l’industrie

Le procédé de méthanisation des effluents se révèle particulièrement intéressant pour le traitement des eaux usées de l’industrie. Par différence avec les procédés aérobies, la fermentation méthanique autorise un rejet discontinu : ainsi, dans l’industrie agro-alimentaire qui fonctionne par campagnes, on peut sans dommage stopper l’alimentation des appareils pendant de longs mois. Le redémarrage est très rapide (de l’ordre d’une semaine) et il suffira, quelques jours avant le démarrage des fabrications, de procéder à un « étassage des boues » en appliquant momentanément une légère surcharge hydraulique.

Pendant les interruptions de courte durée (fin de semaine, jours fériés) on interrompra l’alimentation ; la production de gaz s’arrête avec l’alimentation et redémarre dès la reprise de celle-ci.

La figure 3 montre ce phénomène qui présente un intérêt tout particulier au niveau de l’utilisation éventuelle du gaz ; celui-ci étant produit pendant la période d’activité, on ne devra pas envisager de stockage.

[Photo : Fig. 3. – Évolution de la production de gaz en fonction de l’alimentation.]

Important et le plus souvent, un gazomètre-relais permettra de régulariser le flux gazeux avant son utilisation.

Il convient de faire remarquer que l’on a parfois avantage, au niveau de l’investissement, à étaler sur une période plus longue la charge à traiter (réduction du volume du digesteur). La réutilisation d’un bassin tampon permet en outre d’amorcer le processus d’acidification dans un bassin séparé, ce qui autorisera l’application de charges plus importantes sur le digesteur proprement dit sans réduction du rendement d’élimination de la pollution.

RÉPONSE AUX CRITIQUES ADRESSÉES AU PROCÉDÉ

L’avance technologique du procédé et ses nombreuses applications ne sont pas sans susciter un certain nombre de critiques destinées à en réduire l’impact. Nous tenterons de répondre à ces critiques.

Domaines d’application

Par suite de son important développement dans des industries où les concentrations en pollutions sont relativement faibles, certains auteurs ont tenté de cantonner le procédé à lit de boues granulées dans ce domaine : il n’en est rien, et dans diverses industries, des essais pilotes mais aussi des réalisations industrielles en témoignent. À titre d’exemple, nous citerons :

  • — Fabrication de l’amidon : les effluents sont rejetés avec des concentrations en DCO de l’ordre de 20 à 25 g/l. L’épuration par procédé Biothane USAB est effectuée à des charges moyennes de 12 kg de DCO/m³/jour et les rendements sont de l’ordre de 90-95 %. De nombreux essais sur pilotes industriels ont été effectués ou sont en cours (en France en particulier). Trois usines seront opérationnelles fin 1982, l’une d’entre elles traitant actuellement 20 t de DCO/jour avec un réacteur de 1 800 m³ ;
  • — Fromagerie : la taille de certaines usines ne justifie pas la récupération du sérum et l’on rencontre des effluents dont la DCO varie de 20 à 40 g/l avec une charge protéique importante. Des tests très prometteurs ont permis d’obtenir, sur pilote industriel de 6 m³, une réduction de DCO supérieure à 90 % pour une charge appliquée de 12 kg de DCO/m³/jour.

Dans ces deux cas, il a été avantageusement constaté l’intérêt d’une préacidification de l’ordre de quatre heures dans un bassin tampon régularisant le débit de l’effluent à traiter.

En réalité, le problème de la concentration de l’effluent est, semble-t-il, un faux problème et, dans la pratique industrielle, le seul point important est la charge massique appliquée (c’est-à-dire la quantité de

DCO apportée journellement à la masse de boues méthaniques disponible dans le réacteur. Dans tous les systèmes la concentration est réduite par le jeu des dilutions aussi bien dans le système contact où le recyclage des boues représente souvent 100 % du volume à traiter que dans le système à lit de boues où l’on devra recycler des effluents traités pour assurer le flux nécessaire à une expansion minimale du lit.

— Autres industries : procédé relativement récent dans son développement, le traitement anaérobie par lit de boues n’a pas encore été testé dans toutes les industries ; en particulier des industries importantes comme l’industrie chimique qui ont été contraintes de s’équiper depuis déjà de nombreuses années, n’offrent pas encore un champ de développement potentiel important. Néanmoins, des tests ont été réalisés qui sont prometteurs et qui montrent l’intérêt du procédé pour certains rejets très spécifiques et particulièrement déséquilibrés.

Dans d’autres domaines, on devra examiner avec prudence les effets possibles de certaines substances toxiques.

Les matières en suspension.

Le procédé de méthanisation à lit de boues ne tolère que difficilement des charges importantes en matières en suspension et en particulier en matières minérales, les concentrations ne devant pas, en principe, dépasser le rapport DCO/MES = 10/1 dans les cas défavorables. Cette contrainte s’explique aisément par le fait que les effluents vont être véritablement filtrés par le lit de boues qui va ainsi se charger d’une matière dont la fermentescibilité, lorsqu’elle existe, est beaucoup moins rapide que celle des autres formes de pollution.

Si on analyse le phénomène, on constate que la charge en matières solides du réacteur s’accroît rapidement par le fait de cet apport extérieur et on devra procéder à des purges de boues. La production de boues méthaniques étant très faible (de l’ordre de 0,1 kg de matière sèche par kg de DCO éliminée) toute extraction destinée à éliminer les matières en suspension primaires entraînera un appauvrissement en matières actives.

On peut d’ailleurs penser qu’il en est de même pour les autres procédés, en particulier en ce qui concerne les digesteurs contacts dans lesquels les matières en suspension sont piégées au niveau des décanteurs et recyclées et où la purge de ces matières détermine également une perte de boues méthaniques.

En fait, ce phénomène n’est pas apparu nettement dans ce dernier cas dans la mesure où les débits traités sont faibles et les concentrations en DCO importantes ; enfin les temps de séjour plus importants sont plus compatibles avec ceux nécessaires à la fermentation méthanique des solides.

[Photo : Méthaniseur industriel.]

La correction du pH : dangers présentés par l’utilisation de la chaux.

Certains effluents imposent une correction du pH pour assurer la plage 6,5-7,0 généralement requise par le phénomène de méthanisation proprement dit. Compte tenu de son coût plus avantageux, c’est la chaux qui sera envisagée ; sans pour autant récuser totalement son utilisation, il apparaît utile de préciser que dans certains cas :

— les sels insolubles de Ca auront un effet comparable à celui des matières en suspension,

— certains acides organiques précipiteront et il pourra en résulter une chute de la production de méthane.

Facteurs influençant la granulation.

Nous avons vu que le phénomène de la granulation était à l’étude. Disons clairement que les affirmations les plus diverses sur les facteurs favorables ou défavorables au phénomène de granulation sont le plus souvent non fondées quand elles ne visent pas simplement à introduire le doute dans l’esprit des industriels.

La première granulation n’est pas toujours obtenue aisément, même si les conditions hydrauliques et biologiques sont réunies. L’utilisation de boues méthaniques prélevées dans des digesteurs de boues n’a pas donné en général les résultats escomptés ; lors du démarrage de digesteurs industriels, on n’a pas toujours pu obtenir immédiatement les boues granuleuses alors même que des digesteurs industriels en fonctionnement sur le même type d’eau étaient normalement chargés en boues. En revanche, lorsque la granulation est obtenue, elle offre une très grande stabilité et ceci quelles que soient les conditions de fonctionnement.

Pour pallier une éventuelle difficulté de première formation des boues granuleuses, les digesteurs sont livrés avec la charge de boue nécessaire au démarrage normal.

LES AMÉLIORATIONS APPORTÉES AU PROCÉDÉ

Le procédé UASB n’est pas figé à son stade actuel ; des études sont conduites en permanence pour améliorer l’efficacité et la compétitivité.

La séparation des phases.

De nombreux travaux théoriques ont mis en évidence l'intérêt de la séparation des phases acidification et méthanisation. Cette séparation, sans être obligatoire, apparaît souvent intéressante et la pratique industrielle en a montré souvent l’avantage. C’est l’étude de chaque cas particulier qui permettra de confirmer l’intérêt de la séparation ; d'une manière générale, on pourra mettre à profit l'irrégularité des débits pour coupler effet-tampon et acidification, ce qui aura pour résultat une réduction du volume d’ensemble mis en œuvre.

Par ailleurs, le bassin d'acidification ne sera pas seulement un réservoir dans lequel les eaux à traiter vont séjourner : on envisagera d’activer le phénomène, en particulier en y maintenant une population acidifiante en quantité importante.

Les matières en suspension.

Les matières en suspension ne peuvent pas toujours être avantageusement séparées avant traitement pour une éventuelle valorisation. S’il ne s’agit pas de matières inertes (matières minérales) on pourra envisager une « préliquéfaction » ou « prédigestion » de ces matières ; des études sont actuellement en cours qui autorisent un certain optimisme.

LES COÛTS – AMORTISSEMENT

Il est délicat de donner des coûts d’investissements et d’exploitation lorsque l'on aborde un procédé d’une manière générale.

L’investissement en industrie peut varier de façon considérable selon le type d'industrie et selon la sophistication et l'automatisation souhaitées.

Rapporté au kg de DCO rejetée par jour, on aura les gammes de coûts d’investissement suivantes pour des installations non sophistiquées et en fonction du rendement souhaité (coûts 1er semestre 1982) :

  • a) moins de 5 000 kg DCO/jour : de 700 F/kg DCO/jour (rendement 80 %) à 1 200 F/kg DCO/jour (rendement 95 %) ;
  • b) de 5 000 à 10 000 kg/jour : de 450 F/kg DCO/jour (80 %) à 800 F/kg DCO/jour (95 %) ;
  • c) plus de 10 000 kg/jour : de 180 F/kg DCO/jour (80 %) à 500 F/kg DCO/jour (95 %).

Dans la grande majorité des cas, le gaz produit ne sera pas nécessaire au réchauffage des eaux avant digestion. L'utilisation en chaufferie à l'usine est envisageable et déjà couramment pratiquée. L’économie de combustible ainsi réalisée est souvent considérable et concourt à l'amortissement de l’unité. Nous envisageons deux cas :

  • — industrie saisonnière : distillerie d'alcool de betteraves ; pour une unité moyenne produisant 1 500 hl/jour (ou 37 000 kg de DCO/jour) et travaillant 90 jours/an, l’économie de combustible permet un temps d’amortissement de l’ordre de 6 années ;
  • — industrie à production continue : industrie chimique de biosynthèse ; pour une unité rejetant 20 000 kg de DCO/jour pendant 280 à 300 j/an, l’économie de combustible permet un temps d’amortissement de l’ordre de 3 années.

Au niveau de l’exploitation, le procédé n’exige pas de suivi plus délicat que les unités aérobies ; au contraire, pendant les périodes d'arrêt de l'usine, l’installation ne requiert aucun suivi.

L'automatisation est simple et se fait à l'aide de deux paramètres faciles à contrôler : la température et le pH.

PERSPECTIVES

Le nombre de réalisations industrielles (25 en fin 82) et leur taille (jusqu’à 65 t DCO/j) comme la gamme déjà large des industries concernées et la variété des compositions des effluents traités d’une part, les nombreuses études pilotes conduites avec succès à l'occasion de pré-études d’autre part, mettent en évidence le fait que le procédé de traitement méthanique des eaux usées par lit de boues granulées est opérationnel et fiable. On peut émettre l’hypothèse que la structure particulière du marché français de l’assainissement a été peu favorable à sa diffusion.

Ce procédé s’implante normalement dans de nombreux pays (Pays-Bas, R.F.A., Autriche, Suisse, U.S.A., Pays-Scandinaves) et, compte tenu de l’importance de l'industrie française, en particulier agro-alimentaire, il devrait intéresser bon nombre de ses responsables.

On peut sans risque d’erreur affirmer que ce procédé que nous avons dénommé « procédé de seconde génération » offre aux industriels des perspectives avantageuses, en particulier en apportant une solution au délicat problème du coût de l’énergie d’exploitation et de l'amortissement des investissements.

Références

Full-scale anaerobic treatment of beet-sugar waste water K. C. PETTE, R. de VLETTER, E. WIND, W. VAN GILS.

CSM Suiker BV.

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